Bien loin de n’être qu’un simple jeu de plateau réservé aux « vrais geeks » comme diraient certains, Dungeons & Dragons a influencé un bon nombre de joueurs et de joueuses désormais à la tête de studio de développement ou bien réalisateurs. Si les frères Duffer ont fait de D&D leur base scénaristique pour la série à succès Stranger Things, ils ne sont pas les seuls à utiliser les mécaniques du jeu ou même son ambiance. Dans les jeux vidéo, c’est aussi le cas de très nombreux titres, dont on ne fera pas la liste complète ici, qui trouvent une aura similaire à D&D. À cette idée, nous pourrions mentionner par exemple Legend of Keepers, un titre développé par les français de chez Goblinz Studio, sur lequel nous avons mis les mains pendant plusieurs heures, dans sa version Nintendo Switch.
Test réalisé sur Nintendo Switch grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
D&D style !
Si pour beaucoup, Dungeons & Dragons se résume au simple fait de la présence de dragons dans un donjon, c’est avant tout l’ambiance que le jeu de plateau transfigure ainsi que ses mécanismes qui fascinent les acteurs vidéoludiques d’aujourd’hui et de demain, et ce depuis de nombreuses années. Dans ce sens, avec Legend of Keepers, on retrouve un tantinet cette aura D&D que l’on apprécie fortement et qui constitue un élément même du titre de Goblinz Studio. Mais au lieu de filer cette métaphore sur encore de nombreuses et nombreuses lignes, intéressons nous réellement à Legend of Keepers, que nous avons pu approcher grâce à son portage sur Nintendo Switch.
Avec Legend of Keepers, les développeurs français distillent de l’originalité via le contrepied scénaristique que le titre propose : en tant que joueur, nous ne sommes pas positionnés du côté des héros cette fois-ci. En effet, nous incarnons plutôt le Mal puisque nous sommes le gérant d’une garnison composée de créatures maléfiques diverses (Gobelins, mages, etc.). Une carrière de faiseur de jeu est donc entamée. Vous l’aurez compris, notre objectif n’est donc pas de sauver une belle princesse ou de récupérer un beau butin mais plutôt d’empêcher les héros d’accéder au trésor du donjon. Résumé en ces quelques lignes de façon assez simpliste et rapide, ne vous méprenez pas : ce scénario prenant la tangente, comparé à d’autres softs du même style (Darkest Dungeon par exemple) est réellement intéressant. Cela apporte un vent de fraîcheur au genre jeu de rôle stratégique, voire roguelite, avec notamment une dimension gestion et surtout beaucoup d’humour.
Au sein d’une même campagne, Legend of Keepers se divise en deux phases distinctes : les combats en eux-mêmes ainsi qu’un pan en tant que manager (nos conseils pour bien débuter à cette adresse). Dans cette dernière phase, nous sommes amenés à gérer notre garnison de créatures en les faisant se reposer au besoin, rencontrer un psychologue ou le médecin, aller piller des villes/villages ou bien participer à des événements aléatoires. Durant ces différents moments, vous aurez alors la possibilité de booster les statistiques de vos antagonistes, leur faire passer des niveaux, récolter des ressources nécessaires, etc. Dans certains cas, vous pourrez également recruter d’autres créatures afin de remplir les rangs de votre garnison. Évidemment, il y a davantage d’activités proposées mais nous vous laissons les découvrir. Toutes celles-ci sont réparties en fonction des semaines et s’écoule selon un agenda précis. Cette dimension gestion nous a extrêmement plu et est bien amené au sein de l’aventure. Ces moments sont aussi décisifs que les affrontements contre les héros et ils ne sont pas à négliger tant ils sont importants pour le reste de l’aventure et aussi assez longs. Ils apportent un vent de fraîcheur tout en ayant un sens intéressant et cohérent pour l’ensemble. Cela fait tout tout autant le sel de Legend of Keepers que ses affrontements.
Pour les phases musclées, soient les combats, nous devenons un meneur de troupes et devons empêcher la progression des héros. Pour cela, plusieurs moments de préparation : installation de pièges de notre choix, positionnement de nos créatures pour un affrontement en tour par tour, placement à nouveau d’un piège, un combat entre héros et forces du mal puis salle du trésor gardé par le boss. Sans oublier, une étape qui ne relève pas de notre pouvoir : le choix, au cours de l’affrontement, d’un sort. Évidemment, ce schéma ne se présente pas forcément dans cet ordre précis mais reste relativement le même. Par exemple, en ce qui concerne les pièges, vous pouvez choisir un élément infligeant des malus (poison, feu, saignement, moral) ou bien miser sur des attaques avec des dégâts de zone. En ce qui concerne l’affrontement au tour par tour, il faudra bien évidemment placer ses créatures en fonction de leurs caractéristiques et attaques : vous le savez probablement déjà mais positionner un guerrier Gobelin archer en première ligne n’est pas une bonne idée. Là encore, les habitués aux jeux de combat au tour par tour retrouveront leur marque. Le but ultime étant bien évidemment de tuer les héros ou les mener à la fuite (en faisant baisser leur jauge de moral, par exemple) le plus rapidement possible. Au cas où ces derniers persistent jusqu’à la salle du trésor, c’est au tour du boss de rentrer en scène et d’infliger des dégâts impressionnants. Notez qu’il existe plusieurs boss dans Legend of Keepers mais il convient de les débloquer au préalable en jouant un certain nombre d’heures avec l’Esclavagiste pour commencer.
De ce fait, et avec ce résumé, on se rend très vite compte que Legend of Keepers s’inspire des plus grands titres du genre tout en apportant sa propre touche d’originalité. Si les affrontements purs contre les héros ou champions reprennent les codes connus du combat au tour par tour, les autres éléments de gameplay du soft de Goblinz Studio sont là pour apporter un peu plus de fraîcheur et lui permettent de tirer son épingle du jeu. La partie gestion, prenant une part importante tout au long de l’aventure, est l’occasion pour les joueurs de mener des préparatifs minutieux, de profiter d’un humour qui saura faire (sou)rire, etc. Autant dire que du côté du gameplay, Legend of Keepers saura plaire aux amateurs du genre. Malheureusement, tout cela induit malgré tout de la répétitivité et le soft ne parvient pas réellement à sortir du carcan schématique de sa propre proposition de jeu.
Un dur labeur, de tous les instants
Fait marquant et que nous avons mentionné précédemment : le fait que pour découvrir les autres campagnes, il faille absolument traverser plusieurs niveaux, soit 5 au total, avec le premier boss. C’est un peu dommage car il aurait été probablement plus judicieux de permettre aux joueurs d’accéder à ces autres pans de l’aventure, à travers les deux boss supplémentaires, plus tôt afin de ne pas le lasser trop rapidement. D’autant plus que si votre campagne en cours se solde sur une défaite, il faut bien évidemment la recommencer depuis le jour 1. Notez que l’on obtient quand bien même quelques récompenses, à défaut de la sauvegarde de notre progression. En dehors de cela, Legend of Keepers se veut tout de même répétitif et c’est un élément de gameplay voulu et assumé depuis le début.
Au fil des heures de jeu, on se rend très vite compte que, malgré la diversité des activités durant la phase de gestion et les différentes créatures composant notre garnison, nous faisons toujours les mêmes choses : parcourir l’agenda, préparer des batailles et recommencer jusqu’à arriver à la dernière semaine de l’agenda et l’affrontement final avec le Champion héroïque. Bien évidemment, ne vous y trompez pas, la difficulté est au rendez-vous. D’où l’importance d’une bonne préparation, comme nous vous l’avons indiqué précédemment. Dans l’idée, on aurait aimé que la progression au sein de l’aventure globale soit plus équilibrée et moins longue afin de rompre avec le sentiment de lassitude s’installant progressivement.
Par ailleurs, la direction artistique typée Pixel Art fait de véritables merveilles à l’écran. Les sprites proposés sont d’un travail remarquable et on se plaît réellement à découvrir les spécificités physiques des créatures maléfiques au fur et à mesure qu’on les débloque. Selon nous, ils se démarquent beaucoup plus que les modélisations des héros, et cela attire l’attention. Nous avons aussi apprécié le design des différents pièges, les animations dynamiques de certaines attaques et l’allure des boss qui puise à la fois dans l’imaginaire fantastique classique tout en ayant une petite touche personnelle propre au studio français. Ainsi, côté direction artistique, rien à dire : Legend of Keepers est un régal pour les yeux, si tant est que l’on aime le Pixel Art évidemment. Par ailleurs, la BO accompagne très bien le soft. En revanche, le portage sur Nintendo Switch pourrait déranger quelques joueurs et joueuses du fait de la taille de police utilisée : en mode portable, les écrits sont réellement petits. C’est dommage car tous les éléments et informations affichés à l’écran sont nécessaires, surtout durant la phase de préparation et des affrontements. D’autant plus que Legend of Keepers se prête très bien aux petites sessions de jeu, installé confortablement dans son lit/canapé ou bien dans les transports en commun (pour peu que votre trajet soit un peu long, tout de même). Fait non répertorié en mode docké, il est donc préférable d’y jouer ainsi. Par contre, la console est fiable et le soft se comporte très bien sur le dernier bébé technologique de Nintendo.
Verdict : 7/10
Legend of Keepers est l’un de ces jeux qui reprend les codes connus d’un genre tout en apportant sa propre touche : le gameplay des combats au tour par tour n’est pas une nouveauté en soi. Pour autant l’enrobage du soft, notamment la partie gestion et l’humour, permet de passer de bonnes heures de jeu. Sa direction artistique est tout autant plaisante et agréable à l’oeil qu’elle fera plaisir aux amoureux du Pixel Art. En revanche, le système de progression ne rend pas réellement service au jeu puisqu’il renforce sa répétitivité et ça c’est dommage. Le portage sur Nintendo Switch est tout à fait convaincant tant la console fait très bien tourner le titre de Goblinz Studio mais le mode portable rend la lisibilité de certaines informations moindre et plus dérangeante.
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