Après avoir sorti Bound by Flame et The Technomancer, le studio français Spiders sort un dernier jeu pour le compte de Focus Home Interactive suite à son rachat par Bigben Interactive, GreedFall. Bien que de petite taille, Spiders ne manque pas d’ambition, souhaitant faire partie des grands créateurs de RPG européens. GreedFall a-t-il de quoi rivaliser avec des mastodontes tels que The Witcher 3: Wild Hunt ou mérite-t-il de sombrer dans les abysses des jeux AA aussi moyens qu’oubliables ? Armés d’une épée et d’une arme à feu, nous avons exploré les mystérieuses terres de Teer Fradee afin de vous confirmer si c’est une destination de rêve ou si c’est une contrée à fuir comme la peste.
Test réalisé sur PlayStation 4 grâce à une copié numérique envoyée par l’éditeur.
À la conquête de Teer Fradee
GreedFall prend place dans un univers original s’inspirant néanmoins de bon nombre de passages de notre histoire, mélangeant avec un certain brio fiction et réalité. Imaginez l’Europe des années 1600-1700 s’inviter sur une île remplie d’animaux extraordinaires, de peuples maîtrisant la magie et de monstres plus ou moins terrifiants pour vous faire une petite idée de la chose. On incarne De Sardet, un homme/une femme (que l’on peut modifier selon diverses options pas très diversifiées mais tout de même un minimum appréciables) de la Congrégation désirant trouver un remède pour la Malichor, une terrible maladie ravageant le continent principal de l’univers du jeu. Même la mère du personnage principal en est victime, de quoi nous impliquer davantage dans le récit. Cependant, un espoir persiste : Teer Fradee, nouvelle île découverte depuis peu, renferme bon nombre de choses fascinantes, offrant une possible chance de trouver un moyen de venir à bout de la Malichor. Accompagné par son excentrique cousin Constantin d’Orsay, désigné comme nouveau gouverneur de Teer Fradee, De Sardet part découvrir ce bout de terre aussi enchanteur que dangereux, de quoi découvrir quelques alliés, moult aventures et, surtout, de nombreux ennemis.
Il est important dans un RPG que l’histoire soit bien écrite, intéressante et peuplée de personnages engageants, sous peine de vite lasser les joueurs, surtout si les autres qualités ne suivent pas. Fort heureusement, GreedFall est une bonne réussite de ce côté-là, une réjouissante surprise même. Dès le départ, on se sent impliqué dans le scénario concocté par Spiders grâce à des événements palpitants, une mise en scène prenante dans les moments les plus importants et des personnages attachants. Après une introduction assez immersive, posant doucement mais sûrement les bases, on suit avec plaisir une aventure où le Bien et le Mal sont difficiles à cerner. Rien n’est tout à fait blanc ou noir dans GreedFall, c’est au joueur de se forger son avis et prendre le chemin qu’il désire. Car oui, le jeu propose de faire des choix tout au long de l’histoire. Il ne faut pas les prendre à la légère car cela influence les nombreuses relations qu’on peut avoir avec ses alliés ou ennemis. Le soft se veut intéressant dans sa manière de traiter différents thèmes ayant touché notre propre histoire, tels que le colonialisme européen au cours du second millénaire. Ainsi, De Sardet peut tout à fait rester neutre, s’allier du côté des autochtones malgré ses origines nobles ou bien se la jouer plus ou moins impérialiste, bien qu’il/elle fasse partie de la Congrégation jusqu’au bout. Tout dépend de vous et de vos capacités de négociateur. La façon dont les choix façonnent l’histoire est très satisfaisante, leur nombre étant conséquent, on peut obtenir des résultats variés, permettant à chaque joueur d’avoir une histoire qui lui est propre. Le scénario principal et les quêtes annexes se valent plutôt bien, permettant d’en découvrir plus sur l’univers entourant De Sardet tout en vivant des péripéties exaltantes du début jusqu’à la fin (à ce sujet, il y en a 4 différentes !), même s’il y a bien quelques passages qui font office de remplissage (mais ils sont relativement mineurs, au point de vite se faire oublier). On pouvait avoir peur quant au choix de traiter un sujet qui fâche, le colonialisme européen étant loin d’être réjouissant mais Spiders s’en est seulement plus ou moins inspiré et ce d’une fort belle manière.
Wild Inquisition
Si Spiders a fourni une histoire décidément réussie, motivant fortement à découvrir l’une des fins possible en toute hâte, il faut tout de même un gameplay engageant à côté car GreedFall reste avant tout un jeu vidéo. De ce côté, le studio français a toujours eu certaines difficultés, son ambition étant ralentie par un manque de moyens et de personnel mais on a tout de même apprécié son gameplay en général, bien qu’il soit imparfait. Il faut tout d’abord savoir que l’on a affaire à un Action-RPG prenant place non pas dans un grand monde ouvert mais plutôt dans de nombreuses zones plus ou moins larges, un peu à la manière de Dragon Age: Inquisition. On explore ainsi divers niveaux à la recherche de quêtes, trésors, secrets et affrontements, tout en faisant évoluer la joyeuse troupe de De Sardet. Le voyage se veut basique et si les nombreux environnements que l’on découvre petit à petit sont des plus charmants, ceux qui n’aiment pas les jeux à l’ancienne ne risquent pas d’apprécier GreedFall de ce côté-là : les déplacements sont tout sauf intuitifs à cause d’animations datées, des soucis de caméra et beaucoup de murs invisibles empêchant d’aller où l’on veut. Pas catastrophique mais tout de même loin d’être réjouissant, disons qu’on s’y habitue. On aurait aimé des déplacements de meilleure qualité ainsi que des montures, même si les niveaux ne sont pas très grands. Notons également qu’il est possible à certains moments de se la jouer infiltration mais c’est vraiment raté, les déplacements « furtifs » des personnages étant risibles et l’intelligence artificielle des ennemis à la ramasse.
Au cours de son aventure, notre personnage rencontre d’autres individus qui l’aident à tout moment, comme dans bon nombre de RPG. Naturellement, il faut améliorer De Sardet et ses camarades en les faisant monter de niveaux via des quêtes et combats, permettant de débloquer bon nombre de compétences. Il y a plusieurs systèmes dans GreedFall, permettant de se spécialiser dans 3 branches différentes, à savoir le combat de mêlée pour favoriser le corps-à-corps, la magie afin de dominer les affrontements de loin et la tactique, permettant d’exploiter au mieux pièges ainsi que les armes à feu. En outre, on obtient des points de compétences afin d’améliorer santé, résistance, agilité, charisme et bien d’autres choses permettant de forger un personnage qui vous est propre. Ainsi, la personnalisation se veut poussée, surtout quand on voit le travail effectué sur l’équipement. On peut obtenir différents items comme casques, chapeaux, armures basiques, tenues autochtones, épées à 1 ou 2 mains, diverses armes à feu et on en passe mais ce qui fait l’attrait de GreedFall, c’est le fait qu’on puisse améliorer n’importe quoi avec diverses options, permettant de changer l’aspect ainsi que l’efficacité de n’importe quelle tenue ou arme. Par exemple, on peut fabriquer, via un système de craft, des épaulières en métal, des canons plus performants, pommeaux de meilleure qualité et bien d’autres choses encore. C’est franchement prenant et réussi mais on aurait aimé que l’inventaire soit plus intuitif, certaines manipulations n’étant pas forcément évidentes, notamment au début pour ce qui est de la gestion de l’équipement, bien que l’on finisse par s’y faire. Cela reste l’un des points forts du jeu en tout cas.
Les combats de GreedFall ne réinventent en rien le genre mais ils font plutôt bien le travail. Bien qu’ils ne soient pas dignes d’une production telle que Bloodborne ou même The Witcher 3: Wild Hunt, surtout au début où les affrontements manquent d’intensité, avec le temps, on découvre un gameplay un minimum intéressant. Ainsi, on peut effectuer des esquives sautées, des parades, des coups basiques comme forts, tirer à distance avec les armes à feu, utiliser de la magie, se soigner, poser des pièges… Rien de bien spécial et original mais lorsqu’on possède beaucoup de compétences, les combats sont loin d’être déplaisants. Aussi, il est possible de figer le temps pour décider d’une action à effectuer, un système déjà vu dans Dragon Age: Inquisition, Final Fantasy XV et bien d’autres encore, pour ceux qui aiment des joutes plus tactiques et lentes. C’est plutôt bien fait. Cependant, on regrette une animation et des déplacements un poil lourds une fois encore, un certain manque d’impact dans les coups ainsi que des ennemis légèrement prévisibles, rendant les batailles moins entraînantes qu’on l’aurait voulu.
Même en difficile, GreedFall ne propose pas de véritable défi. Certes, ce n’est pas là l’attrait principal du jeu mais Spiders a tout de même beaucoup misé dessus. Avec quelques améliorations, on aurait pu obtenir un Action-RPG de très grand calibre en ce qui concerne la jouabilité mais le titre français est encore loin d’être irréprochable. C’est fort dommage car il est pétri de bonnes intentions, surtout que l’on peut aborder les quêtes de différentes manières grâce aux différents dialogues possibles et situations proposées par Spiders. Par exemple, dès le début du jeu, on peut soit soudoyer certaines personnes, soit les séduire avec du charisme, tout en évitant les conflits en passant discrètement dans certaines zones (mais croyez-nous, vous n’avez pas envie d’être discrets dans GreedFall) mais si vous désirez être un bougre bien bourrin, c’est tout à fait possible. Ainsi, malgré 1 ou 2 petites déceptions du côté de la jouabilité pure et dure, Spiders offre tout de même un gameplay amusant qui devrait contenter bon nombre de joueurs en manque de RPG occidentaux offrant de multiples possibilités, de quoi captiver un minimum durant les 30 à 40 heures nécessaires pour le finir une première fois. Vous vous doutez bien, la rejouabilité est également au rendez-vous grâce aux nombreux choix possibles, les plus acharnés pourront donc largement dépasser la barre des 100 heures de jeu.
Un (quasi) régal pour les yeux et les oreilles
Là où Spiders nous a également gâté, c’est du côté visuel. GreedFall n’est pas le plus beau jeu de la génération, loin de là, accusant même par moments une technique un peu datée, notamment au niveau de l’animation labiale lors des simples dialogues et de certaines textures. Quelques bugs visuels sont également de la partie, de quoi faire lever les sourcils ou faire sourire de temps à autre. Néanmoins, le jeu possède une direction artistique aux petits oignons, s’inspirant fortement des peintures baroques d’antan. L’architecture et les paysages, fort variés (ville en proie à la pauvreté et la maladie, forêts luxuriantes, villages indigènes, etc.) possèdent des couleurs chaudes, rappelant les nombreuses représentations picturales du 17ème siècle. Le design des personnages et des créatures (sur)naturelles est également réussi, oscillant une fois de plus entre réel et fiction pour un résultat crédible, engageant. Mélanger colonialisme européen et mythes est véritablement une bonne idée. Les modélisations, effets de lumière et d’ombres ainsi que le cycle jour-nuit dégagent une ambiance savoureuse, donnant envie de plonger avec hargne dans le monde de GreedFall, même si certaines tares citées précédemment nous ramènent vite sur Terre. Dommage aussi que les décors naturels manquent un peu de vie, surtout du côté de la végétation qui ne bouge pas beaucoup. Là encore, un certain The Witcher 3: Wild Hunt continue de faire mal à la concurrence, plus de 4 ans après. Cependant, pour une équipe constituée de moins de 60 personnes, Spiders a tout de même donné vie à un univers savoureux, chapeau.
Les musiques ne sont également pas en reste, loin de là, Spiders ayant fait appel à Olivier Derivière. Ce nom vous dit quelque chose ? C’est normal, c’est le compositeur de Vampyr, A Plague Tale: Innocence, The Technomancer, Remember Me et bien d’autres productions vidéoludiques. Le style sonore de GreedFall est excellent, les nombreuses compositions orchestrales collant parfaitement à tel lieu, tel combat, tel événement de l’histoire et on en passe. Derivière est autant un joueur qu’un compositeur, ainsi, il sait quand la musique doit renforcer l’immersion et sur ce point, le soft fait un quasi sans faute. Les musiques sont de grande qualité, tantôt douces, tantôt épiques et toujours de bon ton. Il en est de même pour les voix anglaises, les acteurs s’en étant donnés à cœur joie pour donner vie à un monde décidément fascinant. On a le droit à différents accents et tons, soulignant avec finesse les différences entre colonialistes, autochtones et étrangers provenant d’autres contrées. Dommage que l’on ait pas droit à des voix françaises cela dit, Spiders ne pouvant s’offrir ce luxe.
Verdict : 7/10
Spiders est définitivement un nom à retenir dans l’espace vidéoludique. Petit à petit, l’équipe française a su améliorer ses faiblesses et propose ainsi avec GreedFall une expérience tout à fait satisfaisante, prouvant que les jeux AA ont leur place même en 2019. Bien que plusieurs défauts restent à noter, notamment du côté technique, on explore avec passion les mystérieuses terres de Teer Fradee, île aux nombreux secrets et conflits savoureux. Engageant du début jusqu’à la fin, il ne lui fallait pas grand chose pour devenir un classique (vraiment pas grand chose puisque l’on a fortement hésité avec la note de 8/10) mais un manque de moyens évident entache un tantinet le tableau, ce qui pourrait en freiner certains, notamment ceux qui désirent une qualité digne d’un AAA pour une aventure de ce genre. GreedFall reste un joli cadeau d’adieu à Focus Home Interactive et il devrait sans aucun doute ravir les amateurs du genre un minimum conciliants. Fans de jeux de rôle immersifs, les terres de Teer Fradee vous attendent.
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