Après plusieurs années de silence radio depuis la sortie de InFamous: First Light, le studio américain Sucker Punch Productions fît parler de lui à nouveau en 2017 avec la présentation de Ghost of Tsushima lors de la conférence Paris Games Week de Sony. Visuellement splendide, le titre nous promettait l’expérience ultime du samouraï sur notre console de salon. Presque trois ans après le premier reveal et un confinement suite au Coronavirus plus tard, voilà la bête entre nos mains pour une inspection approfondie. Ghost of Tsushima est-il à la hauteur de ses ambitions ?
Test réalisé sur Playstation 4 grâce à un code numérique fourni par l’éditeur
Jin Sakai, le dernier samouraï
Ghost of Tsushima prend place sur la plage de Komoda lors de l’invasion de l’île du même nom par les hordes Mongols. 80 samouraïs s’érigent alors en défenseurs face à toute une armée. Parmi ces samouraïs, Jin, dernier membre du clan Sakai. Le titre débute par une bataille dans laquelle Jin et son oncle, le Seigneur Shimura, font face à l’envahisseur dans un combat perdu d’avance. Les samouraïs tombent les uns après les autres et Jin ainsi que son oncle se retrouvent très vite submergés. Sauvé in extremis par une voleuse du nom de Yuna, Jin apprend que son oncle a été capturé par le chef des Mongols, Khotun Khan. Après une tentative pour secourir Shimura, Jin est vaincu et laissé pour mort. Après s’être réveillé sur la berge, Jin devra dans un premier temps retrouver Yuna, puis se former un cercle de collaborateurs afin de mener une armée capable de sauver son oncle et d’expulser les Mongols hors de l’île.
Honneur. Respect. Trahison. Accepter son devoir. Des choix de sujets très convenus mais qui collent néanmoins avec l’image qu’on peut avoir du Japon de cette époque en pleine guerre de territoires. Tout au long de son périple, Jin rencontrera divers protagonistes, chacun avec son lot de problèmes à résoudre. Le héro n’est pas en reste car, lui aussi, doit faire table rase du passé et accepter à la fois d’être l’héritier du clan Sakai, mais aussi de mener le peuple de Tsushima au combat, utilisant des pratiques qui l’éloigneront peu à peu du code d’honneur des samouraïs. Les Mongols ne seront pas la seule menace sévissant sur Tsushima. Notre samouraï devra également faire face aux bandits et aux traîtres retournés, préférant servir l’occupant dans leur soif de pouvoir ou leur lâcheté.
L’air du vent
Le jeu étant un monde ouvert, il vous faudra bien savoir où vous vous dirigez à chaque instant. Au lieu de nous proposer une option classique qui consisterait à marquer une cible et voir une icône apparaître sur votre écran indiquant le nombre de kilomètres restants à parcourir, Sucker Punch Productions nous propose ici quelque chose d’un poil plus sobre et poétique. En effet, le vent saura vous guider. Une feature déjà dévoilée lors de trailers de gameplay selon laquelle Jin devra suivre la direction du vent pour se diriger vers sa destination. Le vent vous indiquera vers où partir après sélection d’une mission, ou avoir désigné un lieu sur votre map. Après cela, vous pourrez vérifier votre direction par un glissement du doigt vers le haut sur le pavé tactile de votre manette. Vous pourrez utiliser cette option à volonté à partir du moment où un objectif a été sélectionné. L’option « Vent Directeur » vous permettra aussi de dénicher des points d’intérêt précis au plus proche sans les avoir découverts au préalable. Limité aux sources d’eaux chaudes dans un premier temps, vous pourrez élargir l’éventail contre des points.
Une mécanique sympathique sur le papier mais qui a tout de même ses points faibles. Certes, cette méthode permet de libérer le HUD d’une icône disgracieuse, mais il vous arrivera très souvent de vous retrouver nez à nez avec une falaise ou une rivière que vous ne pourrez pas franchir avec votre cheval – voire même pas du tout si aucune prise n’est apparente car oui, vous ne pouvez pas escalader une montagne ou la dévaler comme bon vous semble dans Ghost of Tsushima. De ce fait, on se retrouve souvent à devoir faire un petit détour avant de trouver un chemin praticable et de reprendre sa route. L’excuse qu’on pourrait donner est que par ce procédé, Sucker Punch Productions vous force à apprendre l’île de Tsushima par cœur. Si votre serviteur est relativement tolérant, pas sûr que cela plaise au plus grand nombre.
La voie du Guerrier ou du Fantôme, à vous de choisir
Si Jin est un samouraï en premier lieu, il est peu à peu qualifié de « Fantôme » de Tsushima, l’âme vengeresse revenue d’entre les morts. Qui dit fantôme dit fort souvent invisibilité et donc furtivité. Du coup, Ghost of Tsushima nous propose deux gameplay : l’approche de front tel un vaillant samouraï ou bien la tactique plus sournoise du ninja invisible. Lorsque vous approchez un groupe d’ennemis, vous pouvez, au choix, les provoquer ou bien foncer dans le tas tête baissée. Si vous décidez de confronter vos adversaires, s’engage alors un mini-jeu dans lequel il vous faudra dégainer votre katana au bon timing – à savoir au moment où l’ennemi tente de vous asséner un coup. Relativement simple au début, l’IA tentera de vous feinter plus tard dans l’aventure. Si vous ratez votre coup, attendez-vous à subir un retour douloureux. Au contraire, si vous gagnez votre duel, alors vous trancherez votre adversaire avec un coup mortel. Limité à un ennemi au départ, vous pourrez transpercer jusqu’à trois bougres au total grâce aux compétences à débloquer avec des points de réputation. Monter cette dernière vous permettra de découvrir de nouvelles techniques, des objets cosmétiques mais aussi de faire grandir votre légende, ce qui aura un impact sur le monde qui vous entoure.
Une fois un combat engagé, le gameplay s’instaure dans quelque chose de beaucoup plus classique. Il s’agit de bloquer, parer et esquiver les assauts de vos adversaires puis de rendre les coups en combinant attaques faibles et fortes. Certaines attaques vous demanderont de contrer à un moment précis, d’autres sont tout simplement imparables et devront être esquivées. Jin débute avec la posture dite de la pierre. Une posture somme toute classique qui vous permettra de tenir en respect les guerriers Mongols et autres malandrins. Au fur et à mesure de votre progression, de nouveaux types d’ennemis feront leur apparition. Afin de terrasser au mieux les diverses menaces, il sera possible pour Jin de découvrir de nouvelles postures. Au nombre de quatre, chacune est pensée pour vous donner l’avantage face à un type d’ennemi. Elles s’acquièrent après la mise à mort de plusieurs chefs Mongols. Apprenez à jongler avec chaque posture en combat.
Passons maintenant à l’approche furtive. Cette dernière s’avère moins bien mise en avant que l’on aurait pu espérer. En dehors des activités annexes, la trame principale est, elle, assez dirigiste. Le jeu ne vous accorde jamais vraiment le choix d’opérer comme bon vous semble. Ghost of Tsushima favorise clairement l’action directe et vous donnera à quelques occasions l’opportunité de jouer de vos skills en infiltration. Et là encore, elle est très mal exploitée les premières heures de l’aventure. Le manque de compétences et d’objets rend le tout laborieux et rébarbatif. Ne vous inquiétez pas, les choses s’améliorent tout de même par la suite. Cependant, si vous êtes joueur d’Assassin’s Creed et consort, le gameplay de Ghost of Tsushima vous paraitra très certainement rigide et un poil redondant. Afin de mener à bien ses objectifs, Jin disposera de divers outils. Arc court, sarbacane ou encore bombes collantes, l’arsenal est relativement varié pour s’adapter aux deux gameplay qu’offre Ghost of Tsushima. Il les débloquera au travers de missions spécifiques, ou bien en achetant ladite compétence dans son arbre de talents.
Les inspirations pour ce jeu sont nombreuses et se font clairement ressentir tout au long de l’aventure. The Witcher, Assassin’s Creed en passant par du Red Dead Redemption, il semblerait que Sucker Punch Productions ait voulu compiler les meilleures idées de cette dernière décennie en un seul et même titre. D’autres similarités avec des productions comme Tenshu ou encore Kengo sont à souligner. Si la recette fonctionne, Ghost of Tsushima n’arrive jamais à vraiment surpasser l’un de ses prédécesseurs. Mis à part son ambiance bien à lui, à vouloir trop copier, le titre perd un peu de sa superbe et de son identité.
La beauté du Japon en un jeu
On sent chez Sucker Punch Productions l’envie de faire les choses bien et de rendre hommage au Japon féodal. En plus de son intrigue basée sur divers sujets récurrents abordés dans les films de samouraïs, le studio s’inspire aussi de divers dessins d’époque pour dépeindre son univers. Certes, les couleurs chatoyantes de certains environnements peuvent donner une idée sublimée et idéalisée de ce qu’a dû être le Japon d’antan, néanmoins, ça fait mouche. Ghost of Tsushima est une invitation à l’exploration. Sectionnée en trois parties et subdivisée en plusieurs préfectures, chaque région a son caractère propre et ses charmes. Le jeu propose même un filtre dénommé « Kurosawa ». Référence directe au grand réalisateur du même nom, il s’agit d’un filtre en noir et blanc avec quelques salissures de vielles bandes cinéma et un son plus étouffé pour coller aux films des années 50/60. Certains plans de caméra sont quelque peu trop modernes pour être l’œuvre d’Akira Kurosawa mais on apprécie le geste malgré tout. Ghost of Tsushima bénéficie aussi d’une bande son très soignée composée par Ilan Eshkeri et Shigeru Umebayashi, compositeur japonais à l’œuvre sur divers films d’époque et d’action nippons et chinois.
Malheureusement, tout n’est pas rose dans le jeu et l’expérience s’avère être entachée de divers petits problèmes techniques, à commencer par le framerate. Capé à 30 FPS, le titre accuse son lot de ralentissements et autres stuttering à divers endroits un peu trop chargés en détails. Ghost of Tsushima est loin d’être une exception dans ce domaine mais malgré tout, il est toujours fâcheux de constater qu’une expérience à 30 FPS constante est trop demandée, surtout sur un jeu en fin de génération. Le jeu ayant été testé sur PS4 classique, il semblerait que les joueurs Pro puissent bénéficier d’une option supplémentaire permettant de booster le framerate. Un autre souci, celui-ci étant beaucoup plus tiquant, réside dans ses animations. En effet, le titre de Sucker Punch Productions transpire le manque de finition à ce niveau-là avec énormément d’actions hachées, saccadées ou bien ne se réalisant pas toujours correctement (exemple : enjamber une fenêtre). Vient s’ajouter à cela des animations faciales parfois grotesques qui donnent aux personnages ce côté factice. Le titre accuse également un downgrade flagrant quand il est comparé aux premiers trailers de gameplay révélés deux ou trois ans auparavant. Fort heureusement, la direction artistique globale sauve la mise en proposant une variété de panoramas souvent somptueux.
L’IA n’est pas en reste avec de nombreux moments d’errance, mais ce n’est rien comparé à la caméra lors des combats. Ne disposant pas de réel système de ciblage, Jin va toujours tenter de frapper l’ennemi au plus proche. Malheureusement, la caméra ne suivra pas l’adversaire désigné mais restera focalisé sur Jin autant que possible. De ce fait, il arrive très souvent que les ennemis passent hors-champ et vous assènent un coup que vous ne discernez qu’au dernier moment – parfois trop tard. C’est alors à vous de recadrer la caméra en utilisant votre stick droit. Si cela reste plus ou moins gérable dans les espaces étendus, ça devient beaucoup moins acceptable lors de combats en lieux clos.
Tsushima, une île pleine de secrets
Tsushima regorge de lieux à découvrir. Temples, autels, spots de méditation et compositions de haïkus… ils sont nombreux et ont très souvent quelque chose à vous offrir : cosmétiques, charmes majeurs et mineurs, revêtements pour vos armes et autres. Des sources d’eaux chaudes et des stands d’entrainement à la coupe de bambou sont eux-aussi disséminés à travers l’île. Ces derniers accroîtront respectivement votre jauge de santé ainsi que votre détermination. Cette dernière vous permettant de régénérer votre santé ou bien encore d’effectuer des coups spéciaux, elle est donc à ne pas négliger. Vous trouvez également des aires de duels où de valeureux guerriers vous y attendront. En plus de sa trame principale, Ghost of Tsushima compte plusieurs légendes qui vous seront contées par les musiciens de l’île. Ces missions sont de véritables jeux de pistes au bout desquels vous attendront un duel et une récompense alléchante allant du set d’armure à l’acquisition d’une nouvelle technique dévastatrice. Sans surprise, Tsushima contient plusieurs villages dans lesquels Jin pourra s’adresser à divers artisans pour améliorer son équipement, faire le plein en consommables ou bien accepter les diverses requêtes des habitants sous forme de quêtes annexes. Enfin, le très en vogue Mode Photo vous permettra d’immortaliser vos meilleurs moments. Relativement complet, il y a de quoi réaliser de très beaux visuels si vous avez l’âme artistique un tantinet. Il n’est pas à cacher que Ghost of Tsushima fourmille de panoramas somptueux et propices à de magnifiques screenshots.
Verdict : 7/10
Entre son framerate capricieux sur PS4 classique, ses animations d’un autre temps, sa caméra laborieuse lors des combats ou encore ses quelques lourdeurs de gameplay, Ghost of Tsushima est une expérience entachée de trop de petits défauts pour se hisser comme le GOTY de cette année 2020. Néanmoins, le storytelling et la beauté des environnements sauvent la mise au titre sans compter son lot de petits à côté. Le gameplay peut sembler insipide les premières heures de jeu mais s’améliore au fur et à mesure de votre progression avec l’acquisition de nouveaux objets et atouts. Les aficionados du Japon et des récits de l’époque féodale devront trouver en Ghost of Tsushima leur bonheur. Pour ceux encore indécis, attendez peut-être une éventuelle baisse de prix avant de sauter à pieds joints dans cette aventure pour le moins appréciable, sans être transcendante, qui vous tiendra en haleine une dizaine d’heures.
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