Indika est une production du studio russe Odd Meter qui a su réveiller notre curiosité, notamment par le biais de ses multiples bandes-annonces plus cryptiques les unes que les autres. Se lançant presque à l’aveugle dans une mystérieuse aventure, nous pouvons dire qu’Indika est exactement ce à quoi nous nous attendions : une expérience. Entre surréalisme et réflexions aussi bien philosophiques que religieuses, Indika possède une ambiance singulière qui le rend difficile à cerner. Si vous aussi vous vous questionnez sur quel genre de jeu vous fait face, soyez sans crainte : on se le demande encore une fois fini.
Test réalisé sur PC à l’aide d’une copie envoyée par l’éditeur
J’entends le maudit
L’histoire d’Indika se déroule entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, dans une Russie fictive. Comme nous avons pu le comprendre à travers les différents trailers, Indika désigne donc le nom du personnage que nous incarnons qui n’est autre qu’une nonne ayant le malin comme compagnon d’aventure, une voix omniprésente qui sera à l’origine de nombreuses réflexions. Ainsi, avec cette idée de base, nous commençons un long voyage, le premier hors de notre couvent afin de remettre une lettre dont on ne connaîtra jamais réellement le contenu. Un voyage qui nous réserve bien des surprises et surtout de nombreuses remises en question, qu’il s’agisse du mode de vie ou de la foi de notre personnage. Ces questionnements viendront par le biais de deux voix : celle d’Ilya, un fugitif en cavale qui va devenir notre compagnon de route, et celle du diable dans notre tête qui est notre compagnon de vie malgré nous.
Dans ce périple mêlant surréalisme et philosophie, les dialogues sont le centre du jeu et Odd Meter n’hésite pas à enchaîner les cinématiques sur sa production, plus proche d’un film que d’un réel jeu vidéo. Ce genre de récit surréaliste étant la madeleine de Proust de votre dévouée plume, il est compliqué de rester impartial sur ce récit tellement l’ambiance regroupe toutes ses faiblesses. Les références sont claires dans le jeu : les dialogues sont imprégnés des écrits philosophiques russes (Fjodor Dostoïevski, Nikolai Gogo, etc) et il tire sa réalisation ainsi que son ambiance des films d’horreurs psychologiques. Un mélange qui saura captiver de nombreux joueurs et joueuses déjà intrigués par les trailers et surtout qui fonctionne à la perfection à l’aide d’une durée de vie assez courte (4 à 5h de jeu) mais un rythme soutenu, une justesse assez fine dans les dialogues et surtout une superbe réalisation.
Comme nous vous le précisions juste avant, notre religieuse sera notamment accompagnée par Ilya. Le fugitif sera le principal interlocuteur de la nonne et sera central pour la remise en question des nombreux dogmes que celle-ci a ingérés. Le discours et la relation entre les deux personnages évoluent énormément au fur et à mesure du voyage. Le tracé de cette évolution est particulièrement intéressant et sera marqué par des événements forts. Une relation palpitante simplement par son existence : une nonne habitée par le malin et un fugitif animé par la foi en Dieu. La réalisation (angles de caméra, luminosité, décors) ainsi que le jeu des acteurs nous plongent dans ce récit aussi loufoque que captivant. On ne peut que vouloir observer la route qu’emprunte notre bonne sœur, mais aussi découvrir les différents mystères autour d’Indika.
Un malin épatant
En plus d’un scénario assez nébuleux, Indika a le droit à une direction artistique tout aussi insolite, unique. Nous parlons ici d’une véritable prise de risque, dénotant de tout autre soft du genre. Ainsi, une alternance existe entre des passages photoréalistes dans le présent avec des scènes en pixel art nous contant le passé de notre protagoniste. Alors que la jeune femme ne se prédestinait pas du tout à être nonne, une histoire viendra bousculer tout son avenir. Le pixel art est réussi et contraste complètement du présent, lui aussi assez surprenant par sa beauté. Le jeu tourne à l’aide de l’Unreal Engine 5 et nous n’avons pas fini d’apprécier ce moteur. Les jeux d’ombres et de lumières sont soignés et l’expertise sur le moteur est surtout visible lors de certaines cinématiques vraiment prenantes, comme celle prenant place en haut de l’usine de poissons, pour ne pas vous en dire plus.
Odd Meter a réussi une grande tâche : faire un jeu qui se base sur un visuel photoréaliste et basculé sur du pixel art tout en gardant une cohérence. Cette bascule opère aussi sur la musique qui, durant les passages photoréalistes instaure souvent un climat grave et angoissant, mais durant les phases de pixel art, la musique semble être plus vieille et rappelle un peu l’ambiance des jeux 16-bits. La musique et les visuels joueront beaucoup sur le malaise du joueur, son angoisse et aussi la violence des faits. Par exemple, le jeu évoque plusieurs fois des violences sexuelles sans les représenter, mais il n’est aucunement question d’horreur. Il est aussi important de comprendre que le jeu reste centré sur le présent et sa complexité, les passages en pixel art sont assez courts et se composent généralement d’un bref passage d’histoire avec un dialogue sous forme de bulle et non doublé puis, d’un mini-jeu pour enfin entamer un nouveau chapitre dans le présent.
Alors que nous parlons d’une direction artistique absolument unique, quelques défauts techniques ont troublé notre immersion. Nous ne parlons pas ici de véritables problèmes, mais plutôt de petits couacs qui n’échapperont pas aux yeux des joueurs les plus exigeants. Ainsi, la production signée Odd Meter souffre de quelques chutes de FPS inexplicables alors que nous l’avons testé sur une machine très solide (RTX 4070, i7 13th gen, 32 Go de ram), mais aussi des transitions assez brusques entre les phases de gameplay et les cinématiques notamment sur les lumières et ombres. Comme vous l’aurez compris, cela n’a pas dérangé notre expérience outre mesure. De plus, il est important de souligner que nous parlons ici de défauts qui peuvent être corrigés dans les jours suivants avec quelques patchs. En l’état, le jeu reste appréciable et offre une excellente immersion avec une ambiance singulière et d’extraordinaires jeux de lumière.
Au diable le surplus
Alors que la narration et le parti-pris artistique sont clairement le point fort d’Indika, le gameplay est quant à lui bien plus simple et plus en retrait. Le jeu est composé de très nombreuses cinématiques et les quelques interactions que vous aurez à faire seront plutôt des petits puzzles, qui, bien qu’ils ne soient pas novateurs dans l’idée, fonctionnent plutôt bien. Ces derniers sont assez simples à résoudre une fois qu’on a compris ce que le jeu attend de notre part et on en vient presque à se demander si Odd Meter ne pourrait pas aller plus loin sur les différentes énigmes. Une question qui, finalement, s’envole rapidement quand on réfléchit à la volonté d’Indika et de son aspect « jeu conceptuel », les puzzles permettent d’ajouter un gameplay simple qui ne prendra pas le dessus sur le reste.
Pour autant, le studio russe a une maîtrise subtile du rythme de son jeu. Indika alterne les longues phases de cinématiques avec des passages de gameplay, du puzzle game dans un style photoréaliste pour le présent et juste après un court passage plateformer avec le passé, toujours en pixel art. L’alternance de toutes ces périodes, du gameplay et de la narration nous immerge complètement dans le jeu et permet, une fois de plus, de nous offrir une expérience unique. Il faut cependant bien comprendre qu’il n’est pas question d’un jeu offrant des choix dans le scénario, Indika a une route bien tracée pour les joueurs et une finalité bien définie. Dans ce même sens, Indika n’a aucun passage annexe, quelques collectables existent offrant des points qui ne semblent servir à rien (un écran de chargement le dit clairement). Le studio russe se concentre alors sur sa narration et sur les sentiments très forts qu’il nous offre pour une histoire qui marquera nos esprits.
Verdict : 8/10
Odd Meter a pris des risques avec Indika et a réussi à nous séduire par ces derniers. Une direction artistique comme nous en avons rarement vu, une ambiance étrange et glaçante. Nous avons commencé le jeu avec de nombreuses questions, par soif de réponses, et nous en sortons avec tout autant de questions, mais un cheminement, une réflexion exceptionnelle. Une expérience assez marquante qu’il est facile de recommander aux joueurs les plus curieux ou à la recherche d’un jeu à concept.
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