La figure de Sherlock Holmes a inspiré bien des médias : des romans de Conan Doyle, aux bandes dessinées diverses, aux films hollywoodiens ou non, aux séries TV et même aux jeux vidéo. Depuis plusieurs années, le studio de développement Frogwares (The Sinking City) s’est attaqué à ce personnage en concevant plusieurs opus. Crimes & Châtiments et The Devil’s Daughter sont sortis il y a quelques années sur la plupart des plateformes de jeu. En 2021, ils reviennent avec un tout nouvel opus, Sherlock Holmes: Chapter One, faisant table rase des bases pré-établies, que ce soit en terme de narration, de chara-design ou bien de direction artistique. Amatrice du genre et lectrice de l’univers de Conan Doyle, votre fidèle servante a vissé son Deerstalker sur la tête pour mener l’enquête sur Sherlock Holmes: Chapter One.
Test réalisé sur PS5 grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
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« L’étude de l’homme est le propre de l’homme »
Si Conan Doyle a écrit « l’étude de l’homme est le propre de l’homme », il avait tout à fait raison et ses propos ne pouvaient pas moins se prêter à son propre univers. Il en est de même pour tous les médias s’étant inspirés de Sherlock Holmes pour leur narration interne ou les allusions diverses à la figure. A ce sujet, le studio de développement Frogwares est plutôt bien rôdé car avec Sherlock Holmes: Chapter One, il signe leur énième opus empruntant l’univers de Conan Doyle. Or, si celui-ci est sur le point de débarquer sur la plupart des plateformes de jeu, dont PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series et PC, à l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’a rien à voir avec ses aînés, notamment ceux nommés Crimes & Châtiments et The Devil’s Daughter, car Frogwares a fait le pari de changer plus ou moins fondamentalement sa formule préexistante afin de proposer une meilleure expérience de jeu et une immersion plus grande. Pari réussi ? L’enquête est menée !
Dans Sherlock Holmes: Chapter One, le cadre spatio-temporel est totalement différent de ce que l’on pourrait penser aux premiers abords. Exit Baker Street, et direction une terre éloignée bercée par les flots méditerranéens, Cordona. Théâtre des événements de ce nouvel opus et endroit où notre protagoniste a passé son enfance, Sherlock s’y rend pour faire la lumière sur la mort inexpliquée et encore mystérieuse de sa mère, il y a de cela plusieurs années déjà. Depuis son départ de l’île, le jeune homme s’était laissé convaincre par les analyses des médecins et les diverses conclusions données à l’époque. Mais ce n’est désormais plus le cas, et il entend bien faire la lumière sur les circonstances de la mort de sa mère, ainsi que prouver ses talents de détective. Comprenez qu’à l’ouverture de cet opus, Sherlock Holmes n’est pas encore le très grand détective que l’on connaît tous, il n’en est qu’à ses débuts. Évidemment, si le fil rouge autour de l’enquête sur le décès de sa mère est primordial et anime l’entièreté du titre, jusqu’à sa finalité d’ailleurs, il ne reste que bien d’autres enquêtes animeront le jeune détective tout au long de l’aventure. Cordona étant un lieu regorgeant de criminalité et une scène où corruption et injustice se conjuguent de pair et en nombre. Ainsi, dès le début de l’aventure, vous poserez les pieds à Cordona mais vous ne pourrez expliquer la mort de la mère de Sherlock qu’après avoir terminé plusieurs enquêtes. Comme nous le disions précédemment, l’affaire « L’amour d’une mère » traverse l’entièreté du titre et s’alimente incessamment des autres affaires. A ce sujet, on compte pas loin de 5 enquêtes principales. Comptez ainsi environ 10-12 heures de jeu pour atterrir à l’écran des crédits. Néanmoins, le titre embarque aussi des enquêtes annexes, plus ou moins longues, qui sont beaucoup plus nombreuses, et parfois plus difficiles que les principales mais nous y reviendrons par la suite.
[…] Frogwares nous met littéralement dans la peau de Sherlock Holmes, c’est immersif et saisissant ! […]
En opérant des changements narratifs plus ou moins importants, Frogwares parvient à surprendre avec Sherlock Holmes: Chapter One. Ils se sont octroyés plus de liberté et en découle nécessairement une plus grande originalité. Rassurez-vous tout de même, les liens et références à l’univers imaginé et écrit par Conan Doyle sont bien là, et la fin risque de vous faire sourire notamment par rapport au personnage de Jon (on vous voit venir les puristes, mais il s’agit de la bonne orthographe… vous verrez). Mais nous n’en dirons pas plus à ce sujet tant elle est bien amenée et plaira aux lecteurs des aventures de Sherlock Holmes. Nous avons ainsi fortement apprécié ce mélange de réécriture et d’inspirations directes. C’était déjà le cas dans The Sinking City, d’ailleurs. En ce qui concerne les autres enquêtes, elles sont tout aussi prenantes et intéressantes à parcourir. Elles vous mèneront à la rencontre des diverses populations en place sur l’île de Cordona, dans la haute société tout autant que dans les bas fonds. La diversité étant de mise, vous l’aurez compris. De notre côté, nous avons été accrochés durant chacune d’entre elles et il nous a été difficile de lâcher la manette tant on voulait faire la lumière et avoir le point final de telle ou telle enquête. Ainsi, il y a fort à parier que les amateurs du genre, thriller et détective, y trouveront leur compte étant donné que Sherlock Holmes: Chapter One demande beaucoup de concentration, tout en exigeant de faire constamment preuve de logique et de discernement. Les nouveaux venus sur la licence pourraient éprouver quelques difficultés par moment, ce qui est tout à fait normal tant Frogwares a clairement voulu nous mettre dans la peau d’un vrai détective.
Frogwares et ses lettres de noblesse au genre
Si le studio de développement du nom de Frogwares ne vous parle pas, c’est que vous n’avez pas lu les tests des derniers mois de votre fidèle servante. En dehors de la licence Sherlock Holmes, Frogwares s’est attaqué à un autre univers, tout aussi important en Littérature et à un grand auteur : Lovecraft. S’inspirant grandement des œuvres d’un des maîtres de la littérature d’horreur, ils ont sorti The Sinking City en 2019. Le jeu s’est d’ailleurs offert un récent portage sur PS5 et Xbox Series, soit cette année même. The Sinking City reprend des idées du mythe de Cthulhu et surtout son ambiance générale. Et si nous vous en parlons ici, il y a une raison évidemment : pour Sherlock Holmes: Chapter One, Frogwares a repris les bases, en terme de gameplay, direction artistique et mise en place d’un monde ouvert, que celui-ci. En lisant notre test du portage sur PS5, vous vous rendrez très vite compte des parallèles existants entre ces deux titres mais nous allons évidemment tacher de vous les expliquer dans ce qui suit.
Déjà, rien qu’en terme d’open world, on retrouve les codes distillés dans The Sinking City et la modélisation de la carte en est la plus grande preuve. Tout au long de l’aventure, nous serons amenés à explorer différents quartiers de Cordona, dont la Vieille Ville, Scaladio et bien d’autres. Chacun de ces quartiers est habité par un type de population et des personnes de rang social différent : par exemple, l’un d’entre eux est davantage animé par des aristocrates alors que d’autres zones sont peuplées d’ouvriers ou d’hommes et femmes aux origines étrangères. Dans l’idée, c’est plutôt bien pensé et cela permet d’insuffler de la diversité, afin d’éviter un sentiment de déjà vu à chaque coin de rue. En revanche, côté animations de ces derniers, on sent que les développeurs de chez Frogwares ont voulu faire un peu mieux sur Sherlock Holmes: Chapter One que sur The Sinking City car nous avons nettement moins l’impression que les personnages bougent quand ils sont dans notre champ de vision. Néanmoins, leurs actions sont assez similaires d’un quartier à un autre ou d’un type de personnage à un autre. Ainsi, le bilan est plutôt mitigé sur ce point : cela fait le café mais ce n’est pas aussi captivant que dans d’autres jeux. Evidemment, certains PNJ sortent très clairement du lot et leur psychologie est tout à fait intéressante à étudier. A ce sujet, on notera que Sherlock Holmes mettra souvent en exergue ses talents de déduction, au cours d’une enquête, afin de dresser le portrait de la personne concernée. A l’issue de cette étude visuelle, nous aurons alors deux synopsis possibles et il faudra choisir la conclusion qui nous semble la plus juste. Car oui, à de nombreuses reprises, le joueur est libre d’interpréter les faits et devra souvent effectuer des choix entre plusieurs propositions, notamment au moment de l’accusation : un moyen donc de les responsabiliser et de les faire rentrer dans la peau d’un détective, bien vu Frogwares.
Il ne s’agit pas de la seule mécanique de gameplay, bien entendu. Et là encore, Frogwares a frappé fort. Ils ont repris des éléments de The Sinking City, à l’image de la consultation fréquente et nécessaire aux archives locales (police, journal, etc.) afin de trouver de nouvelles informations, la recherche d’un lieu précis en fonction d’indications plus ou moins explicites ou la mise en scène du palais mental pour trouver les bonnes déduction mais ils vont bien plus loin et cela sied grandement à l’univers. Charles W. Reed n’a qu’à bien se tenir, il n’est pas le meilleur détective privé qu’il soit, désormais.
Pour la plupart des enquêtes, il faudra souvent se rendre sur les lieux du crime pour rechercher des preuves diverses. Une fois toutes celles-ci obtenues et les PNJ du coin interrogés, il sera possible de reconstituer la scène. Evidemment, rien n’est simple : les joueurs seront amenés à se déguiser afin de gagner la confiance des personnes clés puis de les interroger, et même de sélectionner la bonne preuve à présenter. Par exemple, dans l’une des affaires, il est impératif de se déguiser en femme d’origine ottomane et porter un foulard bien précis (l’obtenir demande d’avoir effectué des actions complexes au préalable). Dans un autre cas, il faut se faire passer pour un ouvrier afin d’avoir accès à une zone bien particulière. De la même manière, la reconstitution de la scène demandera de relire les documents récupérés et mis à jour pour choisir les bonnes personnes, bonnes actions, etc. De ce fait, l’attention du joueur est constamment testée et rien ne sera simple. A plusieurs reprises, nous nous sommes retrouvés coincés et ne trouvions pas la solution. Elle n’est apparue qu’après plusieurs minutes de réflexion et d’interrogation. Mais la facilité, ce n’est pas ce que l’on attend avec ce type de jeu, n’est ce pas ? Frogwares nous met littéralement dans la peau de Sherlock Holmes, c’est immersif et saisissant !
En plus de cela, on peut compter sur quelques ajouts de gameplay : grâce à une touche prédéfinie, nous avons accès à une vision bien particulière nous permettant de mettre en brillance certaines textures, comme le sang. Celle-ci sera d’ailleurs tout aussi intéressante à utiliser pour suivre les pas d’un individu et découvrir où est ce qu’il s’est réfugié. Homme de science, le détective devra, dans d’autres cas, jouer avec ses connaissances chimiques afin d’analyser diverses fioles, contenants et liquides non identifiés. Dans le cas présent, comme dans Marvel’s Spider-Man, il faut combiner les bonnes couleurs, les bonnes formes et les bons chiffres pour arriver au résultat final indiqué.
Par ailleurs, durant toute l’aventure et même en end-game, les joueurs devront récupérer, aux quatre coins de la carte et auprès de différents marchands, l’ancien mobilier de la famille afin de décorer à nouveau le manoir des Holmes. Cela demandera d’avoir de l’argent sur soi et pour ce faire, il faudra terminer la plupart des enquêtes du jeu. Seul bémol au tableau : l’ajout de scènes de gun-fight qui nous ont semblé assez anecdotiques. Elles sont disponibles lors des enquêtes principales/annexes, ou bien via les repaires de bandit. Comprenez nous, elles ont tout à fait leur place dans le jeu et permettent de diversifier encore plus le gameplay, mais ce n’est pas cette mécanique de jeu qui nous a le plus happé, pour être tout à fait franc. Durant celles-ci, l’objectif principal n’est pas de tuer ses ennemis mais de les neutraliser. Pour ce faire, il faudra tirer sur leurs armures, mises en surveillance par ladite vision précédemment décrite, ou bien les désorienter en faisant éclater des lampadaires, bouches de gaz/eau, etc, avant de les attaquer au corps à corps pour leur passer les menottes. C’est bien pensé mais elles ne font pas le sel de l’affaire Sherlock Holmes: Chapter One, selon nous. Le côté enquête et réflexif étant beaucoup plus prédominant, heureusement.
Une formule qui fonctionne à merveille
En ce qui concerne l’aspect graphique et artistique, Sherlock Holmes: Chapter One est dans l’ère du temps. Sa direction artistique est maîtrisée, très agréable à l’écran. Le titre ne propose pas une claque visuelle pour autant et il convient de rappeler qu’il est aussi bien disponible sur les consoles current-gen (PS5 et Xbox Series) que sur PS4 et Xbox One. Un point qui se fait nécessairement ressentir et ce sur tous les jeux d’ailleurs. Néanmoins, la modélisation des personnages est franchement réussie et très réaliste. On a aimé voir les détails les concernant, qu’ils soient vestimentaires ou autres. Les environnements sont tout autant réussis et on note une petite diversité là dessus, en fonction des quartiers, comme nous avons pu le dire précédemment. De plus, on peut compter sur de beaux jeux de lumière qui mettent en valeur le tout. Ainsi, le monde ouvert est tout à fait plaisant et fonctionne bien pour la licence. On notera tout de même un peu d’aliasing et de clipping par moments, malheureusement. Quelques chutes de FPS sont à déplorer. Les musiques douces et d’ambiance accompagnent très bien ce qui se déroule à l’écran. Côté temps de chargement sur PS5, les prouesses techniques promises de la console sont toujours au rendez-vous tant il suffit d’une poignée de secondes pour lancer sa partie ou même pour se téléporter. D’ailleurs, nous n’avons absolument pas été victime de crash d’application durant toute notre session de test.
Si l’on devait être un tantinet pointilleux, une animation nous a gêné plus que les autres, et surtout au début de l’aventure car elle saute aux yeux dès les premières minutes. Que l’on courre, monte ou descende des escaliers, le personnage de Sherlock Holmes est un tant soit peu penché en avant, principalement. Ce qui ne lui donne pas une allure vraiment naturelle, dommage. Rassurez-vous, on finit par ne plus voir cet élément au fil des sessions. En dehors de ce point, le réalisme est bien présent et favorise l’immersion.
Dès le début de l’aventure et après la scène d’ouverture, nous n’avons pas pu nous empêcher de faire un rapprochement avec Peaky Blinders. Ce qui est une bonne chose, qu’on se le dise tout de suite. Jon et Sherlock nous ont semblé assez proches, dans leur modélisation, d’Arthur et Tommy Shelby. Certainement, à cause de leurs vêtements et de leur coupe de cheveux. En tout cas, on a fortement apprécié avoir à incarner un jeune Sherlock Holmes. Il nous a semblé bien plus charismatique que les protagonistes des précédents opus Crimes & Châtiments et The Devil’s Daughter. Le personnage de Jon étant tout à fait intéressant, lui aussi. D’ailleurs, son histoire se livre de façon progressive et elle devrait plaire à la majorité. En plus de cela, on peut compter sur une très bonne VO qui parvient à nous faire vivre les scènes et nous impliquer dans les dialogues (oui, vous vous en doutez Sherlock Holmes: Chapter One est très verbeux). Aucun problème du côté du sous-titrage français, par ailleurs. Quelques fois, la synchronisation labiale nous a semblé en deçà et il nous est arrivé d’entendre un personnage parler sans pour autant voir ses lèvres bouger. Pour autant, le problème n’est pas apparu tout le temps. C’est tout de même dommage que les développeurs n’aient pas travaillé davantage là-dessus car ce souci était déjà à déplorer sur The Sinking City, malheureusement.
Avant de livrer notre verdict final, rappelons que Sherlock Holmes: Chapter One se vend (environ) 45 euros. Un prix somme toute correct au vu du contenu global proposé et de la qualité du titre. D’autant plus qu’en précommandant cet opus, vous obtiendrez gratuitement Sherlock Holmes: Crimes & Châtiments. On rappelle qu’un Season Pass sera aussi disponible le jour de la sortie officielle du jeu. Celui-ci inclut des DLC à paraître ou sortant sous peu, dont « De Saints et de Pécheurs » (disponible le 16 novembre), « L’orgueil de Mycroft », « M pour Mystère » et « Comme par magie » qui paraîtront à une date ultérieure.
Verdict : 9/10
Sherlock Holmes: Chapter One est l’opus le plus abouti de la licence, à notre goût. Malgré quelques défauts techniques, il est de bonne facture. Grâce à son monde ouvert et sa diversité, il parvient à accrocher le joueur durant toute l’aventure. Celle-ci est d’ailleurs composée de nombreuses enquêtes, qu’elles soient principales ou annexes, profitant d’une belle variété de mises en scène et de personnages à rencontrer. La direction artistique et la qualité de la VO favorisent le sentiment d’immersion. Le gameplay, s’inspirant de The Sinking City, a d’ailleurs été revu par le studio de développement Frogwares depuis les précédents opus et c’est un quasi sans-faute là dessus tant on s’est retrouvé happé par l’aventure. On incarne un détective, mais on finit par devenir Sherlock Holmes.
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