On aurait presque l’impression que SEGA essaye de nous murmurer à l’oreille « Psst, n’oubliez pas Sonic ». En effet, le hérisson le plus rapide du monde revient déjà sur consoles et PC avec Sonic Superstars, qui se veut être le point de rencontre parfait entre les attentes des fans de la première heure et ceux qui ont découvert la licence en cours de route. Un défi somme toute ambitieux si l’on prend en compte les différentes facettes que revêtissent les jeux Sonic, à plus forte raison depuis qu’il s’est essayé au monde ouvert il y a un peu moins un an de cela avec Sonic Frontiers. Reste à voir si la course ne sera pas trop semée d’embuches.
Here we go again
Difficile de croire que le hérisson bleu de Sega faisant également office de mascotte a déjà soufflé sa 30ème bougie il y a 2 ans de cela. De prime abord, on pourrait croire que Sonic n’a pris aucune ride, pourtant la franchise a démarré aussi vite qu’elle a décliné dans les années 90, la faute à une surexploitation du personnage et de son univers, à grands coups de suite, d’add-ons (souvenez-vous de Sonic & Knuckles avec le système de lock-on de la cartouche, dans laquelle il était possible d’insérer un autre jeu et qui permettait de jouer avec l’échidné dans Sonic 3 et Sonic 2) et de spin-offs. Le passage à la 3D s’est fait avec brio grâce aux Sonic Adventures et Sonic Heroes, mais la suite fut moins brillante et même Sonic 4, un épisode qui fut scindé en 2 épisodes à sa sortie ne parviendra pas à s’illustrer comme la suite logique tant attendue des opus canoniques sortis sur Mega-Drive.
Qu’importe, SEGA redoublera d’efforts pour continuer d’imposer sa mascotte dans le paysage vidéoludique, que ce soit au détour d’un délire nostalgique marquant l’un des meilleurs retour aux sources de ces dernières années avec Sonic Mania ou bien à l’aide de collaborations inattendues comme Mario & Sonic aux Jeux Olympiques. Toujours en dents de scie, la carrière de Sonic a accouché l’an dernier de la belle surprise Sonic Frontiers. Autant le dire tout de suite : propulser Sonic dans un monde ouvert avait de quoi faire peur, pourtant le résultat fut loin d’être mauvais et le jeu accueillera bientôt un nouveau contenu téléchargeable pour prolonger le plaisir. Avec l’arrivée prochaine de Sonic Superstars, le hérisson reste au menu de nos loisirs virtuel, avec cette fois-ci la promesse de lier tradition et modernité.
Sur le papier, le défi semble plutôt simple à relever, mais dans les faits, les écueils à éviter sont nombreux et il ne serait pas étonnant de voir notre quatuor perdre tous ses anneaux en dépit de la bonne volonté dont les équipes en charge du projet ont fait preuve. Comme en atteste son contenu – encore une fois, sur le papier. Puisque Sonic Superstars ne se contente pas simplement d’offrir une suite de plusieurs mondes à explorer mais offre également une vraie dimension multijoueur, tant en coopération qu’en versus. Sur ce dernier point, l’exécution manque malheureusement de finesse, mais nous reviendrons vite sur ce sujet.
Les 4 animaux fantastiques
Avec sa courte séquence animée en guise de générique d’ouverture et une introduction au mode Histoire de la même trempe, Sonic Superstars essaye de se donner les moyens d’une production qui a les reins solides. D’ailleurs parler de mode Histoire serait un brin présomptueux, car sans dialogues, et donc forcément sans sous-titres, le scénario a largement assez d’un mouchoir de poche pour tenir en intégralité. Nous ne lui en tiendrons pas rigueur à ce titre, ce n’est pas franchement pour ce genre de considération que l’on joue à un jeu Sonic en 2D. Et il faudra reconnaître à ces courtes et peu nombreuses cinématiques qu’elles ont le mérite d’être récréatives tout en étant de bonne facture. On aurait tout de même été en droit d’en attendre un peu plus, mais ne rechignons pas notre plaisir : nous sommes avant tout ici pour les joies d’un plateformer effréné.
Le Dr Eggman a manigancé un plan sordide visant à capturer les animaux géants des Northstars Islands pour les transformer en Badniks Robotisés. Il sera cette fois-ci aidé de deux personnages originaux, Fang et Trip, un personnage étrange revêtant une armure. Cette dernière a d’ailleurs été créée par Naoto Oshima, co-créateur de Sonic. Est-ce un gage de qualité pour autant ? On vous laissera tirer votre propre conclusion, toujours est-il que bien qu’assez en retrait, le personnage étonne de par le décalage qui subsiste entre son apparence et son comportement. Et puisque nous en sommes à parler protagonistes, il conviendra de noter que 4 personnages (ou presque, on ne vous en dit pas plus) sont jouables : Sonic, Tails, Knuckles et Amy.
Inutile de garder le suspense plus longtemps : Oui, ils possèdent chacun leur caractéristique propre en termes de gameplay. Tandis que Sonic peut effectuer un spin dash en direction du sol en plein saut, Tails peut se servir de sa queue scindée en deux pour voler et attaquer, tandis que Knuckles peut planer afin d’atteindre des zones inatteignables autrement. Enfin, Amy se retrouve une fois de plus équipée de son célèbre maillet jaune, et en plus d’attaquer avec en plein saut, elle pourra bénéficier d’une légère propulsion supplémentaire en plein bond. Pardonnez l’expression un poil hésitante, mais il serait un peu biaisé de parler de double saut, quant bien même cette capacité a la particularité d’être bien pratique pour se rattraper après avoir loupé une plateforme ou bien pour toucher un ennemi qui aurait esquivé une attaque.
Les 4 héros diffèrent finalement peu les uns des autres, d’autant qu’ils ne possèdent qu’une seule action qui leur est propre (or double emploi de cette dernière, qui provoque une attaque lorsqu’elle est utilisée), mais ils ont l’avantage de faire office de mode de difficulté : Avec Sonic, le jeu sera forcément un peu plus compliqué qu’avec Tails, Knuckles ou Amy. La faculté d’Amy nous a notamment permis d’atteindre certains boss alors qu’avec Sonic ou Knuckes, ils auraient été plus difficilement atteignables ou auraient requis d’attendre un moment précis de leur pattern. Mais gardez en tête que la difficulté ne devrait pas être un trop gros obstacle : hormis 2 ou 3 passages qui nous ont vu échouer à plusieurs reprises, l’ensemble se parcourt assez facilement. Et c’est assez logique au final, puisque l’on voit en Sonic Superstars l’envie de proposer un jeu convivial, voire même familial.
Entre tradition et modernité
Après tout, ceux qui ont grandi avec Sonic dans les années 90 ont peut-être fondé une famille, avec laquelle ils pourraient tout à fait partager les nouvelles aventures de Sonic, héros qui les a bercé durant leur enfance (et qu’ils ont potentiellement eux-mêmes découvert grâce à une figure parentale ou un proche par exemple). C’est un contrat que Sonic Supertars remplit plutôt bien, puisque l’on se retrouve ici avec un opus jouable jusqu’à 4, chaque joueur incarnant l’un des protagonistes susnommés, le temps de compléter l’histoire en coopération. On vous rassure, l’aventure est également jouable en solo et le jeu propose plusieurs slots de sauvegarde.
L’ambiance colorée et les niveaux chatoyants jouent pour beaucoup. Cela a toujours été une composante importante dans les jeux Sonic et celui-ci ne déroge pas à la règle. Il s’avère donc des plus agréables manette en main, que ce soit seul ou à plusieurs, d’autant que le level design fait preuve d’audace, avec beaucoup de verticalité dans la construction des stages. Ce qui offre une belle rejouabilité, car le premier passage de chaque niveau se veut toujours un peu plus fougueux. Bien que l’on explore un peu à l’aveugle, découvrir la position des ennemis, les pièges, les accélérateurs et propulseurs ou encore les bonus et secrets, implique de réagir davantage à l’instinct qu’en réfléchissant à comment atteindre telle zone du niveau. C’est aussi l’avantage de disposer de plusieurs personnages qui permettent, pour certains, d’accéder à des endroits bien camouflés ou très en hauteur.
Finalement, le gameplay, lui, ne change pas. Malgré tout, il n’a toujours pas vieilli. Surtout qu’il y a tout de même les pouvoirs dispensés par chaque émeraude du Chaos, que l’on peut utiliser quand bon nous semble. C’est loin d’être un game changer, et pourtant, il aidera sans doute les plus jeunes dans des situations délicates, ou bien quiconque désire profiter de ces power-ups offrant davantage de possibilités. Puisque l’on dénombre 7 émeraudes, ce sont au total jusqu’à 7 pouvoirs qui sont à récolter via les pierres précieuses qui sont habituellement le témoin de batailles entre Sonic et Dr Eggman. Toutes les récupérer ne sera toutefois pas une mince affaire, les niveaux bonus requièrent, une fois les premières émeraudes reçues, réflexes, doigté et sens du timing.
En parlant de niveaux bonus, en marge de ceux qui permettent d’obtenir une émeraude du Chaos, on notera la présence de stages spéciaux, qui apparaissent par le biais de passages dimensionnels à chaque checkpoint passé avec plus de 50 rings en sa possession. Ici, point d’émeraude à récolter, mais des médailles, qui serviront à débloquer des éléments dans le mode Combat. On pourra également en récupérer certaines directement dans chaque stage, mais elles sont pour la plupart bien cachées. Enfin, obtenir 100 anneaux permet aussi d’en obtenir une.
Vous l’aurez peut-être compris en lisant ces mots : exit les vies dans Sonic Superstars, puisqu’il est possible de recommencer à foison, sans jamais croiser un écran de game over. C’est un choix de game design qui risque de diviser : on y perd en charme ce que l’on gagne en côté pratique. Il ne s’agit plus seulement ici de compléter les niveaux à la suite, puisque entre chaque stage complété, on peut revenir à la carte pour rejouer n’importe quel niveau de son choix en choisissant son personnage, ce qui permettra notamment de débloquer certains niveaux exclusifs à l’un des 4 héros disponibles, ou encore de faire un tour dans le magasin. Mais ce dernier n’a cependant rien à faire là, puisque tout ce qu’il propose est dédié au mode combat.
Vous l’aurez compris, Sonic Superstars joue à la fois sur le tableau de la tradition, en reprenant cet aspect plateformer 2D cher à la licence, et en incorporant énormément d’éléments visuels et sonores des précédents opus canoniques. C’est bien simple, les joueurs de la première heure passeront leur temps à déceler ici et là les différentes parties du décor ou encore des ennemis, qui furent auparavant dans les tous premiers jeux de la franchise. Une belle lettre d’amour aux nostalgiques et aux fans, qui ne sauront sans doute pas rester indifférents à tout cela. Sur la carte de la modernité, le titre de SEGA et d’Arzest ont opté pour un fonctionnement sans vies, avec une carte permettant de revenir sur ses pas et en offrant des niveaux extrêmement vastes, à un tel point que leur construction en plusieurs niveaux incite grandement à les rejouer d’une autre façon pour les redécouvrir.
Les différents mondes à parcourir sont effectivement très colorés et vraiment agréables à regarder, malgré des graphismes qui auraient peut-être gagnés à être plus fins, plus détaillés. D’ailleurs, les arrières plans peuvent parfois être assez vide, ce qui est somme toute assez dommage quand on constate que le premier et le second plan peuvent être assez fouillés. Toujours est-il que cette relative simplicité visuelle n’empêche pas aux différents niveaux d’avoir chacun leur propre ambiance, dont certaines qui renvoient énormément aux trois premiers épisodes parus sur Mega Drive. Dommage que les musiques, malgré l’omniprésence de la caisse claire dans toutes les compositions, ramenant forcément aux belles heures du hérisson bleu, ne soient pas plus marquantes que cela. Elles parviennent tout de même à rester en tête, mais manquent de ce petit quelque chose pour vraiment faire mouche.
La croisière s’amuse, mais à quel prix ?
Là où le bât blesse avec Sonic Superstars, c’est finalement de par son prix, un poil excessif. Au-delà de la poignée d’heures nécessaire pour boucler le mode histoire une première fois, en solo comme à plusieurs, le jeu propose de prolonger le plaisir avec un mode Contre la montre et le fameux mode Combat. Inutile de s’épancher sur le mode dont le nom parle de lui-même, et attardons-nous davantage sur le mode Combat. Malgré son nom laissant sous-entendre la possibilité de s’affronter en 1v1 façon Sonic the Fighters, il s’agit davantage d’un ersatz de party-game, dans lequel 3 manches s’enchaînent, avec à chaque fois un mini jeu différent, pour faire rivaliser 8 joueurs en ligne ou 4 joueurs en local.
Cependant, ici, point de Sonic ni de Knuckles puisque chaque joueur contrôle un petit robot, qui pourra être customisé à l’aide d’éléments achetés dans le magasin grâce aux fameuses médailles, qui luttera contre la victoire autour d’épreuves parfois un peu éloignées du thème de base. Mais pourquoi pas, après tout ? Entre une course basique à travers un court niveau, une collecte d’étoiles ou encore une bataille à base de boules d’énergie, on en fait tout de même vite le tour. Sachant qu’on ne peut pas composer soi-même sa propre liste d’épreuve ou encore sélectionner les arènes qui accueilleront les mini jeux, on place donc son amusement dans les mains du hasard et l’aléatoire n’a pas forcément que du bon. On se retrouve donc avec un mode plutôt sympathique de prime abord, mais qui manque de finition, d’options et de contenu pour s’avérer réellement prenant.
Concrètement, autant on s’imagine convier des amis pour se faire une soirée sonique autour du mode histoire et de quelques pizzas, autant on se voit mal bifurquer sur le mode Combat. Qui plus est quand d’autres jeux offrent une réelle proposition de ce style avec une vraie valeur ajoutée. Mais qui sait, désormais avec la magie des patchs et mises à jour, nous ne sommes pas à l’abri d’un glow up qui ferait de ce mode une véritable plus-value pour Sonic Superstars. En attendant, on le chérira pour ce qu’il fait de mieux : nous offrir un trip rétro avec sa dose de modernité. Reste que le prix du voyage est un poil épicé à notre goût. Mais la nostalgie a-t-elle réellement un prix ?
Verdict : 6/10
Ne vous y trompez pas : la note peut sembler un peu cinglante mais en réfléchissant d’un point de vue purement consommateur, Sonic Superstars est vendu à un tarif un peu élevé pour l’offre globale qu’il propose. Passé cette déconvenue épicée, c’est un véritable petit bonbon dont on se délecte avec nostalgie pour les fans de la première heure, et avec plaisir pour les nouveaux venus. Le pari de réunir ces deux mondes est bien tenu, et en dépit de son mode Combat un peu vide d’intérêt, SEGA offre à sa mascotte une aventure supersonique qui a le mérite de proposer des niveaux gigantesques et à la rejouabilité non négligeable. Et ça, on aime forcément. Mais puisque rien n’est tout rose, même dans l’univers de Sonic, on n’aurait pas dit non à une technique un peu plus approfondie et des compositions parfois plus mémorables. Sonic Superstars, c’est donc un peu ce crush agaçant qui connaît son pouvoir d’attraction et qui revient lors des froides soirées d’automne : il joue sur notre corde sensible, mais il n’arrive pas à taper juste dans tout ce qu’il veut nous proposer. Malgré tout, ses bras ont un doux goût de revenez-y, et on aime s’y lover le temps de quelques heures. Le sentiment de culpabilité en moins.
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