Lorsque l’on parle de jeux vidéo made-in France, certains noms reviennent presque systématiquement. Vous vous en doutez, le plus célèbre d’entre eux n’est autre qu’Ubisoft, le studio à l’origine de licences comme Rayman, Just Dance ou encore Assassin’s Creed. Que l’on apprécie ou pas l’éditeur, on ne peut lui enlever son titre de ténor du jeu vidéo français, d’autant que c’est probablement celui qui brille le plus à l’étranger. Pourtant, dans l’ombre, tel un assassin qui se faufile avant d’éliminer sa cible, se trouve un studio qui a déjà prouvé tout son talent et son savoir-faire par le passé. Et puisque ce n’était pas suffisant, les gars de chez Arkane se sont dit qu’il fallait en remettre une couche. Ça tombe plutôt bien, car il était attendu, ce Dishonored 2.
Test réalisé sur PS4 à partir d’une version éditeur
Maître Corvo, sur un toit perché, tenait en sa main une lame…
« Je suis lauréat de plus de 100 récompenses, l’agrégateur metacritic affiche fièrement une moyenne de 91% me concernant, la presse et les critiques ont été unanimes à mon égard. Je suis ? Dishonored, bonne réponse ! » Et si le titre développé par les lyonnais d’Arkane ne nous évoque rien de plus, c’est probablement car il ne doit pas faire partie des jeux qui sont censés vous toucher. Car Dishonored n’est pas vraiment le genre de jeu que l’on mettrait entre toutes les mains. Non pas pour sa violence, ni même pour son contexte ou son histoire, mais plutôt pour son gameplay qui fait la part belle à l’infiltration, l’exploration, la découverte et l’inventivité.
Mais replaçons les choses dans leur contexte. Fin 2012, le monde entier fait la connaissance de Corvo Attano, protagoniste de Dishonored qui se retrouve accusé de l’assassinat de l’impératrice Jessamine Kaldwin alors qu’il rentrait justement de mission. Traîné en prison suite à une conspiration visant à renverser le pouvoir, ce dernier parviendra à s’échapper à l’aide des Loyalistes qui lui permettront de se venger et de retrouver Emily Kaldwin, la fille unique de l’impératrice à qui le trône revient de droit. Ainsi ,ce fut l’occasion de mener la croisade d’un homme qui n’avait plus rien à perdre, de la façon que l’on souhaitait puisque le jeu nous proposait des environnements ouverts aux possibilités multiples et variées. Et si notre style de jeu avait un impact sur le dénouement dans sa forme, le fond, lui, restait le même : Corvo retrouvait Emily, qui devenait donc impératrice par défaut.
Ainsi, 15 ans après, on retrouve nos deux personnages face à un coup d’état orchestré par Delilah Copperspoon, qui se veut être la sœur de Jessamine et donc héritière légitime du trône. Cet événement déclencheur sera l’occasion pour le joueur de choisir le personnage qu’il souhaite incarner durant l’aventure. Que l’on choisisse Emily ou Corvo, l’histoire et le dénouement seront sensiblement les mêmes. En revanche, les pouvoirs seront bien différents d’un protagoniste à l’autre. Il n’est pas ici question de faire d’Emily le personnage orienté infiltration, et de Corvo l’homme d’action comme le voudraient les stéréotypes, mais bel et bien de proposer au joueur un vaste panel de possibilités.
L’aventure commence donc assez vite, il faut dire que la narration n’était pas le point fort de Dishonored, et ce n’est pas ce deuxième opus qui viendra corriger cela. Peu importe, on s’en accommode plutôt bien et il est même plaisant de pouvoir se jeter directement dans l’action. De toute façon, l’univers de Dishonored est bien plus riche qu’il ne laisse l’entendre. En effet, si vous avez fait le premier opus, vous n’êtes pas sans savoir que Corvo pouvait trouver sur son chemin divers manuscrits, lettres et journaux qui venaient étayer le propos et nous en apprendre plus sur le background de tout ce petit monde. Ce sera une fois de plus le cas, et bien que le jeu regorge d’éléments à lire, ils permettent de mieux assimiler les évènements et de mieux comprendre les motivations des personnages. De façon indirecte, le jeu révèle une histoire riche et il appartient au joueur de choisir s’il souhaite découvrir tout ce qu’il y a à savoir sur le monde crée par Arkane.
Emily wants to kill
Si dans l’ensemble, on retrouve certaines ressemblances avec Dishonored premier du nom, notamment au niveau des évènements (Un coup d’état visant à renverser l’ordre établi), les choses changent très vite dès la première mission terminée. En effet, Corvo et Emily feront très vite leur au revoir à Dunwall afin de se rendre à Karnaca. Cette superbe ville ensoleillée à l’architecture impressionnante n’est autre que le lieu de naissance de Corvo, où ce dernier s’est forgé un nom avant de devenir le protecteur royal que l’on connaît. Le sentiment d’immensité est bien présent, le terrain de jeu est vaste, riche et diversifié et à peine a-t-on posé les pieds sur la terre ferme que l’on se demande quel chemin emprunter. L’allée principale, les petites rues, les fenêtres ouvertes ou encore les toits sont autant de possibilités que de chemins qui s’offrent à nous.
On ressent toujours clairement les influences steampunk et victoriennes qui offrent à Dishonored le charme qu’on lui connaît et donne ainsi naissance à des niveaux absolument incroyables qui risquent fortement de marquer les esprits. On pense notamment au fameux manoir mécanique, dont la configuration des pièces est modifiée en fonction des interrupteurs activés. C’est là que toute la créativité des level designers et autres concepteurs éclate au grand jour, et rend compte du savoir-faire dont fait preuve le studio. La direction artistique sublime ces environnements, leur offre une réelle cohérence et alimente l’envie du joueur d’en voir toujours plus, de visiter les moindres recoins des habitations et pièces cachées disséminées tout au long des 9 chapitres du jeu.
Toujours dans cette idée de liberté offerte au joueur, on retrouve les multiples approches qui s’offrent à nous. Dans Dishonored 2 (et comme c’était déjà le cas avec son prédécesseur) il est question de jouer comme on l’entend. Arkane met à disposition de nombreux éléments afin de mettre à profit l’inventivité des joueurs. Laisser parler la poudre et notre arbalète ne seront pas les seuls moyens de passer outre les nombreux gardes qui jonchent les niveaux. Les pouvoirs seront l’occasion de mettre à profit les capacités des deux protagonistes que l’on peut incarner, mais l’environnement peut également être un allié précieux pour se débarrasser de quelques ennemis indésirables. Utiliser un outil de câblage sur un portail ou sur un mirador seront des moyens efficaces de les éliminer rapidement et sans se salir les mains. Mais cela engendrera forcément un niveau de chaos élevé, ce qui se traduira par une fin plus sombre et des personnages plus cyniques.
Pour qui désirera faire le moins de victimes possible tout en jouant la carte de l’infiltration, la verticalité du level design sera une véritable aubaine, mais pas que. En effet, les pouvoirs seront d’une grande aide pour vous permettre de vous faufiler derrière des gardes ou pour les neutraliser sans pour autant leur ôter la vie. Corvo peut par exemple utiliser la possession pour prendre le contrôle d’un rat ou d’un poisson et ainsi se faufiler dans des endroits qu’il n’aurait pu atteindre autrement et passer certains points de contrôle sans se faire repérer. Ses pouvoirs sont d’ailleurs similaires au premier opus, si ce n’est quelques améliorations supplémentaires et bienvenues. C’est donc vers Emily que l’on se tournera si l’on souhaite aborder le jeu d’un œil nouveau.
La jeune impératrice possède de sérieux atouts dans sa manche. En effet, elle peut compter sur des pouvoirs inédits tout aussi intéressants que ceux de son père, si ce n’est plus. On pense notamment au pouvoir Domino, qui permet de lier plusieurs ennemis et ainsi de sceller leur sort en même temps. Une fois les cibles définies, il suffira d’en tuer, assommer ou endormir une afin que les autres tombent de la même manière. Une façon originale et efficace de se débarrasser de plusieurs gardes à la fois. Mais le réel intérêt que l’on porte à Domino va plus loin que cela, puisque ce pouvoir permet également de se créer de nouvelles possibilités, notamment en l’utilisant conjointement avec le pouvoir Fascination qui lui, plonge 2 ennemis dans un état de transe durant quelques secondes. Et nous n’avons pas non plus évoqué le Clone d’ombre, qui peut également être employé avec Domino.
Assassin’s creed
L’utilisation de ces dits pouvoirs est encore plus délicieuse grâce à l’IA qui a visiblement subi quelques améliorations depuis Dishonored. Sans pour autant être exemplaire, on sent les gardes plus agressifs et plus aux aguets. Il reste toujours assez facile de fuir, et ces derniers peuvent parfois avoir un comportement plus qu’étrange, à savoir par exemple se contenter de nous jeter des projectiles quand on se trouve derrière une porte en verre non destructible. Ainsi, les assassins confirmés se dirigeront d’ailleurs vers les modes de difficulté les plus élevés afin de faire face à un challenge à la hauteur.
Pour avoir complété le jeu avec les deux protagonistes et de deux façons bien distinctes, il n’y a pas de grosses différences en termes de narration. Evidemment, certaines lignes de dialogues seront propres à Emily et Corvo, mais le résultat sera peu ou prou le même. Quand bien même l’on décide de finir le jeu avec un niveau de chaos élevé, le dénouement restera sensiblement identique. Cet indicateur qui vient faire le bilan sur notre façon de jouer à la fin de chaque niveau vise davantage à inciter le joueur à multiplier les runs pour peaufiner son style de jeu, ou carrément le changer de A à Z. Autant le dire tout de suite, durant notre première session de jeu, la première réaction qui nous est venue a été l’envie de relancer les missions finies afin de les boucler en changeant littéralement notre approche.
On regrette d’ailleurs que le New game + n’arrivera que d’ici quelques semaines, puisqu’il ne sera pas forcément possible de maximiser les pouvoirs et équipements du personnage que l’on aura sélectionné. D’autant qu’il y a de quoi faire à ce niveau-là, avec notamment les schémas d’armes et munitions à récupérer dans le but de parfaire son arsenal d’assassin. Les charmes d’os sont également de retour afin d’offrir quelques bonus à leur possesseur. Mais la grande nouveauté reste la création de ces derniers, possible uniquement si l’on déverrouille la capacité contre quelques précieuses runes bien évidemment.
Si l’on compte environ 1h15 à 2h pour finir chaque mission lors de la première run, terminer une premier fois Dishonored 2 devrait prendre environ 10 à 18h selon votre façon de jouer, votre propension à explorer chaque recoin des environnements de Karnaca. Dans tous les cas, si vous accrochez au jeu vous risquez fort de ne pas vous en tenir à une seule partie. Ne serait-ce que pour expérimenter de nouvelles choses avec le personnage que vous n’avez pas essayé durant votre première partie. D’autant qu’il faut bien avoir fini le jeu 2 fois pour bien le connaître et pouvoir se lancer dans l’exercice fastidieux qu’est celui de ne pas se faire repérer et de ne pas faire une seule victime. Après tout n’est-ce pas le but ultime que se fixe tout bon assassin ?
Verdict : 9/10
Dishonored 2 est un réel chef d’œuvre à la française, il fait partie de ces œuvres qui nous rendraient presque chauvin. Parvenir à faire aussi bien que le premier opus n’était pas forcément chose aisée, mais les développeurs ont malgré tout réussi à faire mieux en améliorant leur copie sur tous les points. Néanmoins Dishonored 2 ne s’adresse pas forcément à tous les publics, puisqu’il demande un minimum d’imagination afin de se créer des opportunités et de profiter du level design inspiré. Audacieux et ingénieux, il ne fait aucun doute qu’il est l’un des titres de l’année, qui n’attend que d’être peaufiné par l’arrivée de patchs apportant certains ajouts demandés, comme le New Game +.
Laisser un commentaire