Après le remaster de Shin Megami Tensei III, place à un tout nouvel opus. Disponible sur Nintendo Switch, Shin Megami Tensei V marque le grand retour de la série après plusieurs années d’attente, le 4ème épisode étant sorti en 2013 sur 3DS. En passant à une console bien plus puissante et à un nouveau moteur, l’Unreal Engine 4, Shin Megami Tensei V se veut bien plus ambitieux sur quelques plans mais reste à voir s’il a su garder ce qui fait le charme de la sombre licence.
Test réalisé sur Nintendo Switch grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
La salsa du démon
Malgré les années qui passent, Shin Megami Tensei a toujours ses codes bien établis et Shin Megami Tensei V ne déroge pas à la règle, notamment pour son scénario. Ainsi, on joue un jeune lycéen de Tokyo – il n’a pas de nom officiel, on peut le nommer comme on le souhaite – dont le quotidien va être diablement chamboulé. Suite à une petite mésaventure, le héros perd connaissance et se réveille dans un désert autant inconnu que familier. C’est normal, il est toujours à Tokyo mais tout a été dévasté par, surprise, l’Apocalypse. Maintenant, les lieux répondent sous le nom de Da’at. Les anges et les démons sont toujours en guerre et alors qu’il est sur le point d’être tué par de viles monstres, le personnage principal est sauvé par un être étrange qui souhaite lui prêter main forte. Ils fusionnent alors et deviennent un Nahobino, ce qui intéresse et les anges et les démons. Par la suite, il faut prendre place dans ce conflit céleste et décider de la meilleure marche à suivre. En gros, le sort de Tokyo et du monde est entre vos mains.
Vous l’aurez compris, Shin Megami Tensei V ressemble beaucoup, dans les grandes lignes, à ses aînés et on ne va pas lui en vouloir pour cela, puisque ça fait partie de l’ADN de la licence. C’est l’exécution qui importe et de ce côté, cette exclusivité (temporaire ?) Nintendo Switch ne déçoit nullement, bien au contraire. Si le récit met un peu de temps à décoller, une fois que c’est fait, nous sommes lancés dans un tourbillon de mystère et de phénomènes obscurs qui nous scotchent à l’écran, le tout avec une mise en scène enfin digne de ce nom. En effet, on sent que le jeu a eu le droit à davantage de budget avec bien plus de cinématiques travaillées, que ce soit pour l’action bien rendue ou les phases de dialogues avec des expressions crédibles. Les jolis plans sont nombreux et mettent bien en avant telle ou telle situation, nous sommes loin des simples portraits et textes de Shin Megami Tensei IV sur 3DS.
De plus, un petit twist devrait agréablement surprendre plusieurs joueurs et l’importance des personnages secondaires fait que l’histoire se veut un poil moins solitaire que Shin Megami Tensei III. S’il n’est pas aussi sinistre que ce dernier, Shin Megami Tensei V propose lui aussi son lot de passages à ne pas mettre entre toutes les mains et traite à merveille plusieurs questions existentielles. Qu’est-ce que le bien et le mal ? Est-ce que tout est noir et blanc ? Doit-on suivre aveuglement les religions ? La force est-elle le seule moyen pour gouverner les autres ? Tout au long du soft, notre héros devra répondre à des questions de ce genre par le biais de choix à faire et comme avec ses grands frères, plusieurs fins s’offrent à vous selon ce que vous avez décidé. Enfin, la qualité des dialogues est toujours au rendez-vous, notamment avec ces chers démons qui utilisent parfois un langage peu fleuri mais si appréciable. On regrette surtout une chose, à savoir un fond davantage conventionnel et décousu que le 4ème titre, qui osait plus sur certains points. Dans tous les cas, avec Shin Megami Tensei V, on a une aventure digne de ce nom et le gameplay n’y est pas étranger.
Demon of the Wild
Contrairement aux précédents opus, l’exploration de Shin Megami Tensei V est bien plus ouverte et c’est là que le jeu fait la différence. Fini de parcourir Tokyo en forme de pion et d’entrer dans des niveaux à couloirs, cette fois, on a plusieurs grands niveaux qui sont un véritable plaisir à parcourir. Les zones sont étoffées, variées et assez verticales mine de rien, de quoi s’amuser à découvrir les moindres petits secrets distillés ici et là. On peut tomber sur des trésors, des petits monstres à sauver, divers items, des adversaires à affronter ou esquiver (car oui, cette fois, on les voit bien) et on en passe. Naturellement, certains anges ou démons nous confient des quêtes annexes plus ou moins intéressantes. Certaines d’entre elles font office de missions « FedEx » mais il y en a qui sont davantage réussies, comme lorsqu’il faut choisir un parti et éliminer tel ou tel ennemi. Côté déplacements, notre Nahobino peut courir, glisser, sauter et s’agripper à certaines plateformes, ce qui change grandement d’avant. Si l’on déplore certains endroits où le protagoniste ne peut accéder sans faire de détour alors qu’il pourrait, en principe, simplement grimper, on ne peut que saluer l’effort d’Atlus quant au level design et à cette liberté de mouvements qui procure de bonnes sensations. Ne vous y trompez pas, les niveaux de Shin Megami Tensei V restent labyrinthiques et c’est d’autant plus le cas avec les donjons toujours présents. Ces derniers respectent les traditions de la saga mais ceux qui aiment la complexité risquent d’être un peu déçus car il n’y a pas d’énigmes ou de chemins spécifiques à prendre, ce 5ème épisode se veut un peu plus simple.
Bien sûr, la composante principale de Shin Megami Tensei V reste le combat, RPG oblige. Et là encore, le titre s’en sort avec les honneurs, bien qu’il ne surprendra personne. On a donc les habituels attaques physiques, les différents éléments tels que l’eau et le feu, les gardes, les sorts comme le soin, etc. Là où la licence a toujours brillé et continue de le faire avec le 5ème épisode, c’est avec la mécanique Press Turn. Si vous exploitez la faiblesse d’une cible, en plus d’asséner un coup critique, il y a un tour supplémentaire, de quoi en profiter pour faire des enchaînements plus longs ou utiliser un objet, renforcer ses alliés… Les possibilités sont alors décuplées, tout comme le fun. Avec Shin Megami Tensei V, on a aussi une barre à remplir, celle du Megatsuhi, énergie prisée par les démons. En collectant des orbes lors de l’exploration ou en remplissant certaines conditions durant les joutes, on peut atteindre un stade qui ouvre la voie à de nouvelles compétences temporaires. Par exemple, on peut choisir d’accorder des coups critiques assurés jusqu’à la fin de notre tour. Attention car les ennemis aussi utilisent le Megatsuhi. Une fois de plus, ces derniers ne vous feront aucun cadeau et même en mode Facile, la mort peut rapidement pointer le bout de son nez. Si les habitués ne seront pas dépaysés, sachant qu’un boss comme un monstre basique peut tuer le héros en un coup avec un peu de chance, les nouveaux venus risquent de jolies crises de nerfs. Heureusement, Atlus réussit à contenter tout le monde avec un mode Très facile qui permet de passer facilement les combats en donnant un gros boost à notre équipe. En dehors de ce mode, Shin Megami Tensei V peut être un supplice… mais c’est pour cela qu’on l’aime, vu qu’on tire une grande satisfaction lorsqu’on parvient enfin à progresser.
Heureusement, notre héros n’est pas seul dans sa quête puisqu’il est toujours possible de recruter anges, démons et autres monstres neutres. Non, ce n’est pas aussi cruel que dans un Pokémon où il faut les affaiblir et leur lancer des balles spéciales : tout passe ici par l’art de la discussion. À chaque début d’affrontement de Shin Megami Tensei V, on peut parler avec tel ou tel monstre à l’exception des boss et le convaincre de rejoindre nos rangs en donnant les bonnes réponses ou certains objets. Cela paraît simple vu comme cela mais certains êtres n’acceptent pas si facilement, même si c’est plus aisé que dans les précédents titres. S’ils ne sont pas contents, ils vous le font savoir avec une cruelle contre-attaque, vous forçant à recommencer l’opération une autre fois. Les dialogues de recrutement sont abondants et quasiment uniques à chaque monstre, c’est donc un loisir constant que de se constituer une armée d’anges et de démons afin de devenir le plus fort.
Enfin, qui dit RPG dit également progression et Shin Megami Tensei V sait procurer une forte montée en puissance. Outre les nouvelles compétences et caractéristiques à améliorer que l’on obtient avec la montée de niveaux, il y a une partie importante qu’est le Monde des ombres. C’est ici que l’on peut par exemple fusionner les monstres pour en obtenir de meilleurs, une mécanique prisée des fans et on ne saurait leur donner tort de ce côté. En outre, il est possible de prendre l’essence d’un monstre afin de la transférer au héros ou à d’autres compagnons de notre équipe, ce qui change soit les résistances/faiblesses, soit confie des attaques inédites, entre autres. On peut également améliorer le Nahobino en trouvant des objets particuliers lors de l’exploration, afin d’augmenter la capacité de l’équipe, accroître ses attaques de vent ou de lumière… Avec Shin Megami Tensei V, Atlus confirme à nouveau qu’il maîtrise le genre en ajoutant davantage de liberté à l’exploration tout en peaufinant les points forts de la franchise, à savoir ses combats sans pitié et la gestion poussée de l’équipe. Un régal et ça dure au moins 40-50 heures (bien plus si vous voulez tout faire) si on ne trace pas, pour peu qu’on adhère à tout cela car côté gameplay, il n’y a quasi rien à reprocher. Contrairement à un autre point.
Tokyo sous le sable, un résultat adorable ?
En passant à la Nintendo Switch et à l’Unreal Engine 4, on espérait beaucoup de Shin Megami Tensei V sur le plan visuel mais force est de constater que la vision d’Atlus est entachée par les limites de la machine de Nintendo. Pour ce qui est de la direction artistique, Atlus fournit une prestation de grande qualité avec des personnages et monstres au design impeccable, en dehors de quelques exceptions. Tantôt majestueux, tantôt dégoûtants, les différents modèles en imposent toujours à l’écran et le fait de voir des êtres provenant de plusieurs mythologies, religions et contes ne manque pas de raffinement, surtout quand le mélange est parfaitement concocté. De même pour les décors, avec la ville de Tokyo ravagée couverte de sable et peuplée de perfides démons. Si on aurait préféré davantage de lieux différents, faire face à toute cette désolation fait de l’effet, surtout qu’il y a divers panoramas des plus élégants et colorés. Enfin, comme on l’a dit précédemment, la mise en scène délecte avec des animations qu’on peut qualifier de stylées, que ce soit dans les cinématiques, dans les batailles ou mêmes les succulentes fusions avec le héros qui joue sur un instrument. Certains démons ont des attaques uniques à la cinématographie davantage travaillée, tout comme notre héros possédant plusieurs coups qui durent quelques secondes et qui démontrent sa force avec ferveur. En parlant de lui, sa longue chevelure bleue est d’ores et déjà iconique, on adore la voir bouger dans tous les sens. Enfin, les effets sont pour le moins efficaces.
C’est plus la partie technique qui déçoit quelque peu. Que ce soit en mode portable ou dock, Shin Megami Tensei V a une bonne dose d’aliasing, de pop-in (surtout pour l’herbe, qui n’apparaît qu’à 10-20 mètres), pas mal de scintillement, plusieurs ralentissements dans la partie exploration… De plus, certaines textures font peine à voir et on a quelques éléments curieux comme des bouts de verre flottant dans les airs quand on regarde certains bâtiments de près. Enfin, la résolution est loin d’être idéale, fournissant un effet de flou constant. Pour finir, les vibrations HD de la Nintendo Switch ne sont nullement utilisés, alors que cela aurait pu procurer davantage d’immersion. Heureusement, cela ne gâche pas tant que cela l’expérience, surtout que les batailles restent bien fluides. Gageons que certaines mises à jour corrigeront tout de même un tant soit peu le tir.
Finissons avec la bande-son de Shin Megami Tensei V, dans la veine des anciens jeux : autant dire que c’est de l’ordre de l’excellence. Les voix japonaises (un Shin Megami Tensei, ça se joue en japonais, même si les voix anglaises se défendent bien) sont de bonne facture et les différentes sonorités, notamment les cris des démons, participent comme il faut à l’ambiance si particulière de la franchise. Il en est de même pour les musiques, avec divers genres (rock et électro principalement) et instruments utilisés afin d’instaurer en nous divers sentiments, allant du stress à la bravoure. C’est angoissant, majestueux, occulte, épique et plus encore. Du Shin Megami Tensei dans les règles de l’art, comme pour le reste du soft.
Verdict : 9/10
En dehors de sa partie technique et d’un aspect un poil conventionnel, difficile de reprocher grand chose à Shin Megami Tensei V. Avec cet opus, Atlus réussit le pari de proposer des niveaux plus ouverts sans dénaturer l’aura de la saga. Il ne décevra point les fans, notamment grâce à son ambiance délicieusement sordide ainsi que ses combats infernaux et délicieux. Quant aux nouveaux joueurs, s’ils s’accommodent d’une difficulté particulière, ils découvriront une expérience grandiose et atypique, comme peu de RPG savent le faire. Un jeu Nintendo Switch qui a de quoi s’imposer parmi les plus grands jeux de 2021 et que les possesseurs de la machine se doivent d’avoir dans leur ludothèque, pour peu qu’ils soient âgés et amateurs du genre. Après tout, on a pas de Shin Megami Tensei numéroté tous les jours, pourquoi s’en priver, surtout quand c’est si exquis ?
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