Lorsqu’en 2014, nous avons posé nos mains sur l’étrange The Tomorrow Children via sa première alpha fermée, l’émerveillement fut total. Pourtant, le concept de jeu bac à sable à la façon d’un Minecraft n’est pas ce qui se voit le moins dans l’univers vidéo-ludique, loin de là. Rien que cette année, on a vu l’arrivée du très bon Dragon Quest Builders, et bien que The Tomorrow Children possède un style artistique unique, il lui faudra plus que son ambiance communiste pour s’en sortir. Est-ce que sa condition de Free to Play lui permettra d’être apprécié par un maximum de joueurs ? Et surtout, qu’est-ce que le jeu nous propose de neuf depuis une beta qui nous avait conforté dans notre idée, malgré peu d’ajouts ?
Enter the void
Pousser les portes du Void et pénétrer dans le monde de The Tomorrow Children, c’est découvrir un univers fortement influencé par l’union soviétique, mettant les principes du communisme en avant et annihilant le concept de personnalité au sein de la foule. Pousser les portes de ce monde dans lequel le vide règne en maître et où des créatures immenses et monstrueuses s’imposent toujours un peu plus, c’est devenir un clone, ces jeunes filles aux allures de Pinocchio, sans le nez qui s’allonge au premier mensonge venu. Pousser les portes de The Tomorrow Children, c’est aussi succomber à un jeu qui a malheureusement défini ses limites et exposé ses défauts au grand jour dès sa beta ouverte, mais ça, nous ne le savions malheureusement pas encore à l’époque.
Le jeu nous accueille alors sur fond de musique qui hume bon la camaraderie soviétique, histoire de nous mettre tout de suite dans le bain. Un étrange personnage nous pose alors brièvement les bases du jeu, tout en prenant un ton plus que patriarcal. Pour résumer la chose, des expériences scientifiques ont conduit le monde à sa perte et ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui, c’est à dire principalement du vide. D’ou son appellation : The Void. Mais certaines têtes pensantes ne l’entendent pas de cette oreille, et souhaitent voir la mère patrie renaître de ses cendres. Sans plus d’explications, le mini tutoriel débute afin de nous conditionner comme il se doit dans notre rôle de travailleuse modèle. Le monde ne va pas se rebâtir tout seul, et les hautes autorités comptent sur vous pour redorer le blason d’une nation en déclin.
Après avoir appris à nous servir de la pioche, outil de prédilection de toute bonne travailleuse en herbe, nous voici dans le métro, afin de rejoindre l’une des nombreuses villes dans lesquelles des dizaines de clones oeuvrent déjà afin de redorer le blason d’une nation qui a plié le genou. Les premiers instants sont assez grisants, il faut le reconnaître, mais aussi très perturbants. En effet, malgré quelques très courtes conversations avec la même figure qui nous a accueilli au début, le jeu ne nous prend jamais par la main et n’indique jamais ce qu’il faut faire. Dès le début, on est pris d’un grand sentiment de liberté dans un monde comme on en a jamais vu dans le jeu-vidéo. Selon la ville dans laquelle on se trouve, la population sera plus ou moins dense, avec là encore, plus ou moins de bâtiments érigés. Et autour de notre nouveau fief, le néant s’affiche à perte de vue. Eventuellement, vous pourrez distinguer quelques îles qui deviendront vite des zones que vous pillerez afin d’en extraire toutes les resources possibles.
Les enfants terribles
Malheureusement, on ce sentiment de liberté s’estompe très rapidement. En effet, The Tomorrow Children ne laisse pas vraiment le choix aux joueurs de flâner en profitant de ce vaste – mais vide – univers. Pas le temps d’niaiser, on est ici pour bosser. Le jeu nous le rappelle d’ailleurs assez régulièrement, au cas où notre avatar n’aurait pas déjà été assez endoctriné. Ainsi, la reconstruction de la ville passe avant tout par la récolte de précieuses ressources, comme le bois, le charbon ou encore des fruits. Il va donc falloir partir à l’exploration des quelques îles qui entourent votre nouvelle ville. Pour ce faire, plusieurs moyens s’offrent à vous, bien que le plus accessible reste le bus qui effectue ses tournées sans interruption. Il est tout à fait possible d’utiliser également un jetpack, ou un véhicule. Mais le premier cas nécessitera de posséder de l’essence, tandis que pour utiliser le second, un permis sera obligatoire.
Une fois une ile rejointe, il ne vous reste plus qu’à miner et/ou creuser à l’aide de vos précieux outils afin de dénicher de précieux matériaux qui seront utiles à votre ville. Une fois que vous aurez ramené vos trouvailles à l’aide du bus, qui possède une remorque pour transporter le fruit de votre dur labeur, tout sera déchargé en vrac. À vous de dispatcher chaque matériel dans la zone de stockage adéquate, ce qui vous octroiera des points de travail. Ces points sont au centre du jeu et interviendront en tant que récompense à chaque action que vous effectuerez en faveur de la partie : Protéger la ville des monstres, fournir de l’électricité, ramener des ressources dans leurs zones de stockage… Ils serviront de monnaie d’échange au ministère du travail afin d’obtenir de précieux coupons ration. Et c’est à l’aide de ces coupons que l’on peut se procurer de nouveaux objets plus performants, des armes ou encore des tenues afin de personnaliser notre clone.
Le marché noir permet quant à lui la présence des dollars Freeman, une monnaie que vous obtiendrez contre des euros sonnants et trébuchants ou que vous trouverez éventuellement en jeu, à raison de quelques dollars par-ci, par-là. Inutile de faire un dessin, comme tout bon F2P qui se respecte, The Tomorrow Children applique un modèle économique qui poussera les joueurs les plus désireux d’obtenir certains permis, armes surpuissantes et autres objets en tous genres à dépenser de l’argent afin de pouvoir se procurer un catalogue d’objets qui facilitent grandement les choses.
Demain ne meurt jamais
Mais tout ceci dans quelle optique ? Car si notre nouvelle patrie commence à grandir petit à petit, les objectifs eux, restent peu ou prou les mêmes. Certes, il est agréable de constater que notre ville grandit au fil du temps en créant divers bâtiments, sculptures et autres mobilier urbain après avoir résolu un puzzle, mais la routine s’instaure doucement et l’ennui pointe très vite le bout de son nez. Et ce ne sont pas les quelques attaques d’Izvergs, ces kaijus nouvelle génération ressemblant comme deux gouttes d’eau à un Godzilla nourri aux radiations, qui viendront réellement redonner un peu de piment au titre. De plus, le joueur se rend très vite compte que la notion de propriété n’existe pas vraiment dans le jeu. En effet, lorsqu’une ville sera rebâtie intégralement, il sera alors temps de migrer vers une nouvelle qui aura besoin de vos services.
En éliminant l’attachement que l’on aurait pu développer pour notre bourgade, le jeu se tire malencontreusement une balle dans le pied. Là où il aurait pu être intéressant de proposer aux joueurs de développer sans fin leur ville afin de tenter d’en faire quelque chose de vraiment imposant, on se contente de redonner vie à des petites parcelles éparpillées ici et là dans le Void, et qui ne sont d’ailleurs jamais reliées entre elles directement. Si l’on peut passer d’une ville à une autre en prenant le métro, vous n’en croiserez jamais une lors de vos escapades en jet-pack. Vous l’aurez compris, une fois que vous aurez redonné toute sa splendeur à la première ville que vous aurez visité, The Tomorrow Children ne se contentera que de vous proposer de réitérer l’expérience.
Et si vous pensiez que jouer avec vos amis permettrait de varier les plaisirs, que nenni. Ici, le multijoueur se base sur un modèle asynchrone que l’on retrouve de plus en plus. Concrètement, vous aurez une visibilité directe sur les actions des personnes qui se trouveront dans la même ville que vous. Bâtiments, ressources, énergie, tout ceci prendra effet immédiatement. Il vous arrivera alors de croiser quelques clones ici et là durant de courts instants, puisque vous n’aurez jamais la possibilité d’interagir réellement avec eux, ou de coordonner vos actions. En soi, l’idée est plutôt intéressante et se mélange bien au modèle marxiste sur lequel se base le concept du titre de Q-Games. Néanmoins, si la forme parait intéressante, c’est bel et bien le fond qui tache. On ne parvient alors pas à accrocher à The Tomorrow Children sur la durée, malgré son esthétique largement réussie et qui se doit d’être saluée. En effet, digne des studios Pixar, la direction artistique de haute volée laisse sans voix, et on en vient même à regretter que les développeurs n’aient pas proposé un univers plus vivant.
L’ambiance patriotique et teintée de communisme est terriblement plaisante. C’est d’ailleurs le principal moteur du jeu, ce qui en motivera certains à relancer leur partie, malgré une absence totale de challenge et un intérêt réduit dès lors que l’on comprend qu’il ne s’agit ici que de restaurer des villes à la pelle. Alors que le jeu nous promettait une expérience unique, il s’avère être finalement un titre sympathique dans les premières heures, pour, au final, devenir très vite redondant voire même carrément ennuyant. Son manque de contenu et d’ajouts, en comparaison de ce à quoi nous avons pu jouer lors de la beta, est marquant et s’il ne se dote pas d’éléments nécessaires à relancer l’intérêt du joueur d’ici à sa sortie en libre accès, il se pourrait bien que The Tomorrow Children se tue lui même dans l’oeuf, alors qu’il n’est encore disponible qu’en accès anticipé.
Verdict
Décevant, tel est le mot d’ordre de The Tomorrow Children. Le jeu de Q-Games semblait pourtant avoir tout pour lui, à savoir un univers unique et bien ficelé, une direction artistique digne des meilleurs studios d’animation et un concept intéressant. Pourtant, tout ceci ne parvient pas à prendre forme de la façon dont on l’aurait souhaité. Le jeu manque très clairement de contenu et on se retrouve très vite à effectuer sans cesse les mêmes actions, pour au final recommencer tout de zéro (ou presque). Enfin, son modèle lui offrira l’avantage d’être facilement approchable, mais en attendant sa sortie en libre accès, il lui reste énormément de chemin à parcourir pour parvenir à accrocher les joueurs sur la durée.
Test effectué avec une version éditeur sur PS4
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