Sorti en 2017, Persona 5 a conquis bien des cœurs, autant ceux des joueurs que ceux de la presse. En ce début 2020, Atlus s’est décidé à sortir une édition répondant au doux nom de Persona 5 Royal, laissant augurer un traitement digne d’un roi. De base, il contient tous les DLC de Persona 5 mais ça, c’est déjà le cas de l’Ultimate Edition. Non, Persona 5 Royal va plus loin en incluant bien plus de contenu, gameplay retouché, graphismes améliorés et surtout, des sous-titres en plus pour certains pays de l’Europe, dont la France. Oui, des sous-titres français dans un Persona, enfin ! Cependant, une nouvelle version est-elle vraiment nécessaire ou est-ce qu’une simple extension aurait suffi ? On a donc rejoint les Voleurs fantômes dans leurs folles aventures remaniées pour voir si ça vaut le coup d’y (re)plonger ou s’il vaut mieux signaler les jeunes cambrioleurs aux autorités.
Test réalisé sur PlayStation 4 grâce à un code numérique envoyé par l’éditeur
Life will change again
Avant de parler des ajouts de Persona 5 Royal, il convient de rappeler ce que raconte le jeu d’Atlus pour ceux qui n’ont pas joué ou suivi l’actualité de ce dernier. Ainsi, on incarne un adolescent que l’on peut nommer comme on veut mais qui répond au nom d’Akira ou Ren selon certaines adaptations. Nous, on a décidé de l’appeler Ren parce que c’est plutôt sympathique. Ren est donc un adolescent en seconde année de lycée qui vivait une vie tranquille jusqu’à qu’il protège une femme victime d’agression. Le problème, c’est que l’agresseur n’est pas n’importe quel homme, puisque lié à la politique du pays : Ren est donc accusé à tort et il se voit viré de son établissement. N’ayant pas le choix, il doit aller à Tokyo dans un nouveau lycée l’acceptant malgré son casier judiciaire. Pour ce qui est du logement, il doit habiter chez un propriétaire de café assez sévère de prime abord. Par la suite, sans trop entrer dans les détails, il rencontre plusieurs personnes qui vont l’accompagner dans des aventures hors du commun mêlant réalité et vices humains. En effet, Ren et d’autres camarades peuvent entrer dans des Palais, domaines matérialisant les pires aspects de certains individus, afin d’y affronter des Ombres maléfiques à l’aide de leurs Personae, personnalités matérialisées des héros leur conférant bon nombre de pouvoirs. Formant une équipe au nom des Voleurs fantômes, vous devez voler les trésors des Palais afin d’améliorer le quotidien des habitants de Tokyo, ville qui fait face à des événements inexplicables depuis un certain temps. Programme chargé, en somme.
Ce qui fait le charme de Persona 5 Royal, et de la série en général, c’est de mêler le surnaturel dans le quotidien de lycéens qui n’ont rien demandé mais qui doivent faire comme ils peuvent face à des situations qui en feraient fuir plus d’un. On ne voit pas seulement les événements du jeu, on les vit. Chaque jour, on doit prendre des décisions plus ou moins importantes, entretenir des relations, progresser autant dans les Palais que dans la vie quotidienne, améliorer les capacités de Ren via la lecture et les révisions tout en pensant à profiter d’un bon moment de temps en temps… Le tout avec un scénario principal captivant. Si le début du jeu met un certain temps à poser les bases, ce qui fait qu’on doive attendre un bon moment afin que les festivités ne débutent pour de bon, une fois que c’est fait, c’est de l’extase pour des dizaines et des dizaines d’heures de jeu. Les sujets traités par Persona 5 Royal sont particulièrement matures (abus sexuels, violences, vols, etc.) et ils sont traités avec finesse, afin de nous faire réfléchir même en dehors du jeu. S’il y a bien des clichés et du fan service japonais ici et là (un peu atténué d’ailleurs dans la version occidentale pour la version Royal, surtout en ce qui concerne les homosexuels qui ont fait débat lors de la sortie de Persona 5 en 2017), cela tend davantage vers l’humour et le style plutôt que l’embarras, à quelques exceptions près. Mais on oublie assez vite quand on voit la qualité générale du scénario.
L’écriture des personnages et leurs caractères y participent pour beaucoup, que ce soit les alliés, les personnages secondaires et les ennemis, on s’attache à tout le monde et on a véritablement l’impression de replonger aux meilleures (et pires) périodes de notre adolescence. On prend toujours du plaisir à lire les nombreux dialogues et assister aux cinématiques bien mises en scène. Atlus a même fait appel à un studio d’animation pour réaliser de nombreux passages façon anime, ce qui marque davantage les esprits durant toute l’année scolaire de Ren et de ses amis. Tantôt légère et drôle, tantôt sombre et horrible, l’histoire de Persona 5 ne laisse sûrement pas indifférent. En ce qui concerne les ajouts scénaristiques de Persona 5 Royal, Atlus n’a pas fait dans la dentelle : il y a un semestre inédit ainsi que de nouveaux personnages, notamment Kasumi ! Cette dernière devient même jouable à partir d’un certain moment et intègre donc les Voleurs fantômes, un rôle important vous conviendrez. Est-ce que elle, les autres personnages et les intrigues jamais vues auparavant s’intègrent bien à l’expérience originale ? La réponse est oui, mille fois oui, à se demander même comment on faisait pour jouer sans tout ce contenu avant. Cela permet d’inclure de nouvelles fins, de quoi proposer une durée de vie extravagante à ceux qui désirent tout faire et tout voir dans ce jeu procurant tristesse, effroi, rires, moments classes et épiques dans un mélange quasi parfait. Heureusement, cela est accompagné d’un gameplay presque sans faille et d’un tas d’autres de qualités.
A smooth criminal
Persona 5 Royal est un J-RPG pur et dur mais qui possède tout de même plusieurs subtilités, même par rapport à ses aînés. Le jeu nous fait vivre le quotidien de Ren en nous proposant de le suivre pratiquement toute une année scolaire. De jour en jour (avec de nombreux sauts dans le temps, soyez rassurés), on va donc obligatoirement à l’école et une fois libérés, on a soit le choix de l’activité, soit on doit suivre les événements du scénario. C’est surtout au début du jeu que l’on est limités, avec beaucoup de dialogues et explications. C’est logique mais cela peut tout de même freiner le plaisir. Bien que ce ne soit pas un jeu narratif, il y a tout de même une large partie où l’on ne « joue » pas mais cela n’en reste pas moins plaisant (sauf à certains moments où ça discute un peu trop et pas toujours pour quelque chose d’utile ou amusant, laissant également moins de choix mais ça reste rare). Ren ne parle pas directement mais on a plusieurs fois le choix de ses dialogues, de quoi pimenter même les moments les plus anodins. On peut se la jouer calme et réfléchi tout comme taquin, cynique, etc. Cela amène à des dialogues et passages différents, parfois c’est anodin mais cela peut également avoir une importance majeure, surtout pour les multiples fins. Afin d’améliorer Ren au niveau de l’intelligence, charisme, compétences et autres, de nombreuses possibilités s’offrent à nous après les cours comme une révision à la bibliothèque, regarder un film romantique, faire du café, de la musculation, passer un moment avec tel ou tel personnage (très important car améliorer les relations permet d’acquérir bon nombre d’avantages), l’achat et la vente d’objets/équipement… Il y a un paquet de choses à faire – surtout que la version Royal ajoute de nouveaux lieux à visiter, comme un aquarium, sans oublier un repaire inédit pour la troupe afin de jouer aux fléchettes et autres, – mais on doit toujours décider, chaque activité faisant passer le temps. Le temps est d’ailleurs un élément important dans les Persona et Persona 5 Royal n’y échappe pas, puisqu’on doit venir à bout des Palais dans un temps limité à partir de certains moments. Si ce n’est pas fait, c’est la fin de la partie et on doit revenir plusieurs jours en arrière ou repartir à partir d’une sauvegarde, frustration garantie !
Parlons-en, des Palais, l’aspect le plus important de Persona 5 Royal. Les Palais sont les donjons qu’on parcourt pour affronter de multiples ennemis, trouver des trésors et affronter un boss pour voler ce qui lui tient particulièrement à cœur afin de changer le comportement d’un humain dont le vice est si important que cela a créé le Palais en question. Chaque Palais a une allure et un level design bien différent puisqu’on passe d’un château à un musée, tout en visitant un casino et bien d’autres lieux différents. Là où Persona 5 Royal se démarque des anciens Persona, c’est dans l’agencement des Palais. Par exemple, dans Persona 4, on explore des donjons mais chaque étage n’est qu’une succession de couloirs plus ou moins basiques se ressemblant tous, avec des pièces à découvrir et quelques énigmes. Dans Persona 5 Royal, on explore de véritables lieux avec différentes pièces où l’on doit faire un certain nombre d’actions pour avancer. Dans le château du début, on passe de cellules souterraines à l’extérieur afin de monter une tour, sans oublier les cuisines, salles de torture et bien d’autres encore où il faut tout fouiller de fond en comble afin de s’en sortir. Avancer dans les premiers donjons ne pose pas vraiment de soucis mais plus l’aventure progresse et plus on doit se casser la tête pour trouver les solutions. Contrairement aux anciens opus, Ren et ses amis ne sont pas simplement « cloués au sol » : il est possible de se cacher derrière des murs et autres obstacles, de se déplacer rapidement d’un abri à l’autre, de sauter sur des plates-formes, de grimper des murs… De plus, avec Persona 5 Royal, on a désormais un grappin permettant d’accéder à des pièces jamais vues auparavant, ce qui améliore davantage le sentiment d’être un véritable voleur au sein d’un lieu rempli de pièges et d’ennemis tout en apportant des surprises même pour ceux qui ont joué à Persona 5. Enfin, il y a des objets à obtenir dans certaines pièces secrètes permettant d’accéder à des accessoires et compétences non présentes dans la version classique. C’est simple, on ne s’ennuie jamais dans les Palais de Persona 5 Royal ainsi que le Mémentos, donjon à part plus aléatoire et classique mais tout de même sympathique puisqu’il permet de faire des quêtes annexes. Aussi, n’oublions pas que dans cette version Royal, un nouveau personnage, Jose, donne des missions inédites et peut également changer le Mémentos. L’exploration est donc meilleure que jamais dans Persona 5 Royal et il en est de même pour les combats.
Les combats sont l’une des composantes majeures de la série d’Atlus et Persona 5 Royal propose sans doute les meilleurs. Ceux de la version de base étaient déjà diablement prenants grâce à un gameplay simple mais profond et rempli de style. Avec Persona 5 Royal, les adversaires sont plus nombreux, les boss un peu remaniés et on a davantage d’options pour davantage de plaisir. Revenons au base : avant d’affronter un ennemi, il faut d’abord lui tendre une embuscade pour avoir l’avantage au début d’un combat. Si c’est lui qui vous touche en premier, c’est lui qui lance les hostilités en premier, ce qui peut faire assez mal. Une fois le combat lancé, on a les options classiques comme attaquer simplement, lancer un sort ou une attaque spéciale/magique grâce à un Persona, se défendre, utiliser des objets, analyser une ombre/un boss pour tenter de trouver ou se remémorer son point faible… on est en terrain connu. Il y a toujours le principe d’avantages et de faiblesses, avec des vilains qui peuvent être faibles face à de la glace tout comme d’autres peuvent vous retourner une attaque de foudre ou rester insensible à une attaque physique, entre autres. Rien qu’avec cela, les combats des Persona sont agréables à faire mais ce qui les pousse au-delà, ce sont les nombreux à-côtés qu’on ne voit pas ailleurs, comme le fait d’enchaîner un groupe d’Ombres en exploitant leurs faiblesses et même de lancer une attaque de groupe aussi classe que redoutable se concluant par des artworks de toute beauté. Aussi, à certaines opportunités, on peut directement discuter avec une Ombre pour qu’elle donne de l’argent, un objet ou, mieux, rejoigne votre équipe car Ren peut avoir plusieurs Personae. De ce fait, il peut changer de Persona à chaque tour, de quoi multiplier ses options d’attaque et de défense. Plaisir garanti à chaque affrontement tant il y a de possibilités. De plus, avec la version Royal, on a désormais des attaques Showtime en duo avec une mise en scène aussi exagérée que ludique, des combats de boss qui sont modifiés avec de nouvelles phases intéressantes et il y a également de nouvelles Ombres. Lors de certains combats, il se peut même qu’un des ennemis adopte une nouvelle forme plus puissante et si on la bat, elle explose, octroyant de gros dégâts à ses alliés. Vous l’aurez compris, on a pas grand-chose à reprocher à la formule Persona 5 et Persona 5 Royal a su la perfectionner avec brio. On peut peut-être reprocher quelques pics de difficulté un tantinet violents à certains passages, forçant à monter plusieurs niveaux de temps en temps mais dans l’ensemble, difficile de ne pas prendre goût à la production d’Atlus.
Royaume du style
Ce qui a fait le succès de Persona 5, en plus de tout ce qui est cité plus haut, c’est la présentation du jeu. C’est simple, si on devait définir la classe via un jeu vidéo, Persona 5 serait facilement sur le podium. Tout est pensé avec soin dans les moindres recoins, même les menus sont fascinants avec de belles idées de transitions et des artworks agréables à regarder. On est pas loin de la surenchère visuelle par moments mais cela fonctionne toujours bien et on en prend plein les yeux. Bien que techniquement, le jeu ne pousse pas la PlayStation 4 dans ses retranchements, Persona 5 Royal sait imposer son style avec un rendu se rapprochant d’un anime grâce à du cel shading propre, des personnages et monstres au character design réussi, de nombreux décors variés et modélisés comme il faut… On voyage à travers un Tokyo crédible et des environnements fantastiques qui sont un régal pour les yeux. Persona 5 Royal a également droit à un traitement spécial avec des graphismes légèrement peaufinés, rendant le tout fluide et propre en toutes circonstances avec de meilleurs effets ici et là. La direction artistique est tout simplement superbe et elle est mise en valeur par une technique simple mais efficace comme il faut. Il y a peut-être quelques textures ici et là qui font un peu tâche mais c’est clairement anodin. Et parler de Persona 5 Royal sans mentionner sa bande son serait un crime tant celle-ci est iconique. Il est difficile voire impossible de trouver un thème de mauvaise qualité, chaque ambiance sonore est travaillée et les nombreuses musiques chantées accompagnant les combats ainsi que les moments importants ont de quoi vous faire lâcher la manette afin de danser comme dans un clip déjanté. Mélangeant habillement jazz, rock et d’autres genres, des morceaux comme Last Surprise, Life Will Change et Rivers in the Desert restent gravés à jamais dans les mémoires. Bien entendu, Persona 5 Royal en intègre de nouveaux et ils s’ajoutent avec brio au reste. Take Ove notamment, lorsqu’on prend en embuscade une Ombre, propose une instru’ et un chant qui caressent les tympans. Le reste de la bande son est également un régal avec des voix japonaises de qualité et des bruitages qui transpirent eux aussi le style.
Enfin, grande nouveauté de la version Royal et sans doute celle qui risque de convaincre beaucoup de nouveaux joueurs : les sous-titres français. Fini les centaines et centaines de lignes de dialogue à lire en anglais, place à la langue de Molière et d’Arsène Lupin ! C’est un véritable plaisir d’assister aux dialogues et cinématiques sans trop se soucier de la lecture du texte. Seule ombre au tableau : quelques fautes et bêtes erreurs de temps à autre comme un manque d’espace entre des mots ou un personnage masculin qui parle au féminin mais on y gagne tout de même en confort. De quoi davantage profiter d’une aventure riche et passionnante durant la centaine d’heures de jeu minimum pour en voir le véritable bout, surtout que la version Royal possède, cerise sur le gâteau, tous les DLC sortis précédemment. Aussi, il faut quand même signaler que malgré les nombreux ajouts de Persona 5 Royal, il est dommage pour les joueurs qui ont déjà le jeu de base et qui souhaitent profiter des nouveautés doivent acheter Persona 5 Royal comme tous les autres joueurs. En effet, aucune extension n’est prévue, un choix un peu étrange en ces temps où les DLC et extensions sont monnaie courante. Cela dit, Persona 5 Royal vaut tout de même largement l'(r)achat tant il n’est pas avare en contenu inédit de qualité réparti à travers tout le jeu, pas uniquement la fin.
Verdict : 9/10
Persona 5 Royal mérite son nom : l’aventure concoctée par Atlus est tout simplement inoubliable. Déjà splendide de base, cette version Royal rajoute de nombreuses améliorations loin d’être anecdotiques tout en étoffant un contenu qui était déjà gargantuesque. Rarement un jeu n’a su proposer autant de choses à découvrir, le tout avec une histoire et des personnages mémorables, un enrobage visuel et des musiques géniales tout en fournissant un gameplay riche qui se renouvelle sans cesse, afin d’offrir une expérience de jeu unique et diablement divertissante. Un indispensable pour tous les amateurs de J-RPG, sans aucun doute, autant pour les nouveaux joueurs que ceux qui désirent revivre les aventures des Voleurs fantômes (même si ces derniers doivent « repasser à la caisse »). Une mise en garde s’impose cela dit : difficile de lâcher la manette avec Persona 5 Royal. Vous voilà désormais prévenus.
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