Il y a des jeux auxquels l’esthétique parle davantage que le gameplay, où les thèmes abordés forcent les joueurs à réfléchir sur leurs conditions ou sur le monde qui les entoure. Bien que trop rares, ces jeux marquent les esprits par une aventure hors du temps, là où les titres actuels tendent de plus en plus à proposer de longues expériences, mais oubliables. C’est ainsi que Neva est né, dans l’idée de graver un souvenir mémorable, mais quelque peu nébuleux, poussant les joueurs à la réflexion et à l’échange pour comprendre l’histoire qu’il raconte. Est-ce pour autant un jeu réalisé en niveau de Gris, ou une nouvelle aventure teintée de couleur ? Plongeons ensemble dans un périple mémorable, où tout n’est pas blanc comme neige.
Test réalisé sur PC à l’aide d’une copie envoyée par l’éditeur
L’homme est un loup pour l’homme
Développé par le studio Nomada, ayant déjà proposé une aventure mémorable via leur premier jeu Gris, l’équipe revient avec une histoire tout aussi touchante contant l’histoire d’une relation entre une humaine et son loup. Débutant avec une magnifique introduction entièrement animée, on y découvre Alba, une humaine, un loup géant et son enfant portant le nom du jeu, Neva. Alors que ceux-ci se baladent dans une prairie, un oiseau tombe du ciel et s’écrase pas loin d’eux, avant d’être corrompu par un mal inconnu. Par la suite, d’autres nombreux oiseaux tombent à leur tour du ciel, chacun portant la marque d’une corruption, avant que celle-ci n’attaque nos personnages sous forme d’une marée noire. Le combat qui s’ensuit est trop difficile et Alba tombe, laissant le loup géant face à cet ennemi commun qui poussera alors son dernier souffle pour protéger sa progéniture. À son réveil, Alba découvre que son ami n’est plus et prend sous son aile le jeune Neva, ayant perdu son parent.
C’est ainsi que commence le titre, une saison après le combat de l’introduction, nous amenant à découvrir son univers dans les teintes chaudes de l’été, le premier grand chapitre du jeu. Comme à son habitude, Nomada Studio reste assez nébuleux quant à l’histoire même de cette nouvelle aventure, permettant à chacun et à chacune de s’identifier au personnage, mais aussi d’interpréter le récit qui s’offre à nous. Un récit qui reste, malgré tout, assez compréhensible avec des axes de lecture divers, allant du passage des saisons au questionnement sur la place de l’homme dans notre monde. Mais il y a un axe qui marquera avant tout les esprits, celui de la relation que nous entretiendrons avec Neva, le petit louveteau devenu orphelin et qui vous prendra ainsi comme exemple. Une relation qui évoluera au fil des saisons, passant d’un âge de la découverte et de la curiosité à celui de rebelle et de spontané.
Ainsi, même si Nomada Studio nous offre un récit ouvert à l’interprétation, il est toujours intéressant de le remettre dans le contexte de création. Dévoilé il y a un an de cela, Neva fut alors mis en place dans un contexte mondial important, celui de l’épidémie de la COVID-19 qui marquera à jamais les équipes. Alors que le monde tourne au ralenti et que la nature respire, Conrad Roset, directeur créatif du studio, accueille un heureux événement qui changera alors sa vision du monde. Il se posera alors de nombreuses questions vis-à-vis du monde où évoluera son enfant, dans un contexte dans lequel l’humain est cloîtré entre quatre murs. Il y vit la peur de voir son enfant grandir, mais aussi les dégâts que l’homme a faits à la nature, reprenant alors vie lorsque celui-ci est obligé de rester à l’écart, tel un spectateur. C’est ainsi que Neva prend racine et dévoile ses traits. Aucun ton moralisateur ne sera employé, mais il tente, à l’instar de Gris qui traite du deuil, de proposer un questionnement sur ce qui nous entoure et ce que nous faisons. Et pour y arriver, pas besoin d’un gameplay bien poussé, quand l’écriture est maîtrisée.
Avance Neva, ne te retourne pas
Neva ne brillera pas par son gameplay, même si le titre proposera de bons moments de réflexion et de très bonnes idées par moments, mention spéciale au niveau des miroirs où vous devez jouer avec votre reflet pour avancer. Ainsi, tout néophyte du genre arrivera forcément à évoluer dans le récit que nous propose Neva, tant les touches se résument à : courir, sauter, double sauter, attaquer et esquiver. Même si, au fil de l’aventure, de nouvelles mécaniques viendront s’ajouter, rien ne perturbera réellement cette simplicité au service de ce que le titre souhaite nous offrir, une histoire avant tout. Cela se confirme dans le choix de la difficulté, proposant alors un mode normal où la balance entre le challenge des combats et les phases de plateformes est maîtrisée et celui d’un mode histoire où la mort n’est qu’un lointain souvenir. Lors de notre essai, nous avons entamé notre aventure en mode histoire pour profiter précisément de la narration que nous propose Neva, surtout lorsque l’on connaît le style d’écriture du studio, mais nous avons finalement changé pour revenir au mode normal, proposant ainsi des combats plus tendus. Et des combats, vous en aurez.
Le bestiaire qui nous est offert est assez rudimentaire, mais fonctionne parfaitement dans le style de Neva. Alternant avec des créatures mystiques rappelant le voyage de Chihiro, avec des corruptions d’animaux à la manière du sanglier de Princess Mononoke, les références et les inspirations ne se cachent pas, et le tout au service du gameplay qui se renouvelle à chaque chapitre. En effet, Neva propose un total de quatre chapitres, présentés sous la forme des quatre saisons, dont chacun aura un total minimum de deux parties. Dans ces mêmes parties, on alternera entre une phase d’exploration où nous devrons retrouver des totems qui nous permettront d’accéder à la suite du niveau et la deuxième partie qui nous amènera doucement mais sûrement, vers un combat de boss bien épique. Ces derniers ne seront pas si difficiles que ça, si vous avez l’habitude d’alterner esquive et attaque au bon moment. Là où ils seront réellement impressionnants sera dans leur mise en scène, sous forme de véritables tableaux à contempler avant de devoir briser cette harmonie. Malheureusement, la difficulté de ces mêmes antagonistes sera assez aléatoire, proposant alors un combat final légèrement moins important que celui juste avant, que nous avons davantage apprécié pour sa scénographie que pour sa difficulté qu’il proposait.
Mais que sera Neva, successeur spirituel de Gris, sans une bonne phase de plateforme. Le titre ne sera pas avare en verticalité, alternant sauts dangereux à longue distance et plateforme à timing serré. Pas de quoi, cependant, faire face à des moments à s’en mordre les doigts, car le titre n’axe pas tout son gameplay là-dessus. Nous avons eu un seul moment de difficulté lorsque notre personnage, Alba, était poursuivi par de la corruption alors que nous étions en train de grimper à un arbre et que celui-ci se disloquait à cause de la corruption. Et comme pour les boss de fin de chapitre, les phases de plateformes seront assez inégales, surtout lorsque le titre ne propose et n’invite pas réellement les joueurs à l’exploration. On se retrouve alors face à un jeu en ligne droite ou verticale, qui alterne tableaux sur tableaux dans un enchaînement de couleurs magnifiques.
Des couleurs teintées de Gris
Il y a de fortes chances qu’une partie des joueurs se laisseront séduire par le titre, non pas par l’histoire qu’il propose, mais bel et bien par son esthétique, très léchée et animée à la perfection. Alors que Gris proposait quelque chose d’extrêmement bien maîtrisé, Neva se retrouve légèrement en dessous à notre humble avis, tant les décors sont figés et aurait mérité un petit traitement supplémentaire pour rendre les tableaux proposés par le titre encore plus grandioses. Mais en toute honnêteté, nous cherchons ici la petite bête, tant les concepts art proposés sont à couper le souffle. Notons aussi que le jeu tourne en 120 FPS, là où de l’animation plutôt traditionnelle se contente généralement de 24 à 25 images par seconde. Côté paramètre graphique, étant donné que le jeu est entièrement animé à la main et est un jeu de type side scrolling horizontal, il ne vous faudra pas une machine de guerre pour le faire tourner, ni même beaucoup de place sur votre disque dur, car celui-ci pèse un peu plus de 6 Go et ne propose que trois types de qualité, passant de dessin détaillé à pixelisé.
Côté musique, même si celle-ci reste un peu à l’écart, il est tout de même important pour nous de vous la mentionner tant elle appuie le récit que nous offre Neva. De même pour le sound design global, car le personnage ne parlera qu’à travers l’appel de Neva lorsque celui-ci se trouve un peu loin de nous. De plus, et point important, Alba appellera Neva différemment en fonction des événements. Si celui-ci est à côté de nous, Alba sera plus tendre, mais si celui-ci est loin et hors de notre champ de vision, Alba sera un peu plus inquiète, voire terrifiée. Un travail de voice acting assez fort, à tel point que nous avons eu un petit pincement au cœur à un moment important de l’histoire.
Verdict : 7/10
Neva propose un voyage qui marquera à coup sûr les joueurs lui ayant donné sa chance. Avec une relation plutôt intime qui se liera avec le petit louveteau devenant, au fil des saisons, de plus en plus grand. Le titre saura satisfaire ceux qui ont un peu de temps devant eux, car c’est là le principal défaut du jeu, sa durée de vie. Là où Gris proposait une durée de vie de 5h environ, Neva pourra être terminé à 100% en un peu plus de 3h, et cela, sans réellement forcer l’exploration. Mais, qu’à cela ne tienne, Neva est un magnifique tableau. Et il ravira tous les joueurs ayant été touchés par le style de narration de Gris. Un récit qui se vit, qui se savoure et qui se partage.
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