Judgment, qu’on connaît aussi sous le nom de Judge Eyes au Japon, est le tout nouveau jeu de Ryu Ga Gotoku Studio. Oui, c’est bien le développeur de la série Yakuza, dont Judgment emprunte beaucoup de choses tout en apportant sa touche personnelle. Ici, on n’incarne plus le ténébreux et gentil gaillard au corps d’acier Kiryu Kazuma, ex-yakuza. Désormais, place à Takayuki Yagami, détective ex-avocat qui résout de petites affaires à Kamurocho mais une série de meurtres étranges vont perturber son quotidien. Un jeu d’enquête à la sauce Yakuza, c’est forcément bon, non ? C’est ce qu’on va tâcher de découvrir.
Test réalisé sur PlayStation 4 à partir d’une version numérique fournie par l’éditeur
Que justice soit faite
Le début de Judgment nous plonge directement dans l’ambiance : suite à un terrible événement, Takayuki Yagami, le héros du jeu, ne souhaite plus exercer en tant qu’avocat et se reconvertit en tant que détective, souhaitant toujours faire régner la justice à Kamurocho. Oui, Kamurocho, c’est bel et bien le fameux quartier provenant de la série Yakuza, qui sera fortement citée à travers ce test. Cependant, si vous n’avez pas (encore) joué à Yakuza ou que vous n’êtes pas totalement à jour, soyez rassurés, en dehors du quartier et de quelques petites références plus ou moins anodines, aucun spoil majeur des aventures de Kiryu ne viendra gâcher votre expérience de jeu. Bref, bien qu’il ne soit plus avocat, Yagami, ou Tak’ pour les intimes, est toujours proche de ses anciens collègues du cabinet d’avocats Genda et ce sont ces derniers qui lui refilent une affaire qui va tout changer : prouver l’innocence d’un yakuza (si vous pensiez qu’il y en avait plus, détrompez-vous !) vis-à-vis d’un meurtre particulièrement sanglant similaire à une série d’homicides effrayant tout Kamurocho depuis plusieurs semaines.
Judgment, dans sa mise en scène ainsi que certains passages forts, ressemble beaucoup à Yakuza mais il possède en plus une ambiance digne d’une bonne série policière noire remplie de suspense jusqu’au bout, le tout avec quelques passages dignes d’un Phoenix Wright (il y a même quelques références à la fameuse série de Capcom). Si par moment, l’histoire s’égare et perd quelque peu en intensité, les mésaventures de Yagami et de sa bande sont passionnantes à suivre. Le jeu de SEGA sait plutôt bien jongler entre les moments drôles, tristes, intenses et sombres, notamment grâce aux personnages fortement bien écrits, autant les gentils que les méchants. Mention spéciale au héros bien sûr, Yagami, qui n’a pas grand chose à envier à Kiryu quand on apprend à le connaître mais les autres protagonistes ne sont pas en reste. Le duo qu’il forme avec Kaito, ex-yakuza, est des plus charmants. Il n’y a pas que la quête principale qui s’en sort bien, le jeu proposant de nombreuses affaires et moments annexes variés, drôles ou intrigants, comme dans les Yakuza. Il n’y a pas de doute, on a bel et bien bien affaire à un jeu Ryu Ga Gotoku Studio et ça fait toujours autant de bien en ce qui concerne les qualités de l’histoire et des dialogues. Cependant, qu’en est-il du reste ?
Comme un dragon, jusqu’à la moelle
Si vous avez joué aux différents jeux Yakuza, vous reprendrez vite vos marques dans Judgment car le gameplay est quasiment le même. Bien que Judgment soit une toute nouvelle licence, c’est un spin-of de la série Yakuza dans toutes ses formes. Déjà, on retourne encore une fois à Kamurocho et on s’y aventure de la même manière. Ainsi, Judgment propose un petit monde ouvert où l’on peut faire bon nombre de choses : entre deux moments consacrés à l’histoire, vous pouvez tout à fait manger et boire dans de nombreux restaurants/bars afin de récupérer de la santé et forger des relations (nouveauté intéressante du titre, d’ailleurs, afin d’obtenir davantage de bonus et de petites quêtes), combattre de nombreux loubards dans les rues avec des techniques de plus en plus sensationnelles, faire une pause avec des minis-jeux dans des salles d’arcade SEGA remplies de jeux iconiques – Virtua Fighter 5, Puyo Puyo, un jeu de tir façon The House of the Dead, etc. – ou bien des nouveautés comme des courses de drones, plutôt amusantes, et un jeu de plateau en réalité virtuelle, un peu moins convaincant. Et encore, il y a bien d’autres choses à faire mais on ne va pas non plus tout citer. Vraiment, on ne s’ennuie pas dans Kamurocho, même si on la connaît par cœur depuis de nombreuses années. Ryu Ga Gotoku Studio arrive toujours à y ajouter des petites touches ici et là afin qu’on s’y amuse sans trop s’en lasser, ce que peu de jeux qui reprennent d’anciens lieux arrivent à reproduire. Cependant, on regrette l’absence d’autres quartiers/villes à visiter, les derniers jeux Yakuza en proposant au moins deux afin d’apporter un peu de variété. De plus, si vous en avez vraiment assez du quartier iconique de la saga Yakuza, ce qui serait normal après huit jeux, Judgment risque alors de fortement vous déplaire tant il offre un sentiment de déjà-vu de ce point de vue-là. De plus, il n’y a plus de karaoké, ce qui est une totale hérésie. Bon, on exagère, vu le comportement de Yagami, le voir pousser la chansonnette ne correspondrait pas au personnage… mais cela aurait pu être drôle malgré tout.
Le sentiment de déjà-vu s’applique également aux combats mais de ce côté, c’est plutôt positif tant les nombreux affrontements procurent du plaisir. Yagami se contrôle comme Kiryu mais il se montre plus véloce : ainsi, on peut attaquer avec des coups faibles et rapides ainsi que des coups forts et lents, changer de style comme dans Yakuza Zero et Yakuza Kiwami afin de se consacrer soit à un seul ennemi, soit à un groupe entier, sauter par dessus les ennemis, esquiver via des pas chassés/roulades, courir et sauter d’un mur pour effectuer diverses attaques, agripper des malfrats pour leurs faire diverses prises, prendre des objets dans la rue… Sans oublier les fameuses attaques spéciales qu’on effectue d’une simple pression de la touche triangle qui changent selon les conditions et qui offrent des actions joliment mises en scène. Quel plaisir de voir Yagumi envoyer en l’air (et non pas s’envoyer en l’air, bande de coquin(e)s) trois yakuzas puis de les faire tournoyer avec ses jambes d’une façon aussi absurde que classe. La panoplie d’actions est pleinement satisfaisante et les sensations sont au rendez-vous, malgré une certaine répétitivité au fil du temps dû à la simplicité du système de combat et des ennemis qui n’ont pas une grosse panoplie d’attaques et de comportements. De plus, les missions principales offrent plusieurs phases de QTE dignes d’un bon blockbuster tant l’action est savoureuse, notamment un certain passage en skateboard qui devrait faire lever plusieurs sourcils. Le sentiment de progression et de montée en puissance répondent présent grâce à un menu où l’on peut acquérir diverses compétences, avec un système plus simple et compréhensible que dans les jeux Yakuza. On obtient différents points de compétence grâce à la progression dans l’histoire, les missions secondaires et les diverses activités qu’on peut pratiquer à Kamurocho. Judgment se veut plutôt facile en général mais certains combats vers la fin sont plus ardus, surtout si vous n’avez pas assez d’items pour récupérer la santé.
Le point fort de Judgment qui lui permet de se distancier quelque peu de Yakuza, c’est le fait que Yagami est un détective et il accomplit ainsi diverses activités liées à son domaine qui permettent de varier l’expérience, tant dans les missions principales qu’annexes. Ainsi, on peut analyser diverses scènes de crime afin d’y trouver des indices, prendre des photos pour obtenir des preuves lors d’un procès, suivre discrètement diverses personnes afin de les prendre sur le fait, faire voler un drone afin d’espionner un suspect, des courses-poursuites… On s’y croirait presque ! On accepte diverses missions de détective via différents contacts et des clients qui viennent directement à l’agence de Yagami, qui sert de base principale. D’ailleurs, on peut y accéder dès que possible et on peut la décorer un peu, ajoutant un peu d’immersion à l’aventure. Souvent, les affaires sont mineures mais à à chaque fois, on y prend goût, surtout quand certaines enquêtes sont drôles dans le plus pur esprit Yakuza. Il y a par exemple une cliente qui demande la capture d’un pervers qui est attiré par… les culottes, ce qui donne lieu à des dialogues totalement absurdes. Tout cela ajoute beaucoup de plaisir au jeu, sauf peut-être les phases de filature qui sont totalement dépassées avec une IA à l’ouest, parfois trop longues et des mécaniques de couverture d’un autre temps. Aussi, même si on a certains choix durant les dialogues, ne vous attendez pas à une complexité d’un Life is Strange ou d’un The Witcher 3: Wild Hunt, rater les bonnes réponses n’ayant aucune conséquence sur le long terme. Cependant, l’expérience globale reste largement satisfaisante et le nombre de choses à faire est tout simplement délicieux.
Ryu Ga Gotoku Studio, c’est plus fort que toi
Qui dit jeu Ryu Ga Gotoku Studio dit Dragon Engine, le moteur flambant neuf de SEGA utilisé depuis Yakuza 6: The Song of Life. Judgment l’utilise et une fois de plus, le résultat est plaisant à l’œil. Si l’on excepte certaines vilaines textures, une espèce de filtre bleu dérangeant par moments et quelques effets d’ombres ratés, on a des personnages bien modélisés et détaillés ainsi qu’un Kamurocho coloré et vivant, qui a tout de même assez changé avec les années. Les effets sont également particulièrement réussis et on a toujours la possibilité de voir la ville de matin, de jour et de nuit, proposant à chaque fois un festival de couleurs différentes. Cependant, toujours pas de cycle jour et nuit. Pour ce qui est de la fluidité, on a affaire à du 30 images par seconde qui tient bien la route en général mais on note tout de même quelques baisses de framerate lorsqu’il y a beaucoup d’ennemis, la physique des personnages et des objets étant toujours aussi réussie, la PlayStation 4 de base a du mal avec les scènes les plus chargées. Aussi, on a un petit peu d’aliasing mais on ne le remarque pas tant que ça. Bref, une belle réussite visuelle et technique malgré quelques bas.
Un autre point qui est souvent prisé dans les jeux Yakuza, la bande-son et là encore, le nouveau bébé de Ryu Ga Gotoku Studio fait mouche. Tout d’abord, les acteurs japonais livrent un travail formidable afin de donner vie aux différents personnages, ainsi, on ressent bien leurs tensions, leurs inquiétudes et les diverses émotions distillées à travers le jeu. Aussi, pour ceux qui préfèrent des dialogues en anglais, sachez que Judgment propose un doublage anglais et il se veut de qualité, même si les voix originales sont préférables pour une expérience optimale. Enfin, point important pour apprécier les dialogues au maximum : la présence de sous-titres français, qu’on a pas vu depuis des années dans un jeu Ryu Ga Gotoku Studio ! Les traducteurs français ont livré un joli travail et ils se sont même lâchés par moment, surtout au niveau des insultes, avec des mots bien fleuris et exquis. On regrette juste quelque peu qu’une fois de plus, il y a encore pas mal de dialogues sans aucune voix ou presque, en dehors de petits mots ou bruitages. Cela s’implique principalement aux affaires secondaires mais on aurait tout de même aimé que tout soit doublé. Les musiques ne sont pas en reste, mélangeant habilement divers genres tels que le jazz, la techno, le rock et bien d’autres encore, se mariant à merveille avec chaque moment et procurant de l’adrénaline dans les passages les plus mouvementés, de quoi apprécier pleinement Judgment et sa longue durée de vie (20-30h pour la quête principale si l’on fait aussi quelques activités annexes à côté, bien plus si l’on compte tout faire).
Verdict : 8/10
Ryu Ga Gotoku Studio livre avec Judgment un jeu qui n’aura aucun mal à convaincre les personnes désirant vivre une sombre enquête avec de l’action survoltée ainsi que des personnages emblématiques. Bien qu’imparfait, ses défauts sont largement mineurs et on retient surtout ses qualités, notamment son histoire passionnante. Haletant du début jusqu’à la fin, on ne ressort pas indemne de Judgment. Amateurs/amatrices d’ambiances noires, absurdes et épiques, prenez un billet d’avion pour le Japon virtuel de SEGA, Kamurocho vous attend. Une fois de plus, certes mais tant que c’est bon, pourquoi s’en priver ?
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