La dernière fois que nous avons parlé de Octopath Traveler, le dernier bébé des producteurs déjà à l’oeuvre sur Bravely Default (à l’époque, « simples développeurs »), c’etait pour une preview réalisée au bout d’une dizaine d’heures de jeu. Le tout nous avait alors paru prometteur, notamment grâce à une direction artistique enchanteresse et un système de combat plutôt stratégique et habilement mené. Maintenant que nous avons beaucoup plus d’heures de jeu, il est temps de voir si Square Enix a transformé l’essai et a rendu une copie presque parfaite. Spoiler… La note en fin de test.
Test réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une copie numérique envoyée par l’éditeur
L’originalité narrative
Octopath traveler est comme tout JRPG qui se respecte un jeu où la trame narrative prend une place importante. Cependant, Square Enix a ici pris le parti de ne pas écrire d’histoire principale, mais de donner à chaque protagoniste une quête spécifique. Ainsi, chacun de nos personnages aura ses propres objectifs à accomplir, qu’il s’agisse de vengeance, d’objet à récupérer ou plus simplement de partir à l’aventure afin de devenir le meilleur dans son domaine. C’est un parti pris qui en apparence parait plutôt intéressant, puisque cela permet de se concentrer bien plus sur la psychologie et le background de chaque personnage. De plus, les différents récits sont pour la plupart assez bien écrits et les thèmes abordés plutôt bien traités. Le studio a suffisamment travaillé son sujet pour éviter de tomber dans les poncifs du genre et certains scénarios vous réservent quelques bonnes surprises si vous rentrez dans l’aventure. Par ailleurs, le jeu ne fait pas semblant et des sujets assez lourds comme le deuil, la prostitution, le trafic d’humains etc sont abordés sans fioritures. Cependant, ce choix de narration aura aussi pour effet de mettre en avant la différence qualitative entre les récits puisque tous malheureusement n’ont pas bénéficié de la même qualité d’écriture. Ainsi, certains passages sont un peu poussifs et on se force à compléter la quête d’un ou deux protagonistes.
L’autre vrai problème de tout cela est surtout le manque de cohésion de groupe puisque finalement, même si l’on contrôle quatre personnages, seul celui du récit en cours interviendra lors des scènes de dialogue, les autres ne seront présents que lors des phases d’explorations et les combats. Il y a bien quelques scénettes où les autres protagonistes vont intervenir, mais cela n’apporte rien du tout à l’histoire et semble surtout forcé. Le principal problème étant qu’aucune relation ne se crée, et aucun personnage ne s’entraide. Chaque personnage vit son histoire seul, alors qu’il est entouré par sept autres protagonistes. Dommage de ne jamais les voir s’entraider ou voir les autres personnages réagir à une mauvaise décision.
De plus, cela a aussi un impact sur le gameplay. En effet, chaque personnage vivant son histoire indépendamment des autres, il n’y a aucun échange de points d’expérience obtenu si un protagoniste ne combat pas. Par conséquent, il est souvent nécessaire de passer des heures de farm’ pour faire évoluer le personnage dont on souhaite continuer la quête. Pour les histoires intéressantes, ça ne pose pas trop de problème, mais quand c’est pour une histoire pas forcément captivante, la pilule passe assez mal, même si le système de combat est intéressant.
Les quêtes secondaires quant à elle viennent casser un peu la monotonie du farm. Elles sont assez nombreuses et leur(s) récompense(s) s’avèrent bien souvent utiles, notamment niveau finance. L’équipement coûte relativement cher, et ce malgré les séances de farm quasiment obligatoire. Chaque personnage dispose de sa propre capacité secrète, ce qui vous sera utile pour compléter ces quêtes. En effet, il vous sera ainsi demander un certain effort de réflexion pour savoir quel personnage doit être disponible dans votre team afin de disposer de la bonne compétence. Par exemple, avoir le voleur vous permettra de procéder à un larcin (sans forcément avoir une réussite obligatoire) pour obtenir le bon objet afin de réussir votre objectif. Une des grandes forces de ces quêtes annexes. En effet, ici, il n’y a aucun marqueur de quête et ce sera à vous de découvrir la bonne solution, le bon PNJ à qui parler, à voler, ou avec qui commercer. Et bien évidemment, il arrive parfois que la solution se présentera devant vous seulement quelques heures plus tard, et à condition de faire travailler votre sens de l’exploration, mais aussi votre mémoire. Le jeu aura cependant eut la décence de vous fournir un journal de quêtes afin de vous remémorer certains éléments, et un voyage rapide est disponible dès le début de l’aventure pour naviguer rapidement entre les différentes villes du jeu.
L’efficacité d’un système de combat.
Le tour par tour, système de combat prisé par de nombreux RPG, notamment du côté de l’archipel nippon, est encore une fois mis en avant dans Octopath Traveler, même si le concept ici a été quelque peu remanié. De loin, le système de combat pourrait presque paraître banal. Personnages jouables et ennemis attaquent chacun leur tour dans un ordre qui dépendra de la vitesse des uns et des autres. Il y a des forces et des faiblesses à gérer ou à exploiter chez les adversaires et l’on connait avec un tour d’avance dans quel ordre chaque participant au combat va attaquer. Un combat au tour par tour plutôt classique, direz vous. Sauf que non, Octopath Traveler a vraiment travaillé son système pour lui donner une profondeur vraiment intéressante. En effet, si vous attaquez l’ennemi avec sa faiblesse (différentes selon chaque ennemi, il peut s’agir aussi bien d’un élément magique type feu, foudre, glace… ou d’une arme de CaC (couteau, lance, hache…), vous allez au bout d’un nombre d’attaques répétées pouvoir l’étourdir. Ce qui aura pour effet de le paralyser pour le tour en cours et le tour suivant, d’où l’importance de connaître à l’avance l’ordre de chacun. Mais cela aura aussi un autre effet puisque une fois l’adversaire évanoui, les dégâts qui lui seront infligés seront bien plus élevés et vous permettra alors de finir le combat rapidement.
Autre élément important, à chaque tour, vos personnages obtiendront un PE (point d’exaltation), ce qui leur permettra d’attaquer plusieurs fois dans le même tour et faire ainsi plus dégâts ou d’évanouir l’ennemi plus rapidement. Octopath Traveler a vraiment fait de sa force son système de combat qui permet de varier les stratégies et une fois la bonne trouvée, le tout est assez jouissif. Alors, certes, cela n’empêche pas une certaine monotonie et un certain ennui après une énième séance de farm mais il faut bien reconnaître que ce système, lors des combats longs, contre les boss notamment, est plutôt intelligent. Bien maîtrisé, il peut clairement compenser un manque de niveau pour vos personnages ou un équipement un peu trop faiblard.
Outre le système de combat, il faut cependant reconnaître que le système de progression des personnages lui est assez basique. En effet, chaque combat vous permettra d’obtenir des points d’expérience permettant à vos personnages de prendre des niveaux et ainsi de gagner en force, en défense, d’avoir plus de vie et plus de mana mais il sera également possible d’obtenir des points de capacités à distribuer pour que vos personnages acquièrent de nouvelles compétences ou de nouveaux sorts. Afin de personnaliser quelque peu vos personnages, il sera cependant possible de leur attribuer d’autres classes que celle de départ afin de les rendre plus à même de s’adapter aux faiblesses de vos adversaires qui évoluent régulièrement selon les zones du jeu. De plus, l’autre intérêt de cette personnalisation est la possibilité d’ajouter des capacités de soutien qui resteront acquises même si vous changez la classe secondaire de votre personnage.
Ces classes secondaires sont plutôt utiles, mais surtout, seront la récompense des joueurs qui apprécient l’exploration. En effet, ce n’est pas en continuant le scénario principal que vous pourrez mettre la main dessus mais en explorant puisqu’il faudra trouver des temples pour acquérir ces classes. Les classes de début sont plutôt faciles à dénicher, mais les plus intéressantes eux sont souvent la récompense d’un combat acharné contre un boss qui ne vous laissera rien passer si vous ne maîtrisez pas le système de combat et que vos personnages n’ont pas le bon niveau. Que cela soit pour les quêtes secondaires ou pour les nouvelles classes, Octopath Traveler est un jeu qui récompense les amoureux de l’exploration et c’est tout à son honneur.
Un univers chatoyant
Si vous avez testé la démo, vous savez que le mélange 2D-3D en Pixel Art appliqué pour le jeu est bien réalisé. Les petites mains en charge du développement ont exprimé tout leur savoir faire en terme de direction artistique et s’il faut bien reconnaître une chose au titre, c’est que c’est plutôt réussi. Bien que les personnages manquent quelque peu de détails, les environnements eux, sont sublimes. Qu’il s’agissent des forêts, des donjons, des villages, des châteaux, chaque élément de la direction artistique du titre a été grandement travaillé et les effets d’ombres et de lumières sont vraiment appréciables. Cependant, il faut reconnaître que le level design lui manque un peu d’ambition. Les villages et les villes sont bien petites et les donjons se bouclent bien trop rapidement. C’est sans doute un parti pris du fait de l’aspect nomade de Nintendo Switch, mais il est dommage de ne pas avoir de donjons véritablement imposants. Il faut cependant souligner que le titre est un véritable monde ouvert en 2D et que l’exploration est clairement mise en avant.
Sur le plan technique, le jeu tourne très bien en version portable, on aura cependant constaté quelques légères baisses de framerate à de rares moments qui seront sans doute corrigés avec la première mise à jour. Yasunori Nishiki est le compositeur à l’oeuvre sur Octopath Traveler et il faut bien reconnaître que son travail est de qualité. Les plus mauvaises langues reconnaîtront l’inspiration de titre comme Golden Sun ou Final Fantasy VIII mais le Monsieur a été grandement inspiré et permet au titre, en plus de son aspect visuel, de trouver sa propre identité. Les thèmes de combat, qu’ils s’agissent de simples combats ou des combats de boss, sont tout simplement épiques et le reste de la bande son se marie très bien avec les différents événements scénaristiques. Et puis forcément, chaque personnage bénéficie de son propre thème.
Verdict : 7/10
Finalement, Octopath Traveler n’a qu’un seul véritable défaut, mais il impacte tellement le gameplay qu’il devient bien trop important pour le taire : le choix de ne pas avoir une trame commune à tous les personnages fait que le jeu manque clairement de rythme et ne permet pas au joueur de s’attacher au groupe. Finalement, seul des individualités ressortent, et comme tous les scénarios ne se valent pas forcément, certains moments sont assez longs. Reste cependant que le jeu sait récompenser les amoureux de l’exploration, que le système de combat est un des tour par tour les plus aboutis et que la direction artistique marquera les amoureux du Pixel art.
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