Demon Slayer, c’est l’une des œuvres japonaises majeures du moment. Manga aux ventes gargantuesques, anime à succès, film d’animation qui a battu tous les records dans sa terre d’origine… Il manquait bien un jeu vidéo ambitieux dans le tas et depuis peu, l’erreur est corrigée avec Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles de la part d’Aniplex, Sega et CyberConnect2. Oui, le développeur est CyberConnect2, à qui l’on doit les Naruto: Ultimate Ninja Storm et le récent Dragon Ball Z: Kakarot, de quoi garantir un titre qui en met plein la vue et qui a de quoi amuser les fans durant un bon moment. Du moins sur le papier.
Test réalisé sur PS5 grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
Une adaptation digne de l’anime ?
Sans surprise, Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles reprend les événements de l’anime et du premier film (jusqu’à l’arc Train de l’infini donc), dans les grandes lignes en tout cas. Pour ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de Koyoharu Gotoge, voici un petit résumé : l’histoire prend place au Japon de l’ère Taisho et on suit les péripéties de Tanjiro Kamado, issu d’une famille de marchands de charbon. Bienveillant avec sa mère ainsi que ses frères et sœurs, tout bascule le jour où un démon décime quasiment tout le monde, en dehors de Tanjiro qui était absent et de sa sœur Nezuko, qui est mystérieusement devenue une démone tout en gardant son âme humaine. Un pourfendeur de démons, Tomioka, les rencontre peu après et il décide de les épargner malgré tout en voyant leur lien. Mieux, même, il les guide vers Sakonji Urokodaki, maître épéiste réputé, afin que Tanjiro puisse devenir plus fort et devenir à son tour un pourfendeur dans le but de guérir sa sœur du terrible mal qui la ronge.
Ce qui fait la force et la beauté de Demon Slayer, ce sont les traitements des différents personnages, le bon équilibre entre humour et dramaturgie ainsi que de nombreux moments tantôt épiques, tantôt émouvants, le tout avec de jolis dessins/animations époustouflants. De ce côté, Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles suit le travail du studio Ufotable – responsable de l’anime – et livre une prestation assez proche, en faisant même parfois mieux mais ce n’est que trop rarement le cas. CyberConnect2 est connu pour avoir sublimé Naruto avec les Naruto: Ultimate Ninja Storm en fournissant des mises en scène d’anthologie, surpassant celles de l’anime à de multiples reprises. Sauf que l’anime Demon Slayer a placé la barre très haut (ceux qui regardent ne pourront qu’acquiescer) et cela se ressent dans le jeu qui tente tant bien que mal de se caler par rapport à cela, au lieu d’essayer de nouvelles choses afin de se différencier davantage.
Ainsi, même si cela reste plus que correct pour les meilleures scènes, Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles est souvent en deçà de l’anime et même des autres jeux de CyberConnect2. Par exemple, la première scène d’action de Zenitsu manque de peps alors que dans l’anime, elle a su marquer les visionneurs dès les premières secondes. Bien sûr, on ne s’attendait pas à voir mieux que l’anime tant ce dernier est beau mais au lieu d’être impressionnés ou de voir les choses sous un nouvel angle, la réflexion « c’est mieux dans l’anime » revient fréquemment. Les développeurs auraient dû davantage profiter des bienfaits du jeu vidéo, afin d’offrir des séquences plus immersives et originales.
En outre, il y a un réel problème de rythme et si vous n’avez ni lu le manga, ni vu l’anime, vous ne comprendrez pas tout dans Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles. En effet, le titre passe rapidement certains moments, n’inclut pas quelques détails et se contente bêtement de faire de simples diaporamas de captures de l’anime pour revenir sur quelques faits (dont le tout début de l’histoire, qui est pourtant très important !). Qui dit adaptation en jeu dit concessions mais pour le coup, c’est clairement destiné aux fans avant tout, là où les Naruto: Ultimate Ninja Storm s’en sortent légèrement mieux pour les néophytes.
Malgré tout, on ne peut que s’incliner devant le savoir-faire de CyberConnect2 lorsqu’il s’agit de rendre grâce aux instants mémorables de la licence. Comme on l’a dit précédemment, certaines scènes sont vraiment remarquables et savent insuffler au joueur une forte dose d’adrénaline tout en faisant serrer son petit cœur, avec même une ou deux trouvailles qui se démarquent du travail d’Ufotable, notamment à la fin du soft. Aussi, le fan service est de la partie et bien exploité, avec plusieurs plans iconiques ou drôles directement repris de l’anime. Quel dommage que tout le titre ne soit pas de cet acabit, ayant beaucoup de moments plus statiques, moins audacieux.
Kage Bunshin no Jutsu
Pour ce qui est du gameplay, si vous avez joué aux Naruto: Ultimate Ninja Storm, vous serez en terrain connu car pour le coup, Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles reprend la formule à la lettre près. Parlons d’abord des combats, composante majeure du jeu. Ici, aucune surprise donc puisqu’ils sont très proches de ceux qu’on a vu dans les titres du ninja blond. Ce n’est pas forcément un mal à la base tant ces derniers sont serviables et amusants mais pour les nouveautés, on repassera. Ainsi, on se bat dans des arènes en 3D avec des déplacements possibles dans tous les sens, on a des combos basiques (une seule touche pour les attaques classiques, qui changent juste un peu selon la direction du stick gauche), la possibilité de bloquer/parer, esquiver, sauter, foncer sur l’ennemi, activer des coups spéciaux ou un état plus puissant, faire intervenir un allié pour attaquer ou esquiver au dernier moment… C’est très accessible, peut-être trop même puisqu’à cause de cela, les affrontements deviennent rapidement redondants, tant les possibilités sont limitées.
Bien sûr, il y a tout de mêmes des petites subtilités comme le fait de briser la garde d’un adversaire, varier les attaques classiques et spéciales pour étendre un combo ou utiliser les alliés à bon escient, tout comme l’analyse de la portée des coups mais ne vous attendez pas à la complexité d’un Tekken ou autre « véritable » jeu de combat 3D qui demanderait des heures et des heures de pratique pour en tirer toute l’essence. Ici, ce n’est l’affaire que de quelques minutes. On trouve même que Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles est plus simple que les Naruto: Ultimate Ninja Storm, ces derniers ayant plus d’éléments comme l’utilisation d’objets, les substitutions et on en passe.
Passé cela, on reste tout de même sur un gameplay qui fournit de bonnes sensations grâce à des animations et visuels de grande classe (on y revient plus tard). C’est véloce et ça ne manque pas d’impact, sans compter que les personnages sont différents les uns des autres malgré quelques techniques réutilisées par certains. Au final, cela reste divertissant et c’est ce qui compte dans une adaptation. Le seul véritable souci, en dehors de la technicité, c’est la caméra qui n’est pas toujours idéale et certains effets qui amènent à un manque de lisibilité, surtout contre les boss dans le mode Histoire. D’ailleurs, les boss sont sympathiques à affronter puisqu’ils apportent des petites touches de nouveautés grâce à des attaques de zone, des états où ils sont quasiment invincibles et, évidemment, les traditionnels QTE afin de renforcer notre implication dans leurs défaites. Classique mais efficace, surtout quand la mise en scène égale plus ou moins ce qu’a accompli l’anime.
Pour le reste, malheureusement, Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles peine à convaincre. Le mode Histoire, en dehors des combats et des cinématiques, est d’une banalité sans nom, en plus d’être trop facile en dehors des derniers boss. CyberConnect2 a tenté de varier l’expérience avec quelques niveaux d’exploration mais c’est superficiel, largement indigne de notre époque. Cela se résume à cela : couloirs, objets à récolter qui ne sont même pas cachés, suivre un chemin évident, assister à des dialogues/pensées, battre quelques démons lambda et le tout est lent, vraiment lent. Seul un chapitre se montre un peu différent avec de petites phases en QTE rigolos mais c’est tout. On sent clairement que cela a été fait à la dernière minute et uniquement pour prolonger quelque peu la durée de vie, assez courte qui plus est. Moins de 10 heures pour venir à bout du scénario et après cela, il n’y a pas grand chose à faire en dehors des combats.
Le contenu est la principale faiblesse de Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles. Déjà, son roster est squelettique à la sortie avec moins de 20 personnages, dont plusieurs sont de simples variants en dehors de Tanjiro « Dieu du feu ». Quelques démons seront rajoutés par la suite via des mises à jour gratuites, ce qui est une bonne chose mais ils auraient dû être présents dès le début, surtout que leurs mouvements sont déjà dans la version de sortie. Ensuite, même du côté des modes, c’est rachitique car on a juste un mode Versus local/en ligne, pas de mode Survie ou Contre-la-montre, des archives qui ne passionneront guère personne après un court instant et un simple mode Entrainement. En 2021, c’est à la limite du ridicule, surtout pour un jeu vendu au prix fort.
Entre illusion et dur retour à la réalité
Là où Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles était attendu au tournant, c’est du côté du rendu. CyberConnect2 a toujours su faire mouche visuellement avec ses jeux (un peu moins avec Dragon Ball Z: Kakarot), que ce soit avec le rendu proche d’un anime ou la cinématographie. Ici, comme pour le reste, c’est à la fois positif et négatif. Comme vous l’avez sans doute remarqué avec les images plus haut, pour les personnages et les effets, profitant du cel shading et de multiples effets crayonnés, c’est du quasi sans faute. La modélisation et les expressions rappellent l’anime, délicieusement exagérées, que ce soit lors des plus grosses attaques ou les nombreuses mimiques délirantes de Zenitsu, entre autres. Mention spéciale au sang et aux démembrements, bien présents et qui confèrent au jeu cette ambiance macabre qu’on apprécie tant, même si c’est moins prononcé que dans l’anime. Il arrive que l’on se demande ici et là si on est encore en train de jouer ou de regarder un épisode, prouvant que quand CyberConnect2 s’y met à fond, l’illusion est réelle, de quoi participer au plaisir lors des joutes.
C’est seulement quand les somptueux effets disparaissent que l’on est ramenés sur Terre. Une fois de plus, le développeur n’a pas su échapper aux tares de l’Unreal Engine 4 avec les jeux de ce style : Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles propose des décors quelconques en dehors de quelques exceptions, avec des textures plates, à mi-chemin entre réalisme et dessin, ce qui fait un peu brouillon. Il y a aussi des petits soucis techniques comme les ombres qui bougent sans cesse dès qu’on avance et pas mal de pop-in, surtout dans le mode Histoire. N’oublions pas également les arènes assez petites et limitées en destruction, avec des rochers qui disparaissent rapidement. Enfin, à l’heure où nous écrivons ce test, on attend encore la mise à jour proposant les 60 images par seconde sur les consoles de nouvelle génération. Là aussi, on s’étonne de voir que ce n’est pas disponible au lancement. D’ailleurs, en dehors de rapides temps de chargement, la version PS5 exploite nullement les spécificités de la machine. Pas de retours haptiques, aucune résistance au niveau des gâchettes, aucune vibration même, alors que ça pourrait facilement rajouter de l’immersion lors des batailles. C’est dans ce genre de détails que l’on constate que ce jeu semble être sorti trop rapidement, sans doute pour coller avec la diffusion de la seconde saison de l’anime. Cela dit, ce n’est pas une excuse valable, bien au contraire.
Là où on ne va nullement reprocher à Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles d’exploiter le travail d’Ufotable, c’est pour les musiques et les voix japonaises d’origine. Contrairement à bon nombre d’adaptations, le titre de CyberConnect2 profite des musiques composées pour l’anime. Oui, même la fameuse musique de l’épisode 19, qui file tout de suite les frissons lors du combat entre Tanjiro et le démon-araignée aimant jouer avec ses fils. De ce fait, inutile de vous dire à quel point c’est exquis, tant chaque composition s’accorde avec telle ou telle séquence. De plus, il y a quelques compositions originales avec le style habituel de CyberConnect2 tout en se rapprochant de celui de Demon Slayer, du bonheur pour les oreilles donc.
Pour ce qui est des acteurs japonais, ils reprennent évidemment leurs rôles et comme pour l’anime, ils y vont à fond. Que ce soit celui de Tanjiro lorsqu’il exprime sa colère, celui de Zenitsu qui panique pour un rien ou encore celui d’Inosuke qui sort tout le temps n’importe quoi, entre autres, ils ne lésinent pas sur les moyens et rendent hommage à leurs personnages. Rien à redire non plus pour le reste de l’ambiance sonore, travaillée et soulignant à merveille par exemple la violence des combats. Dommage que le reste du jeu n’ait pas eu autant d’attention.
Verdict : 6/10
Il manque encore plusieurs choses à Demon Slayer -Kimetsu no Yaiba- The Hinokami Chronicles pour se rapprocher de l’aura des Naruto: Ultimate Ninja Storm. Si les fans purs et durs pardonneront sans doute les défauts afin de jouer avec leurs personnages favoris, ceux qui demandent un minimum de contenu, des combats plus élaborés et davantage de qualité dans l’ensemble risquent d’être légèrement déçus. La production de CyberConnect2 ne manque pourtant pas de passion et d’ambition, comme on le voit lors des scènes les plus travaillées qui rendent honneur à une œuvre dont les qualités ne sont plus à prouver. Le fan service fait également du bien, surtout avec les musiques et les voix de l’anime. Un premier essai à peine convaincant donc, en espérant que la suite (vu le succès de l’œuvre, c’est sans doute déjà en chantier) gomme les aléas afin de devenir un incontournable car la licence peut donner une adaptation inoubliable.
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