Sans doute conscient d’avoir perdu certains fans de la première heure avec les récents Final Fantasy, Square Enix s’est depuis quelques années attaché à développer des JRPG à l’ancienne et, pour ce faire, a fondé le studio Tokyo RPG Factory, dont l’ambition non dissimulée est de faire de l’oeil aux nostalgiques (pour qui un bon RPG comprend forcément des environnements 2D dans un univers heroic-fantasy avec des combats au tour par tour). Après avoir sorti le mitigé I Am Setsuna, le studio nippon nous a de nouveau concocté une aventure pleine de promesses, cette fois baptisée Lost Sphear. Voyons ensemble si le deuxième essai de Tokyo RPG Factory est transformé.
Test réalisé à partir d’un code Switch fourni par l’éditeur
Au pays du cliché
Les J-RPG répondent bien souvent à un ensemble de codes bien précis. On y retrouve fréquemment des héros à peine pubères, soit élus d’une obscure prophétie, soit amnésiques et cherchant à renouer avec leur passé qui, au fil de l’aventure, s’avère être des plus tortureux. Dans Lost Sphear, c’est presque un mix des deux. En effet, notre héros, Kanata, n’est pas amnésique mais est le seul être capable de pouvoir ramener la paix dans le monde. Depuis quelques temps maintenant, des villes, des gens, des montagnes, et des fôrets disparaissent en laissant place à un épais brouillard blanc. Notre jeune héros a le pouvoir de transformer en fragment les émotions et souvenirs des lieux ou des personnes évaporées, et ainsi faire réapparaitre ce qui a été perdu, comme explicité dans le jeu. Bien rapidement, le heune homme est repéré par l’empire, qui voudra utiliser les pouvoirs du jeune adolescent pour délivrer le monde du fléau qui s’y abat. Et comme dans tout bon JRPG qui se respecte, travailler avec l’empire ne sera pas de tout repos pour notre héros puisque, rapidement, la trahison et les plans tissés dans l’ombre feront leur apparition.
Malgré un début d’aventure plutôt intéressant, le jeu livre rapidement ses faiblesses narratives, tant n’importe quel joueur ayant déjà joué à un ou deux RPG japonais dans sa vie verra venir les ficelles du scénario à 3 kilomètres. Rien n’est franchement original, si ce n’est deux ou trois petits éléments qui viendront aggrémenter l’histoire, mais ce n’est pas suffisant pour sortir le scénario de sa torpeur. Les personnages, quant à eux… ne s’en sortent pas vraiment mieux, sans doute pas aidés non plus par une traduction française qui fait parler de la même manière les généraux, les civils, un empereur et une bande d’adolescents. D’ailleurs, le groupe de notre héros, qui etait au départ constitué de quatres ados, sera rapidement rejoint, temporairement ou non, par d’autres personnages. Des protagonistes dont il est parfois difficile de distinguer une véritable personnalité tant ils répondent tous à un archétype bien défini et ne s’en écartent jamais…
Le nerf de la guerre
JRPG oblige, Lost Sphear vous fera participer à de nombreux combats, du simple monstre jusqu’au boss. Le déroulé des affrontements se veut plutôt classique, puisqu’une jauge d’ATB (Active Time Battle) vient rythmer les combats qui se déroulent donc au tour par tour. Nos personnages ont le choix entre plusieurs compétences pour venir à bout de la barre de vie des adversaires, et en soi, tout cela n’a rien de bien original là non plus. Sauf que c’est sans doute le système de combat du titre qui vous tiendra finalement éveillé, puisque les développeurs ont eu la bonne idée de l’étoffer afin d’en faire quelque chose de plutôt insolite. En effet, au moment de valider chaque action, vous allez pouvoir déplacer le héros sélectionné, et ce afin de le faire frapper plusieurs ennemis ou essayer d’anticiper la trajectoire des attaques adverses (et ainsi limiter les dégâts reçus). Car oui, si vos héros peuvent se déplacer lors des combats, il en est évidemment de même pour les ennemis qui peuvent eux aussi blesser plusieurs de nos protagonistes. Ainsi, il faudra faire attention à ne pas mettre tous nos héros sur la même ligne, et certains mobs demanderont parfois d’adopter une stratégie particulière. De plus, une fois un ennemi vaincu ou un certain nombre d’attaques réalisées, vous allez pouvoir utiliser vos points d’actions afin de doubler vos attaques physiques, et ainsi faire plus de dégâts. Cela vous demandera un certain sens du timing, évidemment, puisqu’il faudra appuyer sur la touche Y (tout du moins sur Switch) au bon moment. Sans être d’une difficulté extrême, les combats se révèlent donc franchement plaisants.
Après quelques heures de jeu, vous obtiendrez des armures mechas (que vous avez pu tester dans la démo jouable du titre) qui, sans changer véritablement la donne des combats, vont légèrement briser la monotonie de l’ensemble et seront particulièrement efficaces contre les boss. Ces armures confèrent en effet à vos personnages plusieurs bonus et les rendent plus puissants. De plus, un certain nombre de nouvelles compétences sera alors débloqué.
À la recherche des souvenirs du passé perdu
Comme dit plus haut, Kanata est le seul être humain de ce monde a pouvoir transformer les souvenirs et les émotions en fragment, qui pourront ensuite être utilisés afin de faire revenir ce qui a été perdu (et transformé en brouillard blanc). Ce principe a forcément un impact direct sur le gameplay, notamment sur l’exploration puisque presque chaque zone visitée par le joueur vous demandera de faire revenir quelque chose, qu’il s’agisse d’un pont, d’une maison, d’un PNJ, etc. Et pour trouver les éléments nécessaires à la création des fragments, la réponse est en générale assez simple… Il va falloir abattre du monstre. En effet, lors de chaque fin de combat, vous allez pouvoir récupérer sur les dépouilles des adversaires un certain nombre d’objets et, bien souvent, les ennemis laissent derrière eux des souvenirs de différents types, qui vous permettront de débloquer certains passages. L’exploration prend ainsi une saveur particulière puisqu’il est presque impossible de ne pas faire le tour complet des zones, ce qui est finalement plutôt intéressant. La carte du monde, quant à elle, reprend le même principe puisque là aussi des zones seront « perdues ». À vous de les faire revenir en réveillant certains sanctuaires, qui vous donneront en plus certains bonus plutôt utiles (courir plus vite sur la map, taux de coup critique plus élevé…).
Mais les souvenirs que les monstres vous laissent ne serviront pas qu’à l’exploration uniquement. En effet, dans chaque ville, vous allez pouvoir les échanger auprès des mages pour obtenir de nouvelles compétences à équiper sur vos personnages. Chaque héros se révélera ainsi unique, puisqu’il n’est pas possible de toutes les équiper sur tous les persos. Cela a pour avantage de permettre aux joueurs de personnaliser son équipe et, surtout, de rendre chaque personnage plus ou moins marquant, chose que le scénario et les dialogues d’une manière générale n’arrivent pas à faire.
Les villes sont bien souvent, dans les jeux du genre, des lieux incontournables. Car en plus de permettre à notre groupe de se reposer, elles sont aussi l’occasion d’acquérir de nouveaux équipements et de faire le plein d’objets de soin. Chaque cité dispose ainsi de son vendeur d’armes et armures (qui fera également office de forge puisque vous allez pouvoir y améliorer votre équipement). Chaque pièce d’arme et d’armure peut ainsi être améliorée une bonne dizaine de fois, ce qui rend leur durée de vie dans votre équipement beaucoup plus longue. Ainsi, vous n’allez pas équiper directement la nouvelle épée obtenue sur la dépouille d’un boss ou dans un coffre caché, puisqu’avant qu’elle s’avère véritablement efficace il faudra au préalable l’améliorer. Un système de craft plutôt simple en somme mais qui fait tout à fait son office. En outre, certains éléments d’améliorations s’avèrent plutôt compliqués à trouver et demanderont quelques sessions de farms plutôt bienvenues.
Sur place ou à emporter?
Nous avons réalisé ce test sur la version Switch de Lost Sphear et avons passé quelques heures sur le jeu, autant dans sa version portable que dans le dock. Pour être honnête, les deux versions se valent totalement. On est habitué à voir la version portable des jeux Switch faire des concessions sur la résolution mais, ici, ce n’est pas du tout visible. Certes, le jeu n’est pas une prouesse graphique de toute façon, donc le contraire aurait probablement été gênant, mais il reste néanmoins plaisant de voir que le confort de jeu est aussi bon, peu importe comment l’on y joue.
Comme dit à l’instant, graphiquement le jeu ne brille pas le moins du monde. Mais ce n’est toutefois pas son objectif. Il n’empêche, la patte artistique du titre de Tokyo RPG Factory a tout de même bénéficié d’un soin tout particulier, notamment dans les villes, où certaines nous ont quand même pas mal fait penser à Final Fantasy VI. Cependant, la plupart des zones ne se démarquent pas, là non plus, grâce à leur originalité. Le studio a joué à fond la carte de la nostalgie et cela se ressent. Il en est de même pour le bestiaire qui s’avère… banal. La bande-son, quant à elle, est plutôt satisfaisante mais ne marquera en rien le monde du jeu vidéo. Qu’on se le dise, aucun thème ne reste en tête une fois la console éteinte.
Verdict 6/10
Lost Sphear est sans aucun doute de meilleure qualité que le premier essai du studio, baptisé I am Setsuna. L’univers y est bien plus digeste et le système de combat fonctionne à merveille. Cependant, à trop vouloir jouer sur la fibre nostalgique des joueurs, le jeu n’arrive finalement pas à se dépêtrer des clichés du genre, cela finissant même par nuire à l’aventure que le titre propose. Néanmoins, le jeu ne se prend pas au sérieux et nous raconte son histoire sans fioriture. Alors ce soft est-il à conseiller ? Oui, si vous êtes prêt à passer outre une histoire ban(c)ale et des mécaniques déjà vues, et surtout, si les JRPG de Papa vous manquent. Lost Sphear n’est clairement pas un grand jeu, mais il vous occupera suffisamment pendant vos soirées d’hiver pour passer ne serait-ce qu’un bon moment.
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