Guilty Gear est la grande licence d’Arc System Works. Débutée en 1997, la saga révèle sa conclusion avec ce Guilty Gear -Strive-. Longtemps présenté comme un jeu de niche et à l’ombre des ténors bien installés sur la scène du versus fighting, Guilty Gear a cherché comment former une nouvelle fanbase plus conséquente et durable. Une première tentative avait été effectuée avec l’apparition d’un mode « Stylish » dans Guilty Gear Xrd pour ceux dont le gameplay atypique de la série pouvait rebuter. N’ayant pas convaincu, Guilty Gear -Strive- amorce un virage non pas à 180°, mais plutôt à 90°, combinant mécaniques propres à la saga à une nouvelle approche bien plus cloisonnée que par le passé. Après plusieurs phases de bêta qui ont eu du mal à convaincre, Guilty Gear -Strive- était attendu au tournant pour la sortie finale s’étant déroulée le 9 juin dernier. Alors, Arc System Works a-t-il réussi à fédérer un nouveau public sans pour autant perdre les fans de la première heure ? On vous dit tout, à tête reposée après plusieurs jours passés sur la bête.
Test réalisé sur PS4 grâce à un code numérique envoyé par l’éditeur
They blamed the Beast. Heaven or Hell!
Tout d’abord, il serait de bon ton de présenter Guilty Gear en quelques mots pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore. Guilty Gear est souvent désigné comme un Fast-Paced Versus Fighting Game. Rush, Air Dash, Gatling Combo, tout est originellement pensé pour proposer un titre dynamique et nerveux. Depuis son premier opus Guilty Gear: The Missing Link sorti en 1997, le gameplay se base sur un système de quatre coups pouvant s’enchainer dans un ordre croissant de puissance (Punch, Kick, Slash, Heavy Slash), le Dust venant s’ajouter plus tard dans la série. Ce système se perpétuera juqu’à Guilty Gear Xrd Rev2. Avec -Strive-, on conserve le même panel de coups mais le titre délaisse le système de gatling combo pour un système de « Targets » prédéfinis. Désormais, il ne sera plus possible d’enchaîner Punch, Kick, Slash, Heavy Slash à la suite mais plutôt des combinaisons précises imposées par le jeu, ce qui rapproche Guilty Gear -Strive- de ses concurrents dans le domaine du jeu de combat 2D.
Pour ce qui est du reste du gameplay de Guilty Gear, on y retrouve les grandes lignes. Roman Cancel, Fautless Defense, Just Defense, Rush, Air Dash, etc. Pour autant, certaines features manquent à l’appel. On ne regrettera pas forcément l’absence du Danger Time, mécanique issue de Guilty Gear Xrd s’activant aléatoirement lorsque les deux joueurs activent un coup qui entraine une collision entre leurs hitboxes respectives. Une fois en Danger Time, le taux de dégât se voit boosté et de nouvelles propriétés sont temporairement attribuées aux coups spéciaux, permettant de nouveaux types de combos. Cette mécanique jugée beaucoup trop aléatoire ne fut pas appréciée des fans. En revanche, on notera la disparition des Instant Kill dans Guilty Gear -Strive-. Rien n’indique que cette mécanique restera absente tout au long de la durée d’exploitation du jeu, cependant, son absence instaure tout de même un vide dans l’identité de la série. Présent depuis les débuts de la saga, l’Instant Kill permet de sacrifier la barre de Tension pour tenter d’asséner un coup fatal à l’adversaire, souvent accompagné d’une animation stylisée. Certains jugeront les Instant Kills peu utiles, ce qui n’est pas faux mais ils font, encore une fois, partie intégrante de l’identité du jeu. Imaginez un Mortal Kombat sans Fatality ? Impensable. On aurait aimé que le Blitz Shield ne passe pas à la trappe, cette mécanique permettant d’attribuer un coup dit « Armor » à tous les personnages contre la dépense d’une partie de sa barre de Tension. Il n’y a pas à douter que Guilty Gear -Strive- s’agrémentera avec le temps pour nous proposer un gameplay encore plus riche.
Au final, que penser de cette refonte qui aura inquiété les puristes jusqu’à la sortie du jeu ? Et bien, le constat est partagé. Soyons honnêtes, le jeu marche. La nouvelle approche du gameplay s’avère déroutante au début, voire même frustrante quand on est un habitué de la maison, mais le titre s’avère bien plus profond qu’il n’y paraît. Tous les jours, de nouveaux combos et nouvelles techniques sont découvertes. Malgré son côté cloisonné, Guilty Gear -Strive- arrive encore à fournir une expérience divertissante et qui ne trahit pas totalement l’aura de la franchise. Est-il pour autant parfait ? Non. Bien sûr, -Strive- laisse une part moins grande à la créativité. L’équilibrage est totalement aux fraises avec des personnages surboostés pendant que d’autres peinent à suivre. Le nouveau système de Wall Break n’est pas forcément une idée extraordinaire. Sympa visuellement et permettant d’afficher des décors différents lorsqu’un personnage traverse le mur, il limite aussi naturellement les combos. La nouvelle approche du Dust mitige aussi grandement car limité dans le temps et l’utilisation d’une super en l’air pour les personnages en étant pourvus est parfois peu rentable. Malgré ces quelques déceptions, Guilty Gear -Strive- se laisse jouer.
Évidemment, le gameplay aura divisé la communauté des fans. Comme souvent quand une nouvelle itération d’un jeu débarque sur la scène du versus fighting, il y a toujours ceux qui préfèrent rester sur la version précédente plutôt que de mettre une main sur le nouvel opus. Guilty Gear -Strive- ne déroge pas à la règle. De plus, l’implémentation du rollback netcode sur Guilty Gear XX Accent Core Plus R a relancé l’intérêt pour le jeu de manière surprenante. D’ailleurs, parlons-en ! Puisque oui, Guilty Gear -Strive- embarque du rollback netcode pour son online et quel plaisir ! À moins que vous ne jouiez en Wifi sur la connexion d’un gitan forain à la Foire du Trône, il faut avouer que le résultat est satisfaisant, même pour les connexions les plus modestes. Bien sûr, on n’est pas à l’abri de certains lags, mais on sent clairement une différence comparée au netcode de l’input delay. Les tournois physiques raréfiés pour laisser une plus grande part aux évènements online depuis la crise du Covid, le rollback netcode devrait absolument devenir la nouvelle norme pour toutes les prochaines productions dans le domaine du versus fighting !
Mais dis donc Jamy, c’est quoi un Gear ?
Très bonne question, Fred ! Les Gears sont, comme le nom l’indique, le sujet central de l’histoire. La trame de fond de Guilty Gear est présentée ainsi : au 22ème siècle, l’humanité a réussi à développer une source d’énergie naturelle et illimitée, ce qui a engendré l’ère de la Magie. La science et l’industrie, sources de pollution de l’environnement et armes de destruction massive, sont ainsi mises hors-la-loi. Cependant, l’abolition de la technologie n’a guère apaisé les souffrances de l’humanité. Une guerre a éclaté, sur fond du complotisme sur ladite magie et son accroissement, qui a vu la naissance de Gears, de puissantes armes biologiques produites en fusionnant l’ADN humain et animal avec la magie. Guilty Gear -Strive- apporte la conclusion à cette histoire, avec la confrontation entre Sol Badguy, personnage principal, et son ancien ami Asuka, aussi connu sous les pseudonymes de « That Man » ou encore le « Gear Maker », personnage responsable de la création des Gears et de leur révolte.
Le mode histoire se présente de façon similaire à ce que proposait Guilty Gear Xrd. Guilty Gear -Strive- nous livre ici un véritable OAV de plus de trois heures et mon Dieu, que l’ennui guette ! Pour ce qui est censé être une conclusion à la série, le tout s’avère confus et soporifique. Si l’arc principal s’attarde sur la confrontation entre Sol Badguy et Asuka, une sous-intrigue entre Axl et I-No est aussi de la partie. Le reste des représentants du casting font clairement office de figurants pour les ¾ d’entre eux et c’est dommage. Si la technique s’avère supérieure à celle de Guilty Gear Xrd, certaines animations manquent encore de fluidité. Ce que l’on regrettera le plus c’est ce parti pris d’Arc System Works de ne pas avoir proposé une interactivité dans le mode histoire avec la présence de combats, à l’image de ce que peut offir les story modes de Mortal Kombat ou encore celui d’un Street Fighter V. Arc System Works répond à cela que la présence de combats aurait pu frustrer les joueurs souhaitant apprécier ce mode comme un animé. Une réponse bancale compte tenu du public majoritaire sur un Guilty Gear. Au minimum, le studio aurait pu clairement proposer un mode de difficulté afin de rendre les combats plus ou moins laborieux pour ceux qui ne souhaitaient pas suer devant le mode histoire.
Technique de haute volée pour minimum syndical
Encore une fois, Arc System Works nous bluffe avec une technique irréprochable. La sensation de jouer en regardant un anime est belle et bien présente. Les personnages et décors sont joliment détaillés, avec un vrai travail de redesign pour certains des protagonistes, et les animations de coups spéciaux/Overdrive sont flashy à souhait. On regrettera cependant le brin de folie en moins, notamment dans les intros des personnages avant un combat comparé au travail fourni avec Xrd. La B.O. est toujours aussi rock et propose du chant sur chacun des thèmes des personnages. Guilty Gear -Strive- comporte également trois langues pour le doublage avec l’anglais, le japonais et le coréen arrivé très récemment dans une mise à jour. Si Guilty Gear -Strive- nous sublime par sa technique, on ne peut pas en dire autant de son interface. Dans un souci de lisibilité, tout paraît générique et fade, la palme revenant au design des temps de chargement avant combat qui donne l’impression de ne pas avoir été terminé. C’est d’ailleurs un sentiment qui revient souvent en visionnant le HUD du jeu. Énormément d’éléments donnent la sensation d’être des « placeholders » temporairement placés et oubliés d’être remplacés avant la sortie définitive. On terminera le tour d’horizon sur les lobbies online qui auront fait polémique dès le début. Repoussant de prime abord, on finit néanmoins par s’y habituer. On ne va pas se mentir, les modèles chibis qu’offrait Arc System Works traditionnellement sont quand même beaucoup plus sympas. Pour la première fois, Guilty Gear bénéficie d’une traduction FR pour le texte. Acceptable dans l’ensemble, certains mots donnent tout de même l’impression d’avoir été traduit directement depuis Google Translate, à l’image des noms pour certaines touches.
Ce qui choquera le plus dans ce Guilty Gear -Strive- est indéniablement le contenu radin que propose le jeu au Day One comparé à ce qu’offrait Rev2. Beaucoup de fans ont reproché à Guilty Gear Xrd -SIGN- de servir un roster de départ trop limité. La chose pouvait se comprendre avec le passage des sprites en 2D aux modèles 3D. Avec ses extensions, Xrd passera d’un roster de 17 personnages à 25. Dans Guilty Gear -Strive- on vous en propose encore moins avec cette fois-ci 15 personnages au lancement du jeu. Si on pouvait pardonner -SIGN- en prenant en compte sa nouvelle approche technique, il est difficilement possible de faire preuve d’autant de clémence pour Guilty Gear -Strive-. Comble de la radinerie, il n’est plus possible de débloquer de nouvelles couleurs pour vos personnages simplement en jouant aux modes de jeux proposés. Le seul moyen de faire l’acquisition de nouvelles couleurs, à l’heure actuelle, est forcément de passer à la caisse via du DLC. De ce fait, s’attarder sur les modes classiques tels que le mode Arcade ou encore la Survie est devenu sans réel intérêt puisque la carotte n’est plus présente. On notera également l’absence d’un mode dédié à l’apprentissage de combos par personnage. On sait qu’Arc System Works compte proposer un mode Combo Maker dans lequel la communauté pourra partager ses propres trouvailles. Une manière facile de déléguer le boulot.
Verdict : 7/10
Avec ses prises de risques qui allaient forcément faire jaser, Guilty Gear -Strive- s’en tire tout de même avec les honneurs. Certes, la refonte du gameplay cloisonne un poil plus la créativité, cependant, il reste tout de même possible de s’amuser et on se rend compte que Guilty Gear –Strive- est bien plus subtil et technique qu’il n’y parait. Est-il pour autant le meilleur opus et une digne conclusion pour la série ? Non. S’il est probable que la formule sera enrichie avec le temps, Arc System Works nous offre un contenu bien trop superficiel en l’état. Absence de features notables, roster rachitique si vous ne faites pas l’acquisition du season pass, une radinerie flagrante sur le contenu cosmétique et plus encore. La masse pardonne plus aisément à Arc System Works qu’à d’autres ténors, à l’image de la polémique autour de Street Fighter V à sa sortie. Alors oui, le jeu est jouable, le jeu est beau mais cela ne doit pas non plus couvrir les défauts évident dont Guilty Gear -Strive- fait preuve. On saluera la technique toujours plus perfectionné du titre et l’implémentation du rollback necode, véritable tournant pour la scène du versus fighting et qui se doit de devenir la norme pour les prochaines productions de jeux de combats ! Si Guilty Gear -Strive- reste un bon jeu et sera très probablement agrémenté au fur et à mesure des années, pour un opus censé conclure l’arc de Sol Badguy et des Gears, cela manque clairement de panache.
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