S’il semble n’être que le quatrième opus de la licence, DiRT 4 est en réalité le nouvel épisode d’une franchise bientôt vieille de vingt longues et bonnes années. Plusieurs d’entre vous s’en souviennent sans doute, les développeurs de Codemasters sont entrés dans le circuit très fermé des jeux de rallye avec Colin McRae Rally en 1998 sur PlayStation. Depuis, le sport a connu de nombreux rebondissements, entre le malheureux décès de l’icône qui prêtait son nom à la série ou la montée fulgurante de Sébastien Loeb, tandis que du côté de l’industrie vidéoludique, les studios ont continué de proposer leur propre adaptation de ces compétitions endiablées. Et le genre est loin d’être démodé cette année, n’en déplaise à une concurrence toujours plus imposante. Pas de quoi effrayer Codemasters qui, après avoir proposé un excellent DiRT Rally, compte toujours maintenir sa position de leader en primant sur l’innovation et sa base de connaissances très solide. Place donc à DiRT 4, dont nous vous livrons notre avis complet ci-dessous.
Test réalisé sur PS4 Pro à partir d’une version fournie par l’éditeur
Retrouvez également notre interview de Paul Coleman (Game Designer en chef des DiRT).
D’une pierre deux coups
Il faut savoir que le contexte des DiRT est assez spécial depuis la sortie de Rally. Alors que la franchise nous habituait à des jeux orientés arcade (dont Showdown en 2012, même s’il misait pour sa part sur le spectacle et les destructions), le dernier en date effectuait un virage à 360° en offrant une expérience axée simulation. Un choix périlleux pour un genre qui sépare catégoriquement les deux écoles. Pourtant, le pari était bel et bien réussi. Les amateurs de ce type de conduite y ont trouvé une bonne surprise, quand Codemasters a pu se faire connaître sur un tout autre terrain. Le studio s’en est d’ailleurs félicité, en indiquant que beaucoup de joueurs n’avaient jamais joué à DiRT 3 ou quelque autre épisode auparavant.
La question se pose donc fatalement : quid de DiRT 4 dans tout ça ? Autant dire que le défi était déjà tendu pour les développeurs. Mais ils ont su y répondre de manière intelligente en proposant… les deux types de conduite ! Brisant les standards, le dernier jeu de course donne le ton dès le lancement, en nous invitant à choisir entre le style « Gamer » ou « Simulation » une fois son profil renseigné. Un moyen judicieux d’offrir une expérience complète, et ce, quelque soit le type de joueur, comme nous le disait d’ailleurs Paul Coleman il y a encore quelques jours. Mieux encore, le titre se renseigne davantage sur notre manière de conduire avec une course de chauffe, à la suite de laquelle DiRT 4 conseille lui-même un mode de difficulté au joueur. Selon vos performances, la pré-configuration désactive ou non les assistances et possibilités de redémarrages sous votre accord. De quoi éviter les frustrations si vous n’êtes pas un habitué, sans pour autant froisser les professionnels qui se verront offrir un pourcentage de bonus d’argent.
Cette manière de tendre la main au joueur dès le départ est un pari réussi selon nous. Car DiRT 4 est, de nouveau, gage de qualité en terme de jouabilité. Sans doute maître en la matière, l’opus réussit à retransmettre les frissons des spéciales effrénées du rallye, quelque soit la configuration choisie. Si la différence entre « Gamer » et « Simulation » se fait – heureusement – sentir (la voiture patine beaucoup plus, et l’ensemble est davantage punitif pour ce dernier mode), les sensations de vitesse sont bien présentes dans les deux cas. Il est d’ailleurs primordial de suivre les instructions du copilote pour espérer faire un temps record, car les pistes ne pardonnent pas toujours, entre les virages serrés, grandes bosses, éclaboussures et autres chemins étroits. Pire encore, des étapes se déroulent occasionnellement sous un fort brouillard, où le stress est immense. Mais c’est cette sensation, pourtant minuscule face à celle ressentie par un véritable pilote, qui rend DiRT 4 jouissif.
Activer le moins d’aides possibles est un bon choix afin de soigner sa conduite, puis s’améliorer. Là où plusieurs titres font encore l’impasse sur une réelle gestion des dégâts, DiRT 4 se veut exigeant pour éviter les excès que procurent certaines collisions. Les accidents, si vous l’acceptez, dégradent en effet les composants du véhicule et peuvent grandement affecter votre course : radiateur en surchauffe, moteur défectueux, roues éclatées, usures sur les suspensions… Votre maladresse peut coûter cher, d’autant plus que, comme dans la réalité, il n’est pas possible de passer en phase de réparation entre deux étapes.
Vous l’aurez compris, DiRT 4 ouvre les portes à tout type de joueurs via son gameplay, en proposant aussi une exigence nécessaire (mais divertissante) pour cette discipline sportive. L’ensemble reste encore perfectible par moments, avec quelques collisions improbables, mais à la manette ou au volant, les vibrations et la structure des pistes permettent de revivre l’intensité du rallye.
Votre carrière, vos circuits
Parlons maintenant du contenu, un aspect ayant déçu bon nombre de personnes dans DiRT Rally. Ici, le studio a visiblement bien pris en compte les retours de la communauté, en essayant d’agrandir son périmètre d’activité. DiRT 4 se voit ainsi proposer trois catégories supplémentaires :
- Le Rallycross : Déjà présente dans DiRT Rally, cette discipline de plus en plus populaire en Europe se déroule sur des circuits fermés. Sur l’asphalte ou la terre, les pilotes doivent mettre leur talent à l’épreuve dans des courses stratégiques. En demi-finales puis finales, les véhicules s’affrontent à toute vitesse sur 4 à 6 tours.
- Le Landrush : Déjà présent dans DiRT 3, ce mode met en scène des buggies, pro trucks et crosskarts dans des courses tout aussi courtes. Aux États-Unis ou au Mexique, les prétendants à la victoire manient des machines délicates à dompter, dans des virages davantage tendus.
- Le Rallye historique : Sans être un mode de jeu à part entière, cette section « historique » permet simplement de prendre le contrôle de vieux bolides ayant marqué le sport à jamais. Plongées au cœur des années 60, 70 voire même 80, les courses requièrent de l’attention si vous voulez dompter ces voitures imprévisibles.
Différents moyens sont mis à disposition afin de profiter de ces activités. À commencer par la traditionnelle carrière. Sous un sponsor, dans un premier temps, les spéciales sont tout ce qu’il y a de plus normales, avec quelques objectifs à remplir pour entretenir de bons rapports avec ladite entreprise. Le but principal est de terminer la piste en battant le meilleur temps, afin de se hisser en haut du classement, et espérer remporter le championnat. Sympathiques au premier abord, ces collaborations deviennent vite un frein à votre réputation. Car si le prêt de véhicules et de personnel soulage votre conscience au départ, ces contrats vous obligent aussi à verser presque la moitié de vos gains.
C’est là qu’intervient une autre possibilité intéressante de DiRT 4 : la création de sa propre écurie. Nous n’avons pas tardé à nous lancer dedans pour notre part, une fois le niveau et l’argent atteints. Il nous a été demandé de soigner l’image de notre marque, en choisissant son nom, ses couleurs et ses propres sponsors. Une fois la structure mise en place, l’expérience est allée encore plus loin avec la sélection du staff, en choisissant par exemple le bon ingénieur en chef ou le représentant presse. Des personnes qui sont notées pour leurs qualités par des lettres allant de A à E où – vous vous en doutez – les hauts niveaux demandent une réputation élevée. Soigner tout cet aspect, en obtenant de bons résultats et en évitant les mauvais comportements, permet par la suite d’augmenter la taille de son établissement ou encore d’avoir des offres plus intéressantes chez le concessionnaire.
Qu’on se le dise, le solo est en évolution par rapport à ses prédécesseurs. La gestion de son équipe, ses sponsors et son garage de véhicules (une cinquantaine sont disponibles) ajoutent du peps à l’aventure, avec une certaine obsession de vouloir atteindre une qualité exemplaire. DiRT 4 manque tout de même quelques phases de transition (contrairement à ce que propose un F1 2016 du même éditeur par exemple), qui auraient pu donner une touche de réalisme plus sincère, avec entre autres des cinématiques sur les rencontres avec son agent.
Pour en revenir aux autres modes disponibles, hormis la carrière, Codemasters a trouvé un moyen intelligent de rallonger la durée de vie du titre (150h environ seraient nécessaires afin de le terminer de fond en comble d’après le studio !). À défaut de pouvoir proposer beaucoup de destinations, trop peu de pays étant à l’affiche, DiRT 4 intègre un générateur aléatoire de spéciales. D’une simple pression de touche dans Partie Libre, le titre façonne une course de toutes pièces en fonction de la longueur et la complexité choisie. Jusqu’à près de 14km, les spéciales sont compatibles avec la météo, si une envie taquine vous prend de partir en expédition en pleine neige ou pluie. De manière presque instantanée, le joueur peut profiter d’un aperçu puis sauvegarder ensuite la piste s’il le désire, pour la réutiliser ou l’exploiter en ligne. Un système diablement efficace, permettant d’éviter de tomber dans l’ennui une fois la dizaine d’heures passée. Le travail impressionne tant les routes générées ressemblent fortement à de véritables épreuves, puisqu’il est aussi possible de gagner de l’argent en les terminant.
Y aller au talent
Nous parlions plus haut de cette volonté des développeurs de proposer un challenge aux pilotes les plus débutants. Et il n’est pas question de les laisser se débrouiller seuls. Le jeu comporte en effet une Académie DiRT, afin de pouvoir s’entraîner sur un secteur libre mais aussi suivre des tutoriels de conduite. Ce panel de leçons est assez bien fourni, et renforce l’idée de pouvoir donner des connaissances aux amateurs souhaitant avoir une place dans la cours des grands. Elle fut particulièrement pratique pour nous, qui avions un peu de mal à maîtriser le frein à main, obligatoire à certaines sections de circuits.
Si l’envie vous prend au passage, un mode Virée exploite le terrain d’entraînement dans des mini-jeux sympathiques, jonglant entre destruction de blocs et contre-la-montre bonus. Ces défis permettent de reprendre son souffle entre deux championnats. Ils sont aussi un bon moyen de travailler sa technique, la médaille d’or exigeant de connaître chaque chemin sur le bout des doigts, entre virages et slaloms. Divers véhicules sont imposés, dont certains très délicats à manier, pour divertir au mieux.
Les compétitions sont bien entendu aussi présentes en ligne. Une section dans le menu principal y est entièrement dédiée, avec notamment des épreuves communautaires journalières, hebdomadaires et mensuelles. Mais hors de question de prendre ceci à la légère, car le titre n’offre qu’une seule et unique chance de s’offrir une place dans le classement. Et autant vous dire que la tâche est tendue, nous en avons fait les frais durant l’épreuve mensuelle de… 12 spéciales, où notre véhicule n’a malheureusement pas pu survivre à l’accumulation de chocs. Nous en revenons donc à la gestion des dégâts, à intégrer de manière stratégique pour ne pas se faire disqualifier pour de bon.
Quant au multijoueur à proprement parler, il ne propose malheureusement toujours pas d’écran partagé en local. En online, les options nous laissent d’ailleurs sur notre faim, car il n’est pas possible d’ajouter de voitures gérées par l’IA dans une course entre amis. Les affrontements sont classiques, avec la simple volonté de remporter la spéciale ou le championnat pré-configuré. Quelques modes supplémentaires, éventuellement plus délirants comme en Virée, auraient été bienvenus. Peut-être la prochaine fois ?
En tout cas, nous avons pu essayer ces modes qu’entre amis, l’accès au jeu étant restreint à la presse et à quelques privilégiés d’ici la sortie du titre. Mais nous sommes certains que les salons, d’une capacité maximale de 8 joueurs, devraient connaître un franc succès, la communauté DiRT étant très active. L’accès aux différents types de jouabilité pourrait même ramener encore plus de monde que les précédents jeux à leur lancement.
Le souci du détail
DiRT 4 joue beaucoup sur son gameplay mais aussi sur son véritable souci du détail. Les heures passées sur le jeu nous ont montré à quel point les développeurs aiment sincèrement le sport, grâce à des petits éléments justifiant leur maîtrise du domaine. Par exemple, les circuits avec du sable laissent une longue traînée de fumée après le passage des véhicules, des drones sont occasionnellement visibles pour vous filmer, les concurrents qui ont eu un accident sont sur le côté de la piste, la pression de la chaleur est visible sur les circuits du désert, la mécanique des moteurs est en mouvement… Autant de détails qui renforcent l’immersion. Même les rétroviseurs affichent correctement l’image, ce que plusieurs studios n’arrivent toujours pas à gérer à l’heure actuelle. D’où notre insistance sur le fait que DiRT 4 essaye de pousser au maximum le réalisme. On appréciera particulièrement les replays des courses, avec des vues intérieures ou à l’aide d’un hélicoptère, dignes d’une retransmission télévisée.
Quel dommage en revanche de constater que le titre peine à offrir des graphismes à la hauteur de ce que peut proposer les consoles actuelles. En plein jour, les textures peinent à convaincre. Aussi, alors que le travail sur la modélisation des véhicules est indéniable, plusieurs éléments du décor semblent inachevés ou très en retard techniquement. Ceci dit, l’ensemble passe mieux avec quelques effets météo, en particulier la neige, la pluie ou sous un coucher de soleil. Enfin, DiRT 4 affiche 60 images par secondes constantes sur les trois supports pour ne rien gâcher de l’expérience de jeu. L’aspect visuel donc, bien que discutable, n’empêche en rien de profiter des excellentes sensations offertes par le jeu.
Petit point pour conclure sur la direction sonore, puisque DiRT 4 nous a surpris grâce aux bruits des moteurs particulièrement bien retranscrits. Les différentes vues offrent un rendu différent et là encore, des détails comme la carrosserie qui se détache ne sont pas négligés et amènent quelques effets audibles. Pour ce qui est de l’OST, nous restons sur des musiques plutôt tendances, entre Youngr, Bastille et Queens of the Stone Age (l’album officiel DiRT 4 est d’ailleurs disponible dès à présent sur les différentes plateformes musicales si vous le souhaitez).
VERDICT
Sur la lancée de son prédécesseur, DiRT 4 renforce la position de leader de Codemasters dans le domaine. Plutôt que de se limiter au strict minimum, le studio continue d’innover à l’aide de la communauté en proposant pour la première fois l’arcade et la simulation en même temps. Un moyen de partager la passion du rallye avec tous les joueurs, qui sauront trouver du challenge chacun dans leur domaine respectif. Les sensations rendent la conduite terriblement addictive, notamment au volant, grâce à un souci du détail poussé. Et le contenu n’est pas en reste, entre une carrière incluant sa propre écurie, une académie de conduite, des épreuves régulières et surtout un générateur de circuits aléatoires, inédit dans le milieu, afin de prolonger indéfiniment l’expérience. Très bon, le titre aurait quand même pu viser les sommets les plus hauts s’il n’était pas aussi limité graphiquement et s’il offrait un multijoueur moins générique. Mais difficile de lui en vouloir compte tenu de sa jouabilité, de ses 60 fps constants et des frissons procurés. Une chose est sûre, la franchise a de beaux jours devant elle.
Laisser un commentaire