D’aucuns vous diront que la PS5 manque cruellement d’exclusivités. Il faut admettre que depuis sa sortie au mois de novembre 2020, les jeux purement nouvelle génération ne sont pas vraiment légion. Ainsi, puisqu’il est temps de sortir les armes, le géant nippon amorce sa première frappe avec Returnal : un pari assez osé puisque sous son apparence de jeu de tir à la troisième personne se cache un rogue-like qui verse dans le bullet hell. Si la première composante fait les belles heures du jeu indépendant, la deuxième risque un peu plus de refroidir les ardeurs du grand public. L’attente envers ce titre est pourtant réelle, et le moins que l’on puisse dire c’est que l’expérience en vaut largement la chandelle.
Test réalisé sur PS5 grâce à un code fourni par l’éditeur
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L’enfer, c’est de la bullet
L’annonce de Returnal sur PS5 fut une bonne surprise à bien des égards pour les initiés. On se souvient tous du lancement de la PS4, proposant elle aussi, peu d’exclusivités, mais qui voyait l’événement accompagné de la sortie de Resogun, un shooter à scrolling horizontal ayant la particularité de se dérouler sur des niveaux à 360°. Nous devions cette petite pépite qui fleurait bon l’arcade aux finlandais de Housemarque qui n’en étaient pas à leur coup d’essai. La suite s’est peu ou prou inscrite dans la même lignée, puisque le studio s’est toujours focalisé sur des expériences faisant la part belle au gameplay, le tout dans des enrobages SF et de l’action survoltée. On se souviendra notamment de Nex Machina, un shoot’em up futuriste sorti sur PC et PS4 en 2017.
Depuis, les finlandais ont mis Stormdivers sur la touche et dans un sens on les comprend presque, puisque cela leur aura permis de travailler à plein régime sur Returnal, leur projet le plus ambitieux à ce jour. En effet, les titres de Housemarque étaient habituellement réputés pour aller droit à l’essentiel, c’est-à-dire le gameplay. Moins de blabla, plus de combat ; le studio ne s’embêtait pas vraiment à développer l’aspect narratif de ses œuvres. En un sens, jusque-là, c’était peut-être pour le mieux car on ne peut pas dire que les jeux qui tentaient d’avoir un peu de background s’en sortaient avec brio. On se souvient notamment d’Alienation, qui malgré de bonnes idées, nous avait bien moins convaincu que Resogun par exemple.
N’allez pas croire pour autant que Returnal verse dans le narratif pur et dur. C’est d’ailleurs l’une de ses grandes forces que de distiller de façon éparse l’histoire de notre protagoniste ainsi que les événements qui l’ont faite prisonnière du cycle. Rappelons-le, pour ceux qui n’auraient pas suivi les multiples trailers, que le jeu nous place dans la peau de Sélène Vassos, une astronaute en mission pour Astra. Durant l’une de ses expéditions, cette dernière se verra attirée par une ombre blanche en passant près de la planète Atropos. Cette mystérieuse attirance se soldera par un crash sur cette planète bien peu accueillante. Sans moyen de communication avec Astra et avec un vaisseau hors d’usage, elle n’aura d’autre choix que de partir explorer les environnements hostiles qui s’étendent devant elle.
Si son périple de base se voit motivé par la découverte de ce qui se cache derrière cette ombre blanche, il sera également l’occasion de découvrir l’histoire de civilisations qui vivaient sur Atropos bien avant son arrivée. S’il est évidemment possible d’avancer sans prêter attention aux glyphes qui racontent les évènements passés, il faudra cependant trouver les fragments de langage afin de décoder ces messages. De ce fait, Housemarque n’oblige jamais totalement le joueur à s’imprégner de la toile de fond, laissant alors davantage de libertés à ceux qui privilégient l’action. On vous recommande cependant de bien vous pencher sur ce pan de l’œuvre puisqu’elle lui offre indubitablement une certaine profondeur.
À côté de ça, on retrouve effectivement une mise en scène que l’on n’avait encore jamais vu dans un jeu développé par les finlandais de chez Housemarque. Une bonne surprise en somme puisqu’ils maîtrisent relativement bien la chose grâce au découpage pour lequel ils ont opté. Sans trop vous en dire, la plupart de la narration tournera autour d’un seul élément, et il sera compliqué de passer à côté. Le studio parvient donc à frapper là où l’on ne l’attendait pas forcément et la surprise n’en est que meilleure.
À l’école du gameplay, Housemarque remporte son diplôme avec mention
Là où l’on attendait Returnal en revanche, c’est bien sur l’expérience de jeu qu’il offrirait. Les précédents titres du studio avaient tous cela en commun : ils offraient un challenge certain et avaient une appétence particulière pour le scoring. On perd malheureusement un peu de cette dernière composante ici au profit de tout ce que l’on aime dans le rogue-like. Vous savez, ce genre très à la mode, particulièrement dans le jeu indépendant, et qui se base notamment sur une difficulté certaine, une perte de la progression lorsque la mort survient ainsi qu’une gestion procédurale des niveaux. C’est assez surprenant de voir un AAA adopter ce genre là, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une exclusivité qui a la lourde charge de venir gonfler le catalogue encore famélique d’une console en début de vie. Pourtant, il n’y a aucun doute sur le fait que la sauce prendra avec les joueurs un tant soit peu téméraires, puisque chaque run laisse un petit goût de revenez-y.
Posons les bases : Housemarque a très souvent habitué les joueurs à des shooters en vue du dessus avec des ennemis crachant un nombre de projectiles assez hallucinants. Dans le jargon, on appelle ça le bullet hell. Pas besoin de vous faire un dessin, ni même une traduction, vous imaginez sans aucun doute le concept. L’idée est de faire appel aux réflexes du joueur pour une action effrénée et un challenge à la hauteur. On est encore loin de ce que nos amis nippons sont capables de réaliser dans le genre, mais pour des non-initiés, il y a largement de quoi transpirer des doigts.
Ici, on retrouve cette idée mais sous la forme d’un shooter à la troisième personne. L’action se déroule dans des zones délimitées par des portes, et renfermant chacune son lot d’ennemis, de bonus mais aussi de malus. Ces deux derniers viennent pimenter le gameplay et permettent de rendre chaque run unique, en plus du fait que chaque niveau soit généré de façon aléatoire, mais toujours en respectant l’ordre des biomes imposés par le jeu. Prises individuellement, les créatures extraterrestres qui font office de menace s’éradiquent relativement facilement, même lorsque leurs attaques sont composées de salves de tirs et autres lasers. Mais puisque cela n’arrivera pour ainsi dire quasiment jamais, préparez-vous à jouer de la gâchette ainsi que du dash.
Facile à prendre en main, complexe à maîtriser : on ne saurait définir d’une meilleure façon le gameplay de Returnal puisque les commandes n’ont rien de compliqué. Selene débute chaque run avec une arme de base (un pistolet) qui propose un tir normal et un tir alternatif, qui nécessitera un temps de rechargement après chaque utilisation. Ce postulat de base est valable pour chaque arme que vous trouverez au fur et à mesure de votre avancée. On en dénombre une dizaine au total, et cela va de l’ersatz alien, du fusil à pompe au fusil d’assaut tout en passant par le lance-missile. Certaines, plus originales, comme l’Electrobaliseur, valent largement le détour et seront d’une grande aide lorsque vous atteindrez les derniers biomes.
Les armes fonctionnent donc de façon relativement basique dans leur utilisation mais possèdent toutefois des statistiques qui sont générées de façon aléatoire, et ce, en fonction du niveau de maîtrise, qui régit la puissance minimale des armes trouvées dans les conteneurs ou que l’on peut looter sur les ennemis de niveau supérieur. Elles possèdent également des attributs qui se déverrouillent au fur et à mesure de l’utilisation et qui viennent influencer leur fonctionnement sur bien des points, (changement de la cadence, du type de munition, etc). Ce sont autant de points à prendre en compte puisqu’ils peuvent être d’une précieuse aide.
Sur Atropos, personne ne vous entend crier
Néanmoins, rien n’est trop facile dans Returnal, aussi, si les armes ne nécessitent pas de ramasser de munitions, puisqu’elles se restaurent toutes seules, elles peuvent surchauffer si elles sont utilisées en continu. C’est ainsi que le principe de surcharge fait son apparition, et permet, en appuyant sur R2 au bon moment en fonction de l’état de l’indicateur à l’écran, de recharger intégralement et instantanément l’arme. Vous l’aurez compris, Returnal propose une jouabilité relativement simple dans les faits mais dont les spécificités demandent un certain temps d’adaptation. Une expérience très orientée arcade, dans la plus pure lignée des jeux du studio.
Tout bon rogue-like comporte son lot de bonus et de malus, afin de pimenter les parties, et Returnal n’échappe heureusement pas à la règle. Entre les reliques (qui donnent divers avantages et dont les effets sont entièrement cumulables), les parasites (qui proposent un bonus en contrepartie d’un malus), les consommables (qui une fois utilisés, disparaissent de l’inventaire) et les dysfonctionnements (qui infligent un malus qu’il est possible d’annuler en effectuant une action demandée) ; les combinaisons sont diverses et variées et les différentes runs se suivent sans jamais se ressembler. Tous ces éléments se trouvent de façon aléatoire, la plupart du temps dans des conteneurs pour les reliques ou bien en éliminant des ennemis pour les parasites et consommables. Quant aux dysfonctionnements, il est généralement possible de les éviter puisqu’ils sont infligés en échange de quelque chose : que ce soit pour ouvrir un conteneur nocif mais pouvant contenir un item de valeur ou bien pour faire remonter la barre d’intégrité.
Car oui, dans Returnal, on ne parle pas vraiment de vie, mais d’intégrité d’armure, qui peut évidemment se restaurer grâce à du Silphium et qu’il est possible d’améliorer avec de la résine, qui se trouve de façon aléatoire. De même que l’argent n’existe pas sur Atropos, et pour fabriquer des consommables où bien activer des machines extraterrestres pour améliorer son armure, par exemple, Selene devra dépenser des Obolithes : une ressource qui se récupère à la fois dans l’environnement, sous la forme de pierres ou de gisements, mais également sur les cadavres des entités éliminées. L’autre ressource précieuse mais bien plus rare est l’Ether, qui permet aussi d’activer certains artefacts afin d’offrir une seconde vie à Selene ou bien de récupérer une relique.
S’il est donc important de bien gérer ses déplacements et son arme, les stats de Selene sont une composante à ne pas mettre de côté : de trop nombreux malus influant sur la protection ou encore le délai de récupération du tir secondaire peuvent facilement mener à la perte. Tout ceci fait partie du processus d’apprentissage propre au gameplay, qui rend les premières heures un peu compliquées, parfois frustrantes mais jamais injustes. Housemarque est parvenu à jauger de façon minutieuse la progression, qui parfois, semble infime, mais n’est finalement jamais nulle.
Chaque mort est synonyme d’une expérience nouvelle qui aura peut-être permis de récupérer un peu plus d’Ether pour simplifier la run suivante. On perd notre progression et notre équipement (en dehors de l’équipement permanent que sont les modules de combinaison et les objets tels que les clés de portails), certes. Mais on y apprend les patterns des ennemis, comment les gérer lorsqu’ils se font plus nombreux ou encore quels parasites privilégier en fonction des reliques en notre possession. Le jeu met donc sur la table le principe du risk and reward : qu’êtes vous disposés à prendre comme risque pour une récompense dont la teneur n’est pas encore connue ? C’est justement tout ce qui fait le sel d’un bon rogue-like, et Returnal n’échappe pas à la règle.
Une expérience immersive en tous points
Au travers des 6 biomes que le jeu nous propose de parcourir, Housemarque donne naissance à des créatures à mi-chemin entre des monstruosités tout droit sorties d’un crossover entre la saga Alien et les histoires les plus cultes de H.P. Lovecraft. Le bestiaire est une franche réussite et chaque environnement propose son lot d’hostilités en tous genres. Souvent pourvus de tentacules, d’où le parallèle aux œuvres du créateur de Cthulhu, les ennemis se meuvent sur terre, dans les airs et prennent parfois même la forme de tourelles zélées qui tirent à vue. Dans ce contexte, on apprécie la façon dont le level design parvient à toujours faire preuve d’audace et d’efficacité, puisqu’il offre parfois un bon rempart, le temps de reprendre son souffle l’espace d’un instant.
Mais là où Returnal brille le plus, c’est probablement durant ses affrontements contre les boss du jeu. Bien qu’ils soient peu nombreux, ces derniers sont un véritable régal, tant en termes de mise en scène qu’en termes d’intensité. Paradoxalement, on s’attendait à un défi plus corsé, mais ces derniers ne sont finalement pas si complexes que cela, peut-être pour nous laisser l’occasion de profiter du spectacle, qui sait ? Les innombrables tirs, boules/vagues d’énergies et lasers se succèdent dans un maelström d’effets visuels et autres particules qui ne gâchent pourtant pas la visibilité générale. Toujours est-il que les rencontres avec ces entités au design cauchemardesque laisse un souvenir impérissable, et ce, même une fois la console éteinte. Mention spéciale à l’affrontement contre Hyperion, un boss galvanisant et à l’apparence délicieuse qui n’est pas sans rappeler une partie du bestiaire cosmique de Bloodborne, articulé au rythme d’une piste envoûtante.
La direction artistique créée par Housemarque hypnotise, flirtant parfois avec certains codes de la science-fiction mais également avec le registre de l’horreur. Elle se voit naturellement mise en avant par une technique maîtrisée : tournant à 60 images par seconde sous une résolution en 2160p, Returnal ne faiblit pas, ou presque. Hormis de rares chutes de framerate, le jeu parvient à tenir bon, et ce, même lors des combats les plus dantesques, ou l’écran se voit rempli de tirs dans tous les sens. Visuellement, la PS5 nous montre qu’elle en a sous le capot avec de jolies textures appuyées par des effets d’ombres et de lumières parfaitement gérés. Dans les faits, on a surtout été impressionnés de voir la façon dont le studio est passé au niveau supérieur, en parvenant à produire un AAA dont le rendu est à la hauteur des attentes.
Nous avions évoqué plus haut l’OST, au travers d’une piste jouée lors d’un affrontement contre un boss. De manière générale, on est assez loin de ce que l’on aurait pu attendre pour un titre du genre, comme par exemple de la synthwave croisée avec de la darkwave bien énervée pour une nervosité sans faille. En effet, le studio finlandais a opté pour une bande-son plus aérienne, plus discrète. Les sonorités éthérées se succèdent par le biais de synthétiseurs et autres claviers électroniques. Peu de basses et de percussions sont au rendez-vous, mais les symphonies extraterrestres sorties d’outre-tombe proposent une belle surprise que l’on a déjà hâte de mettre dans nos oreilles. Favorisez l’utilisation d’un bon casque afin de profiter de l’audio 3D et de la spacialisation des sons fort réussie, au même titre que le sound design qui devrait vous glacer le sang à quelques occasions.
Returnal met l’immersion au service des sensations avec une DualSense qui n’avait jamais été si bien exploitée. La pluie battante se fait ressentir par le biais du retour haptique, les gâchettes adaptatives singent à merveille les gâchettes des armes utilisées par Selene et le haut parleur se voit lui aussi exploité pour parfaire le tout. Le sans faute n’était pas loin, mais une fois la fin approchée, on pourra éventuellement reprocher un manque de défi et une absence de quelques boss supplémentaires, histoire de tester nos nerfs. Le mode Défi Quotidien est un ajout sympathique, mais un brin frustrant car on aimerait pouvoir s’adonner aux joies du scoring sans limite, comme à la bonne époque de Resogun. On peut toujours espérer que Housemarque projette de suivre son titre et de lui offrir quelques ajouts supplémentaires par le biais de mises à jour. Inutile de préciser que nous serons bien évidemment au rendez-vous et que l’on croise fermement les doigts pour que ça arrive.
Verdict : 8/10
Housemarque nous livre un cocktail d’action et d’adrénaline addictif qui frôle le sans faute et offre à la PS5 une exclusivité à ne louper sous aucun prétexte. Si l’aspect Rogue-like peut effrayer de prime abord, on appréciera la courbe de progression constante ainsi que les tutoriels mis à disposition à tout moment afin de ne pas être perdu. Si l’on pouvait craindre une direction artistique orientée SF dans la lignée des précédents travaux du studios, on se retrouve finalement avec un résultat inspiré et dont la mise en scène fait mouche. Au final, le plus dur aura été de lâcher la manette afin de trouver du temps pour coucher ces quelques mots qui, on l’espère, vous convaincront de vous lancer dans le cycle.
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