Au milieu de toutes les grosses sorties de ces dernières semaines, il est facile de passer à côté de jeux moins médiatisés mais néanmoins prometteurs. C’est le cas de Kona, qui était en accès anticipé sur Steam depuis déjà une bonne année. Avec son ambiance sombre, son sentiment de solitude et ses énigmes à résoudre, le titre développé par Parabole avait de quoi se placer comme un projet à surveiller de près. Maintenant qu’il est définitivement sorti, il est temps de savoir s’il tient -ou pas- toutes ses promesses. Forêt, neige, caribou et bon feu de cheminée… tout est prêt pour une petite virée au Canada.
Test effectué sur PS4 à partir d’une version fournie par l’éditeur
Tout commence au volant d’une voiture dans la peau d’un certain Carl Faubert, qui se rend dans le village de Atamipek Lake, au nord du Canada. Notre protagoniste est un détective privé qui a été engagé par un riche industriel du nom de William Hamilton, afin d’enquêter sur des actes de vandalisme sur sa propriété. Bien entendu, rien ne va se passer comme prévu. Avant d’arriver sur place, nous essuyons un accident de voiture alors qu’un chauffard fonçait à toute allure droit devant nous. C’est là que les choses se gâtent et que nous arrivons dans la bourgade vide, que les habitants ont quitté précipitamment à cause d’un blizzard qui ne s’arrête jamais. De plus, un meurtre a été commis et plusieurs faits surnaturels sont à déplorer. L’intrigue est posée et l’aventure peut enfin commencer.
Survivre ou mourir… d’ennui
Pour plus d’immersion, Kona adopte un point de vue à la première personne plutôt bien intégré. Ici, ne vous attendez pas à des phases de shoot à la Call of Duty, mais plutôt à l’exploration d’un terrain de jeu enneigé et parfois un peu austère. Le but est donc de mener une enquête en étudiant scrupuleusement l’environnement autour de nous. Certains lieux renferment des secrets plus ou moins cachés qu’il faudra parfois photographier afin de remplir notre journal de bord. Tout ce que nous trouvons au fur et à mesure de notre progression y est mentionné. De nombreux documents sont aussi dispersés à travers le village. Ils permettent d’en apprendre plus sur les habitants, sur le background ainsi que sur les événements troublants qui se déroulent actuellement. Nous sommes donc avant tout en présence d’un jeu d’investigation au rythme lent et qui peut même parfois sembler un peu ennuyeux. Non pas que le scénario soit mal ficelé, bien au contraire. Ce dernier se montre des plus convaincants, mais la solitude additionnée à une bande originale monocorde (et à des déplacements assez lents) peut parfois faire soupirer. Ce n’est pas forcément un gros défaut puisque Kona reste un jeu qui se veut intimiste, en cherchant à isoler le joueur qui se retrouve livré à lui-même.
Alors que tout laisse à penser que nous sommes en présence d’un titre d’exploration pure, ou même carrément d’un « simulateur de marche », le jeu développé par Parabole possède un aspect survie des plus inattendus. Le joueur devra surveiller trois jauges s’il veut poursuivre l’aventure dans de bonnes conditions. Il y a dans un premier temps la santé qui diminue si notre personnage encaisse des dégâts (un grand classique) mais également la jauge de stress, qui baisse si notre héros fait face à des situations tendues, comme affronter des ennemis notamment. Plus elle est basse, moins Carl peut courir longtemps, ce qui peut s’avérer handicapant pour fuir. Enfin, il y a la jauge de froid, qui tombe progressivement à zéro si nous nous baladons trop longtemps dans le blizzard omniprésent à l’extérieur. C’est avec cette dernière qu’apparaît une composante essentielle de Kona : le feu ! Un peu partout dans le village, il sera possible d’allumer des cheminées ou même des feux de camp pour se réchauffer. Il s’agit d’un aspect essentiel du gameplay car si notre héros a trop froid, c’est le game over pur et simple. Il est donc important de trouver ces sources de chaleur, généralement placées dans des endroits sûrs et permettant de déclencher une sauvegarde automatique. Cependant, ne pensez pas qu’il faille seulement s’asseoir tranquillement devant les flammes pour en profiter, non ! Tout d’abord, cela peut paraître évident, mais il faudra commencer par allumer notre petit coin de paradis.
Y a pas le feu…
Une bûche, un allume-feu et une allumette, voici la recette pour faire jaillir des flammes. Il faut donc fouiller placards, poubelles et autres endroits saugrenus pour trouver ces éléments (et d’autres collectibles comme des trousses de soin, des bouteilles ou même de l’alcool). Divers objets sont aussi nécessaires pour confectionner une motoneige par exemple. Nous retrouvons là un petit aspect craft, certes pas très approfondi, mais tout de même bien implanté dans un titre qui veut nous mettre dans la peau de quelqu’un qui se bat pour survivre. Des armes répondent aussi à l’appel, même si les affrontements sont finalement peu nombreux (seuls des loups font office de menace). Ne vous attendez donc pas à des séquences proches de celles offertes par les FPS les plus spectaculaires. Ici, les combats peuvent être généralement évités, et ce n’est pas un mal étant donné la visée très imprécise imposée par le soft. La conduite tient aussi un rôle majeur puisqu’il faudra constamment prendre le volant pour accéder aux maisons du village. Si le trajet peut être réalisé à pied, le voyage est vite long et rébarbatif sans véhicule (même si cela peut permettre parfois de découvrir des lieux cachés). Les contrôles de la voiture sont néanmoins assez délicats, tout d’abord à cause de la vue à la première personne (qui n’est pas facile à appréhender pour les joueurs n’ayant pas l’habitude des jeux de course), mais aussi à cause de la tempête qui ne permet pas de voir loin devant soi. Enfin, la maniabilité se veut assez rigide, estimons-nous donc heureux que peu d’obstacles viennent nous barrer la route.
Deux autres particularités viennent corser sensiblement notre progression, et ce n’est hélas pas toujours volontaire. Tout d’abord, la carte n’est pas affichée dans un menu dédié. Le joueur devra s’en équiper afin que le héros la prenne dans ses mains pour l’étudier. Il faudra alors parfois mettre à l’épreuve notre sens de l’orientation pour s’y retrouver. Un aspect intéressant qui rappelle un peu Firewatch cela dit. Kona propose enfin une seconde « difficulté » dont on se serait bien passé, à savoir l’inventaire. Si ce dernier se présente seulement sous forme de roue, il possède également un indice d’encombrement. Durant la partie, nous ramassons beaucoup d’objets et il n’est pas rare d’être rapidement surchargé. Il devient alors impossible de collecter d’autres matériaux qui peuvent hélas être importants… Heureusement, notre véhicule sert aussi de support de stockage, et permet donc de se débarrasser du trop-plein, mais il n’est pas rare que notre monture mécanique soit un peu loin. Il faut alors réaliser des allers-retours assez rébarbatifs pour la rejoindre. Le rythme du jeu, déjà lent au demeurant, s’en trouve encore ralenti, ce qui peut décupler la sensation d’ennui décrite plus haut. Heureusement, Kona a un sérieux argument à faire valoir pour garder le joueur impliqué.
Une leçon d’histoire en terres hostiles
Il s’agit, vous l’aurez sans doute compris, de sa narration. Cette dernière est présente sous plusieurs formes dans le jeu. Tout d’abord, comme nous vous le disions précédemment, via les documents qui peuvent être ramassés. Un grand classique du jeu vidéo. Ensuite, par l’intermédiaire d’un narrateur omniscient qui relate les faits et creuse les pensées de Carl au fur et à mesure de sa progression. Cela apporte une dimension romanesque franchement bien intégrée, et cela permet surtout de creuser le background du jeu. Enfin, via des textes qui s’affichent directement dans l’environnement lorsque nous étudions des objets bien précis. Tout est prétexte à raconter une histoire et à mettre en exergue les trouvailles du joueur. Ces éléments de narration nous invitent même à approfondir nos connaissances sur le Canada, un pays étonnamment peu présent dans les jeux actuels, et qui renferme pourtant une grande richesse culturelle. Kona est une lettre d’amour à cette nation et nous ressentons clairement ici l’attachement des développeurs envers ses traditions, son Histoire et sa nature hostile. Ce qui nous amène inévitablement à parler de l’aspect visuel du titre en lui-même.
Les graphismes de Kona sont malheureusement assez inégaux. Si au premier abord les forêts enneigées, les grottes, et l’intérieur des bâtiments semblent très réussis, les lacunes techniques ne tardent pas à se révéler. Nous observerons parfois pas mal d’aliasing et des textures pas toujours très fines. Les phases nocturnes sont aussi très frustrantes, car elles offrent peu de visibilité au joueur. En cause le rendu bien trop sombre, même avec une lampe de poche. Cependant, le véritable problème réside dans le fait que des temps de chargement apparaissent sans prévenir. Lors de séquences au volant ou même à pied, si Carl s’approche d’une nouvelle zone (une habitation généralement), cela déclenche un chargement qui freeze l’action et nous fait patienter quelques secondes. Cela casse vraiment l’immersion, et ne parlons même pas du temps d’attente après un game over, au moment de recharger une partie. Il en va d’ailleurs de même pour la bande-son du jeu, trop minimaliste et parfois trop redondante, jouant le même morceau de musique en boucle. Cet aspect n’a hélas pas été assez travaillé par le studio de développement, même si nous apprécierons les efforts du narrateur, qui conte cette aventure avec passion accompagné d’un délicieux accent.
Dans l’ensemble, Kona est un jeu réussi mais qui manque sans doute de finition. Le dénouement arrive rapidement (après environ huit heures de jeu en prenant son temps), et les quelques énigmes à résoudre ne seront pas de nature à bloquer outre mesure le joueur (si ce n’est une en particulier). Même si ses qualités narratives sont indéniables, le titre de Parabole n’apporte pas de moments mémorables manette en mains, et propose une aventure qui pourra sembler assez insipide aux joueurs réfractaires au genre. Plusieurs bonnes idées viennent largement améliorer la copie, mais qu’importe. La qualité finale de ce titre aurait pu être bien supérieure si tous les domaines avaient profité d’un soin similaire. Quoiqu’il en soit, Kona propose une épopée parfois prenante, malgré le fait que sa rejouabilité soit assez limitée une fois l’histoire terminée. Le prix (une vingtaine d’euros) peut aussi clairement freiner les ardeurs, mais le jeu s’adresse avant tout à un public averti, qui préférera la narration et l’enquête à l’action dynamique de nombreuses productions actuelles.
Verdict
Kona doit avant tout être joué pour sa narration ingénieuse, qui offre des moments délicieux au joueur et se permet même de nous renseigner, aussi bien sur le scénario en lui-même que sur le Canada. Malgré un aspect survie plutôt bien intégré à l’ensemble, le jeu souffre de lacunes technique évidentes et d’un rythme vraiment lent qui risque d’en rebuter plus d’un. Il manque aussi, selon nous, quelques moments mémorables qui auraient pu graver le titre de Parabole dans nos mémoires. Kona n’en reste pas moins une expérience réussie, qui s’adresse en particulier à ceux qui aiment explorer et suivre une histoire bien ficelée.
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