Il y a des jeux qui marquent un joueur et Cossacks European Wars est sans aucun doute de ceux-ci. Sorti en 2001 sur PC, ce jeu de stratégie en temps réel proposait de vivre de grandes batailles se déroulant entre les XVIe et XVIIIe siècles de notre ère. Sa grande force était de proposer des affrontements dantesques, dans lesquels des milliers de soldats se combattaient en temps réel sur nos écrans. Suivie en 2005 par une suite plus ou moins convaincante, Napoleonic Wars, la franchise Cossacks s’est éteinte petit à petit et n’est plus jamais revenue sur le devant de la scène depuis. GSC Game Worlds, petit studio ukrainien derrière tout ça, entend tout de même remettre sa série sur de bons rails en proposant un nouvel opus sobrement intitulé Cossacks 3. Attention tout de même, il ne s’agit pas ici d’un épisode inédit, mais bien d’un remake de European Wars, et même si cela fait vibrer notre fibre nostalgique, on reste plutôt déçu du résultat.
The good old days
Cossacks European Wars fut une très bonne surprise, surtout en considérant le fait qu’il était le premier jeu du studio ukrainien GSC Game Worlds, jusqu’alors totalement novice en la matière. À l’époque, le STR était totalement dominé par Blizzard et son Starcraft, Ensemble Studios avec Age of Empire ou encore par Westwoods Studios grâce à sa saga des Command & Conquer. Tous étaient de très grands jeux, mais Cossacks apportait une particularité de taille et à laquelle personne n’avait encore pensé : de grandes batailles à l’envergure épique. Le titre était le premier a proposer près de 8000 unités affichées en même temps à l’écran sans pour autant qu’il y ait de gros ralentissements, même si c’était parfois un peu brouillon. Bien entendu, on était loin de la maîtrise qu’affiche aujourd’hui la série des Total War sur ce point, mais en tant que précurseur, Cossacks faisait admirablement bien le boulot. Chose vraie aussi pour ses autres aspects comme la gestion des ressources ou des avancées technologiques, tout était calibré au poil pour offrir une très bonne expérience de jeu.
Cossacks 3 est donc un remake, plus graphique qu’autre chose, de European Wars et propose une campagne composée de cinq grands axes historiques répartis pour chacun d’eux sur cinq missions plus ou moins longues. Douze grandes nations comme la France, l’Angleterre, l’Autriche et la Prusse sont au rendez-vous et se partagent dans les différents scénarios de manière assez équitable. Comme il est de coutume, chaque pays possède des atouts de faction spécifiques. Cela se traduit par des bonus ou malus sur nos activités militaires, notre économie ou encore nos avancées technologiques. La campagne, bien que très sommaire, offre une bonne progression et est un bon tutoriel pour apprendre les fondamentaux du gameplay de Cossacks. Agréable à parcourir, elle transpire le bon parfum narratif d’il y a quinze ans, et si cela peut en rebuter certains, nous sommes tombés sous le charme. Certes, il aurait peut-être fallu un peu plus de dynamisme dans la mise en scène, mais la mayonnaise prend tout de même et on ne s’en lasse pas en attendant de nouveaux arrivant prochainement via des DLC.
Le jeu propose aussi un mode multijoueur qui fait notre bonheur avec la possibilité de faire de la coopération et/ou du compétitif jusqu’à huit joueurs, et même si de vilains bugs gênent considérablement l’expérience, on reste confiant quant à la correction future de ces quelques soucis. L’escarmouche classique contre l’IA est aussi de la partie, chose sur laquelle nous reviendrons plus tard, car gênée par une intelligence artificielle des plus déplorables. Un éditeur de map est sorti, mais incomplet, les développeurs travaillant encore dessus, il promet tout de même de belles choses. À noter aussi qu’un petit tutoriel est disponible en mode campagne.
Vieux ? Qui est vieux ?
Cossacks 3 est très old school, aussi bien par son aspect visuel, de l’interface au menu en passant par ses longs textes expliquant les objectifs de missions en campagne, que par son gameplay. Pour le premier point, on est tout de même assez déçu du travail effectué sur ce remake, tout est assez austère et peu ergonomique. Des progrès ont été faits dans ce domaine ces dernières années et il aurait été bon que Cossacks 3 les applique aussi. L’interface est minime et n’offre que très peu d’informations sur le monde alentour, aussi bien sur notre camp que sur celui de l’ennemi. Cela manque aussi de tableaux divers, comme des statistiques économiques ou militaires accessibles en fin de partie pour voir ce que l’on gère le mieux ou non et pourquoi pas aussi pour nous aider à comprendre une défaite. Niveau menuing on a le droit a quelque chose d’assez vieillot, qui se veut totalement dépassé d’un point de vue visuel et même si la navigation reste correct, une refonte graphique qui se respecte passe aussi par ce genre de petits détails et force est de constater que le travail accompli est insuffisant.
Niveau gameplay, les choses sont plus positives. Il faut s’attendre à reprendre ses vieilles habitudes d’il y a quinze ans, puisqu’un véritable retour aux sources s’opère avec Cossacks 3. Le micromanagement, le vrai, revient d’entre les morts pour nous offrir un joli récital. 140 bâtiments différents, 70 types d’unités, près de 140 technologies à rechercher, c’est plutôt complet tout ça et de longues heures à jouer les stratèges en herbe sont à prévoir. Ajoutons à cela de la véritable gestion économique via l’exploitation des ressources nécessaires à l’évolution de sa nation et on obtient un système de jeu des plus efficaces, tout en restant très classique.
Age of Cossacks
Basé sur le STR de début 2000, le but du jeu est évidemment de battre son adversaire, il faut alors apprendre à gérer chaque aspect du gameplay avec minutie, ainsi la collecte des ressources avec vos paysans est un impératif, à commencer par la nourriture et le bois. Il faut aussi miner diverses matières premières telles que l’or ou le fer, tout ceci dans le but de pouvoir construire des bâtiments pour notre ville, former des unités, et surtout faire évoluer notre civilisation à l’âge technologique suivant. Bien entendu, tout cela passe aussi par l’amélioration constante de nos champs et de nos mines pour en augmenter la productivité, mais aussi par la recherche de nouvelles technologies militaires et économiques. Le passage a un nouvel âge permet lui d’avoir accès à de nouvelles possibilités de construction, mais aussi de prendre l’ascendant sur son ennemi, car plus une armée possède un armement de pointe, plus elle est puissante. Contrôler la majorité des ressources d’une map ralentie aussi l’évolution de son opposant, et ce n’est pas une composante à prendre à la légère dans Cossacks 3, la victoire lors d’une bataille étant souvent lié a cela. Une véritable guerre des ressources s’installe alors, l’IA est d’ailleurs plutôt agressive sur ce point et ne laisse que très peu de répit dès lors que l’on souhaite prendre son temps pour explorer la map et construire sa ville comme il se doit. Des vagues d’ennemis déferlent régulièrement sur nos points stratégiques et en assurer la sécurité demande du temps et de l’abnégation. Pour nous aider, il est possible de construire murailles et autres tourelles de garde près de ces derniers, mais y placer intelligemment des soldats en faction reste la meilleure option.
Le système de jeu s’articule particulièrement autour d’une gestion économique permettant la production en masse d’unités de combat. Certes, dit comme ça, cela peut paraitre assez sommaire, mais les batailles à grande échelle étant le point culminant du jeu, il n’en est rien. Les affrontements sont souvent massifs, ici on ne voit que très peu de joutes affichant un nombre réduit d’unités, c’est au moins avec une vingtaine d’entre elles que l’on peut espérer accomplir quelque chose. Les parties se finissent souvent sur des batailles mettant en scène des milliers d’hommes, aussi bien à pied qu’à cheval que sur l’eau, et cela reste impressionnant même aujourd’hui. Reste qu’au-delà de certains problèmes techniques, une chose capitale pourtant dans ce type de jeu entache les bonnes intentions de Cossacks 3. L’IA est complètement aux fraises et se contentent d’attaquer bêtement en ne mettant jamais en place une quelconque stratégie digne de ce nom pour contrer nos attaques, on est bien loin d’un Total War de côté-ci et c’est bien dommage.
L’intelligence superficielle
L’IA, un problème de taille pour ce Cossacks 3 pourtant pétri de bonnes intentions. Elle est en un mot stupide et ne fait pas long feu face à nos assauts, et cela, peu importe le niveau de difficulté choisi. Une fois passé l’âge du XVIIIe siècle et les soldats améliorés en conséquence, il devient très dur de perdre une seule bataille que l’on soit en supériorité numérique ou non, même en essayant de le faire exprès. En face, ça n’a aucune cohésion, ça jette ses troufions dans la gueule du loup sans remord et surtout c’est désorganisé tactiquement, depuis quand voit on une ligne de mousquetons tenter d’attaquer de face et sans soldats en couverture une troupe de cavaliers à moins de deux mètres ? L’IA ne possède donc aucune notion tactique, ne place pas ses pions sur le champs de bataille en fonction des unités qui lui font face, elle attaque sans raisonnement et annihile par la même occasion tout ce qui fait le sel d’un bon STR. Oui, car une fois cela compris, mettre en place des stratégies ou accomplir différentes manœuvres pendant une bataille devient tout simplement inutile, il suffit juste d’envoyer ses packs de soldats éclater tout ce qui bouge sans se poser de questions. Le niveau zéro du jeu de stratégie en somme.
Néanmoins, l’IA peut aussi se montrer très mortelle et punitive, notamment en mode escarmouche. Nombre de parties se sont finies sur de cuisantes défaites et cela très rapidement. On ne sait pas honnêtement à quoi cela est dû. De nombreuses personnes se sont plaintes de ce phénomène sur le forum Steam du jeu, accusant même l’IA de tricher. Il s’avère en effet qu’en à peine vingt minutes de jeu, elle attaque avec de grosses unités bien badass alors que nous en sommes encore à l’apprentissage de la roue. Nous pensons tout simplement qu’elle n’est programmée que pour monter son armée et attaquée, ne comprenant aucune autre logique. Il reste cependant bizarre de la voir si technologiquement avancée au bout de si peu de temps et on espère un patch rééquilibrant les choses sous peu, car en l’état c’est presque injouable si on ne tente pas le rush. On peut alors vite vendre des ressources sur le marché pour capitaliser un maximum d’argent et donc avancer plus vite dans son développement, pour ainsi tenter de former une armée rivalisant avec celle de l’IA dès le début, mais le plaisir de jeu s’en retrouve fortement réduit et l’intérêt du mode escarmouche aussi…
La gestion du sang
C’est d’autant plus dommage que le jeu affiche une certaine homogénéité propre aux STR de son époque. Il est question de gestion, de constructions, d’exploitation de ressources, de recherches technologiques et de guerres. Un système que Cossacks 3 maîtrise et construire sa ville est un réel plaisir. Tous les bâtiments revêtent une importance capitale pour notre avancée en jeu, ceci allant de la simple maison permettant d’augmenter le nombre de citoyens que nous pouvons entraîner dans notre cité, à l’académie permettant de rechercher toutes sortes de technologies, jusqu’à la cathédrale permettant la création de prêtres guérisseurs. On retrouve assez vite ses marques et si vous êtes néophytes, la campagne, très bien fichue par ailleurs, est un merveilleux tutoriel d’apprentissage. Il est aussi toujours possible de capturer une ville ennemie en décimant les troupes qui s’y trouvent, de rester à proximité des bâtiments quelques instants et c’est dans la poche. On peut alors profiter de ses constructions, de ses ressources et ses paysans, une véritable aubaine qui offre une façon différente d’étendre son territoire que la simple construction d’un nouvel hôtel de ville.
Les bâtiments militaires, en nombres, permettent la création de nombreuses unités différentes. Il y a une certaine idée derrière cela, car chaque type de soldats possède ses forces et faiblesses propres. Ainsi, un artilleur très efficace contre les bâtiments, le sera moins contre l’infanterie, notons d’ailleurs que seuls ces derniers peuvent détruire des bâtisses avec les grenadiers. Une épée ne pouvant rien contre la pierre, il est donc très logique qu’un chevalier ne le puisse pas. De même que certains cavaliers sont puissants face à la cavalerie adverse et vulnérable aux piquiers. Il y a donc tout un écosystème très complet et les disparités entre chaque type de soldat permettent de créer une armée pouvant répondre à n’importe quelle menace. On peut aussi former des tambours et des officiers, permettant à nos bataillons d’adopter des formations, sans cela ce n’est pas possible. Les deuxièmes offrent aussi certaines améliorations d’attaque ou de défense à nos troupes sous conditions. Cependant, le nombre de formations disponibles est ridicule et vu l’IA que l’on se tape ce n’est pour le moment pas très utile, même si cela trouve son sens en multijoueur. De même que monter plusieurs bataillons différents est important, car mélanger tous les types de soldats et les envoyer ensemble au casse-pipe n’est pas forcément une bonne idée. Il faut savoir envoyer ses cavaliers au bon moment, placer ses tireurs au bon endroit, etc. Encore une fois, ce n’est pour le moment utile qu’en multijoueur.
Cossacks 3 ce n’est pas que de la bataille terrestre, puisque la marine est aussi de la partie. On peut se construire des bateaux de pêche, des navires de transports et de guerres. Une bonne chose puisque cela permet souvent de déplacer ses unités plus rapidement que sur terre et offre aussi la possibilité d’attaquer une cité par deux fronts différents en débarquant des troupes sur les berges ennemies ou en envoyant ses navires de guerre faire le ménage.
Par le chemin le plus con nous vaincrons
Il est temps de parler graphismes et là encore c’est très faible. Si le jeu n’est pas laid, il affiche un retard conséquent sur la concurrence et propose un moteur qui aurait pu voir le jour il y a dix ans de cela. Les animations des différents personnages sont réduites au strict minimum, leurs modèles 3D sont des plus simplistes et les différentes cartes ne brillent pas non plus par leurs forêts luxuriantes ou leurs prairies ensoleillées. Cossacks 3 propose un véritable retour en arrière et n’est pas à la hauteur des attentes pour un remake. Il n’y a guère que les bâtiments qui s’en sortent bien, grâce à une jolie direction artistique.
Techniquement on est pas mieux lotis. Le jeu peut se vanter de pouvoir afficher maintenant 16 000 unités en simultané, plus que Europen Wars. Mais cela a un prix des plus désagréables vu que le framerate se montre alors extrêmement balbutiant. Les soldats connaissent quelques errements les empêchant parfois d’attaquer ou de se déplacer convenablement, l’officier ne peut ordonner une formation, le jeu crash souvent pour d’obscures raisons, les paysans se laissent tuer sans réagir – où est donc cette cloche permettant de tous les rapatrier à l’hôtel de ville lors d’une attaque ? -, voilà quelques autres bugs présents dans Cossacks 3. Même certains succès Steam le sont, c’est dire l’ampleur du travail qu’il reste à accomplir sur le titre pour qu’il devienne satisfaisant. De nombreuses fois, il nous a aussi fallu recommencer une mission en campagne, car notre progression était bloquée avec un objectif qui ne se validait pas ou qui n’apparaissait pas. Pour vous faire une idée, allez jeter un œil sur le forum Steam du jeu, les topics fleurissent… Beaucoup de patchs sont sortis depuis le lancement, mais il subsiste encore trop de problèmes parasitant l’expérience de jeu, le plus gros étant surement le pathfinding.
Totalement raté, les personnages, alliés ou ennemis, semblent se déplacer de la manière la plus absurde possible sur la carte. Un seul arbre sur votre chemin et c’est toute la formation de votre armée qui fond comme neige au soleil. On assiste alors a de belles choses, l’homme qui tourne autour des arbres en cherchant son chemin, votre bataillon qui se sépare complètement pour contourner une colline par la droite et par la gauche en même temps ou encore le paysan qui se perd en apportant les ressources collectées à l’hôtel de ville le plus proche… On grossit peut-être un tout petit peu la chose, mais le spectacle offert est assez déplorable, surtout que ce problème de pathfinding défectueux était déjà présent sur European Wars. Un véritable calvaire qui nuit aussi bien au solo qu’au multijoueur.
Verdict
Vous l’aurez compris, Cossacks 3 n’arrive pas à répondre aux espoirs placés en lui dans de nombreux domaines. Bugs, freezes, crashs, IA à l’ouest, graphiquement en retard et pathfinding à la ramasse, il n’y a pas grand-chose à sauver. Néanmoins, on lui reconnait un certain charme old school, notamment grâce à son système de jeu rodé, à sa campagne bien ficelée et agréable à parcourir, ainsi qu’à ses affrontements, certes assez brouillons, mais épiques. Le mode multijoueur reste une valeur sûre dès lors que les bugs ne s’invitent pas à la partie et l’éditeur de map promet de belles choses pour le futur. On apprécie aussi le fait que les développeurs ouvrent leur jeu au modding et nous ne pouvons qu’encourager GSC Game Worlds a continuer de proposer des patchs corrigeant le tir. En attendant, il ne sert pour le moment à rien de se tourner vers Cossacks 3 et il est préférable d’attendre de voir comment les choses évoluent dans le futur. S’il grappille tout juste la moyenne, il existe bien mieux aujourd’hui dans le genre et cela lui est très préjudiciable.
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