Si les jeux de Grasshopper Manufacture ne sont pas forcément les plus appropriés pour le grand public, il faut reconnaître que certains titres du studio se sont forgé une belle renommée auprès des joueurs. La licence No More Heroes en est l’un des exemples les plus parlants, puisqu’en seulement 2 opus, la franchise est devenue assez plébiscitée pour que les joueurs en réclament un 3ème. Ce dernier serait visiblement en route, et si l’attente risque d’être encore un peu longue, il faudra se contenter d’une sorte de spin-off mettant en scène l’irrévérencieux Travis Toutchdown dans une aventure au moins aussi loufoque que les précédentes.
Test réalisé grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
T’as les boules ?
Difficile de faire plus anti-héros que notre bon vieux Travis Toutchdown : assassin complètement barré au code moral douteux, accroc aux jeux vidéo, otaku et ne faisant jamais dans la demi-mesure, le personnage a tout pour plaire aux joueurs. Ou du moins, ceux qui ont l’habitude des jeux de Suda 51. Le créateur est connu pour ses protagonistes étranges et atypiques, qui sont devenus l’une des marques de fabriques des jeux auxquels il a apposé son nom sur l’écran des crédits. Evidemment, Travis Strikes Again ne déroge pas à la règle et offre lui aussi son lot de personnages complètement allumés qui donnent naissance à des dialogues parfois sans queue ni-tête.
D’ailleurs, rien n’a vraiment de sens dans le dernier jeu de Grasshopper Manufacture, à commencer par le scénario. En effet, on incarne une fois de plus Travis Toutchdown qui a réussi à faire l’acquisition d’une console supposée introuvable car jamais sortie dans le commerce, la Death Drive Mk II. Une légende urbaine voudrait d’ailleurs que celui qui réussira les 6 jeux sortis dessus pourra se faire exaucer un vœu. 6 jeux au format un peu particulier, puisqu’ils prennent la forme de boules appelées Death Balls (des boules qu’il faut réunir, pour se voir réaliser un vœu, ça ne vous dit rien ?). Bad Man ayant eu vent de l’acquisition de la machine par Travis désirera mettre la main dessus afin de faire ressusciter sa fille, assassinée par notre anti-héros dans No More Heroes 2, ce qui conduira les deux protagonistes à collaborer.
Ainsi Travis n’est pas le seul personnage jouable dans cette nouvelle aventure, puisque l’on peut switcher à n’importe quel moment via le menu options mais également jouer à 2, la coopération étant largement mise en avant. Néanmoins, certaines phases ont été pensées pour être réalisées en solo, poussant le second joueur à poser la manette quelques instants. L’idée du multijoueur est donc bien amenée, puisqu’elle permet par ailleurs de corser légèrement la difficulté qui s’ajuste au nombre de joueurs présents à l’écran. S’il faudra faire avec le friendly fire, on est rassurés de constater qu’il ne s’agit pas là d’ôter de la vie à son partenaire mais plutôt de provoquer un étourdissement qui se dissipe instantanément. Vu que l’action peut très vite devenir brouillonne dû au nombre d’ennemis affichés, il convient de faire attention à ne pas frapper inutilement son équipier.
Parce que Travis Strikes Again prend la forme d’un Hack’n Slash pour ses phases d’action, ce qui signifie que l’on se retrouve souvent attaqué par des hordes de mobs. Un choix qui se démarque complètement de No More Heroes et No More Heroes 2, soutenu par un système d’attaques rapides et attaques lourdes déclenchées respectivement à l’aide des touches Y et X, tandis que des techniques spéciales (jusqu’à 4 équipées simultanément et utilisables à l’aide des combinaisons L+A, L+B, L+Y, L+X) permettent de relever un peu le niveau. N’ayons pas peur de le dire de but en blanc, le tout est très répétitif, et la diversité des techniques spéciales ainsi que la possibilité d’en combiner certaines pour obtenir des effets dévastateurs permet aux gameplay de ne pas sombrer dans l’ennui le plus total. Notons que les combats les plus intéressants sont évidemment ceux qui opposent le joueur au boss du niveau en question, offrant un challenge autrement plus intéressant que celui proposé par les mini-boss qui reprennent tous le même schéma.
Un concept intéressant mais sous exploité
Le problème, c’est que l’on en attendait un peu plus au niveau du gameplay propre à chaque niveau. En effet, si vous avez lu notre preview, vous vous rappelez probablement que nous avions eu l’occasion de tester 2 mondes sur les 7 présents au total. Chacun de ces deux niveaux proposait, entre les phases d’action, des passages qui venait souffler un vent de fraîcheur bien appréciable : le premier proposait un concept proche d’un puzzle-game mélangé avec un brin de Pac-Man dans l’idée, tandis que le second nous mettait au volant d’une moto futuriste, le tout dans une course tout droit sortie du film Tron dans laquelle il faut gérer le passage des vitesses ainsi que l’utilisation du Turbo aux moments adéquats. Des idées intéressantes, qui semblaient néanmoins trop peu présentes mais qui avaient au moins le mérite d’offrir une expérience de jeu complète.
Finalement, il ne s’agira grosso-modo que des deux seules fois où le jeu tentera de renouveler son gameplay. Frustrant vous avez dit ? On ne va pas vous mentir, ça l’est complètement. D’autant que Travis Strikes Again puise beaucoup son inspiration dans la scène indépendante (tant dans le level design des différents « jeux » que l’on parcourt que dans son OST). Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’on retrouve d’ailleurs un bon nombre de t-shirts à collectionner (pour Travis uniquement), pour la plupart à l’effigie de jeux indies tels que Hotline Miami, Hyper Light Drifter, Minit ou encore Furi. Ces derniers se débloquent soit à l’aide de la monnaie in-game, soit à l’aide de pièces aztèques qui sont disséminées dans les différents niveaux, et parfois bien cachées.
On aurait donc apprécié que le jeu tente de se renouveler et n’en reste pas qu’aux simples inspirations. Avec la grande variété des environnements explorés, il y avait pourtant du potentiel. On se contentera alors de profiter du design plutôt réussi de ces derniers, bien que la Switch a tout de même prouvé qu’elle était capable de mieux faire. Le mélange de 3D et d’aplats de couleur offre un rendu assez particulier qui permet de compenser un Unreal Engine loin d’être utilisé au top de ses capacités. Un peu d’aliasing ici et là, et fort heureusement, peu de clipping sont à noter. Dans l’ensemble le titre tourne plutôt bien en mode portable, même si l’on a eu à faire à quelques brefs ralentissements à 2 reprises sur toute la durée de notre test.
Pas si Mega la Death Drive
Lorsque Travis et/ou Bad Man ne sont pas en pleine exploration de l’un des jeux de la Death Drive, on se retrouve au hub du jeu qui n’est autre que la caravane du personnage principal. On peut évidemment y changer de T-shirt pour ce dernier, s’en procurer de nouveaux, lire des articles complètement farfelus sur les jeux disponibles ainsi qu’accéder aux parties narratives du scénario, intitulées Travis Strikes Back. Les plus allergiques aux dialogues sans fin passeront probablement cet aspect-là puisque l’on pourrait comparer ces passages à de mini visual-novels façon rétro dans leur mise en scène. Les nombreux échanges sont à la hauteur de ce que l’on peut attendre de Grasshopper, et sont au moins autant criblées de références en tous genres que le reste du titre. Reste que si l’on passe un bon moment lors de ces phases narratives, on ne peut s’empêcher d’être déconcerté par la façon dont le jeu est découpé, offrant un rythme haché.
Au final, même si la déception reste présente, on passe indubitablement un bon moment en présence de Travis, un héros qui a définitivement de quoi faire les belles heures de la franchise No More Heroes. Mais on en aurait voulu plus, en tous points. Que ce soit sur la façon dont le gameplay se renouvelle, sur la façon dont le titre est construit, ou encore les possibilités un peu réduites en termes de combat, mais également au niveau de l’OST, capable de balancer des thèmes complètement dingues (notamment celui du combat contre le 5ème boss) tout comme des thèmes bien plus anecdotiques. Dans notre désarroi, nous n’oublierons tout de même pas qu’il s’agit d’un jeu vendu une trentaine d’euros. Pour la huitaine d’heures nécessaire pour en voir le bout en ligne droite, cela reste somme toute raisonnable. Les plus acharnés se rabattront cependant sur la version contenant d’office le Season Pass, qui rajoutera prochainement 2 personnages jouables ainsi que du contenu pour l’aventure et un nouveau monde, le tout pour 10€ de plus.
Verdict : 6/10
Indubitablement, Travis Strikes Again : No More Heroes sonne comme une lettre d’amour au jeu rétro ainsi qu’à la scène indépendante, tant dans ses références que dans ses inspirations. Malheureusement là où beaucoup de titres indies versent dans l’originalité et la générosité, le jeu de Grasshopper Manufacture se perd un peu en offrant un rythme perturbant. Nul doute que dans l’ensemble, le tout fera son petit effet auprès des amateurs des jeux de Suda 51, notamment grâce à l’humour particulier et les dialogues complètement dingues. Mais difficile de ne pas ressentir un arrière-goût amer provoqué par la frustration lorsque l’on constate que le concept des différents niveaux explorés grâce aux Death Balls n’a pas été poussé comme il se doit.
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