La plupart du temps, quand on parle d’heroïc ou de dark fantasy, le personnage principal est un fier chevalier, et cela peu importe le média dont il s’agit. Film, série, livre ou jeu vidéo, les exemples sont nombreux et il est rare de voir une autre espèce faire office de héros. Les elfes, nains ou orcs s’en sortent plutôt bien mais sont souvent relayés au second plan. Et ne parlons même pas des gobelins qui la plupart du temps ne sont là que pour servir de chair à canon. Et pourtant, les gars de Cyanide Studio ont fait le pari de permettre aux joueurs d’incarner Styx, un gobelin issu du titre Of Orcs and Men, comme personnage principal. Après un premier opus qui a su satisfaire à la fois la critique et les joueurs, forcément, un deuxième épisode voit le jour, et nous allons découvrir ensemble ce qu’il a dans le ventre.
Test réalisé sur PC à partir d’une version éditeur
Un gobelin, c’est sournois
Suite directe du premier jeu, Styx: Shards of Darkness nous permet encore une fois d’incarner Styx afin de lever le voile sur une nouvelle source de pouvoir : le Quartz. L’objectif de notre cher gobelin sera alors d’obtenir ce pouvoir et se venger d’un elfe change-forme qui l’a ridiculisé. Bien évidemment, ce postulat de départ s’ouvrira par la suite sur des événements bien plus importants. L’univers dépeint ici n’est finalement pas des plus originaux puisque l’on se retrouve dans un monde où certaines espèces sont réduites en esclavage, et où l’on massacre en masse les gobelins. Alors que ces derniers prolifèrent en nombre et sont appelés la Peste Verte, un groupe spécial a été créé afin de les éliminer. Mais c’est finalement l’un des membres de ce corps armé qui donnera sa première mission à Styx, chacun ayant des objectifs qui convergent.
Le jeu ne renouvelle pas le genre de la dark fantasy, mais permet de rencontrer de nombreux personnages plutôt bien écrits et le monde qui nous est ici présenté est sombre et poisseux. Seul moyen de respirer un peu dans cet univers étouffant : le personnage principal. Ce dernier assène des punchlines teintées d’humour noir, chacune de vos morts étant l’occasion pour lui de briser le quatrième mur en s’adressant directement au joueur, lui prodiguant conseils absurdes et l’insultant sans vergogne. In-game, Styx garde le même comportement et ne fait pas souvent preuve de respect envers les PNJ, surtout envers ceux qui déciment les membres de son espèce.
Un gobelin, c’est discret
Styx: Shards of Darkness base tout son gameplay sur l’art de la furtivité et de la discrétion. Peu importe les objectifs à atteindre pour réussir votre mission, vous allez devoir faire preuve d’ingéniosité, de patience et d’observation pour pouvoir avancer. À aucun moment, le titre ne vous prend par la main pour vous indiquer comment accomplir votre tâche. La seule information dont vous disposez est un marqueur qui vous permet de localiser l’objectif. À vous ensuite de trouver le meilleur chemin pour l’atteindre. Pour ce faire, les développeurs ont créé un level design de qualité, avec plusieurs niveaux, de nombreuses cachettes, pièges, et moyens d’attirer l’attention des gardes ailleurs. Vraiment bien pensés et faisant le sel du jeu, les différents niveaux sont toujours l’occasion de mettre à profit votre sens de l’observation et votre patience. Et si le nombre de gardes qui vous barrent la route vous parait trop important pour passer en ligne droite, vous pouvez être sûr que les développeurs ont mis un, deux ou même trois chemins possibles. Cependant, contourner les gardes ne sera pas toujours possible et Styx dispose de nombreux outils pour pouvoir détourner leur attention, ou de se débarrasser des ennemis un peu trop gênants. Il sera ainsi possible de balancer des débris afin d’attirer un soldat à un endroit précis, ou encore d’en éliminer certains à l’aide de dagues de lancer, ou bien encore de s’approcher discrètement pour les assassiner. Plusieurs items, en nombre limité, sont à disposition et vous permettront de vous faciliter la tâche.
En plus de cela, Styx dispose également de pouvoirs plutôt bienvenus qui vous seront d’une grande aide. Notre cher gobelin a par exemple la capacité de créer un clone qui pourra alors servir de distraction pour vous permettre de passer subtilement. Vous allez également pouvoir vous rendre invisible pendant une courte période ou développer vos sens pour obtenir la localisation des ennemis et leur distance par rapport à vous. Bref, nombreux sont les pouvoirs de Styx et ils vous seront bien utiles. Mais leur usage n’est pas gratuit, et ils sont régis par une barre de mana qui se réduira à chaque usage. Une utilisation intensive et abusive de votre pouvoir d’invisibilité et Styx réapparaitra par exemple au beau milieu des gardes que vous souhaitez éviter. Ce pouvoir a de toute manière une certaine limite, puisque se rendre invisible n’étouffera pas les bruits de votre personnage. Bien utiles, ces pouvoirs ne sont toutefois pas surpuissants, surtout au début du jeu où vous ne les aurez pas encore améliorés. Car oui, il sera possible, moyennant des points de compétences (obtenus suite à la réussite d’objectifs) d’augmenter la puissance des pouvoirs et ainsi les rendre plus efficaces.
Styx n’est qu’un gobelin, et par conséquent, ses compétences en combat sont assez limitées. La plupart des affrontements directs se termineront par votre mort. Vous allez pouvoir vous en sortir facilement lorsque l’adversaire est esseulé, mais dès que vous serez face à un groupe, n’espérez même pas vous en sortir. Et même les un-contre-un s’avèreront souvent perdus d’avance tant les adversaires sont souvent lourdement protégés par de grosses armures. En effet, la dague de Styx s’avère bien trop fragile et il ne vous restera alors plus qu’une seule solution : la fuite. Plutôt agile dans ses déplacements, Styx s’enfuira facilement, notamment grâce au déplacement rapide mais surtout grâce aux pouvoirs qu’il peut utiliser. Si un ennemi vous pourchasse, vous allez être en mesure de ralentir sa course en créant un double pour faire diversion et ainsi créer une opportunité de vous cacher.
Les gardes, c’est stupide
Mettons les choses au clair tout de suite. Oui, l’IA de Styx semblera parfois un peu stupide, notamment dans les niveaux de difficulté les plus faibles. Mais tout cela est normal. Si vous étiez devant une IA bien trop perfectionnée, avec un champ de vision trop important, vous ne passeriez même pas le didacticiel. Les gardes et autres ennemis semblent ainsi souvent limités dans les jeux d’infiltration, rien d’anormal. Dans Styx: Shards of Darkness, cette dernière n’échappe pas à la règle et peut être facilement bernée. Du moins en théorie. Car si dans les premières missions il sera assez facile d’atteindre son objectif en faisant preuve de patience, la difficulté va monter rapidement au fur et à mesure que le bestiaire va se diversifier. Au début, les simples soldats ne feront pas le poids face à la dague d’ambre de notre cher gobelin. Puis, en progressant, le nombre d’ennemis va s’intensifier, les rondes seront plus difficiles à prévoir, le champ de vision des ennemis va s’agrandir, et il vous sera demandé d’apprendre les spécificités de chaque adversaire afin de pouvoir passer. Ainsi, les soldats en armure ne peuvent être assassinés, et les nains peuvent par exemple vous sentir à cause de l’odeur que vous dégagez. Tous ces éléments risquent de vous occasionner pas mal de surprises, et un routing, pourtant parfait en théorie, peut finalement tourner au vinaigre. Le bestiaire du jeu est suffisamment diversifié pour tenir en haleine le joueur et le forcer à faire preuve d’ingéniosité pour accomplir sa mission. Les gardes seront bien évidemment plus attentifs si vous laissez des corps sur votre passage. Pour cela, les développeurs ont disposé à de nombreux endroits des coffres où il sera possible de dissimuler les dépouilles des ennemis abattus, et où vous pourrez utiliser des flasques d’acide pour les faire disparaître. On regrettera cependant qu’il soit un peu trop facile d’envoyer tout un groupe d’ennemis dans une direction pour ensuite passer dans leur dos.
Et si jamais vous n’arrivez pas à avancer, cette fois-ci Styx peut compter sur un mode multijoueur. En effet, il sera possible de demander de l’aide à un autre joueur qui viendra alors vous prêter main forte. Malgré quelques ratés de serveurs, le principe est plutôt agréable, et parcourir les missions avec un ami est assez plaisant. Surtout que le jeu est assez long. Pour un premier run en mode Normal, comptez une quinzaine d’heures, voire une vingtaine en fonction de votre familiarité avec les jeux du genre. Plusieurs modes de difficulté sont également de la partie pour augmenter une durée de vie déjà conséquente. D’ailleurs, le jeu vous invite à y retourner régulièrement pour améliorer votre score. À tout moment, vous allez pouvoir recommencer des missions déjà réalisées, pour mettre la main sur tous les collectables ratés ou réaliser des objectifs secondaires et facultatifs que vous n’aviez pas atteint la première fois par exemple. L’occasion d’obtenir de nouveaux points à dépenser dans l’arbre de compétences et ainsi améliorer l’efficacité de votre gobelin. De plus, et à la manière d’un Hitman, le jeu propose pour chaque mission un système de défis, représenté par des médailles, qui viendra là encore vous donner de nouveaux points de compétence. Par exemple, le jeu vous invite à speedrunner les missions pour obtenir le meilleur temps possible ou encore ne pas vous faire repérer. Enfin, les fans de Metal Gear Solid ou de Dishonored y sont habitués, le jeu vous récompensera également si vous parcourez la mission sans laisser de cadavres derrière vous. Être pacifiste, c’est payant.
L’ambiance sonore du titre est de bonne qualité, les doublages (en anglais) sont travaillés et les dialogues sont bien écrits. Hormis les cinématiques, on ne s’adresse qu’à très peu de PNJ et les ennemis sont finalement notre seul moyen d’en apprendre plus sur le background et le contexte général du jeu. Il ne sera ainsi par rare de perdre du temps à juste vouloir espionner une conversation entre deux gardes pour en connaitre plus sur l’endroit où se situe la mission, sur la cible à abattre ou sur l’objet à récolter. La musique du titre, cependant, est en retrait. Très peu de thèmes sont marquants mais cela s’explique par le genre même du jeu. En effet, dans un soft d’infiltration et de furtivité, votre ouïe est bien souvent mise à contribution pour entendre les soldats alentours. Par conséquent, la musique ne doit pas être une source de distraction.
Verdict
Styx: Shards of Darkness s’avère être une véritable version 2.0 du premier épisode. Avec ses quelques nouveautés somme toute assez sommaires, mais surtout son gameplay intuitif, le titre de Cyanide Studio s’impose comme un cador du genre. De plus, la replay-value du titre vous fera y revenir bien souvent, et son personnage principal, finement écrit, captera votre attention. Le level design est très bien pensé et, à chaque mission recommencée, c’est un nouveau chemin à emprunter qui s’offre à vous. Et si le studio n’a pas cédé à la course aux graphismes, l’univers présenté ainsi que sa direction artistique font clairement le café. Bref, Styx: Shards of Darkness est un véritable bon jeu d’infiltration.
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