Le retour d’une légende approche à grands pas. Plus de deux décennies après le dernier opus majeur, Fatal Fury: City of the Wolves marque le grand come-back d’une franchise emblématique du jeu de combat. Alors que la concurrence fait rage sur la scène du jeu de combat, SNK saura-t-il imposer la franchise Fatal Fury à nouveau dans l’arène ? En attendant sa sortie imminente, voici notre avis sur ce que le jeu a dans le ventre.
Test réalisé sur PC à l’aide d’une copie envoyée par l’éditeur.
Hey, come on, come on!
Franchise culte des années 90, Fatal Fury a été l’une des pierres angulaires de l’âge d’or du jeu de combat en arcade. Née sur Neo Geo, elle a introduit des personnages devenus iconiques comme Terry Bogard, Mai Shiranui ou Geese Howard, tout en posant les bases de ce qui deviendrait plus tard The King of Fighters. Le dernier opus majeur, Garou: Mark of the Wolves, sorti en 1999, avait laissé une empreinte durable grâce à sa réalisation soignée et son gameplay affûté. Depuis ? Silence radio pendant plus de 25 ans, malgré la popularité continue de certains personnages dans d’autres licences.

L’annonce de Fatal Fury: City of the Wolves en 2022, suivie d’un premier trailer en 2023, a donc été un petit événement pour les amateurs de versus fighting. Développé par SNK avec le moteur Unreal Engine (le même que The King of Fighters XV), ce nouvel opus reprend l’héritage direct de Garou, poursuivant les évènements instaurés deux décennies auparavant. Le style cel shading moderne confère au jeu une identité visuelle forte, entre respect du matériau d’origine et fraîcheur contemporaine. Le projet est né d’une volonté assumée de faire renaître la série avec ambition, en s’appuyant sur le savoir-faire accumulé par SNK depuis sa résurrection en 2016. Entre hommage nostalgique et nouvel élan, City of the Wolves veut redonner à Fatal Fury la place qu’elle mérite dans le paysage du jeu de combat actuel.
Sous la direction de Yasuyuki Oda, producteur emblématique ayant déjà orchestré la renaissance de The King of Fighters, le projet est porté par une véritable volonté de concilier tradition et modernité. Oda a plusieurs fois souligné l’importance de Fatal Fury: City of the Wolves pour SNK, le décrivant comme un « tournant majeur » pour l’éditeur. Parmi les nouveautés, on note l’introduction du système REV (Rev System), qui promet d’offrir plus de dynamisme et de créativité dans les combats, sans pour autant sacrifier la profondeur stratégique.
L’héritage fait sang neuf
Fatal Fury: City of the Wolves démarre avec un roster qui fait le pont entre les icônes de la série et de nouveaux visages. Du côté des vétérans, Terry Bogard, Rock Howard, Hotaru Futaba ou encore Tizoc répondent présents, tous retravaillés avec soin pour coller à la nouvelle direction artistique et aux mécaniques modernisées. Mais SNK ne se contente pas de recycler : de nouveaux personnages font leur entrée, comme Preecha, une combattante spécialisée en Muay ou encore Vox Reaper, un personnage à l’esthétique sombre et disciple spirituel de Grant, antagoniste majeur de Garou: Mark of the Wolves. Autre surprise, et pour le moins intriguant, Cristiano Ronaldo et le DJ Salvatore Ganacci sont tous deux présents comme personnages jouables ! Bien que la rumeur du footballeur portugais comme combattant avait été particulièrement insistante ces derniers mois, personnes n’y croyait vraiment, et pourtant !

Si la sélection de départ ravira de nombreux fans, quelques absences notables viennent ternir le tableau. La présence de ces deux invités empêche néanmoins Fatal Fury: City of the Wolves de réunir l’intégralité du casting de Garou: Mark of the Wolves. Les absents les plus remarqués sont Kim Jae Hoon, l’un des fils de Kim Kaphwan, ainsi que Freeman, personnage mystérieux au airs edgy et rappelant un certain Iori dans sa variation dite « Griffe ».
Le premier season pass, déjà annoncé, comprendra cinq personnages additionnels, dont certains visages familiers issus de l’univers Fatal Fury/KOF (Andy Bogard, Joe Higashi et Mr. Big), mais aussi des invités en la présence de Ken et Chun-Li de Street Fighter pour rendre la pareille à Capcom qui compte Terry et Mai dans son roster. SNK a précisé vouloir alimenter le jeu sur le long terme avec du contenu régulier, tout en écoutant les attentes de la communauté compétitive. Ce modèle en saison s’inscrit clairement dans une logique post-KOF XV, visant à garder le jeu vivant à travers des mises à jour d’équilibrages et des ajouts de contenu.
Ce REV bleu
Côté gameplay, City of the Wolves hérite de plusieurs mécaniques de Garou: Mark of the Wolves, notamment le S.P.G, grandement inspiré du TOP System, qui permet au joueur de choisir une zone dans sa barre de vie où il bénéficiera d’un boost temporaire en attaque et d’un accès à des coups spéciaux supplémentaires, notamment la possibilité d’effectuer un Rev Blow et un Hidden Gear si les ressources le permettent. Ce système stratégique, qui pousse à prendre des risques calculés, est de retour dans une version modernisée, plus lisible et intégrée au rythme actuel du versus fighting.

La grande nouveauté vient du REV System, un ensemble de mécaniques unifiant les options offensives et défensives autour d’une jauge centrale. Il regroupe plusieurs mécaniques — Rev Blow, Rev Guard, Rev Arts — toutes liées à une jauge unique, le REV Meter. Ce dernier se remplit à chaque action spéciale ou défensive et, une fois surchargé, entre en surchauffe, limitant drastiquement les possibilités du joueur… et ouvrant une fenêtre dangereuse pour l’adversaire.
C’est là que le bât blesse. Si l’idée de punir un joueur trop gourmand ou trop défensif peut sembler juste, la gestion actuelle du REV Meter pose question. En effet, il suffit que l’adversaire enchaîne les pressions sur garde pour faire monter la jauge de l’autre joueur, le poussant malgré lui vers la surchauffe — sans même avoir abusé de ses propres options. Une fois en surchauffe, non seulement les Rev Arts deviennent inaccessibles, mais la barre de garde devient vulnérable, exposant le joueur à un guard crush brutal. L’intention est claire : favoriser l’agressivité, maintenir la tension… mais le sentiment de contrôle en prend un coup.
Ce déséquilibre se double d’un buffer d’input assez raide, qui ne pardonne pas les approximations, même pour des links simples. Cela accentue la sensation de rigidité dans un jeu qui se veut pourtant nerveux. À vouloir s’inspirer du Drive System de Street Fighter 6 — avec son propre système de gestion de ressources et de surchauffe — SNK semble avoir cherché à éviter le plagiat direct, quitte à introduire des mécaniques qui manquent encore de finesse dans leur implémentation. Le résultat est un gameplay au potentiel indéniable, mais dont les fondations doivent encore être affinées pour que le système REV tienne ses promesses sans frustrer.
Au-delà du REV System et de la gestion perfectible de ses ressources, Fatal Fury: City of the Wolves souffre également de choix de design qui complexifient inutilement l’expérience, notamment autour des systèmes de Brake et de Feint. Ces mécaniques, héritées de Garou: Mark of the Wolves, sont censées permettre aux joueurs avancés d’interrompre certaines attaques ou d’exécuter de fausses animations pour piéger l’adversaire. Sur le principe, elles enrichissent le gameplay en ajoutant une couche de mind game. Mais dans les faits, leurs manipulations sont tout sauf intuitives.

Les commandes de Brake et de Feint reposent sur des combinaisons de touches distinctes et souvent inconfortables, demandant des enchaînements peu naturels qui fatiguent rapidement les mains — surtout sur sessions prolongées. Une question se pose alors : pourquoi ne pas avoir unifié leur exécution, en laissant au contexte (attaque en cours ou timing) le soin de définir l’action déclenchée ? Ce choix aurait non seulement fluidifié la prise en main, mais aussi permis une meilleure lisibilité pour les nouveaux venus comme pour les vétérans. En l’état, on se retrouve avec deux systèmes proches sur le papier, mais dont l’accès semble inutilement contraignant.
Ce problème s’ajoute à une autre décision surprenante : l’introduction d’un cinquième bouton dédié au REV Guard et à l’activation du Hidden Gear quand le contexte s’y prête. Alors que les quatre boutons traditionnels suffisent largement à couvrir les besoins de gameplay, l’ajout de cette touche spécifique — la touche Rev — soulève des interrogations. Son rôle semble redondant, puisque toutes ses actions pourraient être exécutées via des combinaisons classiques. On a l’impression que cette touche a été ajoutée pour marquer le système REV sans réelle nécessité, au prix d’un bouton de plus à mapper et à gérer… pour un gain fonctionnel assez limité.
Entre charme old school et limites modernes
Visuellement, Fatal Fury: City of the Wolves affiche une direction artistique assumée, portée par un style cel-shading à mi-chemin entre le manga et l’animé, qui colle bien à l’identité de la saga de SNK. Certains designs et effets de coups sont franchement réussis, et le jeu a du caractère… mais il faut bien admettre que l’exécution technique reste en retrait par rapport aux standards actuels du genre. Quand on compare à des productions comme Guilty Gear Strive ou Street Fighter 6, City of the Wolves semble parfois figé dans le passé. Les animations, en particulier, manquent souvent de fluidité, ce qui accentue une sensation de raideur déjà ressentie dans le gameplay. Certains mouvements paraissent abrupts, et les transitions entre les attaques manquent de liant, ce qui nuit à l’impact visuel comme au plaisir des combos.

Mais là où la déception est encore plus marquée, c’est du côté de la bande-son. Garou: Mark of the Wolves avait laissé un souvenir impérissable avec ses thèmes mémorables, à commencer par celui de Rock Howard, au chorus clairement inspiré de Children de Robert Miles — un plagiat ? Peut-être. Mais un plagiat de qualité. Ici, City of the Wolves tente bien de rejouer la carte nostalgique avec quelques réorchestrations de thèmes issus de Garou, mais celles-ci manquent cruellement d’inspiration. Quant aux nouvelles compositions, elles s’avèrent insipides, voire anecdotiques, à tel point qu’on peine à s’en souvenir après quelques matchs. Mention (peu) honorable au thème du training stage, dont la mélodie générique évoque plus une publicité de café tiède qu’un champ de bataille pour futurs champions.
Un contenu très classique
Côté contenu, Fatal Fury: City of the Wolves reste dans une offre très classique, voire minimaliste, pour un jeu de combat censé marquer le grand retour d’une série culte. En solo, on retrouve les modes attendus : Arcade, Training, un tutoriel de base, et un mode Missions qui se divise en trois variantes — Défis personnages, Survie et Contre-la-montre. Des ajouts bienvenus, mais qui manquent cruellement de générosité : les défis sont peu nombreux, peu inspirés, et surtout n’explorent pas vraiment la profondeur du système de jeu, ce qui est regrettable, surtout pour les nouveaux venus qui cherchent à s’initier.

Le soi-disant mode histoire, baptisé Episodes of South Town (EOST), se veut plus ambitieux avec une composante RPG : le joueur progresse sur une carte de South Town découpée en trois zones, enchaînant des combats à objectifs variés. Sur le papier, ça intrigue. En pratique, l’ensemble est d’une platitude confondante. Les affrontements sont mous, les variations d’objectif anecdotiques, et surtout les histoires sont d’un ennui abyssal. Pire encore : aucune cinématique, aucun doublage, juste des boîtes de texte fades et impersonnelles — un comble, quand le mode arcade propose, lui, des dialogues doublés et quelques bribes de mise en scène. Un cruel déséquilibre qui illustre un certain manque d’ambition narrative.
Du côté du multijoueur, on retrouve les standards : Versus local, matchs en ligne en casual, ranked ou salons privés. À noter également la présence d’un Clone Mode, dans lequel une IA adaptative à la Tekken 8 apprend des styles de jeu pour les répliquer — un ajout prometteur sur le papier, mais que nous n’avons pas pu tester, les serveurs n’étant pas encore accessibles au moment du test. On peut toutefois s’attendre à une expérience similaire à celle offerte durant la seconde phase de bêta ouverte, qui, sans être révolutionnaire, avait le mérite d’être stable et fonctionnelle.


Enfin, quelques options annexes comme le Color Edit et le Jukebox viennent étoffer l’interface, mais ne suffisent pas à compenser l’impression globale d’un contenu de lancement squelettique. Pour un retour attendu depuis 25 ans, City of the Wolves donne parfois l’impression de jouer la prudence à outrance, au lieu de livrer un package digne de son héritage.
Verdict
Fatal Fury: City of the Wolves signe un retour à la fois audacieux — de la part de SNK qui relance une série laissée en sommeil depuis 26 ans — et frustrant d’une licence mythique. Si l’ambition est palpable, entre un nouveau système REV prometteur, un casting bien équilibré et une direction artistique marquée, l’exécution laisse un goût d’inachevé. Rigidité du gameplay, décisions de design discutables, contenu solo anémique et technique perfectible ternissent une formule qui méritait mieux pour marquer les esprits. Un bon geste toutefois : le premier Season Pass est offert pour toute précommande jusqu’au 23 avril, un petit coup de pouce bienvenu pour accompagner les débuts du jeu. Il nous tarde désormais de voir la réponse de la communauté et, surtout, si SNK saura entretenir l’intérêt sur la durée, un défi de taille, tant ses jeux peinent souvent à rester vivants hors d’Asie et d’Amérique Latine.
Les +
- Le retour de Fatal Fury après 26 ans d’absence
- Une direction artistique appréciable
- Un roster globalement équilibré
- Le gameplay de base de Garou: Mark of the Wolves marche toujours autant
- Le REV System a un potentiel malgré ses défauts
- Le premier Season Pass offert pour toute précommande jusqu’au 23 avril
Les -
- Un buffer trop raide
- Un REV Meter mal équilibré, punissant passivement le joueur trop défensif
- Manipulations du Brake et Feint mal pensés
- La présence d'un cinquième bouton Rev discutable, alourdissant inutilement la prise en main
- Une OST fade
- Le mode histoire Episodes of South Town soporifique
- Le contenu solo limité et mal calibré pour apprendre le système