Quoi que l’on en dise, l’une des plus grandes forces du jeu vidéo réside sans nul doute dans sa propension à se diversifier et sans cesse proposer de nouvelles façons de jouer tout en mélangeant les genres. Le résultat peut parfois sembler saugrenu, voire même peu cohérent ; mais c’est une fois manette en main que l’on se rend compte que l’alchimie de deux genres, ou plus, prend finalement forme. Ainsi, lorsque l’on a entendu parler de Dice Legacy pour la première fois, il faut avouer que le principe a fortement attiré notre curiosité. Imaginez donc : un jeu de gestion, survie et stratégie ; le tout régi par le hasard qu’impose le lancer de dé. Il y a de quoi hausser les sourcils, mais ne vous éloignez pas trop, car derrière ce concept un peu brumeux se cache en réalité une petite pépite comme seule la scène indépendante sait nous en offrir.
Test réalisé sur PC et Nintendo Switch à l’aide de versions numériques fournies par l’éditeur
Roll the dice
Il est peut-être encore un peu trop tôt pour affirmer cela, mais il y a comme une sorte de lien particulier avec la gestion et la stratégie dans l’ADN de DESTINYbit. Il suffit de se pencher brièvement sur Empires Apart, le premier jeu du studio. Apprêtez-vous à feindre la surprise en lisant ce qui suit : il s’agit d’un jeu de stratégie en temps réel (vous étiez prévenus) dans un univers médiéval paru en 2018 sur PC. Puisqu’il s’agit d’un free-to-play, vous pourrez par ailleurs vous faire votre propre avis sur la chose. En attendant, on y ressentait déjà quelques bribes de ce que serait Dice Legacy, le concept novateur en moins.
Après les cartes qui ont littéralement monté en puissance dans le jeu vidéo par le biais de moult jeux de deck building, les dés vont-ils devenir la nouvelle coqueluche des développeurs ? Il y a des chances, mais DESTINYbit aura su prendre le train avant qu’il soit en marche, puisque le studio nous propose ici un jeu de gestion mêlant survie, stratégie en temps réel ; le tout avec une pointe de hasard puisque c’est avec des dés à 6 faces que l’on va pouvoir réaliser les différentes actions possibles. Et puisque l’imprévu n’est pas assez présent pour pimenter la chose, Dice Legacy propose des cartes gérées de façon procédurale, comme tout bon roguelike qui se respecte.
Dice Legacy met donc le joueur dans la peau d’un dirigeant qui doit mener son peuple vers une vie prospère et sans dangers tout en découvrant les mystères du monde-anneau. Avec un total de 6 protagonistes, dont 5 sont à débloquer en remplissant certaines conditions, il existe donc plusieurs façons d’appréhender une partie puisque chacun d’entre eux possède sont propre pool de dés de départ, ainsi que sa propre capacité spéciale. De la même façon, le jeu propose plusieurs scénarios, ce qui permet d’amener une certaine rejouabilité. Encore une fois, tous les débloquer nécessitera tout d’abord une action de la part du joueur, et pas des moindres : compléter le premier scénario. Cela vous semble peut-être facile de prime abord, mais détrompez-vous. Dice Legacy est un jeu qui, certes, ne laisse pas le joueur sans explications sur les bases de son gameplay ou encore sur les objectifs à réaliser ; mais ne le prend jamais par la main. Il s’agit typiquement du genre de production qui nécessite que l’on essaye de nombreuses stratégies, que l’on expérimente certaines dispositions pour son royaume, mais aussi que l’on meurt. Un brin de persévérance sera donc requis pour profiter au maximum du titre de DESTINYbit.
Di(c)e House
Connu comme le loup blanc pour son aspect impitoyable, le roguelike ne fait que rarement de cadeaux et Dice Legacy ne sera pas l’exception à la règle. Dans son mode de difficulté standard, le jeu propose tout de même une expérience ardue qui, comme nous vous l’expliquions plus haut, nécessitera un peu de maitrise. Si les amateurs de gestion pourront vite trouver leurs repères, les quelques particularités du titre sauront tout de même leur mettre quelques bâtons dans les roues. Pourtant, l’expérience se veut hautement gratifiante dès lors que l’on arrive à atteindre une nouvelle zone ou bien que l’on s’approche de la réalisation de notre objectif final. Mais avant d’en arriver là, il va falloir développer son royaume.
Chaque début de partie marque l’arrivée du dirigeant choisi dans une zone inconnue. Il va devoir s’y installer, lui et ses sujets. Ces derniers sont alors représentés par les dés, apparents dans la réserve, mais ils ne peuvent pas pour autant réaliser n’importe quelle action. En effet, les icônes obtenues sur les faces supérieures après un lancer indiquent les tâches qui pourront être réalisées. Chaque dé doit ensuite être placé sur un endroit de la map adéquat, pour procéder à son action, avant de revenir dans la réserve. Malheureusement, contrairement aux diamants, les dés, eux, ne sont pas éternels et ne peuvent être lancés à l’infini.
Chacun possède un nombre de jets, définis par la durabilité, ce qui limite les envies de nouveaux lancés lorsque l’on n’obtient pas forcément les faces voulues. Ainsi, en fonction des unités que vous possédez, les possibilités pourront être variées : les paysans peuvent par exemple récolter des ressources, construire un bâtiment, explorer un campement ou encore attaquer/se défendre. Les dés de citoyens proposeront des faces permettant de gagner des points de savoir, tandis que les soldats auront la possibilité de piller les campements présents sur la map, les moines pourront prêcher la bonne parole afin de vous faire des alliés…
Les débuts de partie se ressemblent donc un peu tous, puisqu’il s’agit avant tout de récolter des ressources pour commencer à ériger quelques bâtiments nécessaires au développement du village tout en se préparant à l’arrivée de l’hiver. Car s’il est des ennemis sous la forme de barbares et autres porteurs de peste, l’hiver n’en reste pas moins l’un des nemesis du joueur, pouvant largement freiner la progression. Les parties sont donc tournées autour de 2 grandes saisons : l’été et l’hiver. Tandis que la première n’apporte aucune difficulté particulière et est propice à la culture et à l’exploration, la deuxième nécessite un peu de préparation. En effet, le simple fait d’envoyer des unités réaliser des actions peut les geler à leur retour, ce qui les rend indisponibles jusqu’au début de l’été. Il existe évidemment des moyens d’éviter cela ou encore de soigner cette altération de statut, mais dans l’ensemble, cela offre au jeu un déroulement en deux parties.
Si l’on commence la partie avec seulement 5 dés, il devient très vite possible de produire d’autres unités afin de multiplier les actions possibles. Tout en sachant que chaque tâche nécessite un certain temps pour être réalisée, la gestion de son pool de dés devient donc très vite essentielle. D’autant que par la suite, se débloquent les bâtiments pour transformer ses unités de base (les paysans donc) en soldats, en citoyens, en marchands ou bien en moines. Posséder de nouvelles classes impose alors de gérer leur jauge de bonheur, qui, si elle est assez haute, vous octroie un bonus. Dans le cas contraire, une ou plusieurs classes mécontentes pourront tenter de se rebeller. Une révolte réussie marquant la fin de la partie, il faut donc parvenir à jongler habilement entre le bonheur de chaque caste.
On note également la présence de bâtiments permettant d’améliorer les faces de nos dés, pour les rendre plus efficaces dans leurs actions ou encore la possibilité de forger un nouveau dé en sacrifiant 2 d’entre ceux qui se trouvent dans notre réserve. Tout ceci n’est évidemment pas définitif et seul l’Obelisque permet alors d’exalter un dé, ce qui le rendra disponible dès le début de la partie, pour peu qu’il ait été sélectionné au préalable. Ainsi, Dice Legacy récompense davantage sur le long terme le joueur par le biais de l’apprentissage plutôt que par le biais de divers bonus et améliorations.
N’allez pas croire pour autant qu’il suffit simplement de bâtir les constructions nécessaires pour obtenir des dés puissants et foncer tête baissée. C’est justement là tout le charme du titre de DESTINYbit que de forcer le joueur à parfois mettre le jeu en pause pour penser efficacement sa stratégie tout en veillant à son stock de ressources. Car si des points de récoltes se trouvent ici et là, ils ne sont pas éternels et ne peuvent être exploités qu’un certain nombre de fois. Le monde du jeu présente par ailleurs la particularité de prendre la forme d’un anneau, ce qui implique une progression plus verticale qu’horizontale. Avec la présence d’une brume qui empêche de voir ce qui se trouve au loin, on ne sait jamais trop sur quoi l’on va tomber, ce qui impose une rigueur certaine quand aux actions parfois impulsives, pour se sortir d’une situation délicate ou bien tenter de faire remonter la jauge de bonheur d’une classe.
Plusieurs scénarios, oui, mais…
Si le fait de trouver plusieurs scénarios offre effectivement une certaine rejouabilité, il faut tout de même noter qu’ils se ressemblent relativement. Le défi initial ayant été remporté, pas sûr que tous les joueurs auront envie de se lancer une nouvelle fois à l’assaut du monde-anneau, quand bien même des variations subsistent d’une game à l’autre. Pourtant, le jeu profite d’une réalisation tout à fait correcte et une direction artistique qui n’est pas sans rappeler les jeux de plateau et les compositions de Michael Gordon Shapiro, bien que peu nombreuses à notre goût, ponctuent à merveilles les heures passées dessus.
L’expérience pourra peut-être manquer de contenu sur le moyen terme, mais les faits sont là : le concept accrocheur de Dice Legacy et cette envie de progresser toujours plus le rendent addictif. Peut-être un peu plus sur PC que sur Switch finalement, car si la portable de Nintendo semblait toute taillée pour ce genre de titre, son écran tactile n’est malheureusement pas mis à contribution tandis que cela simplifierait grandement les contrôles, légèrement alambiqués. Privilégiez donc la version PC si le fait de vous imaginer jongler entre les gâchettes et les sticks pour gérer votre royaume vous procure déjà des crampes aux doigts.
Verdict : 7/10
Lorsque l’on joue à Dice Legacy, on comprend vite pourquoi il a remporté l’award du jeu le plus original aux Gamescom Awards. DESTINYbit y a insufflé un amour certain pour le jeu de plateau en y ajoutant de la gestion, de la stratégie et de la survie. L’ensemble fonctionne tout à fait et c’est justement ce qui nous a retenu durant de nombreuses heures sur le jeu malgré des débuts peu évidents. Par la suite, bien que l’on y revienne avec plaisir, c’est surtout son manque de contenu et l’absence d’un mode infini qui l’empêche de vraiment s’imposer comme une référence en la matière. Ceci étant dit, impossible de nier que Dice Legacy est un véritable coup de cœur, une petite pépite indépendante comme on les aime.
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