Et si les jeux de stratégie politique étaient complètement dépassés ? Après tout, n’a-t-on rien de mieux à faire que d’avancer des petites troupes durant des heures afin de conquérir un monde virtuel ? La réponse est non, tout stratège qui se respecte cherchera la victoire dans toutes les batailles que chaque monde peut lui offrir. Pour autant, il est parfois compliqué de mener une guerre soignée alors qu’une partie de Civilisation VI ou de Total War peut durer près d’une dizaine d’heures et nécessite une grande organisation pour se réunir entre amis. C’est là qu’apparaît le système miraculeux de bataille asynchrone et une conquête infernale avec le titre Solium Infernum.
Test réalisé à partir d’une copie envoyée par l’éditeur
Pas le temps ? Pas un souci
Il faut environ compter 2 à 3 heures pour une partie de Solium Infernum. Cette durée n’est réellement pas la plus importante des jeux du genre, mais cela reste un investissement de temps important en une journée et ne fait que peu de sens. Après tout, Troyes ne s’est pas conquise en un jour, non ? Ainsi, il sera possible de jouer dans un mode classique vous obligeant à rester derrière votre écran toute la journée ou, un mode asynchrone qui permettra au seigneur démoniaque que vous êtes, de s’occuper de la paperasse, mais aussi de donner les directives de plusieurs batailles dans une même journée.
Les batailles asynchrones sont assez simples à comprendre : vous lancez une bataille qui durera un nombre de tours définis avant la réunion du conseil et vous définissez le temps accordé pour un tour. Ce temps peut être d’une journée à une semaine, laissant à vos amis la possibilité de trouver une petite demi-heure dans la semaine pour allumer le jeu, choisir ses actions pour le tour et repartir. Lorsque tout le monde a fait son action et que votre partie passe au tour suivant, vous pouvez même recevoir une notification Steam afin de vous connecter. Si vous êtes un stratège naît et qu’une bataille ne vous suffit pas, il sera possible d’avoir jusqu’à cinq batailles asynchrones en même temps.
Sa Majesté infernale
Les titres pour un chef de guerre sont nombreux et parfois un poil dégradant dans notre monde contemporain ainsi : « Conquérant », « Roi » ou encore « Commandant » deviennent ringards. Il nous faut désormais un véritable enjeu, un titre qui en jette et quoi de mieux que : « Sa majesté infernale » pour introduire une dimension plus stimulante ? Vous l’aurez donc compris, la lutte que vous menez dans Solium Infernum est celle pour l’ascension au trône de l’Enfer. Pour les connaisseurs, Solium Infernum est bel et bien une version modernisée du jeu éponyme de 2009. Imaginé par Vic Davis, Solium Infernum: To Reign Is Worth Ambition (2009) était l’enfant spirituel d’Armageddon Empires (2007), reprenant les bases du jeu de 2007 tout en se permettant d’approfondir fortement le système de diplomatie et un mode multijoueur asynchrone.
Revenons en 2024 avec le jeu de League of Geeks qui nous propose donc une bataille pour accéder au trône du souverain des enfers alors que ce dernier a disparu. Pour ce faire, vous aurez le choix entre huit archidémons qui possèdent tous une spécialité et des attributs différents pour commencer la partie. Le tout se déroule dans un plateau aux cases hexagonales avec plusieurs conditions de victoire possible (nous y reviendrons dans une partie dédiée). Ce format hexagonal est bien connu par les fans du genre et fait un peu vu et revu, car utilisé depuis bien trop longtemps. Ce n’est pas moins de deux tutos qui vous seront proposés afin de découvrir les différentes règles et de vous préparer aux parties plus scénarisées qui vous imposent un démon et une condition de victoire. Bien évidemment, le titre possède un multijoueur vous proposant de rejoindre la partie d’autres joueurs ou encore de créer la vôtre en paramétrant la taille de la carte, le nombre de tours et de plier jusqu’à 5 joueurs à votre cruauté.
L’enfer, c’est vraiment génial
Solium Infernum a deux intérêts pour un jeu de stratégie : son système asynchrone et son univers. Nous transposant dans les enfers, le jeu de League of Geeks arrive à être l’un des rares jeux du genre à nous faire sortir d’un contexte historique qui, tout comme les cases hexagonales, font désormais partie de la routine des jeux de stratégie. Ainsi, nous poussons les portes de l’Enfer et il faut se le dire, Solium Infernum donne envie ! Le plateau de jeu est tout simplement très beau pour un titre du genre et dépeint une excellente ambiance. Les lieux d’intérêts sont, eux aussi, très réussis et le tout arrive à produire une ambiance très sympathique en jeu.
La direction artistique est un véritable succès et nous avons aussi énormément apprécié les différentes illustrations pour les légions, préteurs et autres sous forme de petites cartes. Avec les ressources qui ressemblent un peu à des jetons, nous avons vraiment l’impression que Solium Infernum pourrait être un jeu de plateau sous peu, une idée que nous aimerons bien voir arriver. Viennent s’ajouter un bon sound design et une bande-originale efficace. Le tout permet de vraiment apprécier les premiers pas sur le jeu, rendant les tutoriels très agréables au fur et à mesure qu’on découvre une direction artistique imprégnant le moindre menu.
Même la cruauté a des règles
Même les tréfonds de l’Enfer sont régis par des règles, Solium Infernum offre de nombreuses possibilités aussi bien sur la stratégie que sur les actions possibles à chaque tour. Il faut cependant garder à l’esprit que League of Geeks n’a pas souhaité se lancer dans une pirouette ardue pour cet hommage au jeu de Vic Davis. Ce qui veut dire que de nombreuses règles sont finalement assez simples pour les habitués du genre : les points de victoires, les trois statistiques (distance, mêlée, infernale) des légions ou encore la question de diplomatie sont des systèmes qui en grande partie sont connus. Pour autant, de petites subtilités viennent se greffer aux règles afin de complexifier le tout, élargir la stratégie et surtout ne pas faire de Solium Infernum une simple copie de Total War.
Par exemple, lorsque vous faites avancer votre légion à travers le plateau hexagonal, vous ajoutez à votre territoire les cases traversées. Pour traverser le territoire d’un ennemi dans le but d’anéantir sa légion ou encore de capturer un de ses points d’intérêts (permettant d’obtenir des points de victoire), il faudra faire une proposition de diplomatie. Le système de négociation met systématiquement des points de victoire en jeu et, selon l’option choisie, un refus de votre adversaire déclenchera une vendetta. Si vous avez lancé les négociations, vous devrez choisir un objectif ainsi qu’un nombre de tours afin de le réaliser et de gagner des points de victoire. Moins vous vous accordez de temps, plus la récompense est alléchante. Ce fonctionnement un peu différent du système de diplomatie avec la vendetta et est assez plaisant, mais d’autres subtilités plus anecdotiques complexifie un peu inutilement le jeu.
Sans entrer dans les détails, le système de monnaie est une bonne idée. Inclure un marché avec des artefacts, de nouvelles légions afin d’avoir une nouvelle armée à guider ou encore les stratagèmes permettant de retourner une faiblesse en avantage, sont une véritable réussite. Une fois maîtrisées, certaines de ces règles vous permettront d’approfondir les dimensions stratégiques de vos parties. Cependant, les systèmes de niveaux de pouvoir, de rang ou encore de conspiration prennent un peu plus de temps à prendre en main et sont souvent plus situationnels ou même optionnels dans votre quête du trône. Pour autant, ils vous permettront d’obtenir les quelques points vous assurant d’assouvir votre domination.
« Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces »
Avec trois moyens différents pour votre ascension au trône, cette belle citation que nous devons à Sartre représente parfaitement la mentalité de l’Empereur de l’Enfer. Ainsi, vous aurez le choix entre trois solutions : la première est évidemment à l’aide des points de victoire. Ces derniers représentent votre popularité avant qu’un conseil ne se réunisse et décide d’élire le nouveau maître infernal. La réunion du conseil est décidée au début de la partie, mais il faudra compter environ une dizaine de tours (le nombre est aléatoire) pour avoir le résultat final des élections et laisse donc une marge de manœuvre à vos ennemis ou à vous-même pour tenter un dernier coup de maître ou un râle d’agonie.
Ce tout pour le tout peut notamment prendre la forme d’un coup d’État, simple et efficace. Dans les différents lieux d’intérêts à capturer, le Pandémonium est franchement le plus compliqué. Représentant la salle de réunion du conseil, la prendre de force sera un premier défi de par les statistiques élevées du monument. Le second défi sera de garder le lieu sous votre contrôle durant cinq tours alors que vous serez considéré comme « excommunié ». Ce statut désactive vos points de victoire et permet à vos ennemis de vous attaquer sans aucune vendetta ou autre forme diplomatique. Une situation tendue, mais qui permettra de mettre en avant votre domination militaire et qui pourrait surprendre certains de vos adversaires.
La dernière stratégie est finalement, on ne peut plus simple puisque celle-ci consiste à anéantir tous vos ennemis. Sans opposant, vous serez alors érigé en empereur sans discussion. Cette stratégie demandera de nombreuses vendettas ainsi que des légions importantes. Elle reste évidemment l’une des plus difficiles que nous ayons eu à faire durant nos quelques parties. Pour autant, cette victoire est réellement l’une des plus satisfaisantes, car elle sera le symbole d’une force incontestable.
Verdict : 7/10
Solium Infernum est une proposition intéressante dans la galaxie des mondes des jeux de stratégie. Nous avons ici un cadre exaltant avec une direction artistique réussissant à nous plonger avec panache dans cette guerre démoniaque. On regrettera que le jeu ne propose aucune règle réellement exotique et que nous restons en terrain conquis depuis des années pour ce qui est des règles. Quelques variantes seront pourtant sympathiques, mais loin de produire un quelconque dépaysement. Les parties asynchrones sont très bien établies et renforcent l’intérêt du jeu. Ainsi, Solium Infernum est réellement un bon jeu pour tous ceux voulant un peu sortir du contexte historique habituel et souhaitant passer quelques jours sur un jeu de stratégie sans pour autant y consacrer une journée entière.
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