Que vous soyez trentenaire ou un peu plus jeune, vous connaissez très probablement, de nom tout du moins, le studio Rare. Si tel n’est pas le cas, sachez que ces britanniques passionnés ont développé, durant les années 90’s, des classiques baptisés Killer Instinct, Perfect Dark et GoldenEye 007. Mais ce n’est pas tout, non. Car les bougres étaient surtout connus pour avoir mis la barre très très haut en terme de platformers 3D. Ainsi, c’est bel et bien au studio Rare que l’on doit Donkey Kong Country (1, 2, et 3), Diddy Kong Racing, Donkey Kong 64, ou encore le fameux Banjo-Kazooie. Dans cette optique, 19 ans après ce dernier, voici que débarque Yooka-Laylee. Les plus observateurs diront que c’est le studio Playtonic Games qui s’en occupe, et ils auront raison. Seulement, Playtonic Games est en réalité le « nouveau » studio Rare. Explications.
Test réalisé sur PS4 Pro à partir d’une version fournie par l’éditeur
Rassurez-vous, Rare existe toujours officiellement. Simplement il appartient aujourd’hui à Microsoft. Ainsi, en février 2015, désireux de tenter l’aventure ailleurs, six anciens de la structure so british ont pris la poudre d’escampette pour créer Playtonic. Leur objectif, à partir de là, était donc de réaliser une sorte d’hommage, voire de revival du genre platformer 3D, à savoir le style qui les rendait si reconnaissables aux yeux du grand public. Seulement voilà, lorsque l’on est un tout nouveau studio sur le marché, les moyens financiers viennent vite à manquer, et on a tôt fait de se retrouver le bec dans l’eau. Fruit du hasard ou magie du marketing, le fait est que le financement participatif est devenu en quelques années la solution (un peu trop) miracle à tous les maux que subissent les « jeunes » entreprises. Quoiqu’il en soit, Yooka-Laylee s’étant montré suffisamment intéressant sur le papier, le jeu n’a pas tardé à remporté des sommes colossales offertes par la communauté (pour un total de 2 millions de livres). Ainsi, le soft de Playtonic Games est à l’heure actuelle l’un des jeux les plus backés de toute l’histoire du site Kickstarter.
Projet Ukulélé
Pour l’anecdote, sachez que tous les backers ont leur nom cité dans le générique du jeu. Ces derniers sont tellement nombreux qu’il nous a fallu près de 30 minutes (en vitesse accélérée au maximum) pour atteindre la fin des Crédits… Tout bonnement hallucinant ! Quoiqu’il en soit, et s’il était prévu à la base pour voir le jour sur PC, Mac et Linux, le destin (ou la campagne de financement participatif ayant atteint des paliers astronomiques, c’est selon) a fait en sorte que Yooka-Laylee sorte finalement le 11 avril prochain (soit dans quelques jours à peine), mais pas que sur ordinateurs. Pour notre part, c’est une version PS4 qui nous a été fournie par l’éditeur Team 17 (Worms, The Escapists…), mais le titre sera également disponible sur Xbox One à la même date. Enfin, la version Wii U ayant été finalement annulée, la version Nintendo Switch verra le jour quant à elle en fin d’année. Il est d’ailleurs à noter que Yooka-Laylee sera disponible à un tarif constaté de 39,99€ (en boîte et en digital), soit beaucoup moins cher que la moyenne tarifaire des jeux actuels. En outre, nous avons ici à faire au même prix de vente que celui de l’excellent Ratchet & Clank sorti l’an dernier sur PlayStation 4.
Pour autant, et bien que le postulat de base nous ait charmé, nous nous devons de vous avouer que le produit final nous a laissé dans la bouche comme un goût d’inachevé. En effet, si le jeu a de quoi séduire de prime abord, ne serait-ce que par ses couleurs chatoyantes, le tout manque, selon nous, de polish pour réellement pouvoir s’imposer comme la nouvelle référence d’un genre oublié. Commençons donc par l’aspect visuel du soft, puisque c’est ce qui saute le plus vite aux yeux de tout un chacun. Yooka-Laylee a le bon goût de proposer des teintes de couleurs des plus ravissantes. Hélas, le soft est victime d’un aliasing extrêmement prononcé, notamment sur les ombres. Lors des cut-scenes par exemple, force est de constater que certaines textures piquent vraiment les yeux. D’ailleurs, nous nous attendions à ce que le tout tourne à un framerate de 60 images par seconde, tout du moins sur PS4 Pro. Or il n’en est rien. Cela dit, le véritable souci de ce Yooka-Laylee est ailleurs. Oui, il ne fait aucun doute que l’on est ici face à un titre ayant pour (seul ?) but de nous faire retomber en enfance. Le souci étant que ce sont avant tout les trentenaires qui sont visés via ce fameux Projet Ukulélé (le nom provisoire du jeu, choisi durant son développement). Pour autant, on a sans cesse le sentiment d’être pris pour un bambin… Le jeu ne propose pour ainsi dire aucune véritable difficulté (pourtant ce n’est clairement pas ce qui manquait à l’époque), et la relative lenteur des explications textuelles nous a fait nous demander si l’on ne s’était pas mis par erreur devant un épisode de Dora l’exploratrice (Dora, si tu nous lis…).
C’est dans les vieux pots…
Plus important, il faut bien avouer que c’est l’aspect très ouvert du jeu qui nous a quelque peu dérangé. En effet, bien que Yooka-Laylee ne comporte que 5 mondes à parcourir (les classiques mondes de glace, tropicaux, ou encore marécageux), il faut bien reconnaître que les niveaux sont très grands. Et comme si ça ne suffisait pas, le joueur aura même la possibilité, à condition d’avoir réuni suffisamment de Pagies (les pages arrachées d’un livre, concrètement), d’agrandir encore le monde en question. Un PNJ nous demandera effectivement si nous préférons étirer le level actuel histoire d’explorer encore plus de terrain, ou si au contraire nous préférons dépenser cette fameuse monnaie d’échange pour visiter d’autres lieux. Le souci étant, nous vous le disions quelques lignes plus haut, que Yooka-Laylee propose d’immenses environnements… Tous très vides ! Imaginez plutôt : vous incarnez un lézard qui porte une chauve-souris sur sa tête, vous n’êtes évidemment pas très grand, ni très gros, et on vous demande d’explorer des maps faisant trois fois l’intégralité du jeu Banjo-Kazooie… Chacune !
Fatalement, l’ennui pointe rapidement le bout de son nez, d’autant que les quelques défis proposés ça et là sont d’une relative banalité. Pour autant, force est de constater que si le jeu manque de finition, certains aspects ont clairement été plus travaillés que d’autres. À commencer par l’humour. Oui, Yooka-Laylee est bien souvent drôle, et ce, grâce à des textes que nous avons trouvé très bien écrits. Concrètement, votre périple vous amènera à parler à des tas de PNJ en tout genre. Nuages magiques, serpents escrocs, savants fous… Le choix est large et ce sera très souvent avec plaisir que vous irez à la rencontre des habitants du level parcouru. C’est en effet avec bonheur (et un certain étonnement, il faut bien l’avouer) que nous avons découvert les tirades exprimées au travers de toute cette palette de personnages. Pour vous résumer la chose, vous allez passer votre temps à lire des anecdotes (voire même des piques) envers l’industrie actuelle du jeu vidéo. DLC, Season Pass, financement participatif (!)… Tout y passe, et on sent bien que les développeurs avaient des choses à dire. Le message passe donc d’une bien belle manière, et c’est tant mieux !
En vert et contre tout !
Ce côté décalé n’est d’ailleurs pas la seule qualité flagrante de Yooka-Laylee. En effet, si la patte graphique à la Rare est reconnaissable au premier coup d’oeil, nos oreilles risquent également de sombrer dans une profonde nostalgie à l’écoute des quelques thèmes que comporte le jeu. Composées par des maestros tels que David Wise (déjà à l’oeuvre sur Snake Pass notamment), mais aussi Grant Kirkhope (Banjo-Kazooie, Kingdoms of Amalur: Reckoning…), les mélodies incorporées ici sont bien souvent à la hauteur de la direction artistique employée. Plusieurs compositions resteront un long moment dans votre mémoire, c’est certain, tandis que d’autres nous ont hélas donné des envies de meurtre… Répétitives à souhait et parfois franchement insupportables, ces dernières n’ont pas mis longtemps avant de nous énerver au point de tirer le volume à zéro via le menu Options. Enfin, et avant de terminer ce test par la partie traitant du gameplay à proprement parler, sachez que ce Yooka-Laylee ne bénéficie pas non plus d’une durée de vie colossale. En effet, si le soft vous demandera une vingtaine d’heures en moyenne pour être parcouru en long, en large, et en travers, il est plus inquiétant de constater qu’en quelques jours à peine des dizaines de testeurs professionnels avaient d’ores et déjà débloqué le fameux trophée Platine du jeu (prouvant l’obtention des 35 trophées PSN de base)…
Malgré cela, et c’est selon nous l’une de ses plus grandes forces, le jeu de Playtonic Games a l’énorme avantage de proposer du multijoueur local. En effet, dans divers endroits durant votre aventure, vous croiserez Rextro le dinosaure (lui aussi a d’ailleurs des anecdotes pas piquées des hannetons à vous raconter). Ce dernier tient une salle d’arcade dans le hub du jeu (monde secondaire appelé La Ruche à partir duquel vous accédez aux « vrais » levels) et vous invitera volontiers à tester l’un de ses jeux complètement loufoques, et fatalement très old-school. Ceux-ci, au nombre de 8, sont jouables jusqu’à 4 personnes sur le même canapé. Un vrai plaisir lors de soirées entre amis par exemple. Mais ce n’est pas tout, non. Figurez-vous que Yooka-Laylee est également jouable en coopération, et ce à 2 joueurs en local. Oui, vous avez bien entendu, en compagnie de votre conjoint(e) ou d’un(e) ami(e), vous aurez la chance d’incarner chacun l’une des deux bestioles du duo coloré au travers du mode Histoire ! Force est de constater que l’ajout est des plus appréciables.
Simple, mais efficace
Mais alors, que penser de ce Yooka-Laylee finalement ? Effectivement, à la lecture de ce test, vous serez probablement nombreux à être désorientés. D’un côté, la bande-son est globalement réussie, le jeu est plein d’humour, la direction artistique est charmante, tandis que les différents modes multi sont des plus agréables. De l’autre, certaines musiques sont clairement insupportables, le jeu est parfois très mou, les levels trop vides, et l’ennui y pointe le bout de sa truffe assez rapidement… Peut-être, dans ce cas, que le gameplay finira bien par faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Il faut bien avouer que, hormis les soucis de caméra inhérents au genre et présents depuis toujours, il faut bien avouer que nous avons pris plaisir à incarner le lézard vert Yooka et la chauve-souris violette Laylee. La maniabilité est tout sauf rigide et l’on se régale à débloquer au fur et à mesure du jeu nos pleins pouvoirs. Au début de notre périple, nous serons à peine capables de courir, ou encore sauter. Puis vient l’heure des premiers combats, de la nage, des doubles-sauts, ou encore de la visée manuelle… La progression est tellement bien pensée que l’on se prend à rigoler du fait de ne pouvoir accomplir telle ou telle action sur le moment, faute d’avoir acquis la compétence adéquate. Cela ne veut en effet dire qu’une chose : il vous incombera de revenir sur vos pas dès lors que vous aurez appris ce qui vous faisait défaut jusqu’ici. Un très bon point donc, et c’est tant mieux !
Verdict
N’y allons pas par quatre chemins, nous avons eu un mal fou à noter ce Yooka-Laylee. En effet, bien que nous l’attendions de pied ferme en tant que fans ultimes de platformers old-school, force est de constater que ses tares sont nombreuses. Que ce soit en terme de dynamisme, de durée de vie, voire de level-design, le jeu de Playtonic Games n’est pas très engageant. Pour autant, nous ne pouvons pas faire comme si le soft n’avait pas de qualités, et ce, qu’elles soient cachées du côté de la bande-son, de l’aspect visuel du titre, de son gameplay efficace, derrière son humour décapant ou encore de son multijoueur local. Dans cette optique, nous avons décidé de lui mettre un peu plus que la moyenne, car les idées et le potentiel sont là. Nous aurions juste aimé que le tout bénéficie d’un meilleur traitement.
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