Après avoir livré Alan Wake et Quantum Break pour le compte de Microsoft, Remedy revient aux jeux multiplateformes avec Control. Dévoilé l’année dernière lors de l’E3, le nouveau bébé des créateurs de Max Payne et des franchises précédemment citées a de quoi intriguer : univers aussi étrange que malsain, pouvoirs et armes à feu exceptionnels, une héroïne fort mystérieuse… tout cela devrait suffire à faire un délicieux cocktail vidéoludique, du moins en théorie. Remedy a-t-il su garder le contrôle durant le développement de Control ou est-ce que sa nouvelle création mérite-t-elle de repasser le contrôle technique ? Trêve de jeux de mots douteux, plongeons dans un test rempli de choses épatantes et, parfois, désagréables, pour le meilleur et pour le pire.
Test réalisé sur PlayStation 4 à partir d’une version numérique fournie par l’éditeur
Out of Control
Control nous met dans la peau de Jesse Faden, une femme à la recherche de réponses et, surtout, de son frère, Dylan, disparu depuis de nombreuses années. Au fil du temps, elle trouve enfin l’endroit qui devrait résoudre les énigmes de son passé : le Bureau Fédéral du Contrôle, à New York. Cet établissement abrite de nombreux phénomènes paranormaux qui ont pris une tournure horrifique depuis que le Hiss, entité maléfique surnaturelle, a envahi les locaux et contaminé tout ce qui se trouvait sur son passage, éléments du décor comme employés. Suite à d’étranges circonstances, Jesse se voit devenir Directrice du Bureau, sans même passer d’entretien. Si la situation peut sembler parfaite pour toute personne qui désire un emploi stable ainsi que le pouvoir, il n’en est rien pour Jesse qui doit faire face à un danger mortel tout en élucidant les mystères du Bureau.
L’histoire de Control prend une place majeure dans l’expérience concoctée par Remedy et c’est une bonne chose car elle est vraiment de qualité. Si l’on aurait aimé une mise en scène un peu plus poussée, les rares cinématiques vraiment travaillées n’étant pas très nombreuses, les dialogues et les différents événements sont passionnants à suivre, dans le pur style Remedy. Les personnages, Jesse en tête de liste, sont attachants et on aime les entendre parler avec une certaine nonchalance de ce qui leur arrive, malgré de nombreuses morts et une horreur omniprésente. Les différents membres du Bureau sont tout à fait à leur place, parfois aussi énigmatiques que les éléments surnaturels chamboulant les lieux. Sans entrer dans les détails, Control sait poser une ambiance et un suspense qui motivent à aller jusqu’au bout de l’aventure, ce qui tombe bien car elle est aussi plaisante à regarder qu’à jouer.
I’ve got the power
L’un des points forts de Control, c’est son gameplay varié et fichtrement bien pensé. Le jeu de Remedy devrait ravir les amateurs de Metroidvania, Control en étant un. Explication pour ceux qui ne connaissent pas trop le genre : Metroidvania est le terme décrivant les jeux s’inspirant de Metroid et Castlevania dans leur progression. Ainsi, une grande importance est accordée à l’exploration et un sentiment de montée en puissance omniprésent. À ce jeu, Control se débrouille comme un chef, l’exploration étant primordiale et amusante. On a donc un monde constituée de plusieurs zones plus ou moins grandes qui sont interconnectées, avec des lieux qui se débloquent au fur et à mesure tout en obtenant des points de contrôle. Dans certaines salles, il y a des portes bloquées ou des endroits inaccessibles, on peut y revenir plus tard avec une carte d’accès ou un pouvoir permettant de se rendre là où on ne pouvait par le passé. De plus, il est essentiel de bien fouiller tous les recoins, afin d’obtenir des documents – textes, enregistrements vocaux et vidéos – liés à l’histoire ainsi que des améliorations pour Jesse, comme dans tout bon Metroidvania qui se respecte. Avec le temps, Jesse peut améliorer sa santé, énergie, customiser ses armes avec de nombreux changements possibles et on a accès à un arbre de talents à compléter via des points de compétence qu’on obtient en effectuant les missions principales et secondaires. Oui, il y a bien des missions secondaires dans Control et on peut les effectuer dès que bon nous semble. Ces missions sont plutôt importantes car en plus de fournir des récompenses essentielles à la progression, elles permettent d’en découvrir plus sur les événements de Control, elles se veulent donc de qualité, presque autant que les missions principales. Pour ce qui est du level design, on sent que Remedy s’est beaucoup penché sur la question, puisqu’on a vraiment l’impression de progresser dans un monde crédible, malgré ce qu’on peut croiser au fil de l’aventure. Même si quelques zones se ressemblent un peu au niveau de l’architecture, ce qui peut perdre le joueur par moments, on repère assez facilement là où on doit aller, surtout que la carte du jeu est pratique et que les zones principales sont toujours indiquées par des panneaux (en anglais mais une traduction française apparaît en pointant le viseur dessus). En faisant la trame principale et en prenant le temps de faire quelques missions secondaires tout en explorant à un rythme plus ou moins calme, on passe facilement plus de 15-20 heures sur l’aventure de Remedy, une durée de vie de très bonne facture pour un titre de ce genre.
Outre le level design limite parfait, Control possède des mécanismes de jeu redoutables. Si vous pensez que ce n’est qu’un simple jeu de tir à la troisième personne, détrompez-vous, il va bien au delà de cela. En effet, grâce aux pouvoirs télékinétiques de Jesse, on a de nombreuses manières de combattre et progresser dans le jeu. Bien sûr, on ne va pas tout vous citer, ce serait gâcher le plaisir mais dans le lot, sachez que vous pouvez faire léviter et propulser divers objets à toute vitesse (attraper un missile en plein vol et le renvoyer à un ennemi procure vraiment beaucoup de fun), construire un bouclier avec divers débris et éléments à votre portée, contrôler de petits adversaires durant un temps limité… On débloque les pouvoirs au fil du temps, ce qui participe au sentiment de montée en puissance et renouvelle sans arrêt l’expérience de jeu, un très bon point. Les différents pouvoirs sont faciles à utiliser, très agréables à effectuer et ils ne brisent aucunement la difficulté du jeu, les ennemis se montrant fort redoutables malgré tout ce qu’on peut leur faire. En outre, on a parfois des petites énigmes à effectuer à l’aide des pouvoirs ou de la simple logique. Plutôt simples, elles ne devraient pas poser de soucis particuliers et aident à varier un peu plus l’expérience. Enfin, Jesse peut sprinter sans perdre d’endurance et grimper avec aisance, elle se déplace de manière souple et intuitive.
En plus de ses pouvoirs, Jesse possède une arme à feu spéciale, capable de prendre diverses formes et de se recharger à l’infini. De ce côté, oui, ça ressemble à un TPS classique, surtout que les différentes formes de l’arme ne font que de s’inspirer d’armes réelles (arme à canon court, sniper, etc.) mais les sensations de tir sont plutôt bonnes grâce à des contrôles répondant au doigt et à l’œil d’entrée de jeu, nul besoin de passer un temps fou dans les options pour obtenir un résultat convenable. Les ennemis sont plus ou moins sensibles selon là où on tire, la tête étant évidemment le point faible. Pour ceux qui ne sont pas à l’aise avec les jeux de tir, sachez qu’une aide à la visée est disponible et elle facilite bien la tâche sans toutefois faire tout le boulot. Si Control ne réinvente en rien les jeux de tir en ce qui concerne la pure partie TPS, il en utilise les différents éléments à merveille, surtout que les différents ennemis se veulent aussi variés que dangereux. Au départ, on a affaire à de simples gardes maléfiques tirant avec des armes à feu mais plus le temps passe, plus les ennemis se révèlent violents et imprévisibles. Kamikazes explosant dès qu’on est trop prêt, êtres pouvant envoyer des rochers et autres débris sur Jesse, adversaires sans forme particulière à fuir comme la peste car invincibles, boss qui donnent du fil à retordre… Là aussi, la variété est au rendez-vous et la difficulté est plutôt bien calibrée (à ce sujet, le jeu ne propose aucun mode de difficulté, invitant ainsi les joueurs à progresser par leurs propres moyens dans le jeu, ne négligez donc pas l’exploration et les quêtes annexes !), offrant des combats aussi prenants que le reste. Enfin, quand la technique n’interfère pas trop.
Mad World
Dans un titre comme Control qui mise une bonne partie de l’immersion sur l’ambiance, les graphismes et la technique se doivent d’être en bonne forme. Malheureusement, tout n’est pas parfait de ce côté-là : en effet, sur la simple PlayStation 4, le titre de Remedy subit de nombreux ralentissements, que ce soit durant les combats ou en dehors. Même l’ouverture de la carte peut en provoquer (par exemple, les zones ne s’affichent pas tout de suite, juste les noms), chaque nouveau chapitre est ponctué par un freeze assez perturbant et lorsque les affrontements sont chaotiques, avec des dizaines de débris et de tirs partout dans les airs, le jeu peut alors descendre à moins de 20 images par seconde, ce qui pose de sérieux soucis par moments. Bien qu’ils ne soient pas non plus trop fréquents, ils sont tout de même assez présents pour être signalés et c’est dommage car le reste du jeu se montre digne de cette génération de consoles. Si les couleurs peuvent paraître un peu fades par endroits, Control met en avant un univers et une ambiance qui scotchent dès le premier regard. La direction artistique, combinant réalisme et surréalisme, plongent le joueur dans un monde où les différents éléments quotidien prennent une toute autre tournure. Le Bureau Fédéral du Contrôle est tout sauf un bureau normal, malgré son apparence de base froide et austère. Le Hiss contamine autant les personnes que les lieux, leur donnant parfois une allure improbable en réalité. De plus, certaines salles sont liées à d’autres dimensions et offrent des vues à couper le souffle, d’autant que Control propose des graphismes dignes de ce nom. Les modélisations, effets de lumière et textures sont plus qu’honorables et offrent de nombreux moments de contemplation. On note même la présence d’extraits vidéos en prises de vue réelles, avec des acteurs en chair et en os pour renforcer le sentiment que Control n’est pas si éloigné de la réalité. Malgré tout, certains décors se répètent un peu, pouvant occasionner quelques moments répétitifs. Enfin, les animations sont tout aussi réussies, surtout quand on voit certains ennemis s’avancer de manière inquiétante vers nous, frissons garantis. Seuls défauts mineurs : des ombres qui laissent parfois un peu à désirer, légèrement pixelisées, des synchronisations labiales pas toujours au point et des textures qui mettent parfois du temps à s’afficher en haute résolution mais contrairement aux ralentissements, cela ne gâche en rien le plaisir, pas trop du moins. Enfin, il faut signaler que Control n’est pas un jeu déconseillé aux moins de 18 ans pour rien, beaucoup de sang, de personnes mortes flottant dans les airs, de cadavres déchiquetés et autres joyeusetés du genre sont présentes, à ne pas mettre entre toutes les mains donc.
L’autre point fort technique de Control, c’est son moteur physique. Avec la possibilité de faire léviter des choses et se servir de l’environnement pour créer un bouclier, entre autres, la physique se doit d’être au point et Remedy a vraiment assuré de ce côté-là. Pratiquement tout peut être bougé ou détruit dans Control, changeant drastiquement l’allure de certains endroits suite à des affrontements chaotiques. Les sols se voient fissurer, les verres explosent en mille morceaux, les tables et les murs se cassent de manière réaliste, etc. Pas étonnant que la PlayStation 4 de base ait des difficultés par moments ! Bien que cette génération ait offert des jeux fortement jolis, la physique reste un point à améliorer dans de nombreuses productions afin d’immerger davantage les joueurs et Control le démontre bien, offrant une belle leçon dans l’interactivité avec les décors. Pour ce qui est de la bande-sonore, Remedy a effectué du bon travail une fois de plus. En dehors des musiques des combats, qui ne sont pas toujours marquantes et même parfois irritantes à cause de sons aussi stridents qu’étranges (ça a au moins le mérite de participer à l’ambiance du jeu et de donner un petit coup de stress), Control sait marquer les esprits avec ses bruitages dérangeants. Couloirs infectés de murmures et de bruits angoissants, musiques qui peuvent faire froid dans le dos, tout est fait pour que le joueur reste constamment sur ses gardes et ne sente pas à l’aise. Remedy a également de nouveau fait appel aux musiciens de Poets of the Fall, avec la présence d’un de ses derniers morceaux dans le jeu ainsi que d’une surprise pour les fans du groupe. Du côté des voix, on a joué en anglais et les différents acteurs se sont largement impliqués dans leurs rôles, offrant des interprétations de très bonne facture, à 1 ou 2 exceptions près, les personnages mineurs notamment mais ce n’est aucunement dérangeant, faisant de Control une expérience globalement fort réussie.
Verdict : 8/10
Remedy signe avec Control l’un des meilleurs jeux de 2019, à n’en point douter. Doté d’une ambiance savoureuse, d’un gameplay addictif et d’un rendu tout à fait satisfaisant, il captive du début jusqu’à la fin. Difficile de poser la manette pour arrêter d’y jouer tant l’on a envie de découvrir le fin mot de l’histoire et explorer les moindres recoins du Bureau Fédéral du Contrôle. Malheureusement, il lui manque encore un peu de peaufinage pour convaincre pleinement, notamment en ce qui concerne la mise en scène et la partie technique, les ralentissements en tête de liste. C’est dommage car Control transpire le talent et l’ambition, avec davantage de temps, on aurait pu obtenir un possible classique. En l’état, il reste tout de même un très bon titre à ne pas manquer, pour peu que l’étrange vous attire.
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