Il y a 3 ans de cela, sortait Ghostrunner, un titre à l’ambiance cyberpunk et développé par le studio polonais One More Level, en collaboration avec 3D Realms et Slipgate Ironworks. Le jeu avait su créer la surprise en mêlant habilement parkour et affrontements au katana, le tout en vue à la première personne et saupoudré d’une dose de Die & Retry. Acclamée par la presse et les joueurs, la toute récente licence nous revient en ce 26 octobre 2023 (ou le 24 en accès anticipé, inclus avec l’édition Brutal) avec le sobrement nommé Ghostrunner 2, qui revoit ses ambitions à la hausse. Après avoir escaladé la tour Dharma, voilà que Jack, le Ghostrunner, tente de s’emparer du titre de jeu de l’année avec cette suite, rien que ça.
Test réalisé sur PS5 à l’aide d’une version Brutal fournie par l’éditeur
Dharma, ton univers impitoyable
Il n’y a que peu de raisons pour lesquelles vous êtes passés à côté de Ghostrunner à sa sortie, en octobre 2020. Soit vous n’êtes pas friands des ambiances cyberpunk, soit le fait de mourir et recommencer à de multiples reprises dans un jeu a le don de gentiment vous agacer. Le challenge offert par One More Level était tout de même corsé : le principe de Ghostrunner réside dans un concept mêlant parkour, action à la première personne et adrénaline, puisqu’il faut être capable de suivre le rythme effréné. Ce qui nous a notamment conduit à ne pas finir cet opus. Alors lorsqu’il nous a été proposé de poser les mains sur le second, autant dire qu’on y a réfléchi à deux fois. Mais la proposition était trop belle pour refuser, le premier nous avait particulièrement séduits de par sa direction artistique marquée, sa bande-son géniale et son gameplay aux petits oignons.
Mais aussi bon fut-il, ce dernier demandait une précision presque chirurgicale, ne laissant que peu de place au doute dans l’exécution. Il s’agissait de suivre un chemin tout tracé pour venir à bout de chaque parcelle de niveau. Il convient dès lors de préciser que si Ghostrunner 2 marche sur les pas de son aîné, il offre tout de même davantage de liberté et se veut donc plus accessible. Preuve s’il en faillait : on a beau toujours être bloqués dans le premier opus, Ghostrunner 2 est bouclé depuis un petit moment de notre côté. Avec un nombre de morts plutôt élevé dans l’ensemble, mais n’est-ce pas le résultat qui compte ?
Et si vous vous trouvez dans le même cas que nous, ou bien que vous désirez tout simplement commencer Ghostrunner 2 sans jouer au premier opus, sachez qu’un résumé du premier est disponible dans les extras du menu principal. Parfait pour se lancer en tant que nouveau venu ou bien pour se rafraîchir la mémoire. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir joué, voire d’avoir complété Ghostrunner, mais il faudra forcément s’accrocher un peu pour suivre lorsque l’on parle de protagonistes bien intégrés dans le lore tels que les Asura, les Ghostrunners ou encore l’Architecte. Ici, il s’agit une fois de plus de prendre le contrôle de Jack, héros du premier opus, afin de libérer Dharma des nouvelles menaces qui tentent de prendre le contrôle de la tour, et ce, un an après la disparition de l’Architecte.
Le scénario semble un peu en retrait au premier abord, d’autant que le jeu se lance directement sans réelle remise en contexte. Les premiers éléments sont à capter aux détours de conversations qui ont, pour la plupart, lieu durant les phases d’action, ce qui pousse à ne pas détourner son attention des ennemis présents ou bien de l’environnement pour le Parkour. Heureusement, Ghostrunner 2 offre entre presque chaque niveau, une période de temps mort durant laquelle il est possible d’échanger avec les PNJ qui forment le groupe de rebelles dont fait partie Jack. L’univers de Ghostrunner se voit élargi et prend davantage forme dans ce second opus, notamment par le biais de ces dialogues, subsidiaires. Ce sont aussi ces moments de calme qui permettent d’acheter des puces d’amélioration pour Jack.
Un challenge à la hauteur des attentes
Pour acheter ces dernières, il faut dépenser la monnaie que l’on récupère la majorité du temps en éliminant nos opposants, bien que des défis soient disponibles ici et là dans les niveaux. Ces puces s’insèrent dans la carte-mère de Jack, à la condition d’avoir assez de points de mémoire disponible, mais aussi assez de place, cela va sans-dire. La carte-mère de Jack est à voir comme une sorte d’arbre de compétences que l’on peut modeler à l’envi, en fonction de son style de jeu. Par moments, il convient de l’adapter pour passer des passages bien précis, dans le but de s’offrir des bonus ou d’améliorer certaines capacités.
De cette fonctionnalité, naît la possibilité de personnaliser son style de jeu. Si le gameplay de base consiste à attaquer, éviter les attaques et rester en mouvement en courant, sautant et en glissant, on note ici une nouveauté de taille : celle de pouvoir bloquer les attaques ennemies, voire de les parer. Une excellente idée qui permet de rendre le jeu accessible à un plus grand public, surtout quand on constate que la fenêtre de parade se veut des plus permissives, la rendant alors presque indispensable dans certaines situations. Il suffit alors d’y coupler les capacités de Jack pour donner naissance à des ballets aériens où s’enchaînent esquives, blocages, attaques, shurikens, utilisation du grappin ou encore technique ultime. Mais attention à la barre d’endurance : cette dernière décroit rapidement lorsque l’on bloque des tirs et attaques ou que l’on emploie l’esquive.
Le challenge de Ghostrunner 2 réside dans la façon d’appréhender chaque arène. Si les niveaux se parcourent en ligne droite, avec toutefois quelques chemins de traverse pour récolter artefacts, éclats de carte-mère, épées et enregistrements audio ; on peut considérer chaque tronçon de niveau comme des arènes géantes dont le level design peut tout autant donner des sueurs froides que d’idées pour parvenir à éliminer efficacement les menaces. Ghostrunner 2 nous a semblé bien plus permissif que son grand frère sur ce point, en offrant une architecture plus verticale. C’est bien simple, on a même eu le droit à l’erreur à certains moments, afin de se réfugier dans un coin le temps d’analyser la situation pour mieux repartir au combat.
Mais ne vous y trompez pas, de manière très générale, le jeu requiert une attention de tous les instants et la capacité à revoir ses plans aux derniers moments en cas d’ennemi loupé ou de saut mal jaugé. Ghostrunner 2 est un jeu grisant. Frustrant, certes, mais terriblement grisant. Il possède cette habilité à nous faire ruminer au bout de plusieurs tentatives infructueuses sur un passage, mais la réussite procure un sentiment jouissif rarement égalé. Cet aspect se voit d’ailleurs exacerbé grâce au travail réalisé sur l’OST, une véritable petite bombe à retardement qui sublime chaque instant de l’aventure.
La revanche des synths
S’il fallait compter sur les compositions de l’excellent Daniel Deluxe sur le premier opus, il est ici rejoint par 4 noms de référence dans leurs domaines : Arkadiusz Rejkowski, GosT, Dan Terminus et We Are Magonia. Tandis que le premier verse davantage dans les musiques d’ambiance et a d’ailleurs signé plusieurs OST, GosT et Dan Terminus sont connus pour leurs sonorités synthwave efficaces, tandis que We Are Magonia verse dans l’electro dark teintée de dubstep. Avec tant de beau monde réuni, on se retrouve avec des compositions aussi énervées que galvanisantes. Chacun y joue de ses synthés, de sa boite à rythmes, de son ambiance cyberpunk revu à sa sauce. On note d’ailleurs que plusieurs titres bénéficient de sonorités plus orchestrales, ce qui accentue le côté épique de moments bien précis.
L’idée de réunir 4 compositeurs de talent et un groupe qui monte est un excellent choix qui permet de teinter les compositions de sonorités propres à chacun de ces musiciens. Notamment GosT et We Are Magonia, qui, par leurs univers plus sombres, plus chaotiques, offrent davantage de violence avec des beats sur lesquels on se retrouve à hocher la tête plus que de raison. On ne peut d’ailleurs que vous enjoindre à aller découvrir tous ces artistes, d’autant que 2 d’entre eux sont français (Dan Terminus et We Are Magonia) et que l’on se réjouit de voir le trio Lyonnais mis en avant dans une aussi belle production. Vous l’aurez compris, l’ambiance sonore est au rendez-vous, et pour en profiter au mieux, on vous recommande chaleureusement de faire un petit tour dans les paramètres audio afin de réduire le niveau des dialogues et des effets sonores pour que la musique puisse faire son œuvre.
Évidemment, l’atmosphère musicale crante parfaitement avec l’ambiance générale du jeu. Ou plutôt les ambiances devrait-on dire, puisque Ghostrunner 2 joue sur plusieurs tableaux, de façon habile. On évolue toujours dans la tour Dharma, avec ses néons qui accentuent l’ambiance cyberpunk, ainsi que dans le Cybervoid, cet espace cybernétique qui met davantage le parkour à l’honneur, ponctué par des phases de réflexion. Mais passé la moitié de l’aventure, Jack se retrouve un peu malgré lui en dehors de la tour Dharma. Un retournement de situation qui permet de relancer l’intérêt du jeu avec une direction artistique post-apo proche d’un Mad Max, en plus cauchemardesque. C’est également à ce moment-là que la moto fera son apparition.
On avait un peu peur que son utilisation ne soit que très ponctuelle, et surtout anecdotique, mais elle offre de belles sensations et se paye même le luxe d’être au cœur d’une partie complète du jeu. Avec le savoir-faire de One More Level en termes d’action endiablée, on comptait bien sur eux pour offrir plus de ces phases que d’aller d’un point A à un point B. Sans trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir, vous aurez rarement le temps de vous concentrer sur le décor, puisque même à moto, Jack sera la cible de créations mutantes peu avenantes, sans compter que les routes quelque peu accidentées nécessiteront quelques acrobaties. Sur l’asphalte, sur les murs, et même dans les airs, Jack est inarrêtable. Sur ce dernier point, nous vous laisserons profiter d’une surprise survenant dans la dernière ligne droite du jeu et qui vient, une fois de plus, ponctuer le gameplay d’une subtilité plus qu’appréciable.
Une suite cyber bien
C’est à croire que tout ce que fait Ghostrunner 2, il le fait sans faute, sublimant la formule d’un premier épisode fort apprécié. La copie de One More Level est effectivement d’une qualité redoutable, malgré quelques ombres au tableau. Si le jeu est visuellement très réussi, on attend encore la possibilité de jouer avec Ray Tracing sur consoles, tandis que les joueurs PC devraient pouvoir en profiter à la sortie. On se rappelle qu’à l’époque de Ghostrunner, les développeurs avaient fait un travail conséquent et la version PC venait chatouiller la rétine, avec notamment l’utilisation du DLSS. Actuellement, les joueurs consoles devront donc faire avec un mode Qualité, un mode Performance et un mode Fréquence d’image élevée. Vous commencez à connaître la chanson depuis fin 2020, il s’agit là de choisir entre une priorité aux graphismes, une priorité à la fluidité et enfin la possibilité de jouer jusqu’en 120 FPS pour ceux ayant un écran compatible. Nous avons majoritairement joué en mode Fréquence d’image élevée et n’avons pas été réellement impactés par la baisse de qualité visuelle. Pour un titre comme Ghostrunner 2, privilégiant l’action endiablée, c’est le mode que l’on aurait tendance à conseiller à tout un chacun.
Visuellement, le jeu fait mouche avec ses jeux d’ombres et de lumières gérés avec brio et des couleurs néon bien accentuées. En dehors de Dharma, les environnements sont plus ternes, mais cela colle à merveille avec le côté post-apocalyptique. L’aspect technique est maitrisé, mais quelques petits bugs ont été notés de notre côté, avec la disparition de tous les PNJ dans le hub qui fait la jonction entre chaque niveau, quelques petits soucis de collisions ; et un peu plus embêtant cette fois : la corruption de notre sauvegarde. Heureusement, cela est survenu après le générique de fin, mais perdre plus de 30% de progression, cela a de quoi faire grincer des dents, d’autant que le boss final nous aura donné pas mal de fil à retordre.
Une fois ce dernier achevé, que reste-t-il de Ghostrunner 2 ? Une irrépressible envie de partager ses plus beaux moments de gloire, malheureusement, le jeu de One More Level manque toujours d’un éditeur vidéo permettant de revoir sous plusieurs angles nos meilleurs assauts. On chipote, mais que voulez-vous, il faut bien trouver à redire quand l’exécution est faite d’une main de maître. On pourra se consoler en jouant la montre dans les niveaux complétés au préalable, en conservant ses améliorations. Une sorte de New Game + sans le nom. À noter que passé le premier tiers du jeu, un mode rogue lite devient accessible. Il permet d’enchaîner de courts niveaux faisant la part belle au parkour ou bien aux affrontements. Chaque niveau terminé permet d’obtenir des vies supplémentaires ou des améliorations, tout en sachant que le but est d’arriver au dernier niveau, en choisissant à chaque fois le chemin à emprunter. On en fait bien vite le tour, et les maps finissent par se répéter, mais il offre un challenge supplémentaire et donne l’opportunité de débloquer quelques apparences de gants et d’épée. Une belle tentative pour gonfler le contenu du titre tout en permettant de s’entraîner. Sachant qu’il nous a fallu environ 11 à 12h pour finir le jeu une première fois, avec une bonne dose de tentatives, cela vous donne un bon aperçu de la durée de vie du jeu.
Dans son envie de nous offrir des passages survoltés, le jeu perd de temps à autre en lisibilité. Ce point noir était présent dans Ghostrunner et cette suite ne fait pas exception, bien que les différents éléments du level design soient mieux mis en avant à notre sens. Toujours est-il qu’en plein affrontement, on ne fait pas forcément attention à tout ce qui nous entoure, ce qui induit indubitablement morts et essais multipliés. Après tout, Ghostrunner 2 verse dans le Die & Retry comme le faisait Hotline Miami en son temps. D’ailleurs, à la sortie du premier volet, nombreuses furent les rédactions à le comparer à ce dernier. Nous tâcherons d’être plus élégants de notre côté, puisqu’il nous semble que, si comparaison il y a, ce serait davantage avec un film. En effet, Ghostrunner 2 est au jeu vidéo ce que John Wick est devenu au cinéma d’action : une véritable référence où l’action brutale et frénétique se conjugue sur fond de beats électros et de nappes de synthétiseurs, sans aucun temps mort. Les cadavres s’enchaînent, les chorégraphies sont chiadées. On prend des coups, souvent on chute. Mais quand on se relève, c’est pour mieux affûter son épée et frapper au moment opportun en s’élançant à toute vitesse sur sa cible. Jouissif on vous dit.
Verdict : 9/10
Quelle claque. Ghostrunner 2 est l’exemple parfait de la suite qui reprend le meilleur de son matériau originel pour le sublimer et prendre son envol vers l’excellence. Les solides fondations du gameplay sont de retour avec des ajouts qui ponctuent agréablement et subtilement l’aventure. On apprécie toujours autant la façon dont le parkour est intégré aux arènes avec un level design redoublant d’efficacité. Incisive et sans concession, l’action donne le LA à une OST qui frappe sans relâche dans le mille. Ghostrunner 2 est incontestablement l’un des titres de l’année. Avec ce nouvel opus, One More Level est en passe de forger une licence qui va marquer le jeu vidéo au fer chaud.
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