Tokyo Mirage Sessions ♯FE, c’était le pari un peu fou de Nintendo et ATLUS afin de sortir un RPG atypique sur Wii U. Censé être à la base un mélange pur et dur entre les univers de Fire Emblem et Shin Megami Tensei, on a finalement eu une toute nouvelle licence contenant un peu de Fire Emblem, un peu de Shin Megami Tensei avec une bonne pincée de Persona. Le tout en étant loin d’un véritable crossover, le jeu faisant la part belle à la J-pop, aux idoles japonaises et à d’autres choses qu’on ne trouve pratiquement qu’au Pays du soleil levant. Après des ventes plutôt timides sur Wii U, Tokyo Mirage Sessions ♯FE retente sa chance avec Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore, une version améliorée sortant sur Nintendo Switch.
Test réalisé sur Nintendo Switch à l’aide d’un code envoyé par l’éditeur
♬ Laissez-nous chanter… ♪
Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore nous fait principalement découvrir l’histoire d’Itsuki et Tsubasa, deux élèves de Terminale à Tokyo dont le quotidien change drastiquement et assez rapidement. Tandis que Tsubasa participe à un concours de chant, souhaitant devenir une idole reconnue au Japon comme sa sœur qui a étrangement disparue il y a un certain temps, un curieux événement vient gâcher la fête : l’arrivée de Mirages, des entités principalement maléfiques souhaitant capturer les Performas des Humains, qui s’apparentent plus ou moins à des âmes. Ils s’attaquent surtout aux artistes, leurs Performas étant plus puissantes. Tsubasa se voit capturée dans une Idolasphere (oui, Idolasphere, cela donne tout de suite le ton), demeure des Mirages, et Itsuki souhaite la secourir tant bien que mal. Il arrive à sauver un Mirage qui se révèle être Chrom, l’un des héros de Fire Emblem: Awakening (il y a tout de même des traces de la saga dans Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore, sans trop vous gâcher quelques surprises), qui ne sait pas trop comment il a atterri dans ce curieux univers. Itsuki et d’autres personnes ont l’aptitude de s’associer aux Mirages tels que Chrom afin d’emprunter leurs pouvoirs, se faisant ainsi appeler Maître Mirages. Par la suite, Itsuki, Tsubasa et d’autres personnes rencontrées au fil de l’aventure alternent vie étudiante (qu’on ne voit pas du tout, cela dit), vie professionnelle à l’agence Fortuna (regroupant musiciens, acteurs, mannequins, etc., donnant une vue d’ensemble sur la notion d’idole au Japon) ainsi que combats contre les Mirages afin de protéger Tokyo et découvrir qui se cache derrière tout ça. Bref, le programme est chargé.
Avec Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore, ne vous attendez pas à un scénario aussi profond qu’un Fire Emblem, Shin Megami Tensei ou Persona, qui se veulent plus héroïques, sombres, réfléchis et on en passe. Bien qu’il en reprenne certains aspects, avec quelques passages ayant plus ou moins de tension, notamment lorsque les différents ennemis corrompus mettent en avant certains abus dans les productions artistiques, ici, on a davantage de détente, d’humour et de paillettes dans la vie. Les héros se concentrent surtout sur leurs carrières respectives (chant, comédie, mannequinat, etc.), à défaut d’une intrigue réellement poussée. Concrètement, il faut simplement que les gentils battent les méchants qui le sont à cause d’une force corruptrice mystique. Ainsi, on assiste la plupart du temps à des répétitions, des concerts, de nombreux dialogues dignes d’un Shonen/Shōjo, plusieurs clichés typiquement japonais… parfois trop même. La patronne adulte qui drague tout le temps le héros ? C’est présent. La jeune fille trop timide pour avouer ses sentiments ? Présente aussi. L’homme un peu plus âgé et froid mais qui a un fond bienveillant ? Bingo, c’est de la partie.
Après, malgré quelques exagérations irritantes et des petites notes de mauvais goût (a-t-on parlé du fan service avec des poitrines qui ne réagissent pas toujours de manière très naturelle ?), on ne peut pas dire que cela manque d’un certain charme et d’originalité, rares étant les jeux mettant autant en avant les idoles japonaises, la J-pop, etc. Il n’est pas rare de voir une quête se terminer par un concert, une vidéo montrant l’un des héros derrière la caméra, etc. Ceux qui adhèrent déjà à ces choses vont sans aucun doute adorer l’ambiance du jeu tandis que les autres risquent soit d’être repoussés, soit d’y prendre plus ou moins goût avec du temps. Un conseil, regardez vraiment quelques bandes-annonces du jeu avant de possiblement sauter le pas, l’ambiance étant un point très important du titre. Cela dit, les personnages restent attachants, même si on aurait aimé que leurs histoires soient davantage poussées, les quêtes optionnelles permettant d’en apprendre plus sur eux étant surtout des petites situations servant à développer leurs compétences de combat. Bref, un scénario simple, convenable, bourré de clichés mais qui n’est pas dénué de charme et d’humour malgré tout. Qu’en est-il du reste ?
Perso… Performa !
Comme bon nombre de J-RPG, Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore utilise le tour par tour pour ses combats, la composante principale du gameplay. Si vous n’avez pas lu notre preview, cela ne fait rien, on va détailler à nouveau tout en rajoutant certaines précisions. Ainsi, la base ressemble beaucoup au gameplay des Persona avec toutefois des petites variantes soit originales, soit provenant de Fire Emblem et d’autres séries d’ATLUS. Lorsque c’est au tour d’un de nos personnages d’agir, on a un large choix d’actions possibles, offensives comme défensives : simple attaque physique, Skill à utiliser (attaques physiques spéciales, magie, augmentation de statistiques et bien d’autres encore), sélection d’objets, possibilité de changer de héros, fuite, etc. Dans la forme, c’est du revu et du revu donc pas besoin d’apprendre un système complexe, la prise en mains se fait tout de suite. Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore incorpore ce qui fait la force des Persona/Shin Megami Tensei et Fire Emblem, à savoir le principe d’avantages/faiblesses permettant de faire des coups critiques ou d’en recevoir selon les attaques et armes de nos héros. Itsuki aime les attaques électriques par exemple, ce qui sera efficace contre certains types d’ennemis, tout comme les lances peuvent avoir du mal à percer la défense de certains monstres. Il faut tester différents types de coups sur chaque ennemi afin de découvrir ses forces et faiblesses pour triompher sans prendre trop de dégâts. Cela permet de garder les combats stratégiques et dynamiques tout au long du jeu, un bon point.
Là où Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore sort son épingle du jeu, c’est avec les Sessions : si vous lancez une attaque critique réussie sur un ennemi, on assiste alors à un enchaînement de coups. Les autres combattants de votre équipe, même ceux qui ne combattent pas directement sur le terrain (on ne peut en avoir que 3 à la fois, il faut de personnages soit en perdant un tour, soit en dehors des combats via un menu dedié), attaquent à leurs tours le Mirage sans que le joueur n’ait à décider quoi que ce soit. Si l’ennemi est battu et qu’il reste des tours de Session, un autre ennemi se prend alors les attaques. Pratique… mais pas toujours ! Les Sessions sont souvent favorables mais elle peuvent également jouer de mauvais tours si l’on ne fait pas assez attention aux types des héros et des ennemis, rendant les combats encore plus prenants. Par exemple, si un ennemi sensible à la glace meurt et qu’un autre est résistant au point de contre-attaquer directement, la Session prend fin en votre défaveur. Il faut donc analyser un minimum chaque situation avant de décider de lancer une Session, surtout dans les difficultés les plus élevées. De plus, sur Nintendo Switch, on peut accélérer les Sessions et on a le droit à de nouvelles combinaisons, notamment avec l’arrivée de supports absents de la version Wii U, comme Tiki ou Barry. Des petits plus simples mais qui améliorent assez bien l’expérience globale. Si sur la durée, les combats finissent par se rassembler, ils gardent tout de même une certaine intensité et surtout du fun, on sent bien qu’ATLUS a planché autant sur le sujet que dans ses autres jeux.
Mais qui dit J-RPG dit aussi exploration, progression de personnages. De ce côté, c’est plus classique mais tout de même bien fichu. Dans les Idolaspheres, qui sont les donjons du jeu, cela ressemble à du Persona tout en incorporant un aspect puzzle plus important, primant sur la réflexion plutôt que la redondance, du moins en ce concerne les anciens Persona. On parcourt différents étages et couloirs tout en trouvant le moyen d’avancer à tel ou tel endroit. Par exemple, dans un donjon occupé par un photographe corrompu, il faut éviter de se faire prendre en photo par des appareils géant, sous peine de revenir en arrière. Dans un autre donjon, il faut astucieusement placer les bras de poupées immenses afin de pouvoir progresser de plus en plus haut. Cela reste souvent simple mais agréable à faire, on ne fait pas qu’avancer bêtement dans des couloirs pour arriver à un boss, même si on nous demande parfois des tâches ingrates. En dehors des Idolaspheres, en revanche, il y a de quoi être un peu déçu côté possibilités. On peut accéder à différents lieux, notamment le centre de Tokyo avec Shibuya afin de rencontrer divers personnages, accéder aux boutiques permettant d’acheter de l’équipement et des objets, manger et boire dans un restaurant ainsi que via différentes machines dans les rues mais à part se balader dans des zones très fermées, il n’y a rien d’autre à y faire. Pas de mini-jeu comme dans Persona 5, pas de réels rapprochements entre les personnages (les quêtes annexes sont souvent basiques et ne font rien avancer, si ce n’est pour débloquer des nouvelles capacités), absence d’un aspect quotidien permettant de s’immerger vraiment dans l’univers… On aurait aimé que cela soit davantage retravaillé car en l’état, une succession de menus ferait pratiquement tout autant l’affaire.
Heureusement, le Palais fleuri, qui se trouve au sein de l’agence Fortuna et qui est un lieu magique permettant aux héros de discuter avec leurs Mirages, est plus intéressant car avec Tiki, on peut acquérir de nouvelles armes (chaque arme a ses spécificités et permet de débloquer des compétences différentes, plus ou moins), améliorer les Mirages et on peut également accéder à des donjons supplémentaires. Trois sont issus des DLC de la version Wii U et cerise sur le gâteau, il y a un tout nouveau donjon, le Domaine des rêves, donnant accès à des costumes inédits (dont certains issus de jeux récemment sortis comme Fire Emblem: Three Houses), nouveaux objets, avec un peu d’histoire (même si ça reste anecdotique) et même des chansons jamais vues/entendues auparavant. Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore améliore donc quelque peu le gameplay déjà sympathique de la version Wii U et se permet même de rajouter un peu plus de contenu, de quoi jouer facilement quelques dizaines d’heures pour en voir le bout, même si on aurait aimé plus de variété en dehors des Idolaspheres. Niveau difficulté, il y en a pour tous les goûts puisqu’on peut passer d’une difficulté facile à difficile à volonté. Sachez qu’en normal, certains ennemis de base peuvent se montrer tout de même ardus et les boss peuvent être sacrément coriaces, la difficulté n’est pas toujours bien dosée.
Tokyo est magique
Du côté purement technique, Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore est un portage simple mais propre. Les graphismes n’ont pas été retouchés, on garde ainsi les mêmes modélisations, textures, effets, etc. Un peu de fraîcheur n’aurait pas fait de mal, la version Wii U n’étant pas un étalon graphique même en son temps et sur le support mais malgré tout, le jeu garde un certain charme grâce à sa direction artistique, des modélisations somme toutes correctes (notamment les personnages), quelques jolis effets et des couleurs chatoyantes. Le design global est réussi, avec des humains et monstres dans le pur style d’ATLUS, reconnaissable entre 1000, même si on est loin de la folie d’un Shin Megami Tensei côté ennemis. On aurait quand même aimé plus de vie dans Tokyo, surtout que la majorité des PNJ sont uniquement représentés avec une seule couleur, sans aucun détail, rien. Un choix qui peut se targuer d’être artistique mais c’est surtout une question de moyens, la société n’étant pas au cœur du récit comme dans un Persona 5 par exemple, où l’aspect des PNJ servait à davantage mettre en valeur les protagonistes.
Précisons quand même que cette version Nintendo Switch a des temps de chargement bien plus rapides, avec des combats qui se lancent en moins de 5 secondes contrairement à la version Wii U et le rendu général se veut légèrement plus propre. On note un peu d’aliasing mais cela passe largement en général, même en mode portable, où le rendu est plus qu’acceptable et quasiment le même que sur un écran de télévision. Cependant, on a déjà vu bien mieux sur Nintendo Switch, Nintendo et ATLUS auraient davantage gagné à jouer la carte du remaster plutôt que celui du portage pur et dur en ce qui concerne les graphismes. Enfin, l’un des meilleurs apports de cette version 2020, c’est tout simplement la présence de textes français. Fini de lire les nombreux dialogues en anglais, pratiquement tout a été traduit (certains mots, notamment dans les menus, restent en anglais mais ce sont des mots basiques), on gagne largement en confort.
Enfin, impossible de parler de Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore sans ses musiques, prenant une forte place tout au long de l’aventure d’Itsuki et de sa bande. On assiste à différents clips, passages où les personnages chantent dans différentes situations (cela va d’un simple entraînement à l’apaisement d’un boss), des concerts avec des foules en délire et des chorégraphies dans un pur style J-pop… On a même des supporters et des musiques chantées durant les combats par moments, autant dire que si vous aimez le genre, vous serez servis ! ATLUS et Nintendo ont même fait appel à Avex Group, société de musique spécialisée et reconnue dans le domaine, afin de composer les morceaux les plus importants du jeu. Que l’on aime ou non, on ne peut que saluer l’effort, surtout que les musiques chantées sont accompagnées la plupart du temps de cinématiques en images de synthèses agréables à regarder. Pour ce qui est des autres musiques, lors de l’exploration, on a des musiques d’ambiance en accord avec chaque lieu traversé et durant les combats, on a un style majoritairement techno avec quelques exceptions plus classiques qui se prêtent bien au style proposé par le jeu. Enfin, les différents acteurs japonais (il n’y a pas de voix anglaises ou autres) s’impliquent parfaitement dans leurs rôles et possèdent de belles voix. Les bruitages, eux, sont simples mais efficaces. La bande-son est clairement l’un des points forts du jeu et encore une fois, Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore se paie le luxe d’offrir davantage que la version Wii U avec des musiques inédites, comme She Is.
Verdict : 7/10
Pour ceux qui possèdent déjà la version Wii U, Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore est loin d’être une nécessité tant il n’ajoute finalement que peu de choses. Cela dit, pour ceux qui n’ont pas encore poussé la chansonnette avec Itsuki et sa bande, tout en affrontant bon nombre de monstres et en devenant les plus grandes stars du Japon, cette version Nintendo Switch pourrait vous séduire si vous êtes en attente d’un nouveau J-RPG sur la console, surtout que nous avons enfin des textes français ainsi que des temps de chargement respectables, en plus de contenus rajoutés et d’autres petites améliorations sympathiques. Le portage est donc de qualité mais Tokyo Mirage Sessions ♯FE Encore reste un jeu qui ne conviendra sans doute pas à la majorité tant il met en avant bon nombre de clichés japonais dans une ambiance particulière. Ambiance qui prime d’ailleurs sur la qualité du scénario : la J-pop, les idoles et autres joyeusetés du genre, on aime ou on déteste ! Ceux qui ne sont pas contre, en revanche, découvriront alors un jeu assez agréable à parcourir, bien qu’un peu classique.
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