Avec des licences fortes comme Life is Strange (se déclinant en trois opus distincts, incluant le prequel Before the Storm), Tell me Why et un AA intitulé Vampyr (pour ne citer que ceux-là), le studio français DONTNOD Entertainment ne se contente pas du peu et cherche à élargir ses horizons avec Twin Mirror, co-produit avec la participation de Shibuya Productions. Plongeant dans les codes du thriller psychologique, et après de nombreux mois de travail, dont plusieurs supplémentaires dus à un report de sortie, les équipes de développement proposent une toute nouvelle aventure narrative aux joueurs et aux joueuses. Alors, qu’apporte DONTNOD Entertainment à la recette du thriller psychologique ? Leur expertise narrative parvient-elle à faire décoller le genre ? On est devenu un journaliste en quête de vérité, nommé Sam Higgs, pour faire la lumière sur la question.
Test réalisé sur PS5 grâce à une copie numérique PS4 envoyée par l’éditeur
Back at Basswood
Bien que sa ville natale n’était qu’un ancien et mauvais souvenir, Samuel ‘Sam’ Higgs se voit obligé de reposer les pieds sur la terre qui l’a vu naître. En effet, suite à l’accident tragique et surtout très mystérieux de son ancien meilleur ami, Nick, Sam est convié aux funérailles. Non seulement est-il affecté par le deuil de son ami, mais Sam est également tourmenté par d’autres histoires issues de son passé, à commencer par son rôle en tant que journaliste d’investigation pour le journal local, Basswood Jungle. Il y a quelques années, il avait levé le voile sur la mauvaise organisation de la mine de la ville et il avait surtout mis en lumière le fait qu’elle mettait en danger de nombreux employés (l’un ayant été grièvement blessé, d’ailleurs). Bien évidemment, son papier a remué les consciences, à tel point que la mine a fermé. Ce qui a mené à une vague massive de licenciements pour les locaux, les plongeant alors dans une misère financière certaine. Beaucoup l’en tiennent pour seul et unique responsable, alors qu’il pensait lui-même protéger ses concitoyens du pire à venir. Et comme tout n’est jamais très rose dans les productions du studio DONTNOD Entertainment, une histoire d’amour s’est mêlée à cette sombre époque pour notre cher protagoniste : sa petite amie du moment ayant refusé sa demande en mariage, ce qui a mené à une rupture assez abrupte. Ces faits ont mené à son départ de Basswood car plus rien ne le retenait alors, hormis de mauvais souvenirs, des regrets et des remords.
Si jusque là on peut se dire que Sam n’a pas eu beaucoup de chance dans la vie, le tout prend une tournure un peu plus extraordinaire grâce/à cause d’un aspect davantage fantastique, voire surnaturelle. Son enfance et sa vie passée l’ont mené dans des recoins psychologiques sombres, à tel point qu’il s’est façonné un double dans sa propre tête. Loin d’être son antagoniste, ce dernier l’aidera dans toutes ses épreuves et se révélera être une personnalité analytique lui apportant des conseils et autres quant aux situations vécues. D’ailleurs, les joueurs et joueuses pourront très bien suivre tous les conseils du double de Sam durant l’aventure entière, ou bien suivre les propres choix du protagoniste. Il s’agit souvent de choix cruciaux modelant ainsi le parcours narratif. Ou encore accéder au palais mental de Sam, lieu imagé représentant l’esprit du protagoniste. Un lieu regorgeant de bons souvenirs comme d’angoisses saisissantes. On ne vous en dit pas plus à ce sujet tant on a trouvé ces séquences dans le palais mental plutôt intéressantes.
En ce qui concerne l’histoire vécue au présent, et sans trop vous spoiler, Sam décide de rester encore quelques temps à Basswood afin d’enquêter sur le décès de son ancien meilleur ami, mort dans un tragique accident de voiture. Le rapport de police indiquant un comportement imprudent en ce qui concerne Nick, mais Sam sent bien qu’il y a un problème là-dessous car son meilleur ami était toujours très attentif, consciencieux et précautionneux. Sam renfile donc sa casquette d’enquêteur et de journaliste d’investigation pour le meilleur comme pour le pire. Et il y en aura des péripéties !
A propos de l’aventure narrative de Twin Mirror, nous en ressortons assez satisfaits bien que certains points viennent obscurcir le tableau de temps à autres. En effet, au fil de l’avancée scénaristique, on ne peut s’empêcher de remarquer quelques séquences assez convenues pour le genre. Dans ce sens, et selon nous, pour la comparaison, Heavy Rain, le thriller interactif de Quantic Dream, contenait lui aussi des scènes assez clichées. Dans Twin Mirror, il y a quant même quelques surprises narratives et cela montre également que les équipes de développement ont voulu prendre des risques à certains moments. On a globalement apprécié cette prise de risque mais elle reste encore assez timide, pour tout vous dire. Connaissant les productions précédentes de DONTNOD Entertainment, on sait très bien qu’ils peuvent aller plus loin et proposer quelque chose de réellement rafraîchissant pour le genre à l’avenir. De ce fait, Twin Mirror semble être davantage un galop d’essai pour le studio. Dans l’ensemble, ça fonctionne mais Twin Mirror aura du mal à s’imposer chez beaucoup. Le jeu plaira probablement aux amateurs d’aventures narratives et aux amoureux des titres DONTNOD, alors que d’autres n’y trouveront probablement par leur compte. D’autant plus que la durée de vie du jeu reste assez courte, comptez 5 heures environ.
Élémentaire, mon cher Watson !
Du point de vue du gameplay, on se retrouve également en terrain connu, même si quelques nouvelles mécaniques se glissent dans le tableau. De façon générale, nous sommes amenés à discuter avec de nombreux personnages, habitants de Basswood, afin de trouver des détails ou informations. Dans d’autres cas, il faudra faire preuve d’observation afin de dénicher l’indice manquant. En effet, le titre est souvent entrecoupé de courtes séquences d’enquête pure : dans une zone donnée, nous devons interagir avec différents éléments du décor afin de déceler des indices. Le but étant de reconstituer l’ensemble du puzzle, à l’aide de tous les éléments possibles, et ainsi dénouer le vrai du faux d’un pan scénaristique. Jusque là , nous ne sommes absolument pas perdus. On notera tout de même que le titre n’aide en rien votre collecte d’indices donc il arrive de rester plusieurs minutes sur une même scène car vous pouvez passer à côté de quelque chose. Cela force ainsi les joueurs et joueuses à persévérer, quitte à changer de point de vue afin de percevoir ce qui aura été loupé. Ce qui a paru plus intéressant tient au palais mental : dans certains cas, Sam doit reconstituer une scène à laquelle il n’était pas présent à l’aide des dits indices. Dans ces moments là, plusieurs choix peuvent s’offrir à nous et il faut donc simuler des scènes pour trouver la bonne. Ce n’est jamais très compliqué en soi, pas vraiment original non plus, mais ça fonctionne bien dans Twin Mirror. Certaines énigmes fonctionnent mieux que d’autres, mais on note le souhait d’intégrer davantage d’interactivité au soft. Avec l’intégration du palais mental, DONTNOD Entertainment semblait tenir ce qui aurait pu faire la différence mais, comme dit précédemment, cela reste encore assez timide dans l’ensemble.
Bien évidemment, qui dit production vidéoludique de DONTNOD Entertainment, dit choix cruciaux. En fonction des séquences narratives, les joueurs et joueuses sont amenés à faire un choix entre deux propositions. Bien souvent, ceux-ci sont liés à la perception de Sam et de l’autre côté les conseils de son double. Il faut bien souvent choisir entre les deux. Ainsi, cela permet d’avoir une certaine rejouabilité après un premier run, si vous vous sentez de relancer le titre une deuxième fois. Malgré tout, nous n’avons pas senti de réel impact en changeant nos réponses, et ça c’est bien dommage pour un jeu de cette trempe. On se retrouve assez loin du crève-cœur que pouvait proposer la fin de Life is Strange premier du nom. On note tout de même plusieurs fins possibles et l’intégration d’un cheminement supplémentaire grâce à l’intégration du double de Sam, mais on sent que les embranchements scénaristiques sont assez restreints. D’ailleurs, les lieux visités de Basswood restent très linéaires et représentent de véritables couloirs, l’exploration libre étant vraiment limitée ici. Dommage car la ville profite d’une ambiance bien particulière que l’on a envie de découvrir davantage, en dehors du scénario.
DONTNOD Entertainment label
Dès les premières minutes, et c’est indéniable, on sent que l’on est dans une production de DONTNOD Entertainment. On retrouve avec grand plaisir la patte artistique du studio : elle tend à se démarquer de celle très comics/bande dessinées mis en exergue dans les Life is Strange, tant elle se rapproche davantage vers une représentation réaliste des personnages à la Tell Me Why. Si ce dernier arrivait assez bien à retranscrire les émotions des personnages via leurs traits de visage, ici ça pêche un peu plus, surtout pour quelques personnages. Dans certains cas et situations, le jeu d’acteur de Sam et de d’autres personnages semblaient en deçà, mais dans l’ensemble ça reste assez convaincant. La VO étant, à ce sujet, satisfaisante. A l’inverse, la retranscription/représentation du palais mental est un réel atout car elle alterne entre différents tons et palettes de couleur : en passant par des endroits assez édulcorés pour les souvenirs joyeux à des scènes plutôt angoissantes, voire horrifiques. Pour les séquences d’enquêtes et de reconstitutions mentales d’une scène, les équipes de développement ont opté pour un aspect très puzzle des objets et éléments de l’environnement qui sied à juste titre à la séquence. Mention d’ailleurs spéciale à l’intégration d’un labyrinthe mental, à la fin de l’aventure, qui fait invariablement penser à l’une des dernières scènes de Life is Strange, plus précisément celle dans l’école (les amoureux de la licence s’en souviendront, à coup sûr et rien qu’à la mention du terme « labyrinthe »). Finalement, du côté de la bande sonore, c’est toujours de qualité. Les ambiances sonores aident très bien à retranscrire l’atmosphère pesante de la ville et son contexte, ou encore le palais mental de Sam. On a fortement apprécié la musique d’introduction avec ses accents très Pop/Rock – Indie, qui rappelle les soundtracks de Life is Strange 1 et Life is Strange 2.
Du point de vue de la technique, nous n’avons pas été témoins de bugs majeurs et nous n’avons pas rencontré de problèmes handicapant l’aventure. La version PS4 du titre a malheureusement encore un défaut, dû à la machine en elle-même, à savoir des temps de chargement assez longs lorsque l’on change de lieu ou zone. Ce qui a toujours le don de casser l’immersion, comme pour la plupart des jeux. Mais on ne saurait leur en tenir entièrement rigueur tant les équipes de développement ne sont pas les seuls responsables, sur ce point.
Verdict : 6/10
Avec Twin Mirror, on sent la volonté de la part de DONTNOD Entertainment et Shibuya Productions de s’essayer à un autre genre narratif. Et si la prise de risque est là par moments, elle reste encore assez timide dans l’ensemble et pas assez convaincante pour propulser le titre comme l’une des références du thriller psychologique. De bonnes idées sont présentes, telles que le palais mental, l’intégration d’un double pour le protagoniste, et sont soutenues par la patte du studio français via la direction artistique et la bande sonore de qualité qu’on leur connaît. Autant dire que Twin Mirror semble être davantage un galop d’essai pour les studios. Il saura ravir les amateurs du genre narratif, sans pour autant les émerveiller, et ne parviendra probablement pas à convaincre les plus réticents à ce type de productions vidéoludiques.
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