Vivant à une époque où les smartphones sont devenus un élément indispensable pour beaucoup d’entre nous, il n’est pas surprenant de voir certains pans de l’industrie culturelle exploiter cette tendance. Le jeu vidéo n’y échappe pas avec le « found phone », un genre particulièrement apprécié par Kaigan Games. En 2017, soit seulement un an après le succès rencontré par Sara is Missing, le studio sortait Simulacra sur PC. Cette suite spirituelle se voit maintenant portée sur consoles grâce à Wales Interactive, et c’est donc manette en main que nous avons plongé dans ce thriller narratif à l’allure si particulière.
Test réalisé sur PlayStation 4 à partir d’une copie numérique fournie par l’éditeur
Anna is missing
Avant toute chose, définissons brièvement ce que désigne un jeu « found phone » (soit « téléphone trouvé » en français). Comme son nom l’indique, il s’agit d’un genre dans lequel l’histoire repose sur un seul et unique élément : un téléphone sur lequel le joueur aurait mis la main. La navigation à travers les différentes applications représente ainsi le cœur du gameplay et le fil rouge à partir duquel la narration va progresser. Si Kaigan Games a été parmi les premiers à s’illustrer sur ce terrain avec Sara is Missing, le studio Accidental Queens n’est pas en reste non plus avec A Normal Lost Phone et Another Lost Phone, deux titres sortis courant 2017 ayant rencontré un grand succès auprès des joueurs et de la critique. Dans le cas de Simulacra, le joueur débute l’aventure en trouvant le téléphone d’une certaine Anna, dans lequel on peut découvrir une mystérieuse vidéo enregistrée par cette dernière. Paniquée, celle-ci semble envoyer un appel à l’aide et être en grand danger. Il va donc falloir tout mettre en œuvre pour découvrir ce qui s’est passé afin de venir en aide à cette inconnue, tout en sachant que nous ne disposons que de son téléphone et de son contenu pour y parvenir. Précision importante, le jeu est uniquement disponible en anglais. Toutefois, le niveau requis pour le comprendre est assez peu élevé donc même une faible maîtrise de la langue peut suffire.
Smartphone Simulator
Comme évoqué ci-dessus, le gameplay du jeu se résume uniquement à l’utilisation du smartphone d’Anna. Si l’essentiel de l’aventure se fera via l’utilisation de ses différentes messageries (SMS, application de rencontre), la navigation entre les différentes applications installées sera également indispensable au bon déroulement de l’histoire. En effet, il est vivement conseillé de prendre connaissance dès le début de l’ensemble du contenu présent sur le téléphone car cela pourra s’avérer très utile par la suite. Toutes les conversations, les photos, les vidéos ainsi que tous les enregistrements vocaux peuvent contenir des informations capitales pour pouvoir progresser. Néanmoins, en dépit de cette libre navigation plutôt appréciable, on pourra regretter le fait que la plupart des applications restent majoritairement sous-exploitées sur l’ensemble du jeu. Certaines ne servent en effet que brièvement à des moments donnés et leur utilisation s’en retrouve de ce fait assez bridée alors qu’elles auraient pu complexifier un peu la nature de l’aventure.
C’est une évidence, Simulacra n’est pas le genre de jeu qui opposera une quelconque résistance aux joueurs à travers son gameplay, qui se limite aux fonctionnalités basiques de l’utilisation d’un téléphone. En revanche, le jeu de Kaigan Games se dote d’une certaine dimension réflexive grâce à quelques énigmes et plusieurs petits jeux aussi appréciables qu’amusants, sans être bien compliqués pour autant, qui sont surtout là pour dynamiser une expérience essentiellement centrée sur la lecture. Par exemple, vous aurez parfois besoin d’une information personnelle sur Anna pour pouvoir avancer. Mais puisque vous ne la connaissez ni d’Ève ni d’Adam, vous devrez vous débrouiller pour trouver la réponse dans le contenu de son téléphone ou encore en interrogeant certains de ses contacts. Et parfois, cela peut s’avérer plus complexe que prévu tant les développeurs ont pu faire preuve de subtilité.
En ce qui concerne la gestion du jeu sur console, sachez que la navigation reste plutôt fluide manette en main malgré la présence de légères latences lors de l’ouverture de certains éléments par moments. Elle reste évidemment moins intuitive que la version PC qui fonctionne avec le clavier et la souris, notamment lorsqu’il s’agit de se servir du clavier virtuel pour taper du texte, mais rien de bien important n’est à signaler sur ce point. En revanche, certains bugs nous font également l’honneur de leur présence et ils peuvent littéralement entraver votre progression de manière définitive, vous forçant ainsi à tout recommencer depuis le début. Au cours de nos sessions de jeux, nous en avons rencontré deux, dont un seul a pu être contourné. Espérons que le problème sera corrigé rapidement car cela peut s’avérer très frustrant, surtout quand il arrive alors qu’on s’approche de la fin de l’aventure.
Simulacre de thriller
Mais ce n’est pas forcément pour son gameplay, aussi singulier soit-il, que l’on jouera à un « found phone ». Le cœur d’une telle expérience repose avant tout sur son scénario et sur la manière dont il fait vivre l’aventure au joueur à travers l’interface d’un simple téléphone. Malheureusement, sans aller jusqu’à dire qu’il est ennuyeux pour autant, on pourra reprocher à Simulacra de ne pas être aussi palpitant qu’il ne pourrait l’être pour un jeu qui est défini et pensé comme un thriller narratif horrifique. Avec une durée de vie s’étalant sur une fourchette de quatre à six heures en fonction du rythme de progression, il peine à nous impliquer autant qu’il le voudrait dans l’enquête dont on a pourtant envie de découvrir la résolution. Sans oublier que le côté horreur n’est finalement que très peu présent si on enlève un ou deux détails et les quelques screameurs plutôt efficaces. Ainsi, l’envie de se relancer dans une seconde partie pour découvrir les divers embranchements scénaristiques – à l’impact très limité – ou encore les différentes fins ne s’imposera pas forcément pour tout le monde.
Pour les joueurs les plus pointilleux (et ce fut notre cas lors de la découverte de cette aventure), le problème majeur de ce titre reposera sur le fait qu’il est parfois difficile de s’immerger comme on le voudrait dans l’histoire. Pour cause, les réactions de certains personnages ou même tout simplement le déroulement de l’enquête en elle-même peuvent parfois manquer de réalisme et de logique. De par sa linéarité et malgré la présence de choix multiples, le jeu nous force parfois à agir d’une façon dont nous ne sommes nous-mêmes pas convaincus, ce qui peine à faire opérer le charme de l’aventure. La crédibilité de l’ensemble en prend alors un coup et ce n’est malheureusement pas la fin, qui survient de manière très abrupte et complètement déconnectée du reste, qui améliore la situation. Dommage car les idées sont là, mais le problème d’équilibre provoqué par la fracture entre le déroulement très – si ce n’est trop – classique de l’ensemble de l’aventure et l’originalité de la fin échoue à provoquer l’effet visiblement attendu.
Verdict : 6/10
Disons-le clairement, l’expérience offerte par Simulacra n’est pas aussi palpitante que la description ne le laisse entendre. Sous la qualification de thriller narratif horrifique se cache en réalité une aventure très classique qui pêche sur certains aspects scénaristiques et qui aurait gagné à exploiter davantage encore certaines de ses mécaniques de jeu. Toutefois, cela n’empêche pas à Kaigan Games de nous proposer une expérience intéressante dans laquelle on se laisse volontiers entraîner, d’autant plus qu’elle se démarque réellement de celles dont on peut avoir l’habitude. Dommage que le souvenir qu’on en gardera soit finalement moins percutant qu’escompté.
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