Lorsque l’on se lance dans le test d’un jeu comme Monster Energy Supercross 4, on espère en tirer de réelles sensations, en extirper la portée organique et grisante que peuvent avoir les bonnes simulations de sports mécaniques. Oscillant entre l’arcade et la volonté de réalisme en optant pour de vrais circuits, de vrais stades, de vrais dômes, de vrais riders, de vrais sponsors et de vrais championnats, le jeu tente de trouver un périlleux équilibre pour convenir à la fois aux aficionados du genre mais aussi aux novices qui souhaiteraient s’essayer le temps de quelques heures à la supercross virtuelle. Puis, arrive la crainte principale qu’il est particulièrement difficile de réprimer : d’ans un jeu où les sponsors semblent avoir une telle place, une telle importance, quel est le dessein final ? Nous vendre un vrai jeu de supercross travaillé et préparé avec amour pour le joueur avide de sports motorisés ou nous vendre une vitrine, une publicité luxueuse pour des boissons énergisantes ? Enfourchez votre plus belle Kawasaki, découvrons plus en détails le dernier jeu développé et édité par Milestone, et en route pour les circuits les plus accidentés du championnat américain !
Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
Y a-t-il un pilote sur la supercross ?
Les débutants qui espèrent pouvoir fendre les sentiers bosselés de la forêt et de la campagne et effectuer des sauts de dix mètres en pleine nature se fourvoient et il est de bon ton de leur rappeler. Ici, pas de motocross, qui se pratique sur des circuits extérieurs, en site naturel, souvent dans des régions montagneuses et escarpées. Dans ce jeu, nous avons à faire à du supercross, une variante plébiscitée aux Etats-Unis pour son côté spectaculaire. Les circuits y sont souvent beaucoup plus courts, particulièrement intenses, et sont confinés au sein de stade, afin que les spectateurs puissent profiter de chacun des mouvements entrepris par les riders. 11 stades et 17 pistes différentes sont proposées au joueur, incluant les 7 variantes de Salt Lake City. Mais avant de rentrer dans les détails, parlons de ce qui vous attend dès les premières minutes.
Il vous sera premièrement demandé de créer votre rider que vous nommerez, que vous pourrez customiser selon le sexe, la taille, la plage de numéro portée (de 1 à 49 par exemple), le numéro fétiche (certains numéros étant déjà attribués à de vrais pilotes), ainsi que la nationalité. Puis, l’outil de customisation vous proposera de modifier la visage, les yeux, et la barbe. Chose étonnante, le jeu ne nous a en aucun cas proposé de modifier la couleur de peau. Gageons que cette feature soit incluse au moment de sa sortie, qui sera accompagnée d’un patch (qui sera plus que bienvenu). Également, il sera demandé au joueur de choisir une célébration de victoire, auquel cas celui-ci finisse premier ce qui, nous vous l’avouons, ne sera pas une mince affaire. Et bien sûr, le point primordial de toute cette étape : il sera demandé au joueur de choisir son écurie fétiche, entre KTM, Yamaha, Kawasaki, Honda, Husqvarna et Suzuki. Il y a bien quelques légères différences entre ces motos, notamment en ce qui concerne les jauges de puissance, de freinage et d’adhérence, mais ces différences sont en pratiques si négligeables qu’elles paraissent inexistantes. Quand bien même il s’agit là de quelque chose de parfaitement gadget, il est vrai que la customisation d’un personnage que nous allons contrôler, voir évoluer, choyer et accompagner lors de toutes ces parties peut paraître importante. Malheureusement, l’outil de customisation est particulièrement limité (de l’ordre d’une dizaine de coupes de cheveux différentes, par exemple), et empêche une totale implication du joueur. De même, les modélisations datées ne donnent pas envie de s’investir plus que de raison dans cette première étape imposée par le jeu.
C’est bon d’avoir des ailes
A l’issue de la phase de customisation, il sera temps pour le joueur d’entrer dans le grand bain du supercross. Il aura alors la possibilité de choisir entre un mode carrière, un mode « épreuve » composée de défis journaliers, un mode « complexe » à débloquer, ou un mode multijoueur. Nous nous intéresserons ici au mode carrière, le mode multijoueur n’ayant pas été disponible pendant ce test. Le mode carrière s’ouvre à l’image d’un FIFA. Le joueur devra choyer son rider, l’entraîner, le soigner, lui trouver des sponsors, des contrats et le faire évoluer, lui et sa moto. Attention cependant à ne pas lancer de nouvelle carrière pour le petit frère ou la petite sœur qui souhaiterait jouer conjointement à Monster Energy Supercross 4, étant donné qu’un seul slot de sauvegarde est disponible et que lancer une nouvelle carrière écrasera la partie existante. Fait amusant : écraser une carrière en en créant une nouvelle ne permettra pas de se constituer un nouveau rider, qui restera le même, avec les mêmes attributions, la même moto, mais complètement délesté de ses bonus obtenus jusqu’alors.
Une fois le mode carrière lancé, le rider pourra évoluer grâce à un arbre de compétences tout à fait classique, avec pêle-mêle la capacité de s’améliorer dans les virages, les braquages (rien à voir avec GTA), la rapidité, le freinage… Mais aussi avec la possibilité d’attribuer ces capacités à notre moto qui ne se customise pas comme on peut le faire d’une voiture dans un Gran Turismo, mais qui est, elle aussi, soumise à cet arbre de compétences. Lesdits points de compétences se gagneront au gré des courses, mais aussi au fil des entraînements (au nombre de 3 maximum entre chaque course), ceux-ci permettant de grappiller des points s’ils sont correctement exécutés. Ils permettront aussi de débloquer de l’argent virtuel en vue d’acheter des cosmétiques. En plus des courses qui auront lieu une fois par semaine, vous pourrez participer à des épreuves supplémentaires, pour la plupart facultatives, en vue d’engranger davantage de points. Il nous a paru évident qu’avec peu de compétences ajoutées à notre arbre, le gameplay était plus lâche, beaucoup moins maniable et beaucoup plus volatile. Plus les compétences sont acquises, plus le jeu devient maniable. Une stratégie somme toute assez particulière.
Le jeu dispose également d’un journal, proposant un nombre de défis ingame quotidiens, ainsi qu’un nombre de challenges non soumis à une échelle de temps, que vous pourrez tenter de remporter quand bon vous semblera. Puis, le jeu vous proposera d’effectuer vos trois premières courses afin de vous classer (manifestement, après avoir obtenu différents classements, ces courses n’ont aucune incidence sur le reste de votre carrière, et font plus office de tutoriel qu’autre chose). L’immersion, quant à elle, est (déjà) assez mise à mal du fait que le stade soit absolument comble, les gens se déplaçant pour venir assister à la course de quelques petits riders sans nom de la région, rassemblant ainsi plus de 80000 personnes. C’est fort.
Ceci fait, il ne vous restera plus qu’à vous décider entre deux championnats : le 250SX Eats et le 250SX West. Le 450SX est bel et bien disponible, mais devra être débloqué à coups de performances notables. Ne vous en faites pas, les sponsors ne seront pas regardants, et auront tous les mêmes exigences. Ils seront chacun associés à une marque de moto différente (ce qui ne changera presque rien au gameplay), et vous engageront sur une certaine série de courses. Si votre objectif fixé initialement avec eux n’est pas atteint, votre contrat ne sera pas reconduit, et c’est tout autant de sponsors qui vous tendront les bras, qu’importe vos performances. Les saisons se suivront, se ressembleront, et la monotonie s’installera aussi rapidement que la frustration laissera poindre le bout de son nez.
Parlons peu, parlons course
Nous évoquions les soucis d’immersion dans le chapitre précédent. Résumons maintenant ce qu’est une course dans Monster Energy Supercross 4. Le nerf de la guerre du jeu, somme toute. Celle-ci s’ouvrira sur une cinématique avec des effets pyrotechniques que n’aurait pas renié la Xbox 360, avec un éclairage particulièrement raté, parfois inexistant, censé mettre notre protagoniste en valeur, et par quelques soucis de cadrage parvenant à décadrer les « babes », ces femmes qui portent à bout de bras des pancartes en petite tenue, très en vogue dans ce genre de disciplines plébiscitées aux USA. À l’issue de cette cinématique (elles seront toujours construites selon le même procédé), voilà la course sur le point de commencer. Après avoir effectué quelques derniers réglages sur votre moto, vous avez la possibilité de choisir entre quelques places sur le grid, et une fois votre choix fait, la caméra effectuera un léger travelling derrière votre dos. Un travelling léger, fluide, discret, qui, d’un coup, sera pris d’un sursaut. Un sursaut intervenant toujours au même instant, 2 secondes avant que les portes s’ouvrent et que vous vous élanciez. Sachant qu’une bonne partie de la course se joue à cet instant précis du départ réussi, voilà qui met bien à mal l’équilibre du jeu. En restant attentifs, vous saurez maintenant quand lâcher l’embrayage et quand vous élancer. Pratique, mais frustrant, pour ceux qui veulent de la surprise, de la tension et du challenge. Mais ne soyez pas inquiets, du challenge, vous en aurez. Et plus que de raison.
En mode « très facile », et au bout d’une vingtaine de courses, nous ne sommes pas parvenus à finir une course autrement qu’en trônant lamentablement à la dernière position, continuant néanmoins à gagner moult points, et sans qu’à aucun moment nos sponsors ne s’inquiètent de cette situation. Pire, le trophée de meilleur espoir nous a été offert. Voilà un monde bien permissif et bien laxiste, que celui de Monster Energy Supercross 4. Ne vous en faites pas, nous nous sommes montrés meilleurs par la suite.
Au cours de la course, bien des déboires vous attendent. La maniabilité est particulièrement injuste et aléatoire. À se demander si nous pilotons une supercross ou un savon de Marseille. Parfois, on ne chute pas en faisant pourtant des mouvements audacieux et physiquement absolument improbables. D’autres fois, on chute en faisant presque du sur-place ou en engageant un peu trop vivement le joystick gauche. On chute sans motif apparent. Le jeu a aussi des aspects Super Mario, permettant de rebondir sur les adversaires après leur avoir atterri sur la tête, lors d’un saut plein d’audace. Des aspects Mario Kart également, lorsqu’une petite accélération de 15 à 30km/h à l’entame d’une bosse nous permet de sauter sur des dizaines de mètres à une vitesse fulgurante, comme si nous venions de prendre un boost qui permettrait d’accélérer. Sauf à sauter sur leurs têtes pour rebondir, le contact avec les adversaires n’a aucune incidence, tant et si bien que les motos traversent les riders tombés au sol, ainsi que les autres motos accidentées jonchant le sol. Sauf lorsque le jeu en décide autrement, une fois sur sept.
Les chutes, par ailleurs, sont assez fréquentes, et parfois inexplicables. L’occasion donnée de contempler régulièrement le ragdoll foncièrement raté du jeu (les animations sont rigides et sans vie aucune, on n’y croit pas). Une contemplation qui sera généralement de courte durée, étant donné que presque immédiatement après avoir chuté (de l’ordre de quelques millisecondes), le jeu nous repositionne à l’endroit même de notre chute, ou nous replace sur la piste en cas de contresens ou de raccourci impromptu, nous faisant néanmoins perdre de précieuses secondes, la moto repartant de son point d’arrêt. Cette idée de replacer le joueur sur les rails très peu de temps après la chute est d’ailleurs parfois exploitée à mauvais escient. Lorsqu’on sort de piste, ou pour une multitude d’autres raisons, il peut être préférable de se laisser tomber pour raccrocher au mieux les wagons. Les chutes auront d’ailleurs pour conséquence de provoquer des blessures pendant la course. Évidemment, aucune animation ne viendra nous signifier que votre rider est mal en point, celui-ci continuant sa course comme si de rien n’était, frais comme un gardon. De retour sur le menu du mode carrière, vous saurez qu’il a été victime d’une « blessure grave », et que celle-ci affectera ses performances à venir si vous ne le soignez pas à l’aide de vos dollars durement gagnés. Encore quelque chose de regrettable mettant à mal les soucis d’immersion, sur lesquels nous reviendrons plus longuement dans le dernier chapitre.
Il est également à noter que le simple fait de quitter la piste peut être sanctionné très aléatoirement. Si par aventure le joueur venait à en sortir (et avec ce gameplay hasardeux, il en sortira), il aura 5 secondes pour revenir dans le droit chemin. Il arrive régulièrement que le jeu fasse fi de son propre chronomètre, et nous recadre sur la piste sans qu’une seule seconde ne soit passée, nous faisant ainsi perdre un temps précieux. Avec une IA redoutable qui ne tombe presque jamais et fonce systématiquement tête baissée vers la victoire sans esquisser le moindre faux pas, ces imprécisions de game design peuvent être profondément frustrantes.
Il semblerait d’ailleurs que les développeurs aient eu conscience de ces problèmes de gameplay, parfois (souvent) handicapants, et ont proposé une fonction permettant de corriger le tir. Ainsi, avec une simple pression du bouton RB (manette Xbox), il nous est proposé de remonter le temps, avant son faux pas, pour pouvoir rectifier son erreur. Cette manipulation est possible trois fois au cours d’une même course. Une technique qui sonne vraiment comme un aveu de faiblesse des développeurs, comme un moyen de contrer la maniabilité plus que bancale du jeu.
La technique est un style de vie en boîte
Que serait un jeu vidéo digne de ce nom sans sa technique, sans son immersion, sans le soin apporté à chaque frame contemplée par le rider, à chaque élément méticuleusement inoculé au sound design ? Et bien il serait sans doute Monster Energy Supercross 4. Non content de proposer un gameplay à côté de la plaque, le jeu ne donne aucune miette en ce qui concerne l’ambiance et la sensation d’être plongé dans ces stades où l’atmosphère doit être particulièrement électrique. Ici, la musique (pas mauvaise, soit dit en passant), mixée très en avant, fera office de cache misère, pour combler la pauvreté du sound design, dans lequel le public réagira à rebours et comme s’il se trouvait à 13km du site. Le brouhaha de la foule sera monotone, constant et sans variation. Mieux encore, certaines courses s’effectueront sans la présence du public, dans des stades vides dans lesquels les tribunes seront bâchées. Vous entendrez alors le public de la même façon, comme s’il était là sans être là, comme si la map avait voulu que le stade soit comble. Il n’y a absolument aucune différence entre un stade vide et un stade plein de spectateurs : les gens sont là sans l’être. Nous n’évoquerons pas non plus les animations poussives du public, ça n’en vaut pas la peine.
Les motos feront toutes le même bruit (que vous preniez n’importe laquelle), et donneront rapidement l’impression d’entendre sans discontinuer une tondeuse à cheveux, tant cela manque de puissance, de pêche et de variété. Le simple fait d’accélérer quelques secondes vous fera atteindre le point de saturation du son associé à votre moto, qu’on pourrait appeler cyniquement « tondeuse.mp3 », et qui se permet le luxe d’agacer très rapidement. De même, aucun choc de moto, aucun impact, aucune chute n’est audible ou marqué au son, ramenant à l’absence totale de sensations que nous espérions pourtant trouver en commençant ce test.
Par ailleurs, le test a été effectué sur PC, mais la différence avec une version Switch n’est pas flagrante. Graphiquement, Monster Energy, qui tourne sur Unreal Engine, est franchement daté, et ne propose pas d’argument plaidant sa cause. Alors qu’on passe notre temps à rouler dans la boue, aucune trace de salissure n’apparait sur les motos, les particules sont aux abonnés absents, notre état de salissure ne module pas, la boue propulsée par notre roue défile comme si les développeurs avaient utilisés une suite de JPEG, de façon kaléidoscopique, les textures bavent et sont pour le moins grossières, et le jeu ne brille pas par la variété de ses environnements, de ses éclairages, ni de ses cadres.
Verdict : 3/10
Nous craignions que Monster Energy Supercross 4 soit surtout un prétexte pour diffuser plus largement l’image de ces boissons énergisantes qu’autre chose. Comme une publicité, une vitrine de luxe. La vérité n’est peut-être pas aussi manichéenne, binaire, toujours est-il que le résultat est loin, très loin d’être au rendez-vous. Le contenu est maigre, la durée de vie paraît limitée tant la lassitude s’installe rapidement, le gameplay est mauvais, la technique est inaboutie et oscille entre le cache-misère et l’accident industriel. La cible semble ne pas avoir été trouvée, ne pouvant convenir ni aux aficionados du genre, ni aux novices férus d’arcade, il y a finalement bien peu de choses qui rattrapent ce nouvel opus de Monster Energy Supercross. La musique pourrait en séduire certains, apportant une certaine dynamique à l’ensemble, dynamique qui tendra à s’estomper au gré des courses trop répétitives et trop fastidieuses. Amoureux de sports mécaniques, il n’y a que peu de chances que vous trouviez ici autre chose que frustration et agacement. Ainsi, nous ne pouvons décemment vous conseiller ce titre, et vous invitons à reporter votre achat sur un autre représentant du genre.
Sylvain Varlet
13 mars 2021 at 13 h 50 minLa difficulté m’a fait revendre le jeu, c’est injouable même en très facile! le Monster Energy Supercross 3 c’était pareil l’année dernière.
C’est quand même honteux de ne pas pouvoir s’amuser sur ce jeu à cause de ça!
Développeur faites quelque chose zut!