On vit à la vitesse de la lumière ces temps-ci chez Ryu Ga Gotoku. Certes, le studio a toujours eu un rythme soutenu, mais depuis 2015 et la sortie de Yakuza 0, tout semble s’accélérer, le studio alternant entre remasters et épisodes inédits. Alors que nous testions le septième épisode canonique de la série Yakuza l’année dernière, Lost Judgment vient toquer à la porte pour cette fin d’année 2021. Faisant suite à Judgment étant sortie il y a près de trois ans, ce spin-off nous met dans la peau de Takayuki Yagami, détective et héros du premier opus. Alors que Judgment était en scelle pour devenir une grande série, SEGA et Ryu Ga Gotoku se sont retrouvés en conflit face à l’agence de l’acteur Takuya Kimura (Takayuki Yagami) concernant une sortie PC. Cela a été soldé par un refus De ce fait, l’avenir des jeux estampillés Judgment (Judge Eyes au Japon) semble compromis. Doit-on voir Lost Judgment comme une tombée de rideau prématurée ? Si oui, est-il un épisode de conclusion qui nous laissera un souvenir durable ? On y répond ci-dessous.
Test réalisé sur PS4 grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
Back to school
Après s’être frotté à une histoire mêlant pègre, politique et un soupçon d’univers médical, c’est une autre affaire qui va tenir occupé notre bon vieux détective. Un cadavre en état de décomposition avancé est découvert par les pompiers de Yokohama après que ces derniers se soient rendus sur les lieux d’un supposé incendie. Il sera révélé bien vite que le défunt est en réalité un professeur stagiaire du lycée d’Ijincho ayant disparu quelques semaines auparavant. Au même moment, un ancien policier est arrêté à la gare pour tentative d’agression sexuelle, Ehara. Il s’avère que ce dernier est le père d’un jeune lycéen d’Ijincho, s’étant donné la mort suite à du harcèlement dont le professeur était en partie responsable. Coïncidence ? Cela va être ici tout l’enjeu que devra résoudre notre ami Takayuki Yagami, dans une enquête qui le fera voyager entre le quartier de Kamurocho et celui d’Ijincho dans la ville de Yokohama.
Parmi les quelques points noirs que l’on pouvait reprocher à Judgment premier du nom, c’était sa trop grande proximité avec les thématiques de la série canonique. Comprenez par-là que le jeu nous promettait une nouvelle vision de la série au travers du personnage de Takayuki Yagami et de son rôle de détective, pour au final nous conter une énième histoire de Yakuza. Cela pouvait d’ailleurs remettre en cause l’idée même du spin-off si la soupe était la même en fin de parcours. Avec Lost Judgment, la série prend un peu plus ses distances avec le milieu de la mafia nippone et ça fait du bien. Bien sûr, vous vous rendrez bien vite compte que l’univers de la pègre n’est jamais très loin mais la dimension yakuza est bien plus en retrait. Par légers moments, Lost Judgment se donne des airs de GTO (Great Teacher Onizuka), avec son environnement scolaire composé d’enfants turbulents que Yagami devra mater. Malgré la cadence de sortie des jeux, Ryu Ga Gotoku Studio ne sacrifie pas le scénario. Encore une fois, l’histoire proposée par Lost Judgment s’avère riche et crédible avec une multitude de personnages soignés. La force de Ryu Ga Gotoku Studio est son aise à mêler des thèmes sérieux, voire dramatiques, avec d’autres passages plus humoristiques, même si le second degré est peut-être moins présent dans la saga Judgment qu’il ne peut l’être dans Yakuza. Pour la première fois, Ryu Ga Gotoku proposera un contenu histoire en DLC dédié à Kaito, l’associé de Takayuki Yagami. Il est bon de souligner que, malgré ce contenu futur, l’histoire offerte avec Lost Judgment ne semble en rien incomplète.
Si Lost Judgment nous sert une nouvelle affaire bien ficelée, on se demandera encore une fois l’intérêt des phases d’investigation. A l’image de son aîné, Lost Judgment vous permettra de mener l’enquête comme le bon détective que vous êtes. Relever des témoignages et des indices sur une scène, ou bien montrer ces mêmes évidences aux personnages concernés. Si la quête d’informations peut avoir son petit effet et donne quelque peu l’impression d’alterner les gameplay, la question se pose plus quand il s’agit de présenter des preuves lors de dialogues. Tout comme dans Judgment, montrer des preuves à vos interlocuteurs fera avancer l’intrigue, sauf qu’il est impossible de se tromper. Comprenez par là que présenter la mauvaise preuve n’aura aucun effet sur le gameplay et encore moins sur le déroulement du scénario. Tout au plus, vous vous ferez gentiment rembarrer jusqu’à ce que vous présentiez le bon élément. De ce fait, il aurait été peut-être plus judicieux de laisser Yagami présenter lui-même les preuves que vous aurez déniché au préalable. En l’état, ces phases cassent le rythme et donnent l’impression de grappiller du temps de jeu supplémentaire de manière superficielle.
Ryu Ga Gotoku Studio, les pros du recyclage ?
Vous aurez peut-être remarqué que les nouveautés pouvaient souvent se compter sur les doigts d’une main d’un opus à l’autre. C’est surtout vrai concernant les environnements proposés, le quartier de Kamurocho étant un incontournable. Avec Lost Judgment, le spin-off de Yakuza vous embarque dans une intrigue prenant place dans deux quartiers : Kamurocho et Ijincho. Ijincho ? Ce nom vous dira peut-être quelque chose. Vous avez-vu juste, il s’agit bien de l’aire de jeu principale que nous proposait Yakuza: Like a Dragon l’année dernière. Si cela permet au studio de pouvoir conserver son rythme soutenu, le manque de nouveautés flagrantes peut commencer à faire tâche. De plus, le fait de proposer deux zones de jeu dans lesquelles le joueur pourra aller et venir à sa guise, semble avoir eu raison de certaines activités désormais non disponibles. Pour les autres qui auront survécu, on retrouve les traditionnels restaurants, jeux de majong, shogi, batting centers et autres salles d’arcade. S’adonner à ces activités, se battre ou encore remplir des missions vous donnera accès à des points que vous pourrez investir dans différentes features et techniques disponibles depuis votre téléphone, exactement comme dans l’opus précédent.
Concernant l’arcade, justement, nous vous parlions du manque de nouveautés ici aussi lors de notre test de Yakuza 7. Avec non plus deux mais quatre salles disponibles en additionnant les deux quartiers, on aurait pu espérer que Ryu Ga Gotoku Studio mette le paquet en proposant plus de titres, avec des jeux inédits d’un lieu à l’autre. Que nenni ! A l’exception de Motor Raid exclusif à Kamurocho et un nouveau rail shooter semblable au Kamurocho of the Dead dans le quartier d’Ijincho, vous retrouverez les mêmes bornes dans les deux quartiers. Là encore, la nouveauté se présente avec l’ajout de Sonic the Fighters au milieu d’autres jeux vus et revus dans divers épisodes. Où sont les SEGA Rally ? Virtua Cop ? Daytona USA ? Last Bronx et autres grands noms de l’arcade des années 90 de SEGA ? Bon, ne crachons pas totalement dans la soupe. Pour la première fois, il nous ait aussi donné l’occasion de (re)découvrir l’ère 8-bit avec la Master System. Pour rappel, la Master System était une console de salon 8-bit et concurrente à la fameuse NES de Nintendo. Les aficionados et nostalgiques du rétrogaming pourront s’essayer sur une dizaine de titres, dont le célèbre Alex Kidd in Miracle World, jeu intégré directement dans la console si vous la lancez sans cartouche. La contrepartie de cette ajout réside dans la suppression du flipper présent dans le bureau de Yagami dans Judgment. Peut-être pas un gros manque, mais il aurait été appréciable que les flippers trouvent leur place dans les salles d’arcades. Cependant, avec l’arrivée de la console 8-Bit dans les jeux sous licence Ryu Ga Gotoku, peut-on s’attendre à des jeux Megadrive ou encore Sega Saturn dans un futur proche ? Voilà qui pourrait être intéressant.
Des nouveautés tout de même !
Dans un besoin de renouvellement de sa licence phare, Ryu Ga Gotoku Studio décida d’abandonner le Beat’em All traditionnel cher à la série pour une approche RPG avec des combats au tour par tour et en temps réel. Si l’idée fût bonne, elle inquiéta aussi les puristes soucieux de ne plus pouvoir bastonner à tout vas en matraquant sa manette. S’il est décidé que Yakuza gardera ce nouveau système de combat implanté avec Yakuza: Like a Dragon, Judgment, quant à lui, maintiendra cette composante Beat’em All beaucoup plus classique. On y retrouve les grandes lignes de Judgment premier du nom. Les deux postures de la Grue et du Tigre sont de nouveau de la partie, et on accueille un petit nouveau : le Serpent, style de combat permettant de contre-attaquer vos adversaires. Les finishers très classes font également leur grand retour. Si la plupart de ces derniers étaient déjà présents dans les précédents jeux de Ryu Ga Gotoku Studio, on notera tout même quelques petits nouveaux qui en mettent toujours autant plein la vue. Outre le retour du système de combat à l’ancienne, on notera aussi une refonte du système de filature. Anciennement dans Jugdment, un halo lumineux vous montrait où vous pouviez vous positionner afin de disparaitre aux yeux de votre cible. Dans Lost Judgment, le choix est laissé beaucoup plus libre. Vous pouvez vous adosser ou vous couvrir derrière pratiquement n’importe quelle surface allant du mur à la carlingue d’une voiture. Si par hasard votre cible se retournait et vous n’aviez rien de très convaincant pour vous mettre à couvert, il sera toujours possible de sortir votre portable afin de jouer les touristes. Attention ! Son utilisation est limitée et à trop l’utiliser, votre cible pourrait voir venir la supercherie et prendre ses jambes à son cou !
Si la filature s’avère plus sympathique qu’auparavant, on ne pourra pas en dire autant des quelques phases d’infiltration en intérieur. N’y allons pas par quatre chemins, elles sont d’un autre temps. Elles laissent, malheureusement, peu de place à la créativité et se cantonnent à un chemin unique où il faudra crocheter des serrures, éviter quelques éléments sur le sol pour ne pas réveiller un garde endormi ou encore utiliser des pièces de monnaie ou bombes fumigènes afin de passer dans le dos des malfrats avec parfois, mais pas toujours, la possibilité de les neutraliser. Fort heureusement, elles ne sont pas légion et jamais très longues ce qui évite un sentiment d’ennui et de frustration. Afin de mener à bien ses diverses enquêtes, Yagami se voit assigner du nouvel équipement. En plus du drone déjà présent auparavant, Yagami aura également accès à un amplificateur de son, un détecteur de signal électronique et même d’un chien détective sous la forme d’un Shiba Inu, chien très populaire au Japon. Bien sûr, chaque ajout sera mis à contribution pour des types de missions bien particuliers.
Autre petit ajout, plus anecdotique cette fois, la possibilité de parcourir les rues en skate. Cela vous permettra de vous déplacer un brin plus rapidement et d’effectuer quelques figures et grind sur des surfaces appropriées. Le bémol, Yagami quitte son skate dès qu’il passe sur les trottoirs. Une autre modification majeure qui devrait ravir 99,9% des fans est la disparition des blessures dites mortelles. Rappelez-vous, ces blessures étaient dues à un tir par balle ou encore d’un coup de couteau. Ces blessures consommaient votre barre de santé de façon permanente, l’unique condition pour s’en débarrasser étant de payer une visite au médecin des égouts ou encore de lui acheter des trousses de soin à un prix ridiculement élevé. S’étant rendu compte que c’était tout sauf « fun », Ryu Ga Gotoku Studio a donc passé cette feature à la trappe et c’est pas plus mal.
Le Dragon Engine, déjà à bout de souffle ?
Arrivé avec la sortie de Yakuza 6: The Song of Life, puis adapté sur Yakuza Kiwami 2, Yakuza: Like a Dragon et Judgment, le Dragon Engine apporta un dépoussiérage plus que bienvenue. Le nouveau moteur fût l’occasion de supprimer bon nombre de temps de chargements en offrant la possibilité d’entrer et sortir de moult bâtiments instantanément, mais aussi d’apporter diverses améliorations techniques. Malheureusement, les faiblesses du moteur commencent aussi à se faire sentir de plus en plus au fur et à mesure des sorties, le plus flagrant étant ses soucis de framerate. Les quartiers étant généralement très peuplés, il n’était pas rare de subir quelques saccades, notamment dans les artères principales. N’ayant peut-être pas trouvé d’autres moyens d’optimiser son moteur pour Lost Judgment, Ryu Ga Gotoku Studio a pris une décision plutôt radicale en vidant massivement ses rues des piétons. Le jeu ayant été testé sur PS4, nous ne savons pas à l’heure actuelle si le résultat s’avère similaire sur PS5 ou Xbox Series. Néanmoins, on ne peut que constater un rendu plus tristounet des rues de Kamurocho et Ijincho. On retrouve aussi les mécaniques poussiéreuses que nous avions déjà souligné par le passé, à savoir un rendu un poil inégal entre les environnements de jour et de nuit, quelques soucis de clipping ou encore ces nombreuses cutscenes ne comportant rien d’autres que de brèves onomatopées de la part des protagonistes ainsi que des animations faciales et gestuelles d’un autre temps. L’ère PS4 et Xbox One arrivant doucement mais sûrement à terme, on peut espérer une refonte du moteur maison de SEGA qui profiterait pleinement des capacités des machines sans avoir à se limiter pour être toujours jouable sur l’ancienne génération. Malgré ce petit bémol, la réalisation globale reste très satisfaisante avec un jeu d’acteur toujours aux petits oignons lorsqu’il s’agit de véritables cinématiques. Comme d’habitude, priorité à la version japonaise pour ce qui est du doublage afin de vivre au mieux l’expérience au cœur de la société nippone, pour un jeu qui ne devrait pas vous laisser indifférent.
Verdict : 8/10
Malgré la présence de défauts, et parfois persistants d’un épisode à l’autre, Lost Judgment parvient à nous les faire oublier en nous proposant une aventure prenante dont Ryu Ga Gotoku Studio a le secret. Nous avons droit à une suite supérieure à son aîné et qui prend un peu plus ses distances avec la série canonique, ce qui n’est pas un mal. Le titre nous offre aussi un contenu généreux comme toujours. Entre son intrigue principale, ses nombreuses quêtes annexes et activités diverses, nul doute que Lost Judgment est parti pour vous embarquer dans les rues de Kamurocho et d’Ijincho pendant des heures. Le spin-off connaissant quelques turbulences avec le désaccord entre SEGA et l’agence gérant les relations avec l’acteur incarnant Takuya Yagami, il serait vraiment dommage que cet opus signe le clap de fin, la série démontrant un réel potentiel.
Laisser un commentaire