Dans le fabuleux monde du jeu vidéo, il y a ces titres valant des millions de dollars, des blockbusters en puissance qui se vendent comme des petits pains à chaque sortie, des phénomènes. Et puis il y a ceux tous droits sortis d’un autre monde, d’une faille spatio-temporelle intercosmique, ou plus communément ceux… du Japon. Bienvenue dans un futur où les oiseaux sont devenus les êtres suprêmes, des individus intelligents ayant pris le dessus sur l’humanité. Vous, un des derniers survivants, allez intégrer Pigeonation, l’académie la plus prestigieuses des volatiles où études, loisirs et romances vont rythmer vos trimestres.
ROUCOULER EN FRANÇAIS
Qui aurait imaginé qu’Hatoful Boyfriend dépasserait un jour les frontières de son lieu de naissance ? Créé et développé à l’origine par une seule personne, le mangaka Moa Hato, et sorti sur PC en 2011 au pays du soleil levant, cet ovni vidéoludique a su faire sensation sur internet pour son concept qui sort de l’ordinaire. Après être arrivé l’année dernière sur Steam, le voici désormais sur consoles en version HD grâce à Devolver Digital et Mediatonic, sur PS4/PS Vita (cross-buy/cross-save) et surtout pour la première fois… en français ! Une excellente nouvelle tant la traduction officielle en plusieurs langues de visual novel est encore peu répandue de nos jours en Europe. Car pour rappel, les autres titres semblables comme Steins;Gate ou Danganronpa sont arrivés chez nous uniquement en anglais, un fait qui en a rebuté plus d’un.
Mais avant d’entrer en détail sur Hatoful Boyfriend, il est bon de préciser ce qu’est en soit un visual novel. Si la réputation d’un tel genre n’est plus à démontrer au Japon, il reste encore assez restreint en France, d’où la nécessité de le définir. En traduisant le terme littéralement, un visual novel est un « roman visuel », une sorte de livre qui se suit en images avec un fond sonore. Le joueur n’a, en général, que le pouvoir de passer le texte et prendre si besoin des décisions qui pourraient avoir une répercussion sur la suite de la trame scénaristique. Ne vous attendez presque pas à entamer beaucoup de gameplay, il est ici question de suivre essentiellement une histoire interactive. Un visual novel peut s’apparenter à différents sous-genres, allant du plus sérieux avec de l’horreur au plus décontractant, à l’instar des simulations de drague aka dating sims. Il s’agit d’ailleurs du type auquel est rattaché Hatoful Boyfriend. Du moins sur le papier, il s’agit bel et bien d’une simulation de romance impliquant… des oiseaux, une idée dont seuls les japonais ont le secret. Autant se dire donc qu’au delà du genre concerné, l’idée peut être soit considérée comme extrêmement délirante, soit totalement sans intérêt selon vos goûts.
L’AMOUR DONNE DES AILES
C’est dans la peau de la jeune demoiselle Hiyoko Tosaka (nom par défaut) que va débuter votre vie d’étudiante à l’université Pigeonation. Dès le départ de cette « aventure », ou même dès le démarrage du jeu, le ton est donné avec une palette visuelle très colorée sur des musiques qui donnent l’impression de regarder le nouveau épisode des Feux de l’Amour. Un ensemble qui, dans le fond, parodie le mieux possible les véritables visual novel à l’eau de rose. Et ces clichés ne sont qu’un début si on se base sur les nombreuses rencontres étonnantes que vous allez faire au cours de vos semestres : meilleur ami adorable, docteur psychopathe, élève riche et prétentieux, professeur soporifique… Une riche liste dans laquelle se cache votre futur prétendant. Les confrontations entre eux s’avèrent souvent comiques entre les provocations, batailles et autres absurdités
Chaque animal s’apparente à une forme humaine observable, si cette option est activée, lors du premier échange. Qui dit différents caractères, dit forcément différentes approches possibles. Selon votre « cible », vous allez devoir vous adapter en termes de choix et d’activités. L’enceinte de l’établissement propose en effet, outre l’adhésion à un club précis, des exercices facultatifs entre chaque cours comprenant mathématiques, gymnastique ou musique. Ces derniers apportent un petit aspect RPG, augmentant respectivement intelligence, force ou charisme. Par exemple : si mon but est de terminer mon année avec le pigeon sportif, je vais choisir de rejoindre le club d’athlétisme et de participer à la gymnastique en guise de cours facultatif afin de passer un maximum de temps avec ce dernier.
HILARANT MAIS AUSSI SURPRENANT
Le jeu ne possédant aucune véritable difficulté, les décisions à prendre afin de terminer son année scolaire avec un « individu » précis sont pour la plupart prévisibles et demandent peu de réflexion. L’histoire d’ailleurs souffre d’une courte durée de vie, bien que l’expérience est des plus marquantes encore une fois pour son concept. Là où Hatoful Boyfriend est le plus intéressant, c’est pour son nombre de chemins disponibles. Le titre japonais possède pas moins de 14 fins possibles, sans compter les quelques surprises supplémentaires. On pourrait croire à première vue qu’Hatoful ne respire que le rose bonbon compte tenu de ses dialogues hilarants et pourtant, le tout comporte très peu d’happy endings. Aussi surprenant que cela puisse paraître, beaucoup de sujets sérieux sont traités entre suicide, maladie, problèmes familiaux ou sentimentaux et plus encore. On s’étonne alors d’être aussi touché par certains récits alors qu’on ne s’attendait qu’à de l’humour absurde. Le plus embêtant reste alors d’avoir la motivation de refaire plusieurs parties, la répétitivité se faisant sentir malgré des changements en cours de route et la fonction de défilement super rapide du texte. Les plus téméraires auront au moins la satisfaction de débloquer le bonus révélant le véritable potentiel du jeu : Hurtful Boyfriend.
Sous une ambiance de thriller, un climat de complots, Hurtful Boyfriend est un récit bien plus long et fascinant centré autour d’un meurtre sanglant. L’histoire, en plus de fournir des détails manquants sur les origines de la domination des oiseaux ou encore la raison de l’arrivée d’une humaine dans l’école, introduit des personnages absents des trames principales, notamment la direction de l’acamédie. On y trouve alors une perspective d’enquête sombre et psychologique qui en fait un jeu à part entière (d’où le changement de nom). Bien que servant de bonne récompense à ceux ayant entamé les fins de base, Hurtful Boyfriend aurait pu se placer sans aucun mal dans le menu principal plutôt qu’en accès caché.
VERDICT : 7/10
Hatoful Boyfriend est l’une de ces expériences loufoques dont seuls les japonais ont le secret. Pour le peu qu’on adhère au concept, qui divise complètement selon les goûts, le jeu de Moa Hato offre une narration hilarante qui se moque ouvertement des titres à l’eau de rose. Mais si tout semble absurde sur le papier, il faut savoir qu’en réalité Hatoful est moins romantique qu’il ne le parait en traitant plusieurs thèmes assez sensibles, les bonnes fins étant en somme peu nombreuses. Son potentiel se dévoile d’ailleurs encore plus avec l’histoire bonus Hurtful Boyfriend, un récit tourné thriller qui fait office de jeu à part entière. Pour autant, on reste sur une réalisation minimaliste (bien que courante pour le genre), une durée de vie globale courte et une répétitivité qui a de quoi rebuter au bout de plusieurs parties. Au moins, on a un visual novel entièrement traduit en français et c’est pourquoi, qu’on aime ou non, on ne peut que saluer Devolver ainsi que Mediatonic. Et on n’est pas près d’en finir avec Hatoful Boyfriend: Holiday Star, la suite prévue en fin d’année.
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[dropcap]7.5[/dropcap]Hatoful Boyfriend tient toutes ses promesses et bien plus encore. Alors que je m’attendais à une simple aventure parodiant sans aucune gène les visual novels à l’eau de rose, le jeu se révèle être surprenant sur de nombreux aspects. Tandis que certaines routes sont absurdes, d’autres sont plus émouvantes, d’autres plus sérieuses… Et au final, on se voit récompensé par l’étonnant Hurtful Boyfriend qui permet de donner au soft une autre dimension, plus tragique tout en restant dans une optique complètement délirante. Avec certaines personnalités très marquantes (comme le terrible Oko San et son obsession pour les puddings), voire même attachantes le jeu parvient à nous scotcher sur la console, pour peu que l’on accroche à ce concept encore peu connu en Europe mais qui mériterait à être plus connu. On regrettera juste un manque de choix réellement décisifs pour la fin de l’aventure principale, ainsi qu’un manque de variété des événements survenant dans l’histoire. Mais avec une suite qui devrait pointer le bout de son nez d’ici la fin de l’année, Hatoful Boyfriend reste un O.V.N.I vidéoludique à tester absolument pour peu que vous ne soyez pas hermétique à l’humour dérisoire et au fait de devoir obtenir toutes les fins pour débloquer LE contenu le plus intéressant du titre.[/toggle]
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