La simulation, ça peut faire peur, ça fait écho à une caste un peu élitiste, austère avec un charabia hors du temps qui utilise encore des forums où il faut s’inscrire pour poser une question. Mais c’est aussi parfois des expériences plus accessibles, comme SnowRunner où il n’est pas nécessaire de faire sa trigonométrie de tête pour réussir à faire mouche. Là, c’est une question de doigté, de feeling, de ressenti et d’essais. C’est conduire le gros camion dans la boue sans s’embourber, tirer une remorque de marchandises sur un petit chemin. Mais surtout, c’est cracher de la particule fine directement à la tronche de la feuille, planter une foreuse à pétrole pour encore lui en tartiner une couche, tout en labourant le sol avec nos gros pneus. Et ça, Saber Interactive l’a très bien compris.
Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
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Hécatombe chez les écolos
Chevalière en or vissée au doigt, montre en argent accrochée à son poignet, les bras tendus et fermes, il tient solidement entre ses mains le volant de son camion. Dame Nature a ravagé son Michigan en déversant des torrents d’eau et de boue, entraînant des glissements de terrain et autres chutes de pierres, rendant les routes peu voire non utilisables. Elle n’a pas fait que des pertes matérielles mais aussi humaines, comme Dyson Diesel qui a perdu ses plateformes après l’inondation, Husky Forwarding qui ne peut plus aider les entrepreneurs de la région et Steel River Township, le principal fournisseur de bois, qui voit son exploitation au point mort. Heureusement pour eux, cet homme déterminé derrière son volant, c’est vous (navré pour vous, chères lectrices, pas de femme jouable). Prêt à tourner sur ces routes impraticables par le commun des mortels, déjouer les pièges posés là par une mère de courroux, vous n’êtes pas seul. Pour vous aider dans cette noble quête, Caterpillar, Chevrolet ou encore Ford seront vos chevaux de bataille afin de remettre l’ordre à ce foutoir.
La jaquette annonce la couleur, un gros camion jaune qui brave une tempête de neige, avec une grosse remorque sur un chemin étroit enneigé. Hécatombe chez les écolos virtuels, le plot ci-dessus est imaginé par nos soins mais n’en demeure pas moins proche de ce que propose SnowRunner. De la lecture vous en avez mais ne vous attendez pas à développer un argumentaire sur la situation des différentes zones où vous irez. Cependant, des élans poétiques sont à noter, principalement dans les descriptions des véhicules comme le Chevrolet CK1500 qui, nous citons, « Rugit comme un train et consomme de l’essence » ou Western Star qui « labourera lui-même sa propre route ». N’espérez pas non plus rencontrer des personnages, comme le prémonitoire Death Stranding, la région est confinée et vos interlocuteurs resteront cloîtrés en préférant vous laisser des petits mots. Non, ce n’est pas là que le soft brille.
Ce ne sont pas non plus ses chromes qui feront reluire vos yeux d’aficionados de gros camions mais son gameplay. Le principe est du pareil au même que MudRunner, vous devez crapahuter au travers de régions inhospitalières à vos six roues propulsées par un moteur avalant dix litres à la minute. Des chemins vous allez en forcer, soumettre, grâce à votre expérience manette en mains. Cette Nature qui refuse d’être forée, creusée ou pillée mettra tout en œuvre pour vous empêcher d’avancer, routes boueuses, col étroit, forêt dense, cours d’eau ou lit de rivière, neige et autres pentes vicieuses se dresseront entre vous et votre lieu de livraison. Les risques sont nombreux, la conduite l’est tout autant avec ses facteurs à ne pas négliger. Le poids, moteur ou les suspensions, la remorque et le type de chargement, sont régis par un moteur physique qui n’hésitera pas à vous mettre dans le mal. Le titre de Saber Interactive est aussi punitif que son aîné, le moindre écart est sanctionné manu militari de diverses manières mais c’est toujours avec les dents serrées que vous assisterez à la fin de votre voyage. Car nulle question de points de contrôles ou de sauvegardes rapides, une fois accidenté, c’est retour au garage.
« Le Dark Souls des jeux de conduite »
SnowRunner est, à l’image de son thème, difficile d’accès mais pas impénétrable. Effectivement, en plus des camions, vous aurez à disposition des voitures qui sont certes moins puissantes mais plus légères et permettent de reconnaître le terrain. Chercher les petites routes, les multiples menaces de celles-ci ou encore juste pour se promener, feront que vous pouvez facilement éviter les dangers. Parfois décrié comme le « Dark Souls des jeux de conduite », SnowRunner propose des défis à juste mesure sans prendre par la main le joueur, à lui donc de doser ses possibilités. Nouveauté qui chamboule à la fois le système de progression et le gameplay, l’aspect metroidvania donné par Saber Interactive. Si dans MudRunner, l’objectif était de simplement livrer des rondins à différents points, ici la carte dispatche de nombreuses quêtes principales et secondaires. Cette paire n’a pas seulement pour but de vous faire terminer le jeu mais d’améliorer vos conditions de travail. En début de partie, les véhicules de reconnaissance auront accès à la majorité de la carte, vos poids lourds auront du mal à passer les divers obstacles. Moteur pas assez puissant, suspensions trop basses ou bien simplement camion non adapté, il faut souvent patauger dans la gadoue pour trouver la solution qui débloquera la situation. Puis, petit à petit, en améliorant vos véhicules et en rétablissant les routes, vous aurez accès à plus d’endroits, avec des cargaisons de plus en plus lourdes, ce qui permet de réussir des missions impossibles à réaliser plus tôt.
De petits chemins de terre en petites routes sinueuses, vous prendrez en assurance et garderez toujours votre engin en mains, jusqu’au prochain accident. Pour vous consoler, il y a un large choix d’améliorations, esthétiques comme des feux ou pare-chocs ou d’autres qui modifient les statistiques de votre bahut. L’un aussi important que l’autre, du moins si vous aimez être beau comme un camion, il faudra chercher à s’adapter de façon constante pour arriver à vos fins. Vos livraisons seront de vrais chemins de croix et il ne sera pas rare de faire appel à plusieurs véhicules en même temps pour mener à bien les opérations. Car la dernière chose que vous voudrez, après que votre conteneur soit tombé de votre remorque, c’est repartir à votre point de départ et tout recommencer. Un grand choix de modules châssis est disponible, des grues de chargement lourdes, des plateaux avec ou sans rambardes, maintenance (vous devrez parfois réparer des véhicules, les tirer de la boue ou soulever des cargaisons perdues), vous en aurez forcement une utilité pour ce que vous devrez faire. Les remorques sont aussi présentes, dans diverses tailles et utilités, nous vous l’assurons, il y en a pour tous les goûts et surtout besoins. Et au besoin, vous pouvez inviter des copains dans votre partie, jusqu’à quatre.
La sensation de conduite de son aîné est toujours présente, ressemblante dans les grandes lignes mais avec un travail supplémentaire qui apporte des gros plus. L’inertie des roues tractrices en fonction de sol, du poids ainsi que de la remorque, ont un effet particulier, voire singulier à chaque voyage. C’est ici que Saber Interactive démontre sa grande maîtrise du sujet, sans le dire ou le signaler, vous ressentirez chaque changement de terrain sous vos roues, la moindre pierre ou flaque. Comme si cela ne suffisait pas, le feeling d’un camion à l’autre est différent et nécessite une temps d’adaptation et plus si vous souhaitez le connaître par cœur. Apportons une précision mais SnowRunner propose trois biomes, ces trois sont en terme de conduite inédits les uns aux autres.
Sans être une révolution graphique, SnowRunner s’en tire avec les honneurs grâce à des choix de couleurs et la représentation des lieux choisis. Des forêts d’automne du Michigan aux tons chauds à la rudesse de la panoplie blanche de l’Alaska, en passant par le verdâtre de la Taïmyr sibérienne, les différentes cartes représentent parfaitement les biomes exposés sans jamais se répéter. Les effets lumineux et de matières couplés accentuent le côté cinématographique du soft, en sublimant les particules comme le brouillard ou les flocons de glace. Ce tout forme donc un ensemble plaisir à l’œil, un véritable petit tour de force sachant que c’est le même moteur graphique qui est utilisé depuis MudRunner. Côté boite à musique, les aficionados des moteurs ronronnants et du bruit des pneus crépitant en pivotant seront aux anges. Les autres un peu moins, avec les mêmes musiques tournant en boucle, une certaine lassitude auditive peut rapidement se fait sentir.
Verdict : 8/10
Pour faire simple, c’est MudRunner en mieux sur tout les points. Si vous avez aimé l’épisode précédent, il y a de très fortes chances que vous adhériez à celui-ci. Trois régions aux biomes uniques, pas moins d’une quarantaine de camions et voitures, des objectifs variés et qui ont des impacts sur la région dans laquelle vous jouez. Tout vous fera du pied pour que vous enchaîniez les heures sur ce SnowRunner. Pour les nouveaux joueurs, cependant, l’expérience est à double tranchant, à la fois plus complète que l’aîné grâce notamment à ses objectifs clairs et une impression de progression pour le côté positif mais un gap de difficulté plus haut et moins évident à aborder pour le négatif. Mais à l’ère des guides et des tutos de tout genre, nul doute que cela pourra être facilement comblé. Dans tout les cas, SnowRunner reste une expérience que nous vous conseillons chaudement et démontre que Saber Interactive en a toujours sous la pédale.
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