Dès son annonce, Sifu a su marquer les esprits grâce à sa direction artistique ainsi qu’à son concept plutôt atypique. Après tout, cogner un tas de malfrats et vieillir à chaque mort, cela a de quoi intriguer. Développé par Sloclap, studio français à qui l’on doit le jeu multijoueur Absolver, Sifu s’est invité à la rédaction afin de nous proposer un défi de taille mais chez JVFrance, nous aimons faire face à n’importe quel challenge, tant qu’il est bon. Heureusement, c’est plutôt le cas avec Sifu.
Test réalisé sur PlayStation 5 grâce à un code envoyé par le développeur
La vengeance est un plat qui se mange indéfiniment
Dans Sifu, on joue un personnage sans nom fils/fille – on peut choisir le sexe, pour ce test, on a pris les traits d’un homme – d’un sifu, maître d’une école d’arts martiaux dans une ville en Chine. Tout se passe pour le mieux jusqu’à l’irruption d’un groupe de 5 personnes dirigées par Yang, ancien élève du sifu. Malheureusement, le sifu et d’autres apprentis se font tuer et lorsqu’il est découvert, le personnage principal se voit également ôter la vie… ou plutôt une vie. En effet, à l’aide d’un talisman magique, notre héros ressuscite mais pas sans conséquence, puisqu’il vieillit alors d’une année (si ce n’est plus en abusant trop de son pouvoir). 8 ans après les faits, le jeune élève a désormais 18 ans et ne désire qu’une chose, venger son père. Cependant, son chemin sera semé d’embûches… et de sang.
Avec Sifu, on tient un récit plutôt simple mais bien amené, centré autour d’une idée classique, la quête de vengeance et d’une autre plus originale, à savoir le talisman qui nous fait revenir d’entre les morts. Si on ne tient pas avec le soft l’histoire la plus complexe et longue du média, là n’est pas son intérêt et nous sommes déjà contents d’avoir un Beat’em up un minimum travaillé sur le fond. Une aura de mystère entoure les événements de Sifu et il y a tout de même une ou deux surprises dans le lot, surtout lorsqu’on se rend compte qu’il est possible d’épargner les boss au lieu de les achever. On ne vous en dira pas plus à ce sujet.
Bien que Sifu ne soit guère étoffé côté scénario, il tire son épingle du jeu grâce à une ambiance et une mise en scène des plus réussies. On sent que les Français de Sloclap se sont investis dans leur travail afin de rendre hommage aux différents films d’action asiatiques, tout en empruntant certains éléments à la culture occidentale, ce qui donne un charmant résultat. Si on n’échappe pas à quelques clichés et erreurs culturelles (ce qui a légèrement fait débat lors de la sortie du titre), cela reste somme toute mineur et loin d’être caricatural, de quoi pardonner les développeurs. Surtout quand le reste se veut aussi réussi.
La bagarre
Là où Sifu a tout de suite attiré l’attention des joueurs lors de son dévoilement, c’est avec ses combats brutaux. Autant le dire tout de suite, de ce côté, le fun est clairement au rendez-vous grâce à une jouabilité à la fois intuitive et complète. Sur certains points, on se rapproche de la méthode Freeflow des jeux Batman: Arkham. Notre héros peut combattre au corps-à-corps avec divers combos rapides et forts, interagir avec l’environnement pour ramasser des objets et les jeter sur un adversaire, parer une attaque au bon moment, achever un voyou lorsqu’il est assez étourdi, faire des esquives… Il y a même des barres d’endurance à la Sekiro: Shadows Die Twice qui mènent à des gardes brisées, autant pour les ennemis que le personnage principal. Ce qui étonne surtout dans Sifu, c’est dans la diversité des coups que l’on peut donner, donnant l’impression parfois de regarder un film de kung-fu plutôt que de tenir une manette entre les mains. Il y a un vrai sentiment de puissance et de technicité (quelle joie que de balancer une bouteille sur un pauvre garde avant de le mettre à terre, enchaîner les coups puis de le violemment mettre K.O.), ce qui procure toujours de l’amusement lors des bastons et les différents adversaires que l’on croise nous le rendent bien. Peut-être même un peu trop.
Oui, Sifu est un jeu difficile qui demande un certain niveau d’investissement, ce qui ne plaira pas à tous. Sur le papier, quand on sait que l’on commence le jeu à 18 ans et que l’on peut mourir jusqu’à 70 ans maximum, on se dit que la tâche est plutôt simple mais il n’en est rien. Dans Sifu, les ennemis cognent fort et les boss sont redoutables, on perd facilement une année en quelques attaques à peine, il faut bloquer, parer et esquiver avec minutie. Il ne suffit pas de simplement appuyer sur une touche pour faire une roulade ou autre, rien que pour éviter un coup, il faut diriger le joystick dans la bonne direction en plus d’appuyer sur une touche au bon moment. En outre, si l’on cumule trop d’années au compteur, on vieillit bien plus rapidement. En effet, si vous n’abaissez pas le nombre d’années de vieillissement, on peut par exemple mourir et vieillir de 7 années au lieu de 6 ou moins, à ce stade, monter jusqu’à 70 ans peut rapidement arriver et là, fini, game over, on doit recommencer le niveau. Cette mécanique de vieillissement est à la fois prenante et frustrante puisqu’on plus on vieillit, plus la fin de partie approche tout en conférant bonus et malus. Si le héros perd effectivement peu à peu sa résistance au fil de l’âge, il y gagne en puissance, ce qui peut être un atout face à certains adversaires.
Côté variété des ennemis, Sifu s’en sort pas trop mal. On a des gangsters qui se défendent à l’aide de leurs poings et d’armes basiques tout comme des artistes martiaux usant de longs bâtons voire même de sabre. Ajoutez à cela quelques énergumènes plus originaux, des gardes du corps massifs comme un roc ainsi que des boss tous aussi différents les uns que les autres et vous obtenez un résultat des plus convenables. Si les boss paraissent injustes de prime abord, déceler leurs faiblesses et apprendre par cœur leurs mouvements fait partie du jeu, puis, quand on arrive enfin à triompher, l’extase n’en est que plus grande. Il n’y a certes peut-être pas mille et une méthodes pour aborder les ennemis et les différents boss mais ils présentent tout de même une menace de taille que l’on aime surmonter.
Là où Sifu peut se montrer énervant pour de mauvaises raisons, c’est à cause de la caméra, notamment dans les lieux clos. En plus d’avoir parfois du mal à suivre, il arrive que l’on se fasse cogner d’on ne sait où et quand on sait à quel point chaque point de santé est important dans l’aventure, l’envie de jeter la manette à travers la fenêtre devient alors une terrible tentation. Aussi, il y a un poil trop de grind pour apprendre la majorité des coups et améliorer le héros au maximum, forçant alors à refaire les niveaux plusieurs fois afin d’avoir les compétences nécessaires pour pouvoir progresser sans trop de mal. Enfin, inclure des adversaires qui obtiennent aléatoirement des bonus de résistance lors de situations déjà plus que délicates ou qui ont des attaques difficilement lisibles, ce n’était peut-être pas nécessaire. Ne pas être trop tenu par la main, c’est une chose appréciable mais trop de difficulté peut également gâcher l’euphorie de temps en temps, ce qui arrive hélas dans Sifu. Sloclap promet d’ailleurs d’ajouter des niveaux de difficulté à l’avenir mais pour l’instant, oui, Sifu est un jeu assez ardu et pas toujours comme on le souhaiterait. Heureusement, l’envie de se surpasser prédomine largement et on a qu’une hâte, venir à bout de chaque étape, de chaque défi.
Enfin, quelques mots sur l’exploration car Sifu n’est pas qu’une simple succession de niveaux et de couloirs basiques, enfin, presque. Si les levels sont plus ou moins fermés et que le but premier, c’est de survivre à des vagues d’adversaires, il y a un poil de recherche à faire afin de tomber sur des indices et objets débloquant des raccourcis. Ces raccourcis sont essentiels car ils permettent d’arriver plus rapidement aux boss, donc de potentiellement perdre moins d’années et espérer pouvoir finir le jeu. Si Sifu n’échappe pas à une certaine répétitivité, puisqu’il faut sans cesse refaire des niveaux (à moins d’être vraiment doué assez rapidement), ses mécaniques de combat, son challenge et son originalité via le système d’âge compensent de manière conséquente.
Un tableau qui cogne
Tout comme Absolver, Sifu dispose d’une direction artistique assez cartoon, rappelant quelque peu des dessins-animés comme Samurai Jack et à l’écran, c’est assez agréable à l’œil. Les traits sont exagérés, les modèles un brin cubiques et les détails simplistes juste comme il faut, le tout avec des décors assez diversifiés et jolis. On passe d’une jungle urbaine à un club tout en visitant un musée, avec quelques passages plus psychédéliques distillés ici et là. L’Unreal Engine 4 est utilisé à bon escient, surtout que le travail sur la lumière est efficace et que la fluidité est impeccable. De plus, les animations sont sublimes et confèrent à Sifu une véritable authenticité. Quant au héros qui vieillit à vue d’œil, c’est aussi intéressant d’un point de vue mécanisme de gameplay que visuellement parlant. Il commence petit à petit à avoir des cheveux blancs, la barbe qui pousse et un style vestimentaire de plus en plus noble. On relève la présence de quelques textures approximatives mais rien de grandement perturbant.
Sur PlayStation 5, on profite de temps de chargement quasiment inexistants et de beaux effets de reflets, en plus d’une utilisation judicieuse de la DualSense. Lors des combats, on ressent à merveille les différents impacts via la manette de Sony et durant certains moments, Sloclap a mis en œuvre des vibrations diablement immersives. On pense notamment à un court instant du niveau du club, où l’audio 3D, les lumières et les vibrations fonctionnent comme un charme.
En parlant de l’audio, là aussi, Sifu s’en sort comme un petit chef. L’audio 3D nous fait davantage ressentir certains éléments de l’environnement comme les mouches qui volent autour de nous, les musiques sont entraînantes et donnent envie de frapper à tout-va, quand elles ne sont pas plus posées et/ou stressantes lors de l’exploration. Quant aux voix, on a seulement un doublage anglais et c’est peut-être l’un des points les moins soignés de l’ensemble car nous avons des prestations certes correctes mais pas marquantes pour autant. Il aurait été plus judicieux d’avoir un doublage chinois d’entrée de jeu (il arrive plus tard).
Verdict : 8/10
Sifu est une bonne petite surprise de ce début d’année 2022. En tirant des leçons d’Absolver et en empruntant la voie de l’expérience solo, Sloclap nous livre une prestation qui frappe là où ça fait du mal, pour le meilleur et (rarement) pour le pire. Si quelques ajustements auraient rendu l’expérience encore plus satisfaisante, le travail fourni par le développeur français est hautement appréciable, de quoi passer un bon moment dans la joie et la souffrance. Destiné aux amateurs d’action et d’arts martiaux, il plaira sans aucun doute à ceux qui n’ont pas peur des expériences sévères mais majoritairement justes.
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