Ils ont beau être moins connus pour le très timide Remember Me que pour l’excellent Life is Strange, il ne faut pas oublier que les petits français de chez Dontnod ont eu la chance de pouvoir être publiés chez des éditeurs de renom. Entre Capcom pour le premier et Square Enix pour le second, il y a de quoi attiser quelques jalousies dans le paysage du jeu vidéo français. D’ailleurs, les développeurs ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin, puisque leur prochaine collaboration sera éditée par Bandai Namco, l’éditeur qui a su miser sur le bon cheval lorsque The Witcher 3 était encore en préparation. On ne nous contera pas à nouveau l’histoire, vous la connaissez très bien, puisque désormais les développeurs de la dernière aventure en date de Geralt de Riv se lancent complètement en solo pour le très attendu Cyberpunk 2077. Reste qu’en attendant Twin Mirror, c’est sur Vampyr que nous nous sommes fait les crocs afin de voir comment s’en sort le studio français lorsqu’il est question de s’essayer à l’Action-RPG saupoudré d’une narration à sa sauce.
Test réalisé sur PS4 à l’aide d’une version physique fournie par l’éditeur, le tout sans bain de sang
Merci, beau cou
On ne va pas se mentir, lorsque Dontnod a annoncé travailler avec Focus Home sur Vampyr, l’étonnement était à son comble. Alors que sur ses précédents projets, le studio français s’était entouré de grands noms, lui permettant une exposition et des moyens certains, il a fait ici le choix de travailler main dans la main avec un éditeur qui n’est pas forcément des plus réputés. Attention, n’y voyez pas là une once de jugement, d’autant que l’éditeur possède un catalogue somme toute sympathique avec des titres solides. Néanmoins, pour son projet le plus ambitieux à ce jour, ce n’était peut-être pas le choix le plus pertinent. Parce qu’il convient de souligner, et ce, d’entrée de jeu, que Vampyr est un jeu qui a de grandes ambitions. Il a beau n’être que le troisième chérubin de Dontnod, il n’en reste pas moins un titre qui possède clairement l’âme d’un AAA outsider, celui qui frappe et surprend là où on ne l’attend pas. Malheureusement, il n’en a que l’âme, et pas les moyens. Pour autant, on sent clairement le désir des développeurs de mettre les petits plats dans les grands, l’envie de réaliser un grand jeu.
Souvent, le jeu vidéo a mis en scène cette créature fascinante qu’est le vampire. Mais il s’agissait généralement de l’affronter, comme en témoignent les nombreux opus de la licence Castlevania. Et on arrête de suite les petits smart ass qui se serviraient de l’argument Symphony of the Night pour remettre en question nos propos, puisqu’il s’agit probablement de l’une des rares exceptions à la règle. Avec Vampyr, Dontnod opte pour un parti pris résolument différent, puisque l’on y incarne un jeune vampire (Bien que le terme exact serait plutôt Ekon, si l’on se fie au lore du jeu) officiant en tant que médecin qui semble bien peu satisfait de sa condition de créature de la nuit. En effet, ce dernier n’a pas vraiment demandé à être transformé, et cela le poussera d’ailleurs à commettre l’irréparable dès les premiers instants du jeu, à savoir tuer sa tendre sœur, afin de rassasier sa soif de sang. Dès lors, notre protagoniste maudira son statut de revenant et se donnera pour mission de trouver un remède à cela.
L’histoire prend place dans la ville de Londres en 1918, alors que le docteur Jonathan Reid a été démobilisé du front durant la première guerre mondiale. La capitale anglaise est en proie au chaos puisqu’une épidémie de grippe espagnole fait rage, alors qu’elle peine à se remettre de ses stigmates de la Grande Guerre. Qui plus est, des d’attaques perpétrées par des vampires ont été recensées, instaurant un climat de crainte chez certain et poussant des milices populaires à instaurer des chasses aux créatures nocturnes. L’ambiance s’installe donc très vite et pose les bases d’un monde en proie au désespoir, le tout prenant place dans une ville presque insalubre et dont l’architecture typique de l’époque offre une atmosphère sombre et gothique. Les amateurs sauront apprécier la direction artistique qui n’est pas sans rappeler celle de Bloodborne par From Software.
Je mords, tu meurs, ils meurent…
Très vite, le jeu nous met face à de nombreux PNJ auxquels on pourra choisir de discuter plus ou moins longuement, en fonction de notre propension à supporter les dialogues. Dans l’ensemble, s’intéresser aux personnages et à leur histoire permet non seulement d’en apprendre plus sur les événements qui se déroulent à Londres, mais aussi de découvrir des éléments cruciaux sur les personnages, appelés indices. Ces derniers sont très importants, car plus l’on découvre d’indices concernant un personnage, plus la qualité de son sang augmentera. Or, un sang de qualité supérieure implique indubitablement plus d’expérience reçue si l’on choisit de boire son sang. Eh oui, ce n’est pas parce que l’on incarne un vampire médecin qu’on ne peut s’accorder un petit casse-croûte de temps à autre. Néanmoins, chaque disparition aura des répercussions sur le quartier où résidait le défunt, et lorsqu’un quartier finit par sombrer dans l’insalubrité due à la maladie et aux morts répétitives, le chaos finit par s’y instaurer. Il incombe alors au joueur de définir sa propre ligne de conduite, mais le dilemme reste assez intéressant. En effet, certains protagonistes pas tout à fait clairs auront plus facilement tendance à finir sous nos crocs acérés. Pour autant, rien n’indique qu’ils n’auront pas une quête annexe à nous proposer par la suite ou que l’on ne finira pas par apprendre un détail qui pourrait expliquer son comportement. L’idée de récolter de nombreux points d’expérience de façon plutôt rapide reste séduisante, mais il faudra toujours songer aux conséquences de ses actes.
En revanche, la plupart du temps, nos choix dans les différentes conversations que l’on entretient n’ont, eux, que peu ou prou de conséquences. Un mauvais choix peut parfois faire perdre un indice, mais dans l’ensemble il n’y a rien d’immuable, et nos relations avec les PNJ sont déjà écrites d’avance. De toutes façons, l’idée n’est pas ici de retranscrire ce que Dontnod a réussi à faire avec Life is Strange, mais bien d’offrir une expérience différente. Bien que nos actes aient des conséquences sur la façon dont fonctionnent les différents quartiers du jeu, la trame scénaristique reste la même et ne changera pas en fonction. Globalement, l’écriture reste de qualité et le fait d’incarner un personnage à la fois médecin et créature de la nuit offre une certaine dualité intéressante. Le jeu puise d’ailleurs dans les connaissances médicales de l’époque tout en y ajoutant une dose de folklore versant dans la fiction et le fantastique. Ici, les vampires sont divisés en plusieurs espèces, dont les Ekons et les Skals. Si les premiers sont considérés comme des créatures plus pures et respectées dans le milieu underground de Londres, les seconds sont des rejetons généralement non désirés, une sous-espèce sauvage qui est condamnée à vivre en paria.
Comme vous vous en doutez probablement, le jeu mettra donc de nombreux Skals en travers de notre route, en plus d’autres créatures étranges. Mais la plus grande menace viendra probablement de la garde de Priwen, une sorte d’armée constituée de citoyens désireux de rendre les rues de Londres plus sûres. Des boss seront également de la partie, afin de pimenter un peu la chose, mais dans l’ensemble la difficulté n’a rien d’insurmontable pour peu que l’on ai un minimum augmenté ses capacités (ce qui implique donc d’avoir ôté des vies). En bon Action RPG qu’il est, Vampyr offre une palette de mouvements allant de la simple attaque à l’esquive en passant par les compétences spéciales propres à notre personnage. Dans le cas présent, il s’agit d’un vampire, ainsi il n’est nullement question de magie ici mais d’attaques spéciales qui ponctionneront directement des points de notre barre de sang, située juste en dessous de celles d’endurance et de santé. Le gameplay avait tout pour plaire sur le papier, et même s’il prend forme de façon plutôt efficace, les affrontements n’en restent pas moins brouillons, avec peu de coups disponibles pour l’attaque. Les combats manquent d’ailleurs de vigueur (La faute à des coups qui n’ont pas assez d’impact) et leur mollesse pourra en rebuter certains.
On note de bonnes idées dans les différentes compétences proposées, qui permettent d’offrir une palette de mouvements intéressants. Néanmoins, on se limitera très vite à quelques-unes afin de les améliorer et les rendre plus performantes plutôt que de tenter d’en débloquer un maximum. En effet, dans Vampyr les points d’expérience se voient matérialiser par des points de sang qui s’obtiennent en complétant des quêtes (annexes ou principales), en éliminant des ennemis ou encore en buvant le sang de pauvres citoyens, comme évoqué plus haut. Ils permettent de débloquer de nouvelles capacités, ou bien d’améliorer celles que l’on possède déjà à l’aide des points de sang obtenus. La prise de niveaux s’effectue donc en se reposant sur les lits disposés dans les multiples repères éparpillés sur la map. Passer à la nuit suivante sert alors à acquérir de nouvelles compétences grâce aux fameux points de sang, mais aussi à matérialiser les conséquences de nos actes, en plus des diverses afflictions qui touchent les PNJ.
Si les repères servent à passer la journée (Rappelons que l’on incarne un vampire et que ces derniers n’aiment pas vraiment la lumière du soleil), ils sont également l’occasion de crafter des remèdes en tous genres afin de se soigner, mais aussi de guérir les personnages qui seraient touchés par des maladies. Un personnage malade et non soigné verra son état empirer, et cela fera indubitablement baisser la qualité de son sang. Il faut donc paradoxalement prendre soin des PNJ que l’on prévoit de se mettre sous la dent, à moins de souhaiter simplement voir le niveau d’hygiène du quartier être maintenu à un bon niveau. Enfin, en plus du craft, on peut également améliorer son armement (qui va de la petite hache à la massue) à l’aide des différents pièces que l’on trouve ici et là dans Londres.
De grands ambitions impliquent de grandes responsabilités
Lorsque l’on joue à Vampyr, on se rend très vite compte que Dontnod a voulu faire les choses en grand afin d’offrir un jeu qui pourrait se frotter aux grands du genre. Indéniablement, on sent que le studio s’est donné à 200% afin de fournir un résultat à la hauteur des attentes. Vampyr est un jeu bourré de bonnes intentions, et aux ambitions définitivement grandes. Peut-être un peu trop pour un titre qui ne bénéfice pas du budget d’un AAA ? Possible. Car, de bonnes idées ne suffisent généralement pas et il faut parvenir à les mettre en scène. Pour le coup, les développeurs ont réalisé un travail plutôt impressionnant pour ce que l’on pourrait qualifier de jeu AA.
Néanmoins, on ne peut s’empêcher de tiquer sur certains points, notamment l’aspect technique. Visuellement, Vampyr reste correct bien que l’Unreal Engine a déjà prouvé que l’on pouvait faire mieux que cela. La direction artistique de haute volée permet toutefois de combler les quelques lacunes graphiques. On passera aussi sur le léger clipping qui a lieu lorsque l’on arrive dans une nouvelle zone. En revanche, on a déjà un peu plus de mal avec le framerate un peu capricieux et les freezes de quelques secondes. Il en est de même pour les temps de chargement un peu longuets, lorsque ceux-ci s’imposent quand on pénètre dans un bâtiment ou une zone spéciale. On notera que le titre a été essayé sur une PS4 simple, et qu’il est tout à fait possible que les choses soient un peu mieux sur PS4 Pro.
Toujours au rang des défauts, le level design manque clairement d’inspiration et de pertinence. On s’explique : La map est divisée en plusieurs quartiers qui sont des zones sûres diront nous, dans lesquelles les PNJ sont légion et ou l’on ne peut se faire attaquer. En dehors, les rues sont peuplées par la garde de Priwen et des Skals enragés qui vous attaqueront à vue. Relativement paradoxal, puisque l’on s’adresse à des PNJ qui ignorent totalement notre condition de vampire, là où des ennemis nous remarquent à plusieurs dizaines de mètres. Qui plus est, les zones sont un peu segmentées et manquent un peu de logique. Ce qui ne nous a tout de même pas empêché de tomber sous le charme de ce titre unique à l’ambiance délicieusement envoûtante, pour laquelle la musique d’Olivier Derivière n’y est sûrement pas pour rien.
Verdict : 8/10
De par son lore, ses innombrables lettres, coupures de journaux et extraits d’ouvrages virtuels, Vampyr possède un univers riche et terriblement vaste que les créateurs du jeu ont cherché à pousser au maximum. Malgré de bonnes idées de gameplay et un concept accrocheur, on se doute que certains seront forcément rebutés par les quelques tares techniques du soft. Ainsi, tout n’est pas parfait lorsque l’on joue à Vampyr, mais le jeu transpire tellement l’envie de faire les choses en grand qu’on ne peut s’empêcher de lui accorder les félicitations sanglantes du jury.
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