Le premier Ni No Kuni fut le fruit d’une collaboration longuement attendue par les joueurs, à savoir celle du studio d’animation Ghibli avec un studio de jeu vidéo, Level-5. Cet épisode aura su charmer les joueurs grâce à une direction artistique de haute volée où la patte de Miyazaki était clairement présente, et grâce à des mécaniques de jeu plutôt efficaces, malgré un manque certain d’originalité. Cependant, bien que le titre ait été apprécié par la critique et les joueurs qui s’y sont essayé, le succès commercial n’a pas été au rendez-vous. Le jeu n’était pas un échec cuisant, mais il y a fort à parier que Bandai Namco attendait sans doute beaucoup plus d’un jeu créé de concert avec le studio Ghibli. Il est donc finalement assez surprenant de voir arriver un second opus, surtout sans le studio de Miyazaki qui n’est cette fois-ci plus de la partie. Après avoir terminé le jeu, il est donc temps pour nous de voir si ce deuxième épisode s’en sort mieux que son grand frère et arrive à captiver les petits, mais surtout les plus grands.
Test réalisé sur PlayStation 4 Pro à partir d’une version numérique fournie par l’éditeur
Le Royaume au million de sourires
L’introduction du jeu ne fait pas dans la dentelle et risque d’en surprendre plus d’un. Roland, président de son État, se rend à un congrès international quand une bombe nucléaire explose, ce qui aura pour effet, non pas de causer sa mort, mais de le transporter dans un autre monde, au moment précis où un jeune prince va subir un coup d’état. C’est ainsi qu’a lieu la rencontre entre nos deux héros, Roland, et Evan, ce dernier étant le jeune prince de Carabas qui était supposé prendre la succession de son père après le décès de celui-ci, mort empoisonné.
Roland arrive ainsi au bon moment et prend alors le jeune Evan sous son aile et décide de partir à l’aventure avec ce dernier, sans vraiment s’inquiéter de son arrivée dans un nouveau monde ou même s’enquérir d’un moyen de rentrer chez lui. L’objectif de notre héros Evan quant à lui est assez simple et motivé par le décès de la plupart de ses proches. Du haut de ses douze ans, le voilà prêt à parcourir le monde pour fonder un nouveau royaume, où seule la paix régnera et où on verra un million de sourires sur le visage des gens. Ok, c’est niais, mais c’est largement suffisant pour nous entraîner dans l’univers, et même si la galerie de personnages rencontrés tout au long de l’aventure ne brille pas forcément par son écriture, tout comme le scénario de manière générale, l’histoire se laisse suivre. Et il y a fort à parier que si votre serviteur voyait son âge divisé par deux, ce scénario passerait sans doute beaucoup mieux. En effet, les thèmes abordés et les problématiques soulevées ne sont pas vraiment développés. Malgré des conflits entre plusieurs royaumes, on n’a aucunement l’impression que les citoyens souffrent, aucune famine, aucune épidémie. Et puis, notre jeune roi reste une grande partie de l’aventure extrêmement naïf, persuadé qu’un simple sourire et un peu de volonté permettront de rallier tous les royaumes à sa cause. Malgré cela, l’histoire de Ni No Kuni II se laisse suivre et l’on y prend un certain plaisir. Finalement, avoir devant nous un scénario plutôt léger fait du bien, et change de cette noirceur resservie régulièrement.
Non, là où le jeu risque surtout de vous perdre, c’est dans sa construction et dans son rythme. En effet, le jeu use et abuse d’allers-retours, ce qui impacte forcément sur la progression du joueur. Les premiers chapitres s’avèrent ainsi particulièrement poussifs, surtout quand on ajoute à la quête principale les missions secondaires, présentes en grand nombre dans le jeu. La quête principale est sans doute beaucoup trop convenue. Ainsi, il n’est pas rare pour avancer de devoir aider un PNJ, qui vous enverra alors voir un autre PNJ susceptible de vous aider… Mais ce dernier aura lui aussi son problème à résoudre, et besoin de votre aide. Et il en va bien souvent de même pour les quêtes secondaires. On passe ainsi une grosse partie de l’aventure à se téléporter aux différents points de la carte pour venir en aide à des gens. Le problème, c’est que la scénarisation est quasiment inexistante, et il en ressort l’impression que de roi, nous voilà transformé en coursier pour un peu tout le monde, puisque presque tous les villageois du jeu auront besoin de votre aide. Gonflant.
Le nerf de la guerre
J-RPG oblige, et digne héritier de Ni No Kuni premier du nom, les combats se déroulent tous en tour par tour, assez proche de ce que l’on trouve dans un Tales Of ou dans un Star Ocean. On incarne un leader choisi parmi le casting de personnages principaux tandis que l’IA gère deux autres alliés. Tout se passe en temps en réel et il vous sera demandé de maitriser les coups faibles (ou forts) et les attaques à distances afin de venir à bout de vos ennemis, mais également les esquives ou la défense. De plus, chaque personnage dispose de ses propres compétences consommant des points de magie que l’on peut regagner grâce aux attaques physiques. Il est également possible de bénéficier de l’assistance de mousses, petites créatures qui viendront améliorer vos stats ou faire des dégâts parfois plutôt importants à l’adversaire. Le système de combat, bien que simpliste, s’avère franchement efficace et le tout répond bien. On se prend rapidement au jeu et certains combats contre un nombre important d’adversaires peuvent être rapidement terminés pour peu que l’on maîtrise bien les différents outils mis à notre disposition. Le véritable problème réside surtout dans la facilité déconcertante du jeu ! Level-5 a sans doute eu à cœur de pouvoir attirer un (très) grand public, mais le revers de la médaille est qu’une partie des joueurs risque de trouver que le jeu se laisse sans doute un peu trop faire. Certes, il y a bien à un ou deux moments dans le jeu une période de leveling, mais si vous faites régulièrement des quêtes annexes, vous ne risquez pas de rencontrer de grandes difficultés. On aurait préféré, à défaut d’un challenge un peu plus équilibré, au moins avoir la possibilité de choisir son niveau de difficulté, ce qui aurait permis à Ni No Kuni II d’être vraiment fait pour tous.
Mais Ni No Kuni n’est pas fait que d’allers-retours fastidieux et de combats beaucoup trop faciles. Nous vous parlions plus haut d’un nombre important de quêtes annexes. Celles-ci sont bien souvent liées à la gestion de votre royaume. Car oui, dans Ni No Kuni II, la création d’un royaume n’est pas qu’un doux rêve qu’Evan va effleurer. Rapidement, le jeu vous permet par une interface assez proche d’un jeu mobile (ce qui n’est pas un défaut, juste un constat) de gérer et développer votre nouveau royaume fraîchement conquis. Vous allez ainsi devoir construire des bâtiments pour étendre votre influence et donner une tâche à chacun de vos villageois. Ces derniers sont recrutables un peu partout dans le petit nombre de villes du jeu, à condition de remplir une quête annexe qui comme dit plus haut, sera bien souvent identique au travail d’un livreur FedEx. Il vous faudra parfois pourfendre un monstre, rapporter des objets ou même carrément faire le livreur pour un cuisinier… Sur le papier, c’est plutôt une bonne idée d’implémenter ce système dans un J-RPG, et cela a du sens vis-à-vis du scénario. Cependant, les quêtes secondaires sont bien trop répétitives et les récompenses à la clé sont bien souvent peu intéressantes. Pour être plus précis, les bâtiments créés auront un impact sur le jeu puisque vous aurez par exemple une forge qui sera disponible dans votre royaume. Cette forge, moyennant argent, temps et main-d’œuvre, vous permettra d’améliorer vos armes ou même de fabriquer de nouveaux équipements. Mais comme les combats du jeu sont bien trop faciles, l’intérêt en est réduit. Il en va de même pour toutes les pièces d’équipements ou même les compétences qui auront chacune leur bâtiment dédié. Là encore, l’absence presque totale de difficulté dans les combats rend une mécanique de jeu quasi dénuée d’intérêt pour le joueur, dommage.
Un autre aspect du jeu plutôt important est un mini-jeu vous permettant de mener vos troupes à la bataille afin de remporter de nouveaux objets de crafts et quelques points d’expérience. Le principe est assez simple. Chaque combat se déroule sur la carte du monde et vous permet de contrôler Evan entouré de quatre troupes se battant en temps réel autour de vous. Votre objectif sera alors de vous diriger vers les ennemis afin d’en venir à bout. Une fois à portée, vous attaquez automatiquement. Votre seule influence sur le combat sera alors d’utiliser des compétences afin d’améliorer votre défense ou d’augmenter votre attaque, mais aussi d’utiliser des attaques spéciales afin de déstabiliser l’ennemi. Le tout est plutôt plaisant à jouer et s’avère une des portions du jeu les plus difficiles, toute proportion gardée, bien évidemment. Si vous avez le niveau requis, et que vous utilisez les boosts disponibles avant le combat, il y a peu de chance de voir apparaitre l’écran d’échec.
La patte Ghibli… Sans Ghibli
S’il faut bien reconnaître une chose au jeu, c’est sa patte graphique, qui malgré l’absence du célèbre studio d’animation japonais, a réussi à donner vie à un véritable monde onirique. Chaque ville, chaque donjon, désért, grotte, forêt etc a sa propre personnalité et chaque nouveau lieu est un plaisir à parcourir. On reconnait cependant que le chara-design des personnages principaux manque quand même de charisme, surtout le roi Evan et sa coupe au bol (sic). Le travail du maitre Joe Hisaishi sur la bande-son ne restera sans doute pas non plus dans les annales, à cause d’un manque de thèmes vraiment marquants et à certaines pistes placées parfois hors-contexte. Néanmoins, le tout habille suffisament bien l’univers pour ne jamais vouloir écouter autre chose. De plus, le titre bénéficie d’un doublage en anglais, et en japonais, entièrement sous-titré en français.
D’un point de vue technique, le titre ne vous décrochera pas la rétine, mais le cel-shading est de bonne qualité et comme dit plus haut, la direction artistique suffit à cacher les rares défauts graphiques du titre. On regrette cette carte du monde en aspect « réaliste » qui sort un peu de l’immersion, mais passées les premières heures de jeu, on s’y habitue. Dernier point négatif, le jeu manque sans doute un peu d’ambition dans la réalisation de ses scènes cinématiques. Elles sont peu nombreuses, et souvent très courtes. Du coup, la plupart des scènes de dialogues sont assez rédhibitoires. Par ailleurs, le bestiaire quant à lui est peu varié et on affronte souvent les mêmes créatures. Néanmoins, les boss eux, ont tous bénéficié d’un soin tout particulier, notamment les gardiens, qui resteront longtemps dans votre mémoire.
Verdict : 7/10
Après avoir passé plus d’une trentaine d’heures de jeu sur Ni No Kuni II avant d’en voir le bout, il ne reste finalement qu’une seule pensée. Celle que le jeu aurait mérité d’avoir une difficulté réhaussée afin de permettre un réel challenge et que toutes les bonnes idées du jeu puissent vraiment avoir un sens. À cause de cela, Ni No Kuni II rate de peu la marche des grands J-RPG, mais il arrivera néanmoins à faire passer de nombreuses heures à vouloir créer un royaume au million de sourires.
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