Oyez oyez fidèles lectrices et fervents lecteurs de JVFrance. Alors que la fin d’année continue de nous abreuver en sorties vidéoludiques, voici qu’Obsidian Entertainment s’apprête à apporter sa modeste contribution au flot incessant de titres alléchants avec Pentiment. Le projet a très vite capté notre attention, de par sa direction artistique atypique, largement inspirée des illustrations et peintures de l’époque médiévale. Le studio étant célèbre pour ses RPG de qualité, l’idée de retrouver ici un titre plus narratif, mais aussi de moindre ampleur, puisque porté par une petite équipe de 13 employés du studio, a de quoi aguicher les plus curieux et les esprits avertis. Peu avant qu’il arrive sur le Xbox Game Pass ainsi qu’a l’achat au format dématérialisé sur Xbox One, Xbox Series X|S et PC, nous avons eu l’occasion de nous pencher sur cette aventure qui mêle meurtres, bouleversements politiques et choix moraux.
The Artist
Vous le lisez partout, vous l’avez probablement entendu autour de vous au détour d’une conversation avec des amis : cette fin d’année est définitivement plus que riche en sorties. Les jeux à gros budget s’enchaînent et viennent presque éclipser les titres plus confidentiels. Parmi ceux-ci, on remarque notamment Pentiment, qui risque de passer à la trappe chez bien des joueurs. Ce n’est guère étonnant dans un sens, puisqu’il s’est fait relativement discret tout au long de sa production. Pourtant, derrière ce jeu original, se cache notamment 13 des esprits qui occupent les locaux de chez Obsidian Entertainment. Le projet a vu le jour grâce au concours d’une petite équipe, ce qui a sans nul doute aidé à rendre le projet aussi atypique. Ici, il n’est nullement question de combats, ni même de chevalerie, d’affrontements épiques ou encore de fantasy comme nous pouvons en avoir l’habitude dès lors que l’univers médiéval est de la partie.
En s’évitant des concessions et en s’offrant la possibilité d’aller au fond de ses intentions, Pentiment délivre une aventure narrative mettant en scène Andreas Maler, un artiste qui s’est rendu en Haute Bavière pour réaliser une commande passée par l’Abbaye de Kiersau. L’histoire prenant place au XVIe siècle, l’imprimerie n’est pas encore totalement développée et les livres sont donc encore des œuvres manuscrites, entièrement écrites et dessinées à la main. Le héros prévoit donc de terminer sa commande et de quitter la ville de Tassing dès sa mission achevée, afin notamment d’y rencontrer sa promise. Rappelons qu’il était monnaie courante à l’époque de voir des mariages arrangés, aussi il n’y a rien d’étonnant à ce qu’Andreas n’ait pas encore rencontré celle qu’il devra épouser. Un détail finalement pas si anodin si vous voyez où l’on veut en venir, puisque dans Pentiment, nos choix et actions ont une influence sur les événements.
Ce qui nous est habituellement servi comme un argument marketing, pensé pour faire croire aux joueurs qu’ils auront un semblant de pouvoir sur le monde virtuel dans lequel ils évoluent, s’avère être l’une des mécaniques les plus importantes du jeu d’Obsidian Entertainment. Très vite, la situation tourne au vinaigre, puisqu’un meurtre a lieu au sein même de l’Abbaye de Kiersau, pour lequel un innocent sera déclaré coupable par défaut. Andreas ne l’entendant pas de cette oreille-là, étant persuadé que son ami est innocent, va se retrouver à mener l’enquête afin de découvrir quelle canaille a bien pu commettre un tel acte.
S’ensuit donc une sorte de course contre la montre, puisque certaines actions qui peuvent aider à découvrir des indices sur le potentiel tueur peuvent faire s’écouler du temps de la journée, découpée en 5 parties : la matinée, le midi, l’après-midi, le diner, la nuit. Si engager le dialogue avec les protagonistes ne fait pas s’écouler le temps, il devient donc vite indispensable de faire la connaissance d’un maximum de villageois, moines et autres personnalités de Tassing et Kiersau, afin de soupçonner la personne qui, selon nous, est le probable tueur.
Petits meurtres médiévaux
Évidemment, l’idée n’est pas seulement de s’intéresser aux protagonistes au moment des faits, mais bien avant et pendant. De la sorte, on en apprend plus sur eux, sur leur histoire mais aussi leurs potentielles frictions avec d’autres paysans, leur avis sur la gestion du village par l’abbé et tout un tas d’autres ragots. L’exploration de la map (relativement petite une fois que l’on finit par connaître les différentes localisations par cœur) est également essentielle, puisque revenir à certains endroits de la journée permettra de rencontrer des personnages qui n’auraient pas été là auparavant et donc de découvrir des dialogues spéciaux qui peuvent nous permettre de plus facilement démêler le vrai du faux.
Toujours dans cette optique de choix à conséquences, le joueur est amené dès le début de l’histoire à définir le parcours d’Andreas. Ses origines, ses études et ses centres d’intérêts dicteront certaines lignes de dialogues uniques, qui permettront d’influencer certaines prises de décisions, de comprendre certaines langues ou bien de décoder les mailles du droit de l’époque. Autant d’éléments qui permettront une certaine rejouabilité, puisqu’in fine, le jeu ne dévoile pas le nom des coupables des différentes enquêtes que l’on mène tout au long de l’aventure, qui s’étale sur 25 ans. Ainsi, les coupables désignés seront uniquement du fait du joueur. De quoi s’impliquer totalement dans Pentiment.
L’implication est d’ailleurs d’autant plus importante quand on commence par développer un semblant d’attachement à certains personnages, tandis que d’autres peuvent gentiment nous courir sur le haricot lorsqu’ils ne sont pas simplement détestables. Là où Obsidian est parvenu à briller, c’est dans l’écriture et la narration : Pentiment s’émancipe d’une certaine forme de manichéisme, ce qui rend justement le fait de désigner un coupable d’autant plus dur, surtout pour ceux qui sauront percevoir les nuances d’un tableau qui en comporte bon nombre.
Il ne faut d’ailleurs pas oublier que les événements prennent place à l’ère médiévale, le tout dans un contexte politique compliqué, où le pouvoir tend à être contesté. Le climat social et économique du jeu ajoute donc une dimension humaine certaine, puisque l’on se prend de pitié pour les protagonistes dont la situation est complexe, tandis que les plus aisés semblent tout de suite moins sympathiques. Mais il ne s’agit là que de la surface, puisque c’est en grattant un peu que les masques finissent par tomber et que l’on découvrir le véritable visage de certains.
Une écriture chiadée, dans tous les sens du termes
Loin des canons habituels, Pentiment s’offre une direction artistique en 2D au style visuel rappelant les illustrations de l’époque. On y contrôle donc Andreas sur un seul plan en défilement horizontal, bien qu’il soit parfois possible d’accéder à des chemins situés au second plan, mais ces derniers restent assez rares. Le gameplay, tout en sobriété, consiste dans sa grande majorité à interagir avec des objets et PNJ, ce qui implique donc énormément de dialogues.
D’ailleurs, l’une des autres spécificités de la D.A. réside dans les polices d’écritures employées dans le jeu, puisqu’elles sont presque toutes inspirées de la calligraphie de l’époque. Au fur et à mesure que le texte des dialogue ou des fenêtres d’actions contextuelles apparaissent, les lettres se dessinent et le résultat renforce l’immersion dans cet univers situé à mi-chemin entre le Moyen-Âge et la Renaissance. D’ailleurs, la calligraphie ne sera pas la même en fonction des différents personnages rencontrés, et certains commettront même des fautes qui seront corrigées en temps réel à l’écran.
La vision que Andreas a d’un personnage se répercutera donc sur la calligraphie, ce qui permettra de déceler les arbres les moins feuillus de la forêt, si vous nous permettez l’expression. Le jeu propose plusieurs paramètres d’accessibilité, afin de simplifier la lecture, que ce soit à l’aide de polices d’écriture plus visibles, de la taille du texte ou encore de l’augmentation du contraste de certaines couleurs. En effet, certains mots apparaîtront en couleur ou soulignés (que ce soit des mots clés, des noms propres, des lieux) afin d’attirer notre attention dessus.
Aussi bavard soit-il, Pentiment dispose heureusement d’un journal recensant les quêtes en cours ainsi que leur avancement et résumant leur déroulement jusqu’à l’instant T. On y retrouve également une carte, mais aussi et surtout un codex des protagonistes rencontrés et un lexique, fort pratique puisque le jeu fait parfois appel à des termes désuets mais aussi à des lieux et objets dont nous n’aurions pas la connaissance autrement.
Avec sa direction artistique aussi superbe qu’originale, autant vous dire que Pentiment s’affranchit des questions techniques et il n’y a guère de différence quelle que soit la machine sur laquelle vous y jouerez. On pourra toujours réduire la qualité des graphismes sur PC mais le jeu n’étant pas des plus gourmands, c’est principalement la finesse des textures qui sera mise à mal en poussant le curseur au minimum. On regrettera cependant que Pentiment soit limité à une résolution de 2560×1440 sur PC, ce qui ne permet pas vraiment de profiter de la direction artistique du titre comme il se doit sur un écran ultrawide au ratio 21:9. On peut toutefois s’attendre à ce qu’un patch vienne corriger cela.
Il semble bon de rappeler que s’il sera disponible dans le cadre du Xbox Game Pass, Pentiment sera également disponible sur Steam pour 19,99€. Le jeu offre une durée de vie plutôt conséquente pour le genre : comptez environ 20 à 25h pour une première run, voire même un peu plus en fonction de votre propension à chercher les secrets et à prendre part aux différents mini-jeux qui viennent rythmer l’aventure. Et puisque l’on parle de rythme, il semble bon de préciser que si l’aventure s’étale sur 25 année, elle nous présente différentes générations, ce qui permet de casser une certaine routine et d’amener les différents meurtres de façon plus fluide. Là où l’on aurait pu avoir l’impression de bêtement enchaîner une suite d’assassinats à élucider, on est davantage portés par l’histoire, ses protagonistes, le contexte politique et social et toutes les évolutions qui vont, de facto, se répercuter sur les différentes générations dépeintes. En plus de nos choix, évidemment.
Verdict : 8/10
Doté d’une écriture de qualité, ingénieux sur bien des aspects et donnant véritablement l’impression d’avoir un impact sur tout ce microcosme médiéval, Pentiment s’impose comme un titre audacieux. Sa narration de qualité sait créer l’envie d’en apprendre plus sur les multiples personnages qui croisent notre route, mais aussi de les aider, de leur mettre des bâtons dans les roues ou encore d’en faire de véritables boucs émissaires. S’il brille avant tout visuellement, c’est pour mieux parvenir à surprendre sur le fond. Une valeur sûre qui fait mouche et un titre de plus à ajouter à la liste des prestigieuses réussites de chez Obsidian Entertainment.
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