Skull and Bones, un jeu particulier pour Ubisoft et les fans de piraterie virtuelle. Annoncé durant l’E3 2017 et en développement depuis 2013-2014, le titre a connu un grand nombre de reports et de reboots avant d’enfin sortir le 16 février de cette année. Autant vous dire qu’il est passé par différents états, le marin maudit. Pourtant, Ubisoft et l’univers des pirates, ce n’est pas une première, notamment avec Assassin’s Creed IV: Black Flag qui a su marquer les esprits en 2013. Bien que sensiblement différent, Skull and Bones est-il digne des sensations ressenties durant les aventures de l’Assassin-pirate Edward Kenway ? Hissez le drapeau noir, moussaillons, car nous allons naviguer à travers des eaux fort agitées.
Test réalisé sur PS5 à l’aide d’une copie numérique fournie par l’éditeur
Le Kingpin des pirates, ce sera moi !
Bien qu’il soit avant tout un soft multijoueur, Skull and Bones ne lâche pas les joueurs dans l’océan Indien sans un minimum de contexte et d’enjeu. Ainsi, nous incarnons un ou une pirate que l’on peut customiser à volonté et qui connaît des débuts difficiles. Naufrage, presque pas un sou en poche, peu de collègues à ses côtés, des dangers à chaque horizon… Par chance, Sainte-Anne, ville préférée des forbans du coin, nous accueille à bras ouverts mais aussi avec quelques moqueries de la part d’autres confrères, cela va de soi. Malgré une première impression pitoyable, le Kingpin (baron) de Sainte-Anne, Scurlock, nous propose d’effectuer quelques missions pour lui. Une autre Kingpin, Rahma, en fera de même par la suite une fois l’océan Indien davantage exploré et pillé. C’est l’occasion de gravir les échelons de la piraterie afin de devenir Kingpin à notre tour et de venir à bout de diverses conspirations, entre autres.
Sur le papier, le scénario de Skull and Bones a de quoi donner le sourire aux flibustiers prêts à régner sur les mers mais honnêtement, ce ne sera pas votre principale motivation dans votre progression. Tout d’abord, l’écriture des dialogues est loin d’être formidable et la majorité du temps, on assiste à de banals échanges dont la mise en scène est quasi inexistante. Les personnages bougent à peine, les expressions et animations manquent d’émotion, on a du simple champ-contrechamp, notre héros/héroïne n’a pas de voix et ce ne sont pas les choix inutiles qui changent quoi que ce soit. Les seules cinématiques un tant soit peu travaillées se comptent sur les doigts d’une main, c’est vous dire.
Bien entendu, ce n’est pas l’attrait principal de Skull and Bones mais pour le coup, la forme comme le fond sont loin des standards modernes, alors que nous avons pourtant affaire à une production vendue au prix fort. Aussi, même si on a une ambiance pirate sympathique avec des mots et des expressions utilisés par les différents personnages, cela reste assez soft dans l’ensemble en dehors de quelques éléments. C’est encore plus édulcoré que dans un Pirates des Caraïbes, malgré la classification PEGI 18. À voir si tout cela sera amélioré avec l’arrivée des Saisons aux thèmes variés.
Parfois touché, parfois coulé
Après Assassin’s Creed IV: Black Flag, de nombreuses personnes ont souhaité un autre jeu de pirates de la part d’Ubisoft tant il cochait toutes les bonnes cases. Après tout, on a des abordages, des combats de sabre, de la chasse, des batailles navales, de la recherche de trésors, de l’exploration sur terre, sur et sous l’eau, etc. Une vraie simulation de piraterie ou presque. Pourtant, dès l’annonce de Skull and Bones, l’accent fut plutôt mis sur les batailles navales à plusieurs et à sa sortie, c’est encore plus ou moins le cas. Alors non, le jeu n’est pas un simple World of Tanks avec des navires pirates et on peut tout de même faire moult choses. Cela dit, les joueurs qui recherchent une immersion totale et profonde dans l’impitoyable monde de la piraterie de l’océan Indien risquent de ne pas être totalement comblés.
Tout d’abord, même si nous pouvons contrôler notre personnage à pied, cela est presque secondaire tant les possibilités sont limitées, sans oublier le maniement franchement lourd. En effet, notre pirate ne peut que marcher et courir (bizarrement, qui plus est) soit dans les bases principales, soit dans quelques avant-postes où l’interaction est plus que sommaire. À part collecter des ressources, discuter/marchander avec des canailles des mers et parfois trouver des trésors, il n’y a pas grand-chose à y faire. Si vous vous attendiez à des bagarres entre joueurs ou avec des PNJs, des mini-jeux, des beuveries et autres, c’est peine perdue. Le comble, c’est qu’il n’est même pas possible de nager dans l’eau. Enfin, à part quelques animations à effectuer, l’interaction entre joueurs est anecdotique sur terre.
Heureusement, Skull and Bonnes brille davantage dans les eaux, telle une perle dans une huître. Avec les multiples bateaux, on retrouve un maniement et des mécaniques proches d’Assassin’s Creed IV: Black Flag, à savoir plusieurs vitesses, le fait de pouvoir ancrer, éperonner, utiliser des canons, mortiers et autres joyeusetés. Bien que le feeling se veuille davantage arcade, avec un navire qui peut tourner plus rapidement et des « sauts » sur les hautes vagues un tantinet trop irréalistes, voyager à travers les eaux de l’océan Indien tout en coulant celles et ceux osant se mettre en travers de notre route procure toujours des petites doses de plaisir. Les combats sont dynamiques et stratégiques, avec des emplacements qui sont primordiaux, des coups de canon dont on sent bien la puissance, une visée efficace, la variété des effets possibles (incendie, inondation, perforation…), les points faibles à exploiter et les différents types d’armement permettent de varier le style de jeu. Le meilleur est quand plusieurs bateaux se rentrent dedans et se canardent à tout-va en pleine tempête, régal garanti.
En ce qui concerne la variété, malgré un aspect répétitif à la longue, il y a largement de quoi faire dans Skull and Bones. Missions où il faut couler tel ou tel nombre de navires, collecte de certaines ressources, événements aléatoires permettant d’obtenir un équipement ou une possession (nous y reviendrons plus tard), primes, monstres et pirates fantômes à affronter, prise de forts et on en passe, en solo comme en multijoueur. Les événements en coopération sont prenants au passage et le fait que des joueurs puissent décider de nous aider à différentes occasions est charmant, même lorsqu’aucun événement n’est en cours. Il y a toujours une certaine motivation à y revenir afin d’avoir un bateau toujours plus beau, toujours plus puissant. On a vu pire comme boucle de gameplay et puisqu’il est un jeu en tant que service, Skull and Bones aura davantage de contenu dès sa première saison, surtout avec l’arrivée de nouveaux types d’ennemis et d’activités inédites.
Cependant, il faut reconnaître que certaines mécaniques en bateau auraient davantage leur place dans un jeu mobile plutôt qu’un soft sortant sur PC et consoles, avec en prime des omissions qui ont de quoi faire lever les sourcils pour tous les amateurs de crapuleries maritimes. Par exemple, pour récolter des items et des pièces dans la nature ainsi que les bateaux échoués sur les bords des îles, on a un simple QTE guère réjouissant. Aussi, l’équipage qui a une jauge d’endurance dont il faut faire attention, c’est pas une mauvaise idée en soi mais il suffit d’à peine quelques dizaines de secondes pour qu’elle tombe à zéro, ce qui n’est pas franchement crédible pour des loubards des mers. Pour les abordages, qui étaient pourtant épiques dans Assassin’s Creed IV: Black Flag, nous avons ici des cordes à lancer et ensuite, juste une cinématique, c’est tout. Oubliez les combats au sabre et l’utilisation de pistolets pour décimer soldats et pirates rivaux.
On comprend que c’est pour gagner du temps et qu’avec l’aspect multijoueur, certaines actions seraient plus compliquées à mettre en place mais après tout, Sea of Thieves y arrive bien alors pourquoi pas Skull and Bones via des combines ou modes à part ? D’ailleurs, les affrontements joueur contre joueur sont encore trop limités à la sortie alors qu’entre pirates, ça devrait davantage être chacun pour soi. Enfin, la difficulté est parfois aléatoire avec des ennemis qui peuvent vous couler en quelques secondes à peine malgré un niveau proche, voire identique, de quoi énerver.
Pimp my Boat
Là où Skull and Bones nous a surpris positivement, c’est avec la gestion de l’argent, des ressources et le crafting assez entraînants. Au cours de nos périples, les cales se remplissent vite de denrées plus ou moins rares qui peuvent être revendues ou utilisées pour acheter/construire bien des choses : différents navires (notez d’ailleurs que certains sont plus axés dégâts et d’autres privilégient la défense, avec des statistiques uniques, ce qui offre une bonne palette de possibilités), armes et protections, mobiliers à effets spéciaux, décorations, etc. Les plans peuvent être acquis lors des missions ou auprès des marchands/constructeurs et une fois les items souhaités en notre possession, il faut gérer le navire à notre guise, autant pour son aspect que pour sa puissance. De ce côté, Ubisoft Singapour n’a pas chômé, ce qui fait que l’on s’amuse longuement afin de créer le navire de nos rêves. On peut modifier les voiles, le pavillon, les décorations extérieures, les couleurs, le placement des différentes armes, etc. Aussi, même si l’aspect purement physique de notre pirate pourrait avoir davantage de customisation, il y a un large éventail de vêtements et de bijoux à obtenir, ce qui est un bon point.
Tout ça culmine avec le marché noir et la timonerie, principal contenu endgame de Skull and Bones. À partir d’un moment, notre pirate peut produire de la boisson spéciale et de l’opium (« la drogue c’est mal, m’voyez ») afin de les livrer à telle ou telle personne sur la carte pour ensuite recevoir une autre monnaie de jeu, les pièces de huit. Grâce à ces pièces, on peut acheter de meilleurs atouts pour notre navire et des tenues plus classes. En outre, lors d’événements multijoueurs en coopération ou en affrontement, on peut acquérir des lieux de production sur certains avant-postes qui permettent d’obtenir davantage de pièces de huit. On a un presque un jeu dans le jeu avec cette gestion poussée, ce qui est bien vu.
Il est juste dommage qu’à l’heure actuelle, il faut faire un nombre incalculable d’allers et retours pour une poignée de pièces tout en attendant des heures et des heures, ce qui pourrait vite démotiver la majorité tant c’est peu divertissant. Il est normal de devoir mettre la main à la pâte, on ne devient pas Kingpin en claquant des doigts mais le contenu endgame de Skull and Bones reste fortement chronophage pour de maigres avantages. Gageons que l’économie du jeu sera retravaillée à la longue, avec pourquoi pas la possibilité de payer des PNJs afin d’effectuer des trajets à notre place.
Ça me fait une belle jambe de bois
Lorsqu’un jeu subit de nombreux reports et reboots, le résultat a de grandes chances d’être insuffisant et malheureusement, Skull and Bones n’y échappe pas. Est-il vilain pour les yeux pour autant ? Non et de temps en temps, il arrive même à nous ravir les pupilles grâce à sa direction artistique oscillant entre réalisme et fantaisie. L’océan Indien est grand, on y voit des personnages provenant de divers continents, les navires sont modélisés avec soin, les îles ont presque toutes droit à des designs uniques et plaisants, les effets météo sont réussis et l’eau est majoritairement belle, qu’elle soit calme ou déchaînée. Cela suffit pour apprécier les nombreux voyages en mer, avec parfois des panoramas saisissants et lors des batailles, les fumées et flammes de la destruction font leur petit effet. Le sentiment d’aventure est bien là.
C’est quasiment tout le reste qui pêche. Techniquement parlant, nous sommes loin d’un titre digne de la génération actuelle à cause des textures et modélisations des îles ainsi que des personnages largement en retard. Si la distance d’affichage est appréciable, les machines du moment sont capables de bien mieux, surtout que Skull and Bones se permet d’avoir du pop-in agressif même en mode qualité. D’autre part, ce dernier n’offre guère de différences avec le mode performance si ce n’est quelques reflets de meilleure qualité et une résolution améliorée. Le mode performance se veut certes fluide mais il propose en contrepartie de l’aliasing bien visible, quelques modèles moins bons, des effets de pilosité risibles, etc.
Dans les deux cas, ce n’est pas toujours la joie, ne parlons même pas des animations à terre ainsi que des chargements et changements d’écran pour tout et n’importe quoi. On constate aussi que l’eau n’est pas toujours idéale, surtout sur les plages et notre personnage n’est même pas mouillé lorsqu’il est dedans. C’est triste à dire mais là aussi, Assassin’s Creed IV: Black Flag fait mieux sur plusieurs points alors qu’il a pourtant plus de 10 ans. Quant aux premières vidéos de gameplay de Skull and Bones, elles présentaient un jeu à l’allure plus avantageuse et avec davantage de couleurs pétantes, ce qui est fâcheux quand on voit le résultat final.
Pour ce qui est des musiques ainsi que de l’ambiance sonore en général, c’est assez agréable aux oreilles. Jeu de pirates oblige, Skull and Bones propose de nombreux chants de marins plus ou moins cultes avec des voix mettant parfaitement dans l’ambiance. Il est juste regrettable que l’on tombe souvent sur les mêmes, au point d’en découvrir de nouveaux avec surprise après plusieurs heures de jeu. Les musiques ne sont pas en reste, tantôt épiques lors de féroces batailles, tantôt enivrantes et collant à chaque continent. Mais davantage de thèmes mémorables ne seraient pas de refus. Enfin, les voix françaises sont de bonne facture sans toutefois être marquantes, même si la faute revient principalement aux dialogues qui ont rarement de l’intérêt.
Verdict : 6/10
Oui, Skull and Bones est (encore) loin des qualités d’Assassin’s Creed IV: Black Flag et même si le jeu d’Ubisoft Singapour n’a pas les mêmes ambitions et prétentions, difficile toutefois de ne pas comparer certains points et d’y voir des régressions évidentes. Nous sommes conscients du développement pour le moins chaotique et le fun se veut présent malgré tout, avec quelques fulgurances ici et là mais en l’état, Skull and Bones a encore beaucoup de pain sur la planche avant de véritablement captiver les joueurs. Les pirates en herbe y trouveront certes de la satisfaction et pardonneront facilement quelques défauts, mais pour les autres, ce n’est pas garanti. Les bases sont tout de même là et avec le temps, Skull and Bones pourrait renverser la tendance. C’est tout ce qu’on lui souhaite.
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