Connu comme étant le chef de file du mouvement littéraire américain Beat Generation, c’est l’écrivain Jack Kerouac qui a écrit dans son œuvre la plus fameuse, Sur la Route, « La route, c’est la vie ». Voyageur intrépide n’ayant de cesse d’effectuer des road-trip à travers les États Unis, c’est pour fuir la réalité, la société et faire valoir un autre mode de pensée que l’auteur s’est lancé sur l’asphalte. Si beaucoup de personnes ne connaissent pas son œuvre, les développeurs de chez Digixart (Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre, 11-11 Memories Retold) semblent pour autant en reprendre l’idée pour le fil narratif de leur dernier jeu, Road 96. L’appel du bitume fut très fort chez votre fidèle servante et elle n’a pas manqué l’occasion de faire crisser les pneus pour découvrir Road 96. Alors attachez vos ceintures car on prend la route 96.
Test réalisé sur Nintendo Switch grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
[…] Les seuls gens qui existent sont ceux qui ont la démence de vivre, de discourir, d’être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller […] _ Kerouac, Sur la Route.
« Hit the road, Jack » ♬
Considéré comme un roguelike pour beaucoup de rédactions spécialisées, Road 96 n’en reprend que deux mécaniques principales et non le gameplay complet connu de ce genre : le fait que le tout soit généré de façon procédurale et qu’à chaque run/mort, nous changeons de personnage. Hormis cela, l’étiquette semble assez poussive et nous préférons ainsi dire que le jeu de Digixart est davantage un road-trip procédural qu’un véritable roguelike/roguelite (différences entre ces deux genres expliqués à cette adresse). Ceci étant dit, il convient de vous expliquer le concept original de cette aventure narrative.
Abandonnant la thématique des guerres mondiales, comme cela fut mis en avant dans les précédentes itérations du studio de développement, Road 96 s’impose comme un jeu feel good qui vous fera voyager tout en vous faisant réfléchir sur des questions sociétales actuelles et importantes. C’est d’ailleurs mis en place avec ingéniosité : l’ambiance feel good se mélangeant parfaitement avec les questions sous-jacentes que propose la narration et la découverte des histoires de chacun. Prenant part à Pétria, pays fictif en proie à une grande tension électorale entre deux candidats (Tyrak et Flores) aux programmes politiques antagonistes, les joueurs sont amenés à incarner des fugitifs et fugitives en quête de liberté. Pour cela, il sera impératif de rejoindre la frontière, au bout de la route 96, et parvenir à passer le mur afin d’échapper à Pétria et son climat dangereux. Évidemment, cela ne sera pas aisé et il faudra ruser dans certains cas, soit en payant une passeuse, soit en vous infiltrant à l’arrière d’un camion de transport, et bien d’autres.
Mais comme l’adage le dit souvent, ce n’est pas la destination qui compte réellement. En effet, dans Road 96, le plus important et mis en avant dans le soft est le fait que chaque run aux côtés d’un fugitif permet de faire de multiples rencontres et se retrouver dans des situations aussi cocasses que fun et douces. Tout au long de votre trajet, que vous le fassiez à pied, en bus ou en auto-stop, vous serez ainsi amenés à rencontrer divers personnages : Zoé, Alex, Stan & Mitch, Sonya, etc. Ces derniers profitent chacun de leur propre background narratif et situations dans le présent. Par exemple, avec Sonya, une présentatrice TV très huppée, vous devrez jouer les cameraman le temps d’un show ou bien jouer les espions dans une autre séquence. D’un autre côté, Alex, un jeune garçon amateur de jeux vidéo et technicien autodidacte, vous challengera sur une borne d’arcade, vous demandera de l’aider à fabriquer un item important, etc. Évidemment, ce n’est pas tout, mais on vous garde la surprise pour le reste. En ce qui concerne les personnages, ils représentent, d’une certaine manière, des clichés assez connus mais cela ne dérange en rien la découverte.
Notez également que votre personnage dispose d’une barre de santé qui est susceptible de baisser si vous ne dormez pas, ne mangez ni ne buvez. Il faudra y faire grandement attention et ainsi dépenser quelques dollars dans certains cas afin de maintenir votre fugitif en vie. Cette dimension un tantinet survie n’est pas déplaisante mais ne marquera pas forcément les esprits, malheureusement. Comprenez qu’elle n’est pas le cœur du gameplay, mais vient juste l’agrémenter pour plus de crédibilité.
D’ailleurs, si nous mentionnions plus haut le fait que le titre soit procédural, revenons dessus un moment. Sachez que sur le papier toute run se veut unique : vous ne tomberez pas sur les mêmes situations ou ne rencontrerez pas les mêmes personnages d’un playthrough à un autre, selon le pitch du jeu. C’est à la fois vrai et faux. De notre côté, nous avons malheureusement été victime d’un bug rare mais bien handicapant : au lancement de l’épisode 5, nous ne pouvions sélectionner notre fugitif et charger la partie, le titre nous renvoyant inlassablement au menu principal. Si cela a du être patché depuis le temps, nous avons tout de même dû recommencer une partie depuis le début. De ce fait, entre nos deux walkthrough, nous avons tout de même dû refaire des séquences, précédemment visionnées et traversées. Cela fut d’ailleurs assez majoritaire dans notre cas. Heureusement, il est possible d’effectuer des choix différents pour chaque séquence et situation. Ainsi, vous l’aurez compris, la construction procédurale de Road 96 dispose tout de même de ses limites et la rejouabilité est donc un peu moindre, comparé à ce qui avait été annoncé au préalable et espéré au final. Hormis, si vous désirez obtenir le 100% avec chacun des personnages, ce qui reste tout de même assez compliqué du fait du caractère aléatoire des épisodes. Comptez environ 6 à 7 heures pour parcourir l’entièreté des épisodes (6 au total dans notre cas).
Le jeu feel good de l’été
Si l’été 2021 a été plutôt bien remplie en terme de sorties jeux vidéo, avec quelques pépites indépendantes comme le portage d’Hades sur PS5 et la sortie de Death’s Door, en ce qui concerne votre fidèle servante, Road 96 est clairement un titre vraiment sympa à découvrir, avant de clôturer cette période estivale. Bien que sa direction artistique ne fasse pas des merveilles, notamment et principalement sur Nintendo Switch, Road 96 profite de paysages sympas et de beaux panoramas. Du côté des personnages, on peut compte sur un effet très bande dessinée, se rapprochant un tant soit peu de la DA des Life is Strange, par exemple. Cela reste efficace et plaisant à découvrir, si tant est que l’on ne soit pas rebuté par son aspect non ultra réaliste.
À l’inverse, il y a très peu de choses à redire au sujet de la bande originale. Hormis le fait qu’elle soit extraordinaire. Elle est notamment composée par Cocoon, Robert Parker, Daniel Gadd, Volker X, The Toxic Avenger, et bien d’autres. Oscillant entre morceaux dance, electro et pop/rock, le tout fonctionne très bien ensemble, colle parfaitement aux séquences et à l’aventure dans son ensemble. Certaines nous ont invariablement fait penser à du Daniel Deluxe, Kavinsky et d’autres semblent beaucoup emprunter aux types de musiques distillées dans les Life is Strange. Mention très spéciale à la composition nommée « Home Call » de The Toxic Avenger, « The Road » de Cocoon et « Alex the Hacker » de Robert Parker. Ce sont à coup sûr des titres qui finiront dans nos oreilles, de nombreuses fois. L’OST de Road 96 est d’ailleurs disponible sur la plupart des plateformes (Spotify, Youtube, etc).
La Switch montre des faiblesses
Malheureusement, et on ne va pas se le cacher, la Nintendo Switch ne semble pas être la meilleure plateforme pour profiter de Road 96. À l’heure où nous testions le jeu, les développeurs de chez Digixart n’avaient pas déployé de patch pour corriger les quelques problèmes rencontrés. Rassurez-vous, ils travaillent actuellement dessus. Pour en revenir à la technique, la Switch souffre de nombreuses faiblesses : nous avons souvent noté du clipping et de l’aliasing, ce qui a tendance à gâcher les beaux paysages qui sont dévoilés sous nos yeux. D’un autre côté, le framerate n’est pas non plus très stable et on a noté plusieurs moments de saccade lors de l’aventure. Encore une fois, c’est un peu dommage car le jeu est bon mais la plateforme ne le lui rend pas aussi bien que cela. D’après les retours que nous avons eu, il est ainsi préférable de traverser l’aventure Road 96 sur PC. Pour le moment, nous ne savons pas encore si les développeurs ont prévu un portage de leur jeu sur les autres consoles, mais cela pourrait être une très bonne idée.
Hormis cela, il convient de noter un autre point important. L’intérêt de la Nintendo Switch, au cas où vous l’auriez oublié (rires), est de pouvoir à la fois jouer sur sa TV avec le dock ou bien en mode portable. Or, avec Road 96, le mode docké ne convainc pas pleinement. C’est sur TV que nous avons davantage ressenti une faiblesse dans les FPS et plus de problèmes techniques. Après quelques heures, nous sommes passés en portable et le rendu était un peu plus satisfaisant. De ce fait, si vous désirez acheter Road 96 sur Nintendo Switch, nous ne pourrions que vous recommander de préférer le mode portable, en attendant le patch correctif.
Verdict : 7/10
Sorti au bon moment, soit lors de cette période estivale de cette année 2021, Road 96 est très clairement un jeu feel good qui vous fera passer un agréable moment durant les quelques heures nécessaires pour le terminer. Si sa direction artistique n’éblouit pas réellement, elle est quand bien même efficace et plaisante à découvrir. Sa bande originale vous emportera, par contre, c’est certain. L’aspect procédural du soft est son originalité, bien que l’on aurait aimé encore plus de variations dans les situations et personnages rencontrés. Pour finir, nous ne pourrions que vous recommander d’y jouer sur PC ou attendre un patch correctif pour la Nintendo Switch, afin de profiter pleinement de cette aventure narrative réussie dans l’ensemble.
Laisser un commentaire