Ayant reçu un avis très favorable par la presse spécialisée et les joueurs pour Until Dawn sorti en 2015, SuperMassive Games revient sur le devant de la scène avec Man of Medan, le premier volet de la saga The Dark Pictures Anthology. Continuant à explorer les limites de l’horreur tout en essayant de transformer un genre purement pensé pour le solo en expérience multijoueur (notre preview disponible à cette adresse vous en dira plus), le studio aspire à créer en quelque sorte le Black Mirror de la pétoche. De bien grandes ambitions qui commencent déjà à prendre forme avec les tréfonds du navire labyrinthique et cauchemardesque de Man of Medan.
Test réalisé sur PlayStation 4, dans un salon bien éclairé et non pas sur un navire fantôme, grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur.
« Ô Capitaine, Mon Capitaine ! »
Si cette citation tirée du poème éponyme de Walt Whitman, mentionnée entre autres dans le film Le Cercle des Poètes disparus, est très souvent utilisée, elle est d’autant plus pertinente pour The Dark Pictures Anthology: Man of Medan (nom complet puisqu’une saga entière est prévue ; dans un soucis de simplicité, nous raccourcirons l’appellation de ce premier volet à Man of Medan). Il y a quelques années, lors de la Seconde Guerre Mondiale, un drame s’est produit en l’espace d’une nuit : un équipage, comprenant le personnel, les matelots et de nombreux soldats, a péri de façon mystérieuse alors que le navire transportait une cargaison spéciale, soit des cercueils de différentes tailles et l’or de Mandchourie. Le jeu ne se contente pas de livrer ici une introduction purement narrative car le ou les joueurs interagissent avec les éléments du scénario en incarnant les soldats Charlie et Joe.
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La peur tord les traits de ce matelot, témoin du Mal rongeant le navire…
Des années plus tard, le joueur rencontre un groupe d’amis composé de cinq personnes : Brad, Alex, Julia, Conrad et Fliss. Cette dernière est la capitaine du Duke of Milan et les autres sont tous liés, soit par une relation amoureuse, soit par une relation familiale. Par exemple, Brad est le frère d’Alex alors que ce dernier est le petit copain de Julia. Conrad est quant à lui le frère de Julia. Tous ont décidé de partir ensemble pour une petite plongée culturelle. Ainsi, ils embarquent à bord du Duke of Milan et se rendent en mer pour découvrir un B-29, un bombardier devenu une épave sous-marine. Pour la petite anecdote, ce bombardier était l’avion de sauvetage attitré qui devrait se rendre sur l’Ourang Medan, notre cher navire fantôme. Malheureusement, il n’est jamais arrivé à bon port… Hormis Fliss, tous se montrent assez intrépides et décident de faire fi des règles de plongée et des coutumes locales, attirant alors le mauvais œil sur eux.
Nous n’irons malheureusement pas plus loin dans nos explications concernant le scénario de Man of Medan, tant il faut le découvrir par soi-même, et surtout parce qu’il varie en fonction des choix de chacun. Vous l’aurez compris et le savez probablement déjà mais Man of Medan, dans la lignée d’Until Dawn, laisse le joueur maître du destin des protagonistes. Effectivement, c’est lui qui modèle tout le fil narratif du jeu et qui doit choisir entre plusieurs options via les dialogues ou mises en situation. Ainsi, le soft est plus proche d’un Detroit: Become Human que d’un Life is Strange. D’ailleurs, les choix des joueurs sont enregistrés et actualisés à tout moment dans le menu trajectoires. Ces décisions affectent également les traits de personnalité et la relation des personnages entre eux. De ce fait, bien qu’il soit possible de traverser le soft en quatre heures environ, la rejouabilité est bel et bien présente. Sachez que vous pouvez jouer seul ou avec des amis (chacun incarnant un personnage prédéfini) depuis une seule TV et une seule console/PC grâce au mode « Soirée télé » ou en « Histoire partagée » via une connexion internet. Dans tous les cas, il est possible de faire le jeu de nombreuses fois et de ne pas avoir du tout le même parcours tant les embranchements scénaristiques diffèrent et sont nombreux.
[…] sans faire dans le cliché et le vu et revu, Man of Medan est sublimement horrifique […]
Comme dans Until Dawn, proposant des séquences avec le psychiatre, il y a un personnage tiers qui parle directement aux joueurs. Brisant le quatrième mur pour impliquer davantage le joueur dans cette nouvelle aventure, le Conservateur des histoires (joué par le britannique Pip Torrens) est là pour nous aider et surtout pour enregistrer les choix effectués. Il y a une sorte d’ambivalence qui se dégage du personnage, mais nous en découvrirons certainement plus à son sujet dans les prochains volets de la saga The Dark Anthology, car il sera présent dans ceux-là également, étant le seul lien entre les différentes histoires que narrera Supermassive Games.
QTE, jump scare, choix… frissons !
Se rapprochant davantage d’un film interactif, Man of Medan ne propose pas un gameplay très riche en termes de jouabilité. Rassurez-vous, SuperMassive Games insère tout de même un gameplay bien équilibré, avec plusieurs phases de jeu. Dans la plupart des situations, les joueurs sont amenés à effectuer de rapides QTE avec les touches Carré, Rond ou Triangle (pour ce qui est de la version PlayStation 4). On a d’ailleurs remarqué que le timing pour enfoncer ces touches est assez court et impose donc une très grande rapidité de réflexion et d’action. Mais ce n’est pas tout. Comme vous pourrez le remarquer dans notre vidéo de gameplay disponible ci-dessous, il faudra parfois enfoncer la touche Croix en même temps que les battements de cœur de notre personnage, affichés à l’écran, afin de lui faire garder son calme. Si dit comme cela, ça a l’air simple, attendez de voir une fois la manette en main, avec cette pression constante de les maintenir tous en vie !
En dehors des QTE pour les actions, les choix de dialogue se font via une roue s’affichant en bas à droite de l’écran. Elle comporte toujours 3 décisions différentes, catégorisées par un trait de caractère, et l’option « Ne rien dire ». Conrad, le frère de Julia, est issu d’une famille très aisée et est donc un jeune homme assez prétentieux, intrépide et arrogant. De ce fait, l’une des décisions narratives proposées suit sa personnalité. On peut avoir une impression de script assez restreint mais il n’en est rien en réalité, chaque personnage pouvant changer de comportement en fonction des choix du joueur.
Par ailleurs, il est possible d’explorer les lieux lorsque le scénario vous le permet. Ainsi, le joueur pourra interagir avec les éléments du décor afin d’en savoir plus sur l’un des personnages ou bien pour récolter des réponses quant au drame d’il y a quelques années. Par exemple, vous pourrez regarder à travers des grilles de ventilation, dans des casiers, lire des documents historiques ou carnets posés ça et là… L’exploration est d’ailleurs fortement recommandée puisque le navire fantôme recèle de nombreux secrets à découvrir. Par ailleurs, en regardant des tableaux à bords blancs ou noirs, les joueurs débloqueront des prémonitions, donnant ainsi une idée visuelle de ce qui pourrait arriver prochainement. Deux éléments non négligeables pour le reste de l’aventure.
Ce qui est très intéressant et surtout très bien vu de la part des développeurs de SuperMassive Games est le fait qu’ils ne fournissent pas là un jeu d’horreur qui fait dans le gore, le trash ou autres. Ils travaillent davantage sur la suggestion. Alors oui, il y a bel et bien des jump scares, vous vous en doutez, mais c’est davantage via l’atmosphère que nous ressentons une certaine angoisse. On oscille entre l’envie d’en découvrir plus et ce « non, non je ne vais pas aller là dedans, j’ai trop peur ! ». On frissonne plus qu’on ne crie. Ce n’est jamais dans l’excès, c’est dosé avec justesse et équilibre. Chapeau !
Sublimement horrifique !
D’ailleurs, la création de l’ambiance et du sentiment d’inconfort que nous pouvons ressentir passe surtout par les plans de caméra. Si beaucoup catégorisent Man of Medan comme un film interactif plus qu’un jeu d’action-aventure, c’est à juste propos. Le soft emprunte énormément aux codes cinématographiques, et plus précisément au genre de l’horreur, notamment via le cadrage des plans (la vidéo de gameplay vous en donnera d’ailleurs un très bon aperçu). Par exemple, au début de l’aventure, les développeurs ont fait le choix de placer la caméra derrière des escaliers métalliques. Évidemment, elle se déplace dans un traveling vertical en même temps que les personnages descendent l’escalier. L’arrière plan étant très sombre et totalement visible, on s’attend à tout moment à voir quelqu’un ou quelque chose traverser de part et d’autre de l’écran pour nous faire peur, mais ce n’est pas le cas. Ou nous pourrions avoir l’impression que nous voyons la scène à travers les yeux d’une créature, ou autre. Encore une fois, ce n’est pas le cas. Comme nous avons pu le dire précédemment, les développeurs ont bien compris qu’il n’y a pas besoin de placer des jump scares toutes les deux minutes, l’angoisse transparaît via les plans de la caméra et cela suffit amplement. Ainsi, sans faire dans le cliché et le vu et revu, Man of Medan est sublimement horrifique.
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Des jeux de lumière et choix de plans caméras sublimes !
Bien évidemment, les plans de caméras ne sont pas les seuls éléments créant l’ambiance si particulière de Man of Medan. Les jeux de lumière et de contraste y contribuent également, et sont d’une qualité assez remarquable sur PS4. On peut s’attendre à un meilleur rendu sur la version Pro, sur la Xbox One X ou sur un PC possédant une bonne carte graphique. La direction artistique adopte un ton très réaliste, grâce notamment à la motion capture, pour rendre l’immersion d’autant plus prenante, comme c’était déjà le cas dans Until Dawn. Une recette qui marche encore parfaitement, même quelques années plus tard. Sans oublier la bande originale, mélangeant des bruitages assez dérangeants à des sons stridents et morceaux très rythmés, qui rend le tout encore plus immersif et angoissant. On retiendra notamment les mélodies de grands compositeurs qui passent lorsque le Conservateur des histoires nous parle ou encore le morceau joué lors du générique d’introduction, A Conversation with Death de Khemmis.
Et du côté de la technique…
Si c’est un sans faute jusque là, Man of Medan affiche tout de même de légers problèmes. Il arrive que la synchronisation labiale laisse un peu à désirer par moments, même si cela n’est pas vraiment handicapant. À ce propos, ayant joué au soft en VF et en VOSTFR (anglais, sous-titré en français), nous avons naturellement préféré la dernière option tant elle colle davantage au jeu des acteurs. Il y avait quelque chose de plus convaincant dans leurs voix, plutôt que dans le doublage français, même si celui-ci reste assez correct dans l’ensemble.
En revanche, un autre petit souci technique est très vite apparu. Sachez que nous avons lancé l’aventure en solo et en histoire partagée avec un ami. En mode solo, nous avons eu quelques baisses de framerate. Ce ne fut pas récurrent ni très très long, mais cela convient d’être noté. On s’attend tout de même à ce que les développeurs déploient un petit patch pour régler ces quelques soucis, qui peuvent en déranger plus d’un. Hormis cela, le soft tourne plutôt bien dans l’ensemble et affiche malgré tout une bonne fluidité. D’ailleurs, on a jamais eu de baisse de framerate pendant un jump scare, évidemment.
Verdict : 9/10
Avec une direction artistique jouant davantage sur l’atmosphère créée via le cadrage des plans, les jeux de lumière exceptionnels et une motion capture apportant un réalisme dingue et davantage d’immersion, Man of Medan saura très certainement se faire une belle place dans la bibliothèque des joueurs. Que vous soyez des amateurs du genre ou des nouveaux venus ayant tendance à ne pas apprécier les jeux d’horreur, Man of Medan se révèle être un must have pour cette génération de consoles. C’est sans grande hésitation que nous pouvons dire que Man of Medan est une référence du jeu d’horreur, comme le fut déjà, et comme l’est encore, Until Dawn.
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