Entre Capcom et les zombies, c’est une véritable histoire d’amour. Si l’éditeur peut se targuer d’avoir donné naissance à un bon nombre de licences cultes (Mega Man, Devil May Cry, Monster Hunter et on en passe), la plus prolifique de son catalogue reste peut-être Resident Evil. En effet, les jeux de cette dernière ont pullulé aussi rapidement qu’un virus sorti des laboratoires d’Umbrella, donnant également naissance à des spin-off à la qualité parfois douteuse. Quant à la trajectoire prise par les opus canoniques, elle fut notamment critiquée par les fans de la première heure à partir du 5ème volet (pourtant loin d’être dénué de qualités) à cause de l’action bien trop omniprésente pour un survival horror. C’est donc avec Resident Evil VII que l’éditeur a annoncé effectuer un retour aux sources, tout en proposant une expérience en vue à la première personne, couplée à la réalité virtuelle pour ceux qui y joueraient sur PS4. Un essai largement transformé que Capcom souhaite réitérer avec une nouvelle version de Resident Evil 2, qui se veut être bien plus qu’un simple remake.
Test réalisé sous la couette à l’aide d’une version numérique deluxe fournie par l’éditeur, tout en alternant in-game entre la bande-son originale et celle du remake
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RE-adaptation d’un jeu culte
Les portages et remasters sont en quelque sorte une seconde nature chez Capcom. On ne compte plus le nombre de titres qui se sont vus attribuer des versions liftées ou qui sont simplement ressortis sur de nouvelles plateformes. Si le public a souvent tendance à hurler à l’hérésie, invoquant le fait que cela réduit la sortie de nouveautés, il y a pourtant certains jeux pour lesquels des remasters et/ou remakes sont largement réclamés. En effet, depuis que le lifting HD du remaster de Resident Evil a fait son arrivée sur PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One et PC, les fans réclamaient le même traitement pour Resident Evil 2, sorti sur PlayStation en 1998. Du haut de ses 4.960.000 ventes, il s’agit probablement de l’épisode préféré des joueurs et Capcom ne tardera pas à annoncer qu’un remake est en cours, puisque c’est 7 mois après la sortie du remaster HD de Resident Evil que la nouvelle tombe. Il aura pourtant fallu attendre près de 3 ans avant d’avoir enfin de ses nouvelles, puisque ce n’est qu’à l’E3 dernier que le projet a fait de nouveau parler de lui grâce au trailer diffusé lors de la conférence PlayStation.
Il n’en faudra pas plus pour convaincre les amateurs de la franchise, ainsi que ceux déçus par le virage pris avec Resident Evil VII. Le long silence de l’éditeur s’explique avant tout par le fait qu’il ne s’agisse pas vraiment d’un remake dans les faits, puisqu’en dehors des éléments du scénario, tout – ou presque – a été complètement retravaillé. En termes de remakes, ces dernières années ont pourtant ouvert la voie à des ré-adaptations de grande qualité, à commencer par Yakuza Kiwami, impressionnant tant il n’avait plus grand chose à voir avec le matériau d’origine. Activision fait fort aussi de son côté avec les mascottes rétro que sont Spyro et Crash, puisque les remakes des trilogies originales sorties sur PS1 font mouche, sans pour autant réinventer la formule. L’éditeur nippon avait donc un véritable défi à relever pour se hisser au niveau de la concurrence, et force est de constater qu’il n’y a aucun souci à se faire de ce côté-là.
Pour celles et ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de poser les mains sur le matériau de base, rappelons tout de même qu’à l’origine, Resident Evil 2 est un survival horror dans lequel le joueur évolue en 3 dimensions dans des environnements fixes pré-calculés. On y incarne Leon S. Kennedy ainsi que Claire Redfield à tour de rôle, le tout offrant 2 scénarios par protagoniste (A et B). Pour le reste, les grandes lignes tracées par le premier épisode sont de retour puisque nos héros devront résoudre des énigmes pour progresser, affronter des zombies et sont limités par le nombre d’objets qu’ils peuvent porter (armes, objets clés et soins compris). Pour le remake, Capcom a choisi de conserver cette formule efficace tout en l’adaptant aux standards actuels : tant sur le plan visuel que sur la maniabilité le jeu original et le remake n’ont plus rien à voir ensemble.
Concrètement, si vous avez terminé Resident Evil 2 sur PlayStation, PC, Saturn, Nintendo 64, Gamecube, PS VITA ou encore PS3, il faudra vous attendre à jouer à un tout autre titre. Effectivement, les développeurs avaient annoncé leur désir de s’émanciper du simple remake afin d’offrir une expérience réellement inédite. On comprend d’ailleurs mieux pourquoi le jeu porte tout simplement le nom de son ancêtre : si le scénario reste le même dans les grandes lignes, pour ne pas perturber la storyline de la franchise, nous avons bel et bien affaire à deux jeux différents sur la forme et qui offrent chacun une expérience propre.
Ô peur, Ô pression
Si le survival horror s’est offert ses lettres de noblesse grâce à une vue à la 3ème personne, ces dernières années ont vu se multiplier les jeux du genre en vue à la 1ère personne. Se placer directement dans la peau du personnage aide effectivement à faire transiter la peur d’une toute autre façon, et on aurait d’ailleurs pu croire que c’est la meilleure façon de faire monter l’effroi chez le joueur. On ne niera pas l’efficacité de Resident Evil VII par exemple (sans même évoquer le mode VR, on ne peut plus immersif) ou encore celle de P.T., qui a définitivement marqué les esprits quitte à devenir presque une référence en la matière alors qu’il ne s’agit là que du teaser jouable d’un projet mort dans l’œuf : le très regretté Silent Hills.
Pour autant, Capcom a cette fois-ci pris le pari d’une vue à la 3ème personne pour tenter de faire frissonner les joueurs à nouveau, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’un véritable travail a été effectué sur l’atmosphère du jeu. Terriblement pesante et oppressante, elle s’installe dès les premiers instants et ne se dissipe qu’une fois l’écran des crédits atteint (ou bien une fois l’application fermée, c’est aussi une façon de voir les choses). Toujours est-il que sans même se visser un casque sur les oreilles et jouer dans le noir le plus complet, l’ambiance fait son effet sans peine. Il existe peu d’endroits réellement sécurisés dans lesquels aucune menace ne peut atteindre le joueur, mais en plus de cela, la plupart des environnements se déroulent dans l’obscurité, nuit oblige. Nos joyeux protagonistes doivent alors jouer de la lampe torche pour éclairer leur chemin, ce qui donne naissance à des jeux d’ombres saisissants, et parfois bien peu rassurants. On vous avouera d’ailleurs que l’on s’est fait surprendre à plusieurs reprises durant nos sessions de test par l’ombre des personnages projetée par leur source de lumière.
Ajoutez à cela un sound design d’une grande qualité, bénéficiant d’une spacialisation du son bien gérée et vous obtenez le cocktail idéal pour sursauter au moindre petit bruit environnant. Parmi ces derniers, le bruit de la pluie battante, le parquet grinçant, les bruits des pas de Leon ou Claire mais encore les grognements des zombies jouent à renforcer cette sensation s’insécurité omniprésente. Et c’est sans parler des déplacements lourds mais affirmés de Mr X, le Tyrant de cet opus, qui vous offrira de jolies sueurs froides.
Resident Evil 2 joue donc la carte de la caméra située au-dessus de l’épaule et oublie les angles de vue fixes que l’on avait connu en 1998. Ce qui offre de suite une vision bien différente du Raccoon City que l’on connaissait alors. Cela dit, même sans ce changement, la différence aurait somme toute été de taille, puisque l’intégralité des environnements a été repensée. Et lorsque l’on dit « environnements », on ne parle pas seulement des décors, mais également du level design qui s’est offert une sacrée cure de jouvence. On pense notamment aux rues de Raccoon City, mais aussi au Commissariat par exemple, qui n’ont parfois plus grand chose à voir avec les originaux. Largement assumée, cette conception nouvelle de l’aventure de Leon et Claire s’illustre à merveille avec le RE Engine, encore mieux exploité qu’avec Resident Evil VII. Résultat : Les jeux d’ombres et de lumières sont saisissants, l’effet de la pluie et de la salissure sur les vêtements des personnages est pour le moins réaliste (ces derniers portent d’ailleurs temporairement les stigmates des blessures qui leur sont infligés) et les impacts des balles sur les corps des zombies impressionnent tout autant.
Cette nouvelle mouture du jeu de 1998 s’offre un doublé d’un lifting pour ses protagonistes qui ne sera pas du goût de tous. En effet, si l’on a toujours en tête l’image du visage renfrogné de Leon S. Kennedy, charismatique et déterminé, ce dernier se voit affublé d’un visage bien plus poupon, plus jeune et moins averti. Il en est de même pour Claire Redfield qui elle a un véritable faciès de poupée de porcelaine. Passés ces quelques détails qui ne feront vraiment tiquer que les puristes de la franchise, on se retrouve avec un titre très détaillé visuellement. Les expressions faciales sont très précises et marquent bien les émotions ressenties par les différents personnages, qu’ils soient jouables ou de simples PNJ.
Nous en parlions un peu auparavant, Mr. X est en quelque sorte le nemesis de Resident Evil 2, le croque mitaine que l’on aimerait ne jamais croiser, mais qui finit toujours par retrouver notre trace. Et n’espérez pas lui fausser compagnie : le bougre posera éventuellement le genou à terre quelques secondes si vous parvenez à lui infliger assez de dégâts. De quoi laisser le temps au joueur de décamper vite fait, bien fait, histoire de continuer à résoudre des énigmes ou explorer les lieux. Et si l’on en vient parfois à grommeler quant à sa présence un poil abusive (le grand gaillard a le don de facilement retrouver notre trace et peut vite mettre le joueur dans l’embarras si un Licker se trouve dans le coin – inutile de vous faire un dessin de la scène), il ajoute indubitablement une pression immense qui fait monter l’adrénaline en un rien de temps. Le plus compliqué parfois reste de mener sa tâche à bien dans une pièce, d’éviter les zombies et de se défaire de son envie de nous mettre quelques bourre-pifs bien placés. Qui plus est, lui échapper n’est pas toujours une mince affaire puisque malgré sa taille imposante et une agilité au moins aussi développée que celle d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, il peut parfaitement monter et descendre les escaliers, prendre les échelles et évidemment ouvrir défoncer des portes. Ce qui implique qu’il peut sans aucun souci se rendre dans une salle de sauvegarde, notez bien. Et c’est une des grandes forces du jeu, mettre le joueur sous pression en lui rappelant sans cesse qu’il n’est pas un seul endroit où il sera en paix. Ou presque, car ces derniers restent rares et n’offrent que peu de répit.
À Raccoon City, personne ne vous entend crier
Si nous avons évoqué un peu plus haut le fait que l’on incarne soit Claire, soit Léon en fonction de la campagne choisie, il faut savoir que chacun d’entre eux donne l’occasion de contrôler un autre personnage : Ainsi, le scénario de Léon permet d’incarner la taciturne Ada Wong le temps de quelques énigmes à résoudre, tandis que la campagne de Claire nous met dans la peau de Sherry Birkin, la fille de William et Annette, le couple au coeur du scénario de Resident Evil 2. La fillette n’étant évidemment pas rodée avec les armes, il s’agira principalement de phases de cache-cache qui ne sont pas sans rappeler les sensations que l’on pouvait ressentir en jouant à Among the Sleep, dans un tout autre contexte. De quoi légèrement ponctuer le gameplay en offrant de nouvelles perspectives.
Concernant Claire et Léon, ils se manient de la même façon mais à l’instar de leurs histoires qui différent l’une de l’autre, ils n’utilisent pas les mêmes armes et ne se retrouvent pas confrontés aux même situations. Dans le commissariat par exemple, Claire trouvera donc le Pistolet Mitrailleur et le Lance Grenades alors que Léon se contentera d’un Fusil à Pompe et d’une arme de poing supplémentaire. L’un comme l’autre trouveront sur leur chemin de quoi améliorer leur équipement, que ce soit par le biais de sacoches permettant de porter plus d’objets ou bien d’accessoires à greffer sur leurs armes afin de les optimiser. On retrouve également les célèbres herbes (vertes, rouges et bleues) qui combinées, peuvent rendre plus ou moins de vie, ainsi que guérir du poison. La gestion de l’inventaire reste toujours aussi primordiale puisqu’il faut jouer avec la combinaison d’items ainsi que le Coffre et y stocker tous les éléments qui n’ont pas lieu d’être dans la sacoche de nos héros. Il faut jongler entre les armes, les munitions, les différents types de poudre permettant de créer des munitions, les soins mais également les objets clés, qui s’ils se trouvent dans l’inventaire au moment opportun, peuvent éviter des allers et venues inutiles qui pourraient déboucher sur des confrontations sanglantes.
Toujours au cœur du gameplay, les énigmes ont été intégralement repensées pour coller au mieux avec cette nouvelle version de Resident Evil 2. On retrouve globalement les gimmicks propres à la franchise, à base de médaillons à récolter, de clés à ramasser afin d’ouvrir les portes adéquates ainsi que d’autres puzzles un peu plus subtils, mais jamais très compliqués dans le fond. Si vous pensiez qu’avoir complété le jeu à sa sortie en 1998 vous donnerait un avantage à ce niveau-là, il faudra malheureusement repasser. Les habituels allers-retours dès lors que l’on met la main sur un accessoire qui permettra de déverrouiller un casier ou autre sont également de la partie. Mais un dilemme s’impose : si le voyage s’avère être optionnel (pour des ressources ou une amélioration) cela vaut-il la peine de tomber sur le grand chauve à l’imperméable, ou vaut-il mieux jouer la carte de la sécurité ? C’est aussi ça, le charme d’un Resident Evil. Déambuler dans des couloirs, s’habituer au décor, penser à tort que l’on a réussi à s’acclimater et que l’on maîtrise la situation. Jusqu’au moment où l’on finit par repasser en courant dans un couloir maintes et maintes fois traversé, et que l’on croise le chemin d’un Licker affamé prêt à jouer de sa langue.
Mis à part ça, reste que le scénario n’a pas bougé d’un iota dans ses très grandes lignes : Claire et Léon sont amenés à faire connaissance sur le chemin les menant à Raccoon City et devront lever le voile sur les évènements qui ont transformé l’intégralité des habitants de la ville en zombies et autres créatures fort peu sympathiques. Leurs investigations, chacun de leur côté puisqu’ils se retrouvent séparés dès le début de l’aventure, les mènera dans différents lieux clés qui leur en apprendra plus sur le rôle d’Umbrella dans ce chaos général. La narration par le biais des cut-scenes reste assez prévisible mais efficace, quoi qu’il ne faudra pas oublier de lire les notes éparpillées un peu partout pour ceux qui débarquent, puisqu’elles recèlent souvent de petits détails qui ont leur importance dans le scénario.
En revanche, c’est dans sa mise en scène que Resident Evil 2 offre son lot de nouveautés avec des scènes inédites. Ainsi le jeu est parfaitement calibré pour toucher les deux publics : à savoir les fans du jeu d’origine et ceux qui auront le courage de se lancer dans ce remake qui ne fait définitivement rien comme les autres. Capcom franchit ici un nouveau cap et s’émancipe de ses chaînes habituelles qui ne donnent souvent naissance qu’à de sympathiques portages, tout au plus, pour offrir un titre incontournable aux amateurs du genre. D’ailleurs, on sent que l’envie de conquérir le cœur des non-initiés comme des fans de la première heure est présente, puisque si le soft a intégralement été re-doublé (les voix japonaises, françaises et anglaises sont proposées en plus de l’italien, l’espagnol et l’allemand), la bande-son d’origine est disponible dans la version deluxe du jeu, histoire de faire jouer la nostalgie. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’OST originale et celle du remake se démarquent l’une de l’autre : la première s’avère être bien plus orchestrale, avec des mélodies lancinantes et angoissantes comme il était coutume d’intégrer dans un survival horror. La seconde, plus atmosphérique mais aussi parfois plus en retrait, joue davantage sur l’ambiance avec certaines montées crescendo pour toujours coller au ton de l’action. C’est un détail qui coûtera environ une dizaine d’euros en plus, ce qui n’est pas rien en soi, mais qui mérite clairement votre attention pour peu que vous soyez sensible à l’expérience audio offerte par un jeu vidéo.
Pour ceux qui en feront l’acquisition, ce sera l’occasion de vivre l’aventure de 2 façons différentes, et étant donné la replay value du titre (comme tous les opus canoniques), c’est toujours ça de pris à vrai dire. Les tueurs de zombies professionnels auront vite fait de se lancer dans des speedruns, la série étant connue pour sa communauté toujours prête à battre des records ainsi que de découvrir les scénarios bonus teasés dernièrement dans le trailer accompagnant la démo One-Shot. Nous n’en parlerons pas plus afin que la surprise soit intacte, mais n’oublions pas qu’ils étaient présents dans le jeu sorti en 1998… Autant de bonnes raisons listées à travers ces lignes pour vous payer un aller simple à Raccoon City et vous offrir ce qui s’annonce comme l’une des plus belles frayeurs de l’année.
Verdict : 9/10
Carton plein pour Resident Evil 2 qui se classe directement au panthéon des meilleurs remakes, quand bien même l’appellation ne lui convient pas tout à fait. Capcom n’a pas fait les choses à moitié en repensant son oeuvre sortie en 1998 et démontre une fois de plus un véritable savoir-faire dans la maîtrise des émotions liées à la peur. Pas un seul instant se passe dans Raccoon City sans que la tension ne soit palpable, l’ambiance se veut glaciale et inciterait presque le joueur à se rouler en boule en attendant que le jour se lève. Mais, puisqu’il faut prendre son courage à deux mains, autant en profiter pour vivre une aventure qui n’a pas pris une ride dans ses grandes lignes et qui se révèle comme étant définitivement l’une des références en la matière. En attendant un remake du 3ème opus d’aussi bonne facture, Capcom vient de mettre la barre très haute en ce qui concerne la réadaptation d’un jeu culte. Le perfectionnisme nippon a parfois du bon, nous en avons une fois de plus la preuve.
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