Tandis que les jeux s’empilent dans cette année 2023 extrêmement chargée en sorties, il nous était impossible de passer à côté du dernier-né des studios Don’t Nod, Jusant. Un titre qui a su retenir notre attention que ça soit par sa sublime direction artistique que par sa poétique histoire, soulignée par une superbe musique lors des quelques trailers diffusés.
Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique fournie par l’éditeur
Une escalade amicale
Pour son nouveau jeu, le studio parisien Don’t Nod tente une recette encore inconnue pour lui, le muet. Jusant nous transporte dans une ambiance très travaillée et dépeint délicatement son histoire au fur et à mesure de notre avancée. Très rapidement, nous comprenons que l’univers dans lequel nous nous trouvons était peuplé d’océans et que les anciennes civilisations avaient fondé leur vie autour de l’eau. Dans un monde où le grand Jusant, un phénomène gigantesque de marée basse, a fait disparaître presque toute l’eau, nous, l’alpiniste, relevons le défi de gravir jusqu’au sommet de cette tour, symbole des années passées. Notre objectif ? Découvrir les secrets qu’elle renferme, comprendre quel est cet endroit, qui y vivait. Une escalade méditative en quête de connaissance.
C’est donc à travers de multiples éléments comme le décor, des notes éparpillées, le journal de bord de Bianca ou encore des coquillages nous rappelant les sonorités qui habitaient la salle dans laquelle on se trouve, que l’on trouve nos réponses. Pour cette grimpette, notre alpiniste est accompagné d’un Ballast, une petite créature d’eau. Cette dernière nous rappelle l’importance de la nature, mais surtout entretient une relation très importante avec notre grimpeur. Les deux personnages se font confiance et ont mutuellement besoin l’un de l’autre pour progresser. Car oui, ce petit être, en plus d’être adorable, possède des pouvoirs qui permettront de révéler quelques mystères lors de notre progression, mais surtout, de débloquer certains passages pour continuer de monter.
Une montée unique
Nous sommes dans un jeu d’escalade très simple sur sa prise en main avec un gameplay extrêmement plaisant. Les mouvements de notre personnage sont très fluides lors de l’escalade alors que certains mouvements seront plus compliqués au sol et notamment les collisions avec les objets lors de l’exploration. A cela, l’on ajoutera quelques étrangetés lors de passages avec peu de prises ainsi, il peut arriver à notre personnage de s’agripper dans le vide. Mais finalement cela n’est qu’anecdotique et l’on remarque ces petites imperfections qu’en cherchant des défauts. Dans cette histoire d’environ 7h, découpée en 6 actes, on apprécie que chaque paysage offre un nouvel élément de gameplay. Grimper au pique du soleil, par exemple, fait descendre votre endurance plus rapidement, ou encore la possibilité de prendre des crustacés comme prises mouvantes. Tant de subtilité amenée au fil de notre progression.
Bien que rassemblant de nombreux bons points, l’on pourrait se dire que Jusant n’est qu’un autre bon jeu indépendant proposant une ambiance nébuleuse avec cette touche artistique attirant tant de joueurs et joueuses. Cependant, lorsque l’on se retrouve en face du titre manette en main, le doute n’existe plus. S’il est si marquant, c’est surtout grâce à son gameplay simple mais si singulier. Cette idée d’escalade est originale et surtout, les contrôles sont extrêmement plaisants. Comme l’indique si bien le titre, la manette est à privilégier et bien que les vibrations soient très bien utilisées, l’on aurait bien voulu que Don’t Nod joue un peu sur les gâchettes d’une DualSense pour augmenter l’immersion.
On notera la possibilité d’avoir un gameplay doux avec une progression lente et plus sûre, mais aussi, une montée plus nerveuse à l’aide de sauts de prise en prise et des mains agiles. L’on imagine alors la possibilité de speedrun sur le jeu. Pour ce qui est du défi, Jusant n’est pas réellement difficile, mais certains passages sont un peu ardus, suffisamment pour nous arracher un sourire et ce sentiment si précieux d’accomplissement. Une fois de plus, la justesse règne dans le titre de Don’t Nod.
Une ascension onirique
Maintenant que les seuls défauts de Jusant ont été évoqués, venons en à sa plus grande force : une direction artistique envoûtante. Afin d’accompagner un gameplay si plaisant, Don’t Nod offre un style très plastique donnant l’impression que cette histoire est un théâtre à pâte à modeler. Une esthétique remplit de charme et des décors très travaillés et toujours justes. On aime découvrir chaque nouveau paysage et notamment les vestiges des civilisations passées. Comme dit précédemment, c’est notamment dans ces restes d’une ancienne époque que l’on trouve les quelques collectables qui, pour certains, donnent quelques indices sur ce temps révolu, pour d’autres, prolongent encore un peu cette impression de balade dans un rêve. Qu’il s’agisse du jeu de lumière, le contexte, les tatouages bleus de notre personnage ou encore le Ballast qui nous accompagne, tout semble être issu de notre imaginaire.
Une ambiance onirique qui finalement ne fera qu’être sublimer par des angles de caméra bien choisis et surtout, les mouvements de celle-ci qui permettent à ce mirage d’être grandiose, plus majestueux encore. Un sentiment qui ne fera que s’amplifier encore avec une bande sonore qui transcende notre aventure. Les paramètres audio sont soigneusement pensés. L’on y trouve un mode pour les utilisateurs de casque permettant d’améliorer l’expérience auditive. Et pour compléter le tout, l’on peut même choisir notre environnement de jeu changeant le dynamisme de l’audio selon la qualité de notre matériel ou encore le bruit qui nous entoure. Enfin, la possibilité d’activer un mode monophonique proposant des choix sonores complets. Des options bienvenues pour un jeu dont le sound design impressionne. Qu’il s’agisse des bruits de pas de notre alpiniste, de notre corde, et même des coquillages qui nous jouent cette vieille mélodie enregistrée, les bruitages de cette production sont une réussite complète. Finalement, tout gravite autour de l’immersion et de cette impression de rêve.
Une traversée dans l’ère du temps
De plus en plus de personnes jouent aux jeux vidéo et il est clair que créer une œuvre à la portée de toutes les situations est un défi important. L’on apprécie alors qu’un titre comme celui-ci, qui mise sur la lecture de lettres trouvées pour comprendre les mystères de son récit, propose plusieurs options d’accessibilité. Ainsi, de nombreux réglages sur la police, un mode dyslexique ou encore la vitesse des mouvements de caméra sont proposés.
Dans cette volonté de modernité, de toucher un large public et surtout d’inclusion, Jusant n’hésite pas à inclure le pronom « iel » dans ses écrits. Cette apparition se fera subtilement et discrètement dans une lettre que l’on récupère et finalement, c’est excellent ainsi. Don’t Nod n’est pas là pour faire la morale ni pour nous apprendre ce qui est bien ou mal, le studio parisien délivre un jeu dans l’ère du temps qui touche à des questions actuelles sans pour autant gonfler son soft de clicher et d’en faire trop. Tout comme la question du climat ou de l’émancipation, le genre a sa place dans les questionnements de cette montée, mais toujours avec subtilité.
Verdict : 9/10
Court et incisif, Jusant transportera tout joueur qui prendra une poignée d’heures pour s’essayer à cette escalade. Et comment ne pas recommander cette entreprise avec une œuvre si justement produite. Qu’il s’agisse de ses décors, de sa musique, ses bruitages, son histoire, mais aussi, des thématiques qu’il aborde, Jusant vise toujours juste. Il est alors difficile de lui reprocher ses petits couacs techniques si insignifiant tant l’on s’attache aux deux protagonistes. L’on se prend à les imaginer, vouloir les dessiner, décliner cet univers, reprendre l’image du Ballast, trouver une signification aux tatouages de notre alpiniste et l’on repense à Bianca. Don’t Nod a réussi à donner vie à des personnages autant qu’ils font parler les bruits. N’est-ce pas là la réussite d’un jeu muet ?
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