Avec plusieurs distinctions à son actif, telles que les Game Awards du meilleur jeu indépendant, de la meilleure narration, du meilleur jeu de rôle et le BAFTA du meilleur premier jeu, Disco Elysium s’est forgé une très belle réputation auprès de la presse spécialisée ainsi que des joueurs. Premièrement paru à la fin de l’année 2019 seulement sur PC et en anglais (nécessitant une très bonne maîtrise de la langue de Shakespeare), le titre de ZA/UM s’est offert une édition The Final Cut et un portage sur les consoles Sony, avant son arrivée sur Nintendo Switch et Xbox Series. Grâce à cette version améliorée et embarquant également le sous-titrage en français, il ne fait nul doute qu’il invitera de nouveaux joueurs et amateurs de JdR. Dans ce sens, la rédaction n’avait, elle non plus, aucune excuse pour ne plus partir à l’enquête. Deerstalker vissé sur la tête, direction Révachol.
Test réalisé sur PS5 grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
Role and play
Une gueule de bois carabinée. Des débris jonchant le sol. Une fenêtre brisée. Une cravate pendant sur les hélices du ventilateur au plafond… Un chaos environnant… et un protagoniste d’un certain âge, rabougri et rongé par la douleur. Un personnage principal qui ne se souvient ni de son prénom ni de son nom de famille, qui ne sait pas réellement ce qu’il fait dans cet hôtel et qui n’a aucun souvenir de ses précédentes années d’existence. Une véritable page blanche. Loin d’être totalement originale, tant cette mécanique a déjà été mise en scène dans divers jeux ou même JdR, c’est ici diablement efficace et supporte l’idée que l’aventure est double : retrouver le tueur (nous y reviendrons) et recouvrir la mémoire. D’autant plus que former un début d’aventure sur la notion de page blanche pour un personnage permet à chacun des joueurs de le façonner à sa guise, directement ou indirectement. À cette image, le joueur est invité à déterminer la caractère de celui-ci dès le lancement du jeu en choisissant un archétype parmi trois propositions : Philosophe, Sensible et Physique, comprenant chacun leurs propres caractéristiques (Intellect, Psyché, Vigueur, Motricité). Suffisant pour la première run mais offrant tout de même moins de rejouabilité que l’on pourrait penser, malgré les quelques changements ici et là en fonction de son choix d’archétype.
Bien entendu, tout au long de l’aventure, il faudra également porter un soin à la psyché et aux compétences de notre protagoniste en attribuant des points de talent et dessiner ainsi ses qualités et défauts. On ne compte pas moins de 24 compétences au total qui, d’ailleurs, entreront souvent en communication avec vous-même pour vous notifier des réponses à avoir ou un comportement à adopter via des lignes et des lignes de texte. Avoir accès aux pensées et au raisonnement de certains pôles (Logique, Encyclopédie, etc.) est réellement original et surtout enrichissant. On sent la progression du personnage tout autant que l’évolution de ses pensées, et on en prend directement part en tant que joueur.
Pour en revenir aux compétences, il convient de noter qu’elles sont déterminantes dans plusieurs situations et peuvent véritablement jouer dans la réalisation ou non d’une action via un lancer de dés dont le taux de réussite sera alors plus élevé. En effet, s’inspirant des jeux de rôle papier, Disco Elysium reprend le concept du lancer de dés de façon pertinente : afin d’entreprendre une action ou bien d’interroger un individu sur un point sensible, il est demandé d’effectuer un lancer de dés qui pourra être réitéré ou non. Un pourcentage affiché à l’écran notifie alors le taux de réussite ou d’échec de celui-ci et l’issue en est bien souvent déterminante. Par exemple, à un moment donné, afin de grimper sur un bâtiment via une échelle, il sera impératif d’avoir plus de 7 points dans la case « Frissons ». Un challenge demandant d’effectuer des quêtes annexes et de gagner des points d’expérience. Heureusement, les développeurs ont pensé à tout et ont permis aux joueurs de combler leurs lacunes dans certaines compétences en ajoutant des vêtements aux caractéristiques diverses pouvant faire grimper les statistiques du personnage.
[…] Disco Elysium brille grâce à la diversité distillée dans son univers autant qu’il émerveille de sens et de cohérence […]
Il faudra également faire attention à la santé et au moral du protagoniste car une simple action ou un lancer de dés échoué pourra avoir un impact conséquent sur lui et sur le reste de l’aventure. Oui, vous pouvez voir un écran de « Game Over » apparaître à tout moment si vous ne faites pas le bon choix, si vous n’avez pas assez de points en moral et si l’un des PNJ vous pousse dans vos retranchements. Assez surprenant quand cela arrive la première fois, cette mécanique a le don d’ajouter un peu de défi et de piment pour la progression. Pour contrecarrer cela, des points de talent peuvent être dépensés dans les compétences adéquates, des médicaments achetés ou de la gnôle ingurgitée mais c’est à vos risques et périls pour cette dernière solution. Autant dire que l’on saisit réellement l’impact de nos choix dans chacune des conversations et des actions, tout cela de manière immédiate.
- Façonner son personnage, à sa guise
- Jouer les décisions importantes avec un jeté de dés
- Des quêtes secondaires/interactions avec une belle mise en scène
Le pendu de Révachol
Pour l’heure, Révachol a besoin de vous, peu importe quel est le nom de votre personnage ou son passé. En effet, un homme a été retrouvé pendu à un arbre, dans la cour située derrière l’hôtel. C’est avec votre coéquipier policier, Kim Kitsuragi, que vous mènerez l’enquête. Il s’agira alors de réaliser une autopsie, identifier le meurtrier et le retrouver. Simple, dit comme cela, non ? Bien évidemment, rien ne sera aisé et le synopsis principal de Disco Elysium vous emmènera sur des quêtes secondaires et des scénarios annexes qui l’alimentent. La force du titre de ZA/UM est de former un tout cohérent et s’imbriquant parfaitement : mener une quête pour un PNJ, en dehors de l’aventure principale, pourra vous servir pour l’enquête ou vous aide à gagner des points de talent. Encore une fois, c’est important puisque plusieurs situations exigeront un niveau élevé dans une compétence donnée. D’autant plus que faire ces missions annexes vous permettra d’en apprendre davantage sur le lore du jeu. Certaines nous ont tout de même semblé un peu en deçà d’autres, mais profitent tout autant d’une bonne qualité d’écriture. Grâce à la version The Final Cut, Disco Elysium se voit d’ailleurs agrémenté de 4 quêtes supplémentaires, en plus de nouveaux personnages et thématiques à découvrir.
Mais enquêter sur le meurtre, ce sera surtout l’occasion de rencontrer un très grand panel de personnages, tous possèdent son propre caractère, langage et particularités. Et là encore, chapeau bas : on a pris beaucoup de plaisir à découvrir la personnalité de chacun d’entre eux, d’autant plus que leur différence est soulignée par le doublage ou l’utilisation ou non de traits de langage. D’ailleurs, en fonction de la zone de Révachol visitée ou bien de la classe sociale auquel un personnage appartient, ils n’agiront pas de la même manière envers vous et votre coéquipier. Par ailleurs, le propos du titre est intelligent puisqu’il ne se cantonne pas simplement au meurtre. Des problématiques et thématiques sous-jacentes sociétales ou politiques prennent part au sein de l’enquête, à mesure des rencontres et de la prise de conscience du lore. Tout cela a donc le mérite d’insuffler de la diversité, afin de ne pas laisser le joueur s’ennuyer. Disco Elysium brille grâce à la diversité distillée dans son univers autant qu’il émerveille de sens et de cohérence.
Ainsi, vous l’aurez compris, la durée de vie du jeu varie en fonction de la version achetée mais pas seulement. Elle résulte surtout de la capacité de chacun à résoudre les énigmes, à son temps de lecture, au parcours façonné et à la résolution ou non des missions annexes. Si nous devions tout de même l’estimer, préférons une fourchette large : l’aventure principale de Disco Elysium oscille facilement entre 15 à 30 heures de jeu.
Une pièce de maître
Si après de nombreuses heures de jeu, on se rend compte de la qualité d’écriture du scénario de Disco Elysium et même de ses quêtes annexes, on est aussi émerveillé par la direction artistique. D’ailleurs, qu’on le dise tout de suite, le titre de ZA/UM est réellement, mais réellement, bavard. En effet, c’est au tour de nombreuses conversations et dialogues introspectifs que l’on parvient à mettre le doigt sur la vérité quant au meurtre du pendu. De ce fait, il plaira très probablement aux joueurs et joueuses habitués à des jeux non avares en explications, informations et longs paragraphes alors que d’autres pourraient perdre le fil et se détacher de Disco Elysium assez facilement. Par contre, mention spéciale aux doublages des voix qui permet une plus grande immersion encore mais aussi des moments d’humour (notamment quand des personnages français parlent en anglais, entre autres) qui nous font esquisser plus d’un sourire. La version The Final Cut embarque le sous-titrage en français, ce qui est un réel plus et permet à Disco Elysium d’attirer un plus grand public.
On peut facilement dire que l’on a été tout autant bluffé par le scénario que par la patte artistique de Disco Elysium. Ce jeu de rôle indépendant adopte un système proche de d’autres jeux, soit l’open-world mais non vaste. On peut aisément se promener de zones en zones, et encore plus vers la fin de l’aventure, malgré que celles-ci soient assez cloisonnées. Et dans chaque cas, on se retrouve avec des espaces totalement différents les uns des autres et pourtant adjacents : l’ambiance de l’hôtel Whirling-In-Rags n’aura pas la même saveur visuelle que les quais du port, que la cour arrière ou que la plage, etc. On passe de l’une à l’autre en quelques pas et elles parviennent à renouveler l’intérêt des yeux grâce à leur différence et atmosphère. D’ailleurs, au sujet du choix graphique, on peut compter sur des peintures à l’huile, des dessins faits mains et une colorisation à l’aspect aquarelle. Une merveille ! C’est réussi et le tout parvient à être sublimé par des effets de lumière maîtrisés. Les portraits des personnages ou des compétences du protagoniste sont tout autant somptueux et révèlent un véritable soucis du détail dans la représentation de chacun. L’interface très épurée, en dehors des séquences de dialogue, permet de profiter pleinement de ce qui se passe à l’écran. Les points d’interaction (marqués par un cercle vert – comme ci-dessus) ne sont pas si frappants et s’adaptent bien à l’idée d’une interface simple et efficace. Remarquons qu’en plus de cela, on peut à tout moment jouer avec les gâchettes L2/R2 pour zoomer ou dézoomer si besoin.
Version PS5, sous investigation
L’édition PS5 de Disco Elysium n’a pas à pâlir face aux versions concurrentes. En plus de sa version augmentée, incorporant désormais de nouvelles quêtes à accomplir, de nouveaux personnages à rencontrer et des actions à entreprendre, Disco Elysium – The Final Cut tourne très bien sur la dernière console de chez Sony. On peut compter sur du 60 FPS et une sortie vidéo en 4K, ce qui rend la direction artistique encore plus éclatante à l’écran. D’ailleurs, nous n’avons pas rencontré de problèmes visuels de type bugs, aliasing ou freeze. Le tout garde une très bonne fluidité. On profite aussi de temps de chargements réduits, ce qui apporte un confort certain au cours de l’aventure.
Si au début de notre expérience, et à la sortie officielle du portage, nous avons rencontré des problèmes pour interagir avec les éléments du décor et les points d’intérêt, cela ne fut plus qu’une histoire ancienne après quelques jours. En effet, pour peu que nous étions un peu mal positionné, le personnage devait effectuer des pas supplémentaires, en dehors de notre contrôle, avant d’interagir… ou non. Cette manœuvre de déplacement du personnage était assez lourde et avait un tantinet tendance à impacter l’immersion. Mais ces soucis ont été très vite réglés par les différentes mises à jour déployées au début du mois d’avril par le studio de développement, qui a su se montrer réactif et efficace. Depuis, on a remarqué une plus grande fluidité et rapidité pour les interactions et les déplacements et beaucoup moins de problèmes à ce sujet. Par le passé, nous avions eu l’occasion de faire une petite excursion sur la version PC de Disco Elysium, et il convient en effet de noter qu’il est relativement plus confortable de jouer au clavier/souris qu’à la manette. Mais après quelques heures de jeu, on finit par s’y faire et on maîtrise les commandes assez aisément. Un petit coup de main à prendre pour une grande enquête !
Verdict : 9/10
Dès le début, Disco Elysium avait tout pour devenir un grand parmi les grands. Distribuées à juste titre, les différentes distinctions du jeu de ZA/UM sont d’ailleurs là pour le prouver. Après plusieurs heures de jeu à notre effectif et une enquête terminée, on ne peut que saluer l’œuvre pour son écriture maîtrisée, sa direction artistique splendide, son univers particulier et prenant, ses mécanismes de jeu façon JdR et son ambiance générale. Son portage via une édition augmentée The Final Cut sur PS5 est tout aussi convaincant, bien que pour plus de confort, le clavier/souris semble plus adapté. Incontournable pour beaucoup, il l’est désormais également pour la rédaction.
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