S’il y a une chose que l’on ne peut nier si l’on regarde de plus près le monde si particulier des oeuvres culturelles (films, albums musicaux, jeux vidéo…), c’est que les suites finissent à un moment ou à un autre par se ressembler dangereusement. Au point, vous en conviendrez, de lasser le public au plus haut point. Après avoir marqué des millions de joueurs sur PlayStation 2 en 2005 et 2007, la licence God of War, créée par David Jaffe (Twisted Metal, Drawn to Death…), commençait donc elle aussi à montrer quelques signes évidents de fatigue. Il faut dire également qu’après le cultissime God of War III sorti en 2010 sur PlayStation 3 (puis remasterisé en 2015 sur PlayStation 4), et les non-moins sympathiques opus PSP (Chains of Olympus en 2008, puis Ghost of Sparta en 2010), la franchise exclusive aux consoles Sony s’était quelque peu fourvoyée en 2013. En effet, le dernier épisode en date, God of War: Ascension avait eu beau proposer pour la première fois un mode multijoueur, le jeu s’était finalement avéré être une déception aux yeux des fans. Un point noir que compte bien exploser notre Kratos favori dans le tout nouvel opus de la licence, dont voici notre test.
Test réalisé sur PlayStation 4 Pro à partir d’une version fournie par l’éditeur
Avoir foutu un bazar monstre du côté de l’Olympe, avouez que ça ne doit pas être facile à vivre. Ainsi, et même si la scène de fin de God of War III nous faisait clairement comprendre que notre ami Kratos repointerait le bout de sa rage un jour ou l’autre, nous ne pensions pas le revoir de cette manière-là. En effet, les trailers et autres vidéos de gameplay ne mentaient pas : ce nouveau God of War entend bien renouveler la licence à plus d’un titre. Exit donc la caméra latérale et les travellings, sans même parler des affrontements épiques durant lesquels notre spartiate préféré devenait parfois minuscule à l’écran, histoire de renforcer cette impression d’immensité. D’ailleurs, exit également la Grèce ! Vous l’aurez compris, vos habitudes risquent fort de se retrouver mises à mal dans ce quatrième vrai épisode, et vous allez voir que ce n’est finalement pas plus mal.
The Sparte of Us
Dans ce nouvel opus, il est effectivement question de mythologie nordique. Votre terrain de jeu sera donc des plus enneigés (tout du moins par endroits), et l’on arrive à se demander comment fait ce bon vieux Kratos pour ne pas avoir froid aux pectoraux, lui qui a tendance à se trimbaler torse-nu peu importe la saison. D’ailleurs, Kratos, parlons-en. Ce nouveau jeu n’étant pas un reboot, il va de soi que même si tout n’est pas évident à relier au début, c’est bel et bien la suite des événements de GoW III qui nous est contée ici. On devine toutefois que de l’eau a largement eu le temps de couler sous les ponts puisque, outre notre barbe et notre dégaine de bucheron approchant de la retraite, nous ne ferons pas cavalier seul durant cette aventure. Eh oui, le petit Atreus n’est pas un PNJ comme un autre, il s’agit ni plus ni moins de notre fils. Une relation qui sera au coeur même de la narration du jeu, et ce du début à la fin. Les rapports entre les deux protagonistes ne respirent pas vraiment la mélodie du bonheur, et bien que notre périple nous amène au sommet d’une montagne gigantesque, il va de soi que nous n’y allons pas pour aller chanter du yodel !
Vous vous en doutez, et puisqu’après tout le jeu est toujours un Beat Them All, Kratos et son mini-moi vont devoir s’allier durant tout le voyage. Clairement, le petit n’est jamais de trop, et l’on comprend aisément ce que les développeurs de Sony Santa Monica ont voulu faire. En effet, avoir notre fils à nos côtés du début à la fin de l’aventure permet non seulement de profiter d’une histoire très bien ficelée et sans véritables temps morts, mais également de justifier la présence du gamin en le transformant en allié puissant. Enfin, puissant… Disons que les premières heures de jeu seront laborieuses pour lui, mais qu’à force de persévérance et de remontrances acerbes du daron, ce petit futé arrivera bien tôt ou tard à vous aider durant les tonnes d’affrontements qui vous attendent. Muni de son arc, Atreus a donc la lourde tâche de vous épauler, et ce sera à vous, non seulement de l’aiguiller (la touche Carré lui ordonne de tirer des flèches), mais aussi et surtout de le faire évoluer, via le menu Compétences prévu à cet effet.
Disposé de la même manière que celui qui vous concerne directement, cet écran vous permettra, moyennant des points d’XP comme monnaie d’échange, de développer des attributs qui vous sont inconnus au début de l’aventure. Ainsi, une fois passé un certain temps de jeu, Kratos pourra utiliser sa hache (la Leviathan) pour faire chuter plusieurs cibles à la fois, user et abuser de son bouclier pour tout défourailler sur son passage, ou encore geler son arme pour faire encore plus mal (et froid) que prévu à la base. Atreus, lui, pourra par exemple faire plus de dégâts avec ses flèches, mais apprendra également à se servir de son arc comme d’un libérateur de lumière bleue, créatrice de ponts.
Un épisode haché menu
En effet, vous le savez sans doute si vous avez connu les précédentes itérations de la saga God of War, la franchise a toujours tenu à mettre en avant les puzzles. Loin d’être insurmontables, force est de constater qu’il est toujours plaisant de voir qu’ils demandent tout de même un brin de jugeote (ce qui n’est jamais de trop dans un jeu de catégorie Action). Sans surprise, c’est donc encore et toujours le cas dans ce nouveau GoW. Dans cette optique, et même si Kratos est loin d’être une bille, il va de soi que c’est Atreus qui jouera le rôle de Jamy Gourmaud. Il sait lire les inscriptions runiques, réussit à se faufiler dans des endroits que Papy Kratos n’arrive même plus à voir de loin… Bref, Atreus sait tout faire et il le fait bien ! Fort heureusement d’ailleurs, car non seulement les « énigmes » sont légion dans le jeu, mais surtout, l’aspect Metroidvania (contraction de Metroid et Castlevania) n’aura jamais été aussi présent dans un God of War.
Le gameplay a effectivement ce petit quelque chose qui nous pousse sans cesse à vouloir explorer de-ci de-là à la recherche du moindre chemin de traverse. Dans un cas sur deux, votre trouvaille sera toutefois barrée par une porte, un coffre, ou toute autre chose que vous n’êtes pas en mesure de déverrouiller sur le moment. Il vous incombera donc de revenir à cet endroit dès lors que vous aurez suffisamment avancé dans l’aventure pour avoir appris comment passer cet obstacle. Car oui, et c’est là l’un des plus gros changements amenés avec cet épisode : God of War est un jeu se déroulant à présent en monde semi-ouvert ! Pour être d’ailleurs tout à fait honnête, nous avons pris une claque monstrueuse en comprenant à quel point le terrain de jeu qui nous était offert avait de quoi nous donner le tournis. C’est bien simple, les zones à parcourir sont tout bonnement gigantesques, en plus d’être toutes différentes visuellement. On se surprend même à attendre des éventuels temps de chargement entre les fameuses maps (puisque nous vous rappelons que ce n’est pas un vrai monde ouvert au sens propre)… en vain ! Le jeu n’en subit pas un seul, et a le bon goût de cacher ses instants dits d’attente en les transformant en balades navales. Pas bête, le Grec !
Autant vous dire que ce n’est pas ça qui vous gênera le moins du monde, tant les passages en bateau sont plaisants à jouer, voire relaxants. Ce sera d’ailleurs l’occasion pour vous d’admirer encore un peu plus le paysage qui vous entoure, tandis qu’Atreus en profitera pour faire la conversation à son papounet la plupart du temps. Un bon moyen, donc, de poser l’intrigue mais aussi de faire profiter aux joueurs d’un doublage absolument somptueux, que vous l’ayez sélectionné en anglais ou en français. Le menu Options permet de toute façon de switcher entre les différents dialectes selon vos préférences, ne vous en faites pas.
Que la montagne est belle !
D’ailleurs, si la partie sonore est sublimée par ces fameux acteurs, mais aussi par la bande-son absolument titanesque et cohérente orchestrée par Bear McCreary, il va de soi que vos yeux auront largement autant de quoi s’extasier. Que ce soit par le biais de sa direction artistique prônant le changement d’ambiance à chaque fois que vous entrez dans une nouvelle « région », ou tout simplement en terme de graphismes purs (physionomie des visages, corps, tâches de sang, expressions faciales, neige, couleurs, effets de lumière…), ce God of War 4 nous a retourné la rétine et l’a mâchouillée jusqu’à ce que l’on en redemande ! Dans le monde si particulier du gaming, ce jeu est ce que l’on appelle une usine à screenshots. Vous pouvez nous croire, vous serez tenté de très très très très nombreuses fois d’appuyer sur la touche Share de votre manette afin d’en (faire) profiter autant que possible.
Toutefois, il est à noter que certaines textures n’ont visiblement pas bénéficié du même soin durant les 5 ans qui ont été nécessaires au développement du titre. On citera pêle-mêle la qualité de l’eau, de la végétation, ou encore des mains qui, montrées en gros plan, font quelque peu grimacer. Rien de bien méchant, rassurez-vous, mais nous tenions à en parler un minimum. Pour info, le menu Options du jeu propose de retirer le flou cinétique ou de le jauger à votre guise, de retirer les éléments qui s’affichent à l’écran en jeu, mais aussi et surtout de switcher entre le mode Résolution (2160p si vous avez un écran 4K, et 1080p en multi-échantillonnage le cas échéant) et le mode Performance (visant, lui, à stabiliser au maximum le framerate du jeu en bloquant le tout en 1080p).
Côté durée de vie enfin, nous avons été très surpris par la longueur de l’ensemble ! En effet, si d’aucuns avaient fait l’erreur de le comparer avec les productions Naughty Dog telles qu’Uncharted et/ou The Last of Us (fort heureusement, ce God of War est bien plus que cela), il s’avère au final que la nouvelle exclusivité PS4 vous demandera pas moins de 25 heures pour être parcourue en ligne droite. Un ratio assez énorme lorsque l’on sait à quel point les anciens opus mettaient en avant le côté « court mais intense ». Décidément, cette suite n’a pas peur de chambouler les joueurs, et sachez également qu’il vous faudra plus de 50 heures si vous voulez en faire le tour à 100% et pourquoi pas déverrouiller les 37 trophées PSN qui sont proposés. Pour les plus curieux, sachez qu’il est bien sûr possible de démarrer le jeu en mode Facile, Normal, Difficile, mais également et directement en mode God of War (Dieu de la Guerre, si vous préférez). À noter toutefois que, contrairement aux modes précédents, celui-ci ne pourra en aucun cas être changé en cours de partie ! Vous voilà prévenus.
Il ne reste donc plus qu’à vous préparer à incarner un Kratos plus mature, plus juste, mais toujours aussi bouillant lorsqu’il s’agira d’activer sa rage spartiate (L3 + R3 lorsque la jauge orangée en bas à gauche de l’écran est remplie). Les combats ne plairont d’ailleurs sans doute pas à tout le monde, Cory Barlog et toute l’équipe de Santa Monica les ayant voulu plus directs et moins cinématographiques. Un choix qui peut se comprendre et qui, dans tous les cas, se respecte. De notre côté nous avons aimé le fait de pouvoir nous battre aussi bien à mains nues qu’avec le bouclier ou encore via la hache à tout faire du chauve dépigmenté. Et si vous souhaitiez que l’on vous rassure sur ce point, oui, le jeu compte bon nombre de scènes absolument épiques et mémorables. À bon entendeur !
VERDICT : 9/10
Changer une équipe qui gagne est toujours un processus compliqué. Nul doute que les papas du sparte le plus énervé de tous les temps ont dû se poser un million de questions avant de développer ce nouveau God of War. Comment convaincre les fans de la première heure que cette (r)évolution n’aurait rien de néfaste pour le héros qu’ils ont vu naître il y a déjà 13 ans de cela sur PlayStation 2 ? Honnêtement, nous avions nous-même quelques doutes sur la pertinence de cette nouvelle direction prise par la franchise. Une boussole ? Un monde semi-ouvert ? Une caméra à l’épaule et un fils en guise de side-kick ? Nous avions réellement peur de voir débarquer un énième clone de AAA habituel, générique au possible et perdant par la même occasion le charme mythologique et cinématique qui lui seyait à merveille. Eh bien, à quelques jours de sa sortie officielle, et après l’avoir parcouru en long, en large, et en travers, nous pouvons vous affirmer que nos craintes ont toutes disparu. God of War est un chef-d’oeuvre comme on en voit peu et ne se contente pas d’être beau à pleurer ou de faire frissonner vos tympans. Il a le mérite d’apporter un gameplay totalement remanié et prenant sur la durée, un scénario sombre et mystérieux qui se dévoile progressivement, des personnages mémorables, ainsi qu’une durée de vie à faire palir les prétendants au titre de jeu de l’année. C’est officiel, la PlayStation 4 a trouvé son dieu !
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