Des licences considérées comme cultes, le Japon nous en a offert un certain nombre. On ne les compte désormais plus, et même si certaines ont encore du mal à s’imposer auprès du grand public, il y en a une en particulier qui semble reprendre sa place dans le cœur des joueurs occidentaux. Il s’agit de Yakuza, la franchise de SEGA faisant pénétrer le joueur dans l’univers impitoyable de la mafia niponne connue pour son code d’honneur strict et indiscutable. C’est donc avec grand plaisir que nous avons accueilli Yakuza Zero en janvier dernier, un titre se déroulant 17 ans avant les évènements du premier opus, sorti lui sur PS2 en 2005. C’est justement celui-ci qui se voit offrir une seconde jeunesse dès aujourd’hui sur Playstation 4.
Test réalisé sur PS4 à partir d’une version physique fournie par l’éditeur, et non pas par le Tojo Clan malheureusement
On s’était dit rendez-vous dans dix ans…
Après avoir sorti Yakuza Zero dans nos vertes contrées, longtemps attendu par les fans, SEGA continue d’exaucer les vœux des amateurs de la célèbre licence en sortant en cette fin d’été 2017 le bien nommé Yakuza Kiwami. Derrière ce titre japonisant se cache en réalité le remake intégral du premier volet (celui de 2005 donc), contant les aventures de Kazuma Kiryu, le charismatique protagoniste phare de la série. Un remake qui ne fait pas les choses à moitié comme nous allons vous l’expliquer dans ces lignes. Pourtant, ce n’est pas la première fois que Yakuza premier du nom refait surface. En effet, en 2012 était déjà sorti le portage HD de Yakuza et Yakuza 2 sous le nom de Ryu ga Gotoku 1&2 (l’appellation originale de la licence au Japon) mais n’a jamais franchi les frontières nippones. Portage qui sortit également sur Wii U, au plus grand étonnement des fans, puisque ce sera la seule fois dans l’histoire de la franchise qu’un jeu estampillé Ryu ga Gotoku sortira sur une plateforme autre qu’une PlayStation.
L’annonce de Yakuza Kiwami avait donc de quoi ravir les joueurs, puisqu’il offre l’occasion à ceux qui l’ont loupé sur PS2 de découvrir les premières aventures de Kazuma Kiryu, et permettra aux amateurs de redécouvrir un titre qui, à l’époque, figurait parmi les plus onéreux en terme de coûts de développement. Le titre était déjà impressionnant à sa sortie et avait su marquer les esprits, puisqu’il fut considéré par beaucoup comme le successeur spirituel de Shenmue. Si sur PS4, le titre n’a malheureusement pas été développé avec le même moteur graphique que Yakuza 6 (le Dragon Engine) on y retrouve malgré tout le savoir-faire présent notamment dans Yakuza Zero, avec hélas un ensemble parfois un peu moins fluide. Là ou l’opus Zero affichait du 60 fps constant et sans failles, Kiwami accuse parfois quelques légers ralentissements. On y retrouve toutefois le même souci du détail dans les visages des protagonistes aux expressions parfois criantes de réalisme.
Pour autant, les personnages secondaires ne bénéficient pas du même traitement et les PNJ qui ornent les rues de Kamurocho semblent avoir été réalisés avec un peu moins de soin que dans Yakuza Zero. Mais ne vous y trompez pas, en sa qualité de remake, Yakuza Kiwami est un titre de grande qualité. La licence a toujours accusé un brin de retard techniquement parlant, mais a su se montrer presque avant-gardiste dans sa façon de proposer une large liberté aux joueurs, grâce notamment à des missions secondaires qui peuvent survenir à tout moment (sans pour autant nous forcer à les mener à bien). Peut-être est-ce parce que Yakuza Zero nous a laissé un souvenir impérissable que ces petits détails ont immédiatement sauté aux yeux de votre serviteur. Toujours est-il que le plaisir de jeu est, lui, retrouvé dès la première minute.
La vengeance est un plat que l’on mange avec les poings
Exit les années 80 donc, la musique disco et les devantures kitsch des enseignes nipponnes puisque le jeu démarre ici en 1995. Kiryu, maintenant surnommé le Dragon de Dojima a acquis une solide réputation, à un tel point qu’il se murmure dans le milieu qu’il pourrait monter sa propre famille. Tout allait pour le mieux, jusqu’au soir ou Yumi, l’amie d’enfance qui a grandi avec lui et Nishikiyama dans le même orphelinat, a été enlevée par Sohei Dojima dans le but d’abuser d’elle. Il n’en faut pas plus au dragon pour se lancer immédiatement à la recherche du patriarche déchu. Problème : en arrivant sur place, il découvre le corps de Sohei Dojima d’ores et déjà inanimé, baignant dans son sang, et Nishikiyama un revolver à la main. Il décide alors de se porter responsable du crime face aux autorités et se voit emprisonné pendant 10 ans, avant d’être libéré sur parole. Son retour à Kamurocho lui permettra alors de constater à quel point les choses ont changé en une décennie. En 2005, Nishikiyama n’est plus vraiment celui qu’il a connu, Yumi est portée disparue et président Sera est retrouvé assassiné dès sa sortie de prison.
La narration a toujours une place importante au sein de Yakuza Kiwami, et les 30 minutes de cinématiques ajoutées à ce remake en sont la preuve. Parmi ces nouveaux pans de scénario, on retrouve par exemple toute l’histoire qui tourne autour de la bague de Yumi, offerte par Kiryu. Des petits ajouts qui offrent de la consistance à l’ensemble et qui viennent grossir le background du titre, comme s’il n’était déjà pas assez étoffé comme cela. Les dialogues sont d’ailleurs toujours aussi bien écrits, avec quelques petites références à Yakuza Zero ici et là. Il faudra apprécier les longues tirades et souvent faire preuve de patience, mais comme nous vous le disions dans le test de la préquelle sortie en début d’année, les joueurs qui oseront franchir le pas découvriront une aventure comme on en vit rarement sur consoles et PC. Il faut dire que l’univers de la mafia japonaise est peu présent dans le paysage vidéoludique, et c’est d’ailleurs ce qui a motivé SEGA à l’époque à se lancer dans la production de la licence.
Outre les ajouts concernant le scénario, SEGA a mis les petits plats dans les grands afin d’adapter le gameplay des combats de Yakuza. Alors que Kiryu ne disposait que d’un seul style de combat dans la version PlayStation 2, il disposera ici des 3 catégories disponibles dans Yakuza Zero, et ce, dès le début du jeu, à savoir les styles Brawler, Rush et Beast. Inutile de s’éparpiller sur ces derniers qui portent bien leurs noms et qui n’auront aucun secret pour les possesseurs de l’opus 0. Mais que serait notre yakuza préféré sans son style de combat de prédilection ? Ainsi, alors qu’il fallait le débloquer dans Yakuza Zero, le style Dragon of Dojima sera d’office utilisable ici.
Et question combat, il va falloir faire parler les poings pour améliorer le protagoniste comme il se doit. Exit les centaines de millions de yens dépensés pour améliorer les différents styles de combats. Ici, l’on gagne de l’expérience après chaque combat ou quête secondaire, qui se transformera en points d’experience. On pourra ensuite les dépenser dans 3 différentes catégories : Soul (qui englobe tout ce qui touche aux attaques Heat), Body (améliore la force, l’attaque etc) et Technique (qui offre de nouveaux mouvements pour les 3 styles de combats). Concernant le style Dragon of Dojima, les aptitudes se débloqueront au fur et à mesure des différents affrontements contre le Mad Dog of Shimano : Goro Majima. Croyez-le ou non, notre yakuza au cache-œil a bien changé en 10 ans et il porte mieux que jamais son surnom. Avec la fonctionnalité Majima Everywhere, les développeurs ont ajouté ici et là des combats qui pourront survenir à tout moment. Si ce dernier veut absolument surprendre Kiryu quand il s’y attend le moins, on voit assez souvent la chose venir et le tout est généralement mis en scène de façon complètement absurde. Vous l’aurez donc compris, on adore, forcément.
KIRYUUUUUU-CHAAAAAAAAAN
La ville de Kamurocho a beau avoir changé en 10 ans, la map, elle, est restée la même (et autant vous y faire car elle restera identique dans absolument tous les jeux Yakuza). Le terrain de jeu sera donc plus restreint que dans 0, mais cela ne l’empêche pas d’être encore plus vivant qu’auparavant. De nuit, les néons et enseignes illuminent les rues qui fourmillent de salary-men ayant un peu trop bu et de couples savourant une nuit en amoureux, tandis que de jour l’immensité des grandes allées de la ville et la Millenium Tower auront vite fait de vous faire tourner la tête. Les activités sont toujours aussi nombreuses et variées et on en retrouve bon nombre tirées de l’opus précédent. Ainsi, les courses de voitures télécommandées font leur retour, auprès des habituelles parties de bowling, fléchettes, billard, karaoke et on en passe. Un casino clandestin sera également de la partie si vous sentez que la chance est de votre côté.
Les légendaires jeux d’arcade (OutRun et Space Harrier notamment) laissent désormais place à MesuKing Battle, une discipline qui reprend le concept à la fois du Shifumi et du Catfight. Discipline que Kiryu découvrira d’ailleurs à l’aide d’un jeune garçon, ce qui a de quoi laisser songeur quand on sait à quoi ressemble les… Combattantes. Enfin, cette fois-ci, il ne sera plus question de gérer un club d’hôtesses durant vos heures perdues, mais bel et bien de passer du temps avec elles. Il faudra alors trouver les mots justes et utiliser de vos yens sonnants et trébuchants afin de leur en mettre plein les yeux (!) et ainsi leur donner envie de passer du temps avec vous de nouveau. Ce qui pourrait sonner comme une activité totalement anodine peut parfois donner lieu à des dialogues pour le moins cocasses et permettra même d’approfondir légèrement le scénario. Rien n’est vraiment laissé au hasard, quand bien même le jeu tente de nous le faire croire.
Yakuza Kiwami porte bien son nom. Kiwami signifiant « extrême », le jeu nous fait vivre une aventure saisissante avec tout ce savoir-faire nippon, parfois exagéré mais au cachet indéniable que l’on ne retrouve plus dans le cinéma du genre. Il est toujours aussi appréciable de déambuler dans les rues de Kamurocho afin de continuer la quête principale et de se perdre dans les ruelles sombres de la ville afin d’y résoudre quelques quêtes annexes ou tout simplement de se frotter à la racaille toykoïte. C’est d’ailleurs le plus gros point fort de la licence, celui de nous laisser libre de nos mouvements, n’imposant aucun rythme de jeu au joueur.
Évidemment, il serait bien dommage de se contenter du scénario en ligne droite, puisque cela reviendrait à passer à côté de détails, pas forcément cruciaux, mais qui permettent d’appréhender l’ensemble de la meilleure façon qui soit. La durée de vie du jeu dépendra alors entièrement de la façon dont chacun joue, elle peut donc passer de 25h pour qui se contentera de l’histoire principale à plus du double pour les plus intéressés. Quant aux acharnés du trophée Platine, ils peuvent facilement envisager de passer près d’une bonne centaine d’heures en compagnie de Kiryu-chan, d’autant que certains mini-jeux sont jouables à 2 en local (le bowling, les fléchettes et le billard). Loin d’être forcément ceux auxquels on penserait pour une soirée couch-gaming endiablée, ils s’avèrent finalement sympathiques le temps de quelques parties. Et cela a au moins l’avantage de détendre, entre quelques fracassages de crânes et autres montées d’adrénaline provoquées par l’intensité de l’histoire.
Verdict : 8/10
On savait Toshihiro Nagoshi amateur de lifting, et pas seulement en HD, mais nous étions loin de nous imaginer que ce remake de Yakuza serait aussi qualitatif. Pour sa sortie en France, il aurait mérité d’être éventuellement renommé afin de ne pas perturber les joueurs qui auraient l’envie de se lancer dans les aventures de Kazuma Kiryu avec le premier opus, le terme Kiwami n’étant pas des plus parlants par chez nous. Pour autant, on en viendrait presque à penser que le terme remake ne correspondrait pas, tant il s’agit probablement de l’un des meilleurs jamais produits, reléguant Crash Bandicoot N.Sane Trilogy au niveau des remakes bas de gamme. C’est dire la qualité de cette ré-adaptation du premier opus de la franchise, pourtant pas exempte de défauts. Yakuza était culte, Yakuza Kiwami sera culte et incontournable. Et tel le cri viril d’un yakuza assénant le coup fatal à son adversaire, on hurle de plaisir, et on en redemande. Ça tombe plutôt bien, Yakuza 6 arrivera chez nous le 20 mars prochain, et Yakuza Kiwami 2 vient d’être annoncé pour le 17 décembre au Japon (croisons les baguettes pour qu’il finisse par arriver en France, lui aussi). Vous l’aurez compris, la légende du Dragon n’est pas prête de s’éteindre.
Laisser un commentaire