Depuis 2002, le studio ukrainien Frogwares propose tous les deux ans environ un jeu vidéo mettant en scène Sherlock Holmes, le plus célèbre détective anglais créé par Sir Arthur Conan Doyle. Des adaptations qui, aux côtés du cinéma, de la télévision ou encore des bande-dessinées, font perdurer le personnage grâce à des aventures rocambolesques. Sur PlayStation, deux opus réussis ont déjà vu le jour, et c’est donc dans cette continuité que The Devil’s Daughter pose ses valises sur PS4, comme première production entièrement conçue pour les consoles actuelles. Après un aperçu lors de la Paris Games Week ainsi qu’un essai manette en mains, il est temps pour PS4 France de livrer sa conclusion.
Du renouveau, mon cher Watson
Bigben et Frogwares avaient annoncé la couleur, ce Sherlock Holmes a pour objectif de briser les codes précédemment instaurés dans la série. Et ils ne mentaient pas, puisque dès le départ, les habitués seront vite surpris de découvrir un nouveau look pour le détective privé et son éternel acolyte : l’un se révèle moins sérieux et hautain, quand l’autre n’est pas sans rappeler un certain Jude Law. Un rajeunissement marquant le désir des développeurs de toucher un plus large public, au risque de décevoir ceux qui aimaient se référer au côté « feuilleton » des anciennes figures. Le choix est d’autant plus prononcé par le changement des doubleurs, qui étaient pourtant déjà de qualité, en VO. Fort heureusement, les nouveaux arrivants assurent sans problème le travail et parviennent à retranscrire avec brio l’émotion des personnages fictifs. Il faudra ceci dit changer la langue de la console pour pouvoir en profiter (une mauvaise habitude toujours aussi courante) puisque le titre est automatiquement en français. Mais si l’équivalent VF parait moins naturel et n’est ainsi pas à privilégier pour l’ambiance selon nous, l’effort de sa présence ne peut qu’être salué.
Parlons-en justement de l’ambiance, une des qualités grandissantes des moutures de Frogwares. Après tout, Sherlock Holmes ne fascine pas seulement pour ses réflexions mais aussi pour la période historique dans laquelle il évolue : l’époque victorienne. Et ce n’est pas avec ce nouveau Sherlock Holmes que le Londres du XIXème siècle cessera d’être représenté. L’avancée des consoles de salon actuelles permet justement aux artistes de repousser les anciennes limitations visuelles, en améliorant le moteur graphique Unreal Engine 3. Entre effets de lumières et textures plus détaillées (sauf au-delà du décor), les fans ont de quoi être ravis. Sans être la claque de l’année, The Devil’s Daughter est maîtrisé et témoigne de l’implication des concepteurs. Nous avons aussi noté moins de problèmes techniques que les précédents opus, même s’ils ne sont pas pour autant absents. La déception se trouvera surtout du côté des animations, toujours aussi rigides.
La liberté de mouvement n’est pas en reste dans cet épisode. L’une des nouveautés très appréciable de The Devil’s Daughter est le fait, dès le départ, de pouvoir sortir au-delà de son appartement pour se balader tranquillement aux alentours de Baker Street. Sherlock et/ou Watson peuvent alors discuter avec des passants, accéder à Scotland Yard à pieds et même participer à des petits mini-jeux sympathiques bien qu’anecdotiques (fléchettes, tir, boxe…). Une feature sympathique qui renforce l’implication du joueur et rappelle dans l’idée Assassin’s Creed: Syndicate.
De l’action, ma chère Katelyn
À l’instar du très bon Crimes & Punishments, The Devil’s Daughter se divise en cinq enquêtes indépendantes entrecoupées d’une intrigue autour de la fille adoptive de Sherlock : Katelyn. Cette dernière a déjà fait parler d’elle au cours du Testament de Sherlock Holmes, notamment sorti sur PS3, dont la fin constitue le sujet des querelles dans cette histoire. Comme s’il n’était pas déjà assez tourmenté, Sherlock assiste à la venue d’une nouvelle voisine, Alice De’Bouvier, au comportement louche vis-à-vis de l’enfant. Il est alors intéressant de voir la relation chaotique qu’entretiennent les protagonistes, aux comportements opposés, et d’obtenir une approche plus personnelle que de simples investigations. Autant de sujets qui ne nécessitent pas pour autant d’avoir entamé les autres opus au préalable, vu que la continuité du scénario est expliquée.
Le coeur de la dernière itération en date de la série reste bien entendu la passion de base de Sherlock, à savoir les divers meurtres et disparitions. En vue à la troisième ou première personne, les phases de gameplay démarrent en général par une recherche d’indices pouvant faire avancer l’enquête, comme une lettre cachée ou déchirée. Grâce à sa déduction infaillible (sorte de sixième sens), notre protagoniste arrive à déceler les moindres traces de pas ou de fissures sur un mur. À l’aide de vielles méthodes et de composants chimiques, aucun secret ne peut se dresser devant lui bien longtemps. Et il en est de même pour les personnages, pouvant être analysés de la tête aux pieds façon Benedict Cumberbatch dans la série TV. Cette action, introduite dans Crimes & Punishments, se veut plus poussée puisque c’est au joueur de choisir sa déduction dans certains cas. Comprenez qu’un portrait peut être désormais incomplet, fournissant donc moins d’indices que prévu dans son carnet de notes.
Une fois les éléments accumulés, il est temps de passer à l’action, littéralement. Alors que nous avions la simple habitude de chercher puis de résoudre, The Devil’s Daughter implique beaucoup plus le joueurs dans des séquences animées. Bien qu’ils ne soient pas extraordinaires, voire perfectibles par moments, ces instants sont très agréables et permettent de briser le rythme lent des investigations. Nous avons été surpris par exemple de participer à un tournoi de boulingrin (vieux dérivé du bowling)… ou de pratiquer un exorcisme ! Pour le coup, Sherlock n’est pas l’unique star du titre – même si notre test pourrait le suggérer – vu que Watson, Wiggins et même le chien Toby sont jouables à différents moments de la trame scénaristique. L’utilisation des costumes est aussi maintenant plus logique qu’esthétique (s’habiller en docteur pour infiltrer un hôpital, en bandit pour un bar, etc.).
Des conclusions, mon cher Lestrade
Plus discrètes que dans Le Testament de Sherlock Holmes, les énigmes n’en sont pas moins bien présentes, avec son lot d’originalités. Outre le traditionnel crochetage, les puzzles varient entre la réparation d’un mécanisme ou, en guise d’exemple, l’activation d’un coffre. Le déroulé du jeu se veut divertissant, bien que la majorité des casses-têtes ne soient pas extrêmement compliqués. Les plus ardus résultent à vrai dire plus d’un soucis de compréhension que d’un véritable challenge. Mais ceux qui ont du mal à résoudre certaines énigmes pourront les passer à l’aide d’une simple pression sur le pavé tactile (au risque de ne pas obtenir le trophée correspondant). Un procédé – trop – dirigiste que nous déconseillons afin de profiter au maximum du titre.
Vers la fin de son étude, Sherlock peut manier tous les indices pour former des conclusions possibles sur le supposé coupable de l’affaire. En faisait le lien entre deux faits, une « boule » de déduction se forme, où le joueur devra choisir l’issue la plus logique selon lui. Il est alors tout à fait possible d’arriver à une fausse accusation, en n’étant pas assez attentif aux divers détails recueillis. Heureusement, le studio donne la possibilité de se tromper : en appuyant sur un bouton, le dernier choix se met en vert ou en rouge, puis demande une dernière validation ou un retour en arrière avant le prochain chapitre. Au-delà de cette trouvaille, vous devrez aussi décider de condamner ou absoudre l’intéressé. Une décision dépendant entièrement du motif du crime.
VERDICT : 8/10
Sherlock Holmes: The Devil’s Daughter constitue une excellente surprise et un exemple à suivre pour certains studios en terme d’implication. Il faut l’avouer, le dernier titre en date du célèbre détective reste bien perfectible, notamment au niveau de sa difficulté quelques fois mal dosée, de la rigidité des animations et d’une VF pas très naturelle. Mais il s’agit aussi d’un opus qui tente de se démarquer de ses prédécesseurs, en prenant le pari de proposer un nouveau look, bien plus de liberté, ainsi qu’un gameplay nettement plus rythmé. Si certains choix ne plairont pas à tout le monde, les détectives en herbe de la première et dernière heure sauront ici se satisfaire avec des enquêtes accrocheuses, le tout dans un cadre victorien toujours aussi charmeur.
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