Parmi les RPG cultes de l’ère PlayStation 2, on a Shin Megami Tensei III, une aventure sombre et cruelle nous plongeant dans une ville de Tokyo totalement chamboulée par un cataclysme sans précédant. Jugé par beaucoup de joueurs comme l’opus phare de la série, il revient cette année avec Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster, un remaster (cela parait évident, on vous le concède) qui a pour but de remettre les pendules à l’heure. Découvrons ensemble si c’est mission réussie pour Atlus ou si le demi-démon mérite plutôt une place en Enfer avec ses semblables maléfiques.
Test réalisé sur Nintendo Switch grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
Tokyo, c’était mieux avant
Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster étant ce qu’il est, ne vous attendez donc pas à des changements du côté de l’histoire (ça arrive certes de temps en temps dans les remasters, pas ici en tout cas) mais il est bon de rappeler ce que l’on vit dans ce RPG démoniaque, surtout pour les nouveaux joueurs. Ainsi, on incarne un jeune lycéen de Tokyo au nom de votre choix mais officiellement, il se nomme Naoki Kashima. Au départ, rien d’anormal à l’horizon mais très vite, notre héros se voit impliqué malgré lui dans une guerre mêlant forces divines et entités démoniaques suite à la Conception, un événement ayant causé plus ou moins la fin du monde. Tokyo est grandement dévastée, tout comme le reste de la planète et Naoki est devenu un demi-démon. Il se sert de ses pouvoirs afin de survivre et recruter d’autres monstres pour espérer changer la donne. Doit-il devenir le maitre absolu ? Aider son prochain ? Laisser les autres décider du sort de la Terre ? Ce sera à vous de choisir.
Tout comme le jeu d’origine, Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster propose un scénario mature et obscur, poussant souvent à la réflexion sur des thèmes comme la mort, la religion, la force, ce qui est vraiment nécessaire dans la vie, etc. L’inclusion d’êtres célestes et sataniques n’est guère innovante mais son utilisation, elle, est des plus exquises, avec divers quartiers de Tokyo contrôlés par des factions aussi différentes que variées ayant chacune ses propres motivations. Au tout début, on n’a quasiment pas de choix à faire mais avec le temps, il vous faut prendre position et gare à vos décisions car il y a de multiples fins. On prend goût alors à lire avec attention tous les dialogues, savoureux qui plus est, notamment avec certains démons qui n’hésitent pas une seconde à insulter et menacer le pauvre demi-démon qui n’a rien demandé. Le monde de Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster est complexe, sans pitié et rien que pour cela, on l’aime, bien qu’il ait tout de même quelques rides aujourd’hui.
La faute revient à une mise en scène et des expressions assez pauvres, gâchant un peu une ambiance qui aurait largement gagné en saveur avec un remake plutôt qu’un remaster. En son temps, 2003 tout de même pour la toute première version, Shin Megami Tensei III n’était déjà pas un maitre des cinématiques et cela se ressent d’autant plus dans Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster, qui ne cherche pas à régler le problème. Il n’y a que de rares passages plus travaillés, il vous faudra donc faire avec des dialogues très old school où ça bouge peu la majeure partie du temps. En outre, les meilleures scènes n’ont pas été remaniées et gardent un format 4:3, ce qui est dommage et donne une impression de travail à moitié accompli. Hélas, on ressent cela dans d’autres aspects de ce remaster.
Expérience adoucie mais classique
Si vous avez déjà joué à cet épisode ou à d’autres Shin Megami Tensei, vous serez en terrain connu car Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster conserve en grande partie le gameplay d’antan. Concrètement, cela se résume à 3 aspects principaux : l’exploration, la composante RPG et les combats. Pour le premier point, c’est sans doute celui qui risque de freiner le plus ceux qui n’apprécient pas trop les couloirs car Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster en est rempli à ras bord. En dehors de la carte du monde qu’on parcourt assez rapidement, même si déroutante de prime abord, on a quelques lieux principaux et, surtout, des tas de niveaux et donjons aux schémas similaires, demandant d’avancer à tatillon à cause d’un manque d’indications et de nombreux chemins se ressemblant comme deux goutes d’eau. Il y a bien quelques puzzles et chemins davantage complexes pimentant le tout, heureusement, car derrière c’est pratiquement que du couloir des plus basiques. On voit avec Persona 5 Royal que depuis, Atlus a su évoluer dans le genre. De plus, si vous ne suivez pas trop les dialogues, bon courage pour progresser car certains objectifs sont assez obscurs et non répertoriés. Il aurait été judicieux d’aider un peu plus le joueur avec quelques aides inédites, optionnelles au pire pour ceux qui désirent l’expérience la plus classique qui soit.
Quant à l’aspect RPG, il reste tel quel mais il n’avait pas forcément besoin de changements car de ce côté, la mécanique Shin Megami Tensei reste correctement huilée. On a toujours des démons à recruter durant les affrontements via des séries de réponses adéquates à donner, des fusions à effectuer pour en obtenir de plus puissants (d’ailleurs, on peut enfin sélectionner les capacités à hériter dans cette version), un héros dont on peut changer les capacités via un système de Magatamas, montée en puissance via des niveaux, divers objets à obtenir, etc. Classique mais efficace, même si on déplore qu’Atlus n’ait pas modifié l’interface assez vieillotte et 2-3 petites choses comme le fait de ne pas garder l’analyse d’un démon au-delà d’un tour durant les combats. En parlant de ceux-ci, là encore c’est inchangé mais des plus agréables. En composant une équipe constituée du héros et de 3 démons, on fait face à des démons ennemis qui peuvent être seuls ou accompagnés. Chaque camp possède un tour complet, on peut donc enchainer les attaques et exploiter les faiblesses de chaque ennemi afin de sortir plus rapidement vainqueur. Naturellement, c’est pareil pour les monstres d’en face, il faut alors faire attention aux résistances et autres éléments du genre afin de ne pas rapidement finir en casse-croûte. Stratégique, brutal et savoureux.
Il y a-t-il donc des changements dans ce Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster ? Oui mais mineurs : principale nouveauté, la difficulté Permissif qui rend les joutes plus faciles. Le troisième Shin Megami Tensei est connu pour sa difficulté légendaire où la moindre erreur peut être fatale, avec le mode Permissif, on avance plus aisément afin de se concentrer sur l’histoire. Ceux qui n’aiment pas souffrir et prier de toutes leurs forces contre un boss coriace, comme le fameux Matador par exemple, peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Quant aux autres, ceux qui adorent se faire violence (on ne juge pas, certains de la rédaction en sont même friands), point d’inquiétude, il y a un mode Normal et Difficile. De plus, on peut changer de difficulté à tout moment, plutôt commode. On note également la possibilité de pouvoir sauvegarder quand on veut en cas de besoin, en temps normal, il faut accéder à un point de sauvegarde nommé Terminal. Pratique si vous n’avez plus trop le temps de jouer et que vous devez conserver votre progression mais en contrepartie, il n’est pas possible de garder la sauvegarde, elle se supprime toute seule après une utilisation. Pour finir, on a tout le contenu d’origine ainsi que celui rajouté avec le temps via diverses versions, comme la présence de Raidou de Devil Summoner pour la première fois en Europe, ce qui est bien vu. En revanche, carton rouge pour Dante. Oui, le fameux Dante de Devil May Cry (ce qui a donné naissance au fameux « Featuring Dante from the Devil May Cry Series ») : sur PS2, il était présent de base chez nous mais dans Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster, il faut payer un DLC pour pouvoir l’affronter et l’intégrer par la suite dans notre équipe. Pour un remaster, avouez que payer un supplément, ce n’est pas forcément engageant, d’autant plus que ce n’est pas inédit.
HD, d’accord mais quid du Remaster ?
Même s’il est sorti durant les premières années de la PlayStation 2, au Japon du moins, Shin Megami Tensei III n’a jamais été au top graphiquement parlant, loin d’un Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty ou de Final Fantasy X, entre autres. On pouvait craindre que la pilule passe mal avec le remaster, surtout en 2021 mais au final, c’est plus que passable. Alors oui, il ne fera pas décrocher les mâchoires et son aspect fortement « cubique » ainsi que ses animations datées ne jouent pas toujours en sa faveur mais on ne peut nier qu’il y a un certain style derrière. La direction artistique, majoritairement épurée, fournit un cachet visuel charmant qui colle à l’ambiance à la fois calme, pesante et désolante. Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster se permet également d’avoir légèrement amélioré les modèles et les décors, tout en ayant un rendu des plus nets même sur Nintendo Switch, que ce soit en mode portable ou en mode dock. Cela tourne à 30 images par seconde mais ça ne gène aucunement. Les différents personnages et monstres disposent d’un design qui a convenablement vieilli et la légère touche cel shading n’y est pas pour rien. Pour ce qui est des décors, certains sont assez quelconques (les égouts, un classique) mais d’autres sortent du lot, comme une prison où un mirage dévoile des condamnés dans de drôles de positions. Pour la technique, le remaster remplit le contrat mais il y a quelques ralentissements ici et là, surtout quand il y a de nombreux effets lors d’attaques spéciales, un poil malencontreux au vu du rendu graphique.
Finissons avec la bande-son qui, elle aussi, n’est pas tout à fait parfaite dans Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster. Pour le positif, on félicite les doublages anglais et japonais, absents des autres versions qui ne contenaient que des bruitages. Tous les dialogues ne sont pas doublés, dommage mais cela reste un beau plus renforçant l’immersion, surtout avec les voix japonaises qui sont de qualité. Quant aux musiques, il est fâcheux qu’elles soient exactement les mêmes. Attention, elles ne sont pas mauvaises, loin de là. La touche Shin Megami Tensei est présente avec ce savant mélange de rock, de techno et de sonorités religieuses détournées, tout en ayant des chants semblant provenir d’un autre monde tellement ils sont modifiés et dont les paroles invitent parfois le joueur à rejeter des dieux, rien que cela. Non, ce qui est décevant, c’est que la qualité audio reste fondamentalement la même. Pas d’arrangements, pas de choix de version alors qu’il y a des morceaux de Shin Megami Tensei III qui ont été remastérisés par le passé… On s’y fait à la longue mais on se demande pourquoi Altus n’est pas allé au bout des choses.
Verdict : 7/10
Entendons-nous bien, Shin Megami Tensei III reste un jeu culte qui se doit d’être (re)joué et ce Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster devient de base la meilleure version. Malheureusement, Atlus a fait de curieux choix et il manque certaines choses pourtant présentes dans n’importe quel remaster digne de ce nom. Pas de quoi désapprouver toute l’expérience mais cela laisse tout de même un arrière goût d’inachevé. Malgré tout, si l’on exclut quelques points frustrants, l’aventure du demi-démon est un classique et les joueurs, anciens comme nouveaux, devraient apprécier ce RPG atypique.
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