Rappelez-vous. Nous sommes en 2014 quand un obscur jeu gratuit débarque sur la plateforme de téléchargement de Sony. Développé par un studio inconnu au bataillon, 7780s Studio, P.T. (pour Playable Teaser) aura su terrifier les joueurs avec un concept simple mais excellemment mis en scène : parcourir la même portion de couloir encore et encore, des événements nouveaux venant modifier l’expérience au fur et à mesure des passages, alors qu’une sinistre entité fantomatique hante les lieux. Il faudra arriver au terme de l’expérience pour découvrir que cette énigmatique démo était en réalité un préambule à un tout nouveau jeu Silent Hill avec Norman Reedus (The Walking Dead, Death Stranding) au casting et Hideo Kojima aux manettes, en collaboration avec le réalisateur espagnol Guillermo Del Toro. Malheureusement, le destin décida de mettre un terme au projet avec le renvoi de Hideo Kojima de Konami. Même si nous n’avons jamais disposé du jeu final, cette expérience fut suffisamment marquante pour influencer les créateurs et donner naissance à divers projets. Parmi eux, Visage s’affiche comme un potentiel fils spirituel. Après un crowdfunding réussi et deux ans d’accès anticipé, nous voilà enfin face à cette porte, prêt à nous engouffrer dans l’horreur tel Alice dans le terrier du lapin blanc. Planquez les gosses.
Test réalisé sur PS4 grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur.
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L’antre de la folie
Après une introduction qui a tout l’air d’un suicide collectif, Visage nous met dans la peau de Dwayne Anderson, un homme chez qui rien ne semble tourner très rond. Au fur et à mesure de notre progression, la personnalité de Dwayne sera peu à peu révélée par l’intermédiaire de cutscenes narratives ou bien de divers objets avec lesquels nous pourrons interagir. Cependant, Visage reste extrêmement évasif sur certains points que nous mentionnerons plus tard. Comme dit plus haut, Visage reprend les grandes lignes de ce que P.T. nous proposait en son temps. Vous n’aurez pas accès qu’à un simple couloir se répétant en boucle, mais à une maison intégralement visitable et dont la superficie n’est pas négligeable. Découpé en quatre chapitres, Visage a pour but de nous enfoncer petit à petit dans l’horreur en nous révélant les sombres secrets qui entourent la famille Anderson. Si le quatrième chapitre s’avère être la conclusion du jeu, les trois précédents peuvent être débutés dans n’importe quel ordre et ont pour sujet un des membres de la famille : Lucy, Dolores et Dakan – vous aurez compris que le quatrième chapitre comprendra Dwayne lui-même.
Visage prend la direction d’un FPS dans lequel le joueur sera très souvent désarmé. Pour seuls compagnons, Dwayne pourra dénicher ici et là quelques bougies, ampoules, briquets ou encore des pilules pour calmer sa santé mentale. Car oui, à la manière d’un Amnesia, Visage joue avec votre psyché. Que ce soit par le biais de l’obscurité ou bien d’événements paranormaux (porte qui s’ouvre ou se ferme d’elle-même, lumières qui vacillent, objets électroménager s’activant d’eux-mêmes, etc.), votre personnage verra son pic de panique s’affoler. Scindé en deux phases, un petit nuage rouge apparaitra dans le coin inférieur gauche quand la panique commencera à prendre Dwayne. Ignorez cet avertissement et un cerveau viendra se greffer en superposition à ce nuage pour vous indiquer que la folie commence à prendre possession de Dwayne. Cela aura pour but d’accentuer le nombre d’évènements paranormaux ainsi que les risques de croiser une entité fantomatique qui sera susceptible de vous pourchasser. Pour calmer une crise, restez auprès d’une source de lumière ou bien utiliser des pilules que vous pourrez dénicher un peu partout dans cette vaste demeure. Bien sûr, les entités hantant la maison sont taquines et pourront éventuellement éteindre votre source de lumière, voire rendre HS les ampoules que vous devrez remplacer vous-même.
Les rencontres avec les défunts habitants de la maison sont toujours source de stress, néanmoins, ces derniers opèrent une routine. Encore à la manière d’Amnesia, les fantômes ne se contentent pas de vous poursuivre indéfiniment. Au contraire, ils se cantonnent à des bouts de couloirs et salles délimitées. Pour exemple, si l’un d’entre-eux vous poursuit depuis le hall d’entrée et que vous courrez vous réfugier dans le garage, le fantôme ne devrait (en théorie) jamais entrer dans le garage. Une fois que l’on comprend ce fonctionnement, cela permet d’appréhender un peu mieux le stress pour les plus anxieux d’entre-nous. Évidemment, on est jamais à l’abri d’une vilaine surprise qui nous fait bondir de notre chaise.
Wall Bumper Simulator
La propriété des Anderson est relativement grande. Lorsque vous débutez un chapitre, Visage tente de vous orienter vers votre objectif et ce de diverses manières. Que ce soit par l’intermédiaire des vidéos à collecter, de passages bloqués pour vous limiter à une zone, ou bien par l’utilisation d’objets clés, le jeu varie les idées pour que l’expérience ne tourne pas trop en rond. Malheureusement, la recette ne fonctionne pas toujours comme voulu. A ne pas vouloir utiliser un rappel d’objectif que l’on aurait pu aisément retrouver dans le menu du jeu, la progression s’en retrouve très souvent freinée. Il n’est pas rare que l’on retourne le moindre centimètre carré de la maison à la recherche du script ou de l’objet qui fera avancer la narration. Le travail de recherche parfois fastidieux peut s’avérer d’autant plus laborieux quand les événements paranormaux viennent vous rajouter une pression supplémentaire. Cela rend le jeu bien plus long qu’il ne l’est réellement, la durée de vie moyenne étant située entre 6 et 8 heures selon le type de joueur que vous êtes. Encore pire, certains bugs peuvent tout simplement vous bloquer. Pourtant déjà pointé du doigt en 2018 lors de sa phase en accès anticipé, le bug de la masse n’apparaissant pas dans le casier (casier au sous-sol censé regrouper les divers objets clés), peut tout bonnement vous obliger à reprendre votre partie de zéro comme cela nous est arrivé. Un bug extrêmement frustrant qui, on l’espère, sera enfin corrigé par SadSquare Studio.
Autre problème, la gestion de l’inventaire chaotique. Nous ne nous avancerons pas sur la version PC de Visage, cependant, en ce qui concerne celles des consoles cela s’avère peu clair et souvent chaotique. La faute à une multitude d’options que la manette ne peut pas gérer de par son nombre limité de touches. On se retrouve très souvent à lâcher un objet ou bien à ne pas réussir à équiper l’item souhaité du premier coup. Encore une fois, le sentiment d’urgence qui peut nous getter à ce moment-là peut compliquer les choses. Car oui, même si vous entrez dans les options, le jeu continue sa routine. Il est bon de savoir que la « pause » réelle n’est pas prise en compte par une simple pression du bouton Option. Il vous faudra sélectionner ladite option dans les menus pour que le cauchemar prenne congé le temps de votre inactivité.
Les bruits de la maison
S’il y a bien quelque chose que l’on ne peut pas retirer à Visage, c’est bel et bien son ambiance. Rare sont ceux qui arrivent encore à nous proposer des expériences flippantes avec la qualité d’un double, voire d’un triple A par moments. Visage arrive à combiner la peur et la panique avec des visuels parfois vraiment bluffants, même sur PlayStation 4. SadSquare Studio propose de véritables idées de mise en scène – certaines pouvant rappeler un certain Layers of Fear. Vient s’ajouter à cela un sound design aux petits oignons qui renforce la sensation d’oppression. Les quelques lignes de dialogues sont, eux aussi, soignés. Assez rare pour être souligné, bien que les dialogues soient exclusivement en anglais, Visage comporte une multitude de sous-titres dont le français ! Un ajout appréciable, souvent absent des jeux de cet acabit. Visage comporte également son lot de références et d’easter eggs à P.T. et à Silent Hill de manière générale, et plus encore.
Malheureusement, Visage comporte son petit lot de points noirs. Outre ceux mentionnés précédemment concernant la progression, la gestion de l’inventaire et le potentiel blocage de la partie, la narration n’est pas non plus des plus exceptionnelles. Même si chaque chapitre comporte des idées intéressantes, la qualité narrative s’avère en dent de scie, le dernier chapitre réservé à Dwayne apparaissant être le plus faible avec un final que l’on voir venir à des kilomètres. En plus de cela, Visage comporte deux fins mais aucune nous satisfait ou répond à nos questions. Qui est Dwayne ? Qu’est-ce qui a pu inciter son geste de départ ? Le jeu n’y répondra jamais vraiment. Tout ne reste que suppositions. À croire que les développeurs n’avaient pas d’idées pertinentes pour conclure leur aventure. Certaines énigmes pâtissent aussi de ce manque de clarté dans la narration, notamment celles reposant sur un système de cassettes vidéo à visionner sur le magnétoscope du salon. Mêlant images de souvenirs et lieux à découvrir, on s’y reprend souvent à plusieurs fois avant de comprendre quoi faire. Il arrive aussi de passer un événement important et de devoir revenir sur une cassette précédente pour de nouveau faire avancer l’intrigue.
Verdict : 7/10
Si vous arrivez à passer outre les quelques défauts du jeu et que vous êtes ici seulement pour mouiller votre pantalon un bon coup, alors Visage est pour vous. Son ambiance vraiment flippante nous fait craindre le moindre pas ou ouverture de porte. De plus, la présence de l’aléatoire dans l’intervention de certains évènements paranormaux à toujours son petit effet même après plusieurs heures de jeu. Pour les autres qui recherchent le frisson mais également une histoire prenante teintée d’horreur psychologique, Visage risque de vous décevoir de par son propos qui s’avère banal et dont aucune des fins ne brille vraiment d’ingéniosité.
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